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m D. H. HILL LIBM?y
NORTW C/GOLirM ST4TE COLLEGE
ENTOMOL06IG4L COLLECTION
This book may be kept out TWO WEEKS
ONLY, and is subject to a fine of FIVE
CENTS a day thereafter. It is due on the
day indicated below:
50M— May-54— Form 3
LES
INSECTES DE LA VIGNE
Tous droits de Traduction réservés.
MONTPELLIER. — TYfOGHAFHJE ET LITHOGUAI IUK CHAULES BOEHM
/UyO^lA**^
BIBLIOTHÈQUE DU PROGRÈS iGRICOLEK
LES
INSECTES
DE LA VIGNE
L'Ait
VALÉRY MAYET
PROFESSEUR DE ZOOLOGIE GÉNÉRALE ET d' ENTOMOLOGIE A L'ÉCOLE NATIONALE
d'aGKICDLTURE DE MONTPELLIER, SOUS-DIRECTEUR DE LA STATION SÉRICICOLE,
DÉLÉGUÉ DE l' ACADÉMIE DES SCIENCES,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ ENTOMOLOGIQUE DE FRANCE,
DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES ET LETTRES DE MONTPELLIER,
DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE d' AGRICULTURE DE l'hÉRAULT, ETC.
Avec 5 Planches dont 4 en Chromo et SO Figures dans le Texte.
MONTPELLIER
CAMILLE GOULET, LIBRAIRE-ÉDITEUR
LIBRAIRE DE La BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE, DE L'ÉCOLE NATIONALE
d'agriculture et de l'académie des sciences et lettres,
grand'rue, 5.
PARIS
GEORGES MASSON, LIBRAIRE-ÉDITEUR
LIBRAIRIE DE LACADÉMIE DE MÉDECINE.
120, Boulevard Saint-Germain (en face l'Ecole de Médecine)
1890
Digitized by the Internet Archive
in 2009 with funding from
NCSU Libraries
http://www.archive.org/details/lesinsectesdelavOOmaye
A MON FRÈRE AINE
ALBIN MAYET
Hommage affectueux.
VALERY MAYET.
INTRODUCTION.
La liste des parasites, animaux ou végétaux, qui s'attaquent ;i
nos récoltes augmente d'année en année. Par leur histoire mieux
connue, leur développement mieux étudié et aussi par ses applica-
tions empruntées à la chimie et à la physique, la science semble-
rait, au premier abord, devoir en diminuer le nombre ; il n'en est
rien cependant. Si la quantité des individus décroît beaucoup dans
certains cas, celle des espèces s'accroît sensiblement.
Depuis un demi-siècle, la facilité de plus en plus grande des
communications ', la tendance des agriculteurs à se borner h une
même culture dans un milieu approprié, permettent l'acclimatation
de nombreux types étrangers et leur diffusion rapide.
Il y a une vingtaine d'années que nous nous occupons de cette
question au point de vue entomologique. Différentes études pu-
bliées déjà par nous sur les insectes qui attaquent la vigne, la cul-
ture française par excellence, divers documents recueillis et encore
inédits, nous ont engagé à donner aujourd'hui une revision de ce
qui a été écrit et observé sur les Insectes ampélophages2.
Nous n'avons pas la prétention d'avoir réuni tous les documents :
le sujet est trop vaste ! Chaque année, en France et à l'Étranger,
se publient des travaux, de tous les pays vignobles nous viennent
1 On ne met aujourd'hui que 7 à 8 jours pour aller du Havre à New-York et
G à 7 seulement si l'on part de Liverpool. Voici, comme temps, le chiffre officiel
des traversées récentes les plus rapides opérées par les navires de la Compagnie
transatlantique: du Havre à New-York, paquebot la Bourgogne, 7 jours 13 heures ;
la Champagne, 7 jours 20 heures-, de New-York au Havre, la Bourgogne, 7 jours
14 heures, la Champagne, 7 jours 20 heures. L'Oricnl-Exprcss a mis Constan-
tinople à 4 jours de Paris, et les chemins de fer établis par les Russes dans l'Asie
centrale réduiront prochainement à 10 ou 12 jours le voyage de Paris aux Indes.
2 Arnpélophage, de y.pnù.'}; vigne, et tpKyuv manger.
VI INTRODUCTION.
des communications nouvelles et intéressantes, et, s'il nous est
donné de publier une seconde édition, elle sera certainement plus
complète que la première.
Comme toute œuvre qui n'est pas parfaite, celle-ci fera naître
des critiques, provoquera des observations dont nous profiterons
avec empressement, en vue de cette seconde édition.
Tout en donnant des détails techniques, nous tâcherons de res-
te r clair et pratique, citant les étymologies, expliquant les obscu-
rités, évitant les formules, nous mettant, en un mot, à la portée du
plus grand nombre.
Donner un historique succinct complété par une note bibliogra-
phique, décrire l'insecte, ses métamorphoses, ses mœurs, ses ra-
vages, indiquer les moyens de lutte : tel est le plan de notre travail.
Qu'est-ce qu'un insecte? Pour bien des gens, c'est un petit ani-
mal quelconque, et tout petit animal peut être appelé insecte. De-
puis Réaumur, qui volontiers parlait ainsi, la science a marché. A
ce groupe des Insectes que les naturalistes appellent une classe,
nous ne laisserons pas même l'extension que lui donnait Linné,
et avec les entomologistes modernes nous ne comprendrons sous
ce nom que les animaux Articulés ou Arthropodes ayant six
pieds, jamais plus, jamais moins, ayant d'ordinaire quatre ailes,
subissant des métamorphoses, ne grossissant pas à Vétat parfait,
mourant aussitôt lacté de la reproduction accompli.
Laissant donc de côté les Mollusques, escargots ou autres, qui
al laquent les jeunes pousses, ne parlant pas davantage des An-
guillules des racines ', qui sont des Vers, nous ne ferons excep-
tion à notre règle que pour les Acariens produisant la maladie
des feuilles appelée Érinose, qui sont des Arachnides ou Articulés
à huit pieds et que les entomologistes de tous les pays compren-
nent dans leurs études.
-A Les naturalistes ont divisé la classe des Insectes en sept grou-
1 Anguillula radicicola Greef. Voir au sujet de ce petit Ver Nematoïde, trouvé
à Montpellier par M. Ravaz, produisant des renflements comparables à ceux du
Phylloxéra et qui, à ce titre, nous intéresse : Max. Cornu ; Élude sur le Phyl-
loxéra vastatrix, pag. 172 (imprimerie nationale, 1878). — Bellati et Saccardo ;
Alti dcl R. Instituto Veneto di Scienze, Letterc e Arti, 1881. — F. de Almedia e
Brito ; Le Phylloxéra cl autres épiphyties de la vigne en Portugal. Lisbonne,
1884, pag. 27. — Prof. Ottavio Ottavi ; Viticoltura teoricopratica. Casale, 1885,
pag. 888. — Foëx ; Cours complet de viticulture. Montpellier, 1888, pag. 520.
INTRODUCTION.
VU
pes. qu'ils ont appelés des ordres. Ces divisions étant basées sur la
conformation de la bouche, le nombre et la forme des ailes, nous
avons pu dresser le petit tableau suivant, destiné à montrer les
affinités des différents ordres entre eux :
A.PPABEIL
lilCCAL
Ailes
Ordres
Types
2 ailes supérieures développées ; les (
inférieures réduites à des balan- i Diptères '.
n.iftre
Suceur.
4 ailes
Les supérieures, souvent
1/2 solides, 1 /2 membra-
neuses-, les inférieures,
membraneuses.
Hémiptères.
on
w
H
I Recouvertes d'écaillé? bril
F lantes et colorées, imbri
quées comme
1 d'un toit.
4 ailes membraneuses et réticulées
Broyeur.
4 ailes, les supérieures parchemi-
nées, les inférieures pliées en
éventail
K Sri i Lôp|d0Ptôres-
Névroptères.
Orthoptères.
4 ailes, les supérieures solides, ap-
pelées élytres, servant d'étui aux
inférieures, qui sont membraneuses
et pliées transversalement.
Lécheur. 4 ailes membraneuses transparentes.
Coléoptères.
Hyménoptères
Cécidomie
Phylloxéra
Pyrale
Termite
Criquet
Altise
Guêpe
Appareil buccal suceur, broyeur, lécheur : ceci demande une
explication ! Sans donner une description complète de la bouche
des insectes, nous devons entrer dans quelques détails, inutiles
peut-être à la plupart de nos lecteurs, mais qui rendront quel-
ques services à ceux qui ont écrit que la vigne succombait sous
la dent du Phylloxéra.
Les parties de la bouche des insectes étudiées chez un animal
1 Les étymologies de ces noms d'ordres sont les suivantes : Diptères, deôc's
deux, nrepôt aile ; Hémiptères, de -/jpuau; demi ; Lépidoptèras, de ïzni; écaille ;
Névroptères, de vêûpov nervure ; Orthoptères, de ofâç droit ; Coléoptères, de xo).eôî
étui ; Hyménoptères, de û^v membrane.
VIII INTRODUCTION*.
broyeur, le Criquet par exemple, se composent dune lèvre supé-
rieure, d'une lèvre inférieure, d'une paire de mandibules appelées
vulgairement pinces, placées latéralement au-dessous de la lèvre
supérieure, et d'une paire de mâchoires situées au-dessous des
mandibules. Celles-ci sont destinées à saisir, à couper la feuille ;
les mâchoires, à la mâcher et à la pousser dans l'œsophage.
La position latérale des mandibules et des mâchoires indique
que leurs mouvements s'exécutent horizontalement et non vertica-
lement, comme chez les animaux supérieurs. Cette bouche, que
nous appellerons normale, se modifie profondément chez les insec-
tes appelés à lécher ou à sucer. La bouche d'un insecte suceur, le
Phylloxéra par exemple, nous servira de type pour montrer une
de ces adaptations particulières qui permettent cependant de re-
trouver toutes les parties constitutives delà bouche normale.
Chez le Phylloxéra, comme chez tous les Hémiptères, du reste,
la lèvre supérieure est atrophiée, la lèvre inférieure est au con-
traire longue et transformée en gaîne articulée, pouvant s'allon-
ger ou se raccourcir comme une lunette d'approche. Cette gaîne
sert d'étui protecteur à quatre stylets solides, dont deux sont sou-
dés ensemble, entre lesquels se trouve l'ouverture buccale ; ils
constituent l'appareil perforant et ne sont que les mandibules et
les mâchoires modifiées.
Fidèle à notre habitude, qui est de procéder du simple au com-
posé, nous avons mis en première ligne sur notre tableau les Dip-
tères, considérés comme insectes inférieurs, et nous terminons par
les Hyménoptères, qui peuvent être appelés insectes supérieurs.
Les insectes, avons-nous dit, subissent des métamorphoses ;
on nomme ainsi des changements de formes qui d'un œuf font une
larve (chenille), d'une larve une nymphe (chrysalide), d'une nym-
phe un insecte parfait, apte à se reproduire. Tous les insectes
passent par ces quatre états; mais il y a parfois simplification.
Dans ce cas, l'animal sort de l'œuf avec sa forme définitive ou à
peu près ; les métamorphoses se réduisent à de simples mues et le
passage d'une forme à l'autre est peu sensible (blattes, sauterelles,
punaises, etc.) Parfois, au contraire, le phénomène se complique.
Certains Insectes passent par plusieurs formes larvaires, dans le
détail desquelles nous n'avons pas à entrer ici (Insectes vésicants) ;
ou bien encore, pendant la série des générations, divers états par-
faits apparaissent. Les uns, appelés formes agames, se multiplient
INTRODUCTION. IX
sans fécondation apparente, autrement dit par parthénogenèse ',
et la forme sexuée, pondant des œufs normalement fécondés, n'ap-
paraît qu'à un moment donné (cynips, pucerons, phylloxéra, etc.).
La larve, au point de vue agricole, est bien plus importante que
l'insecte parfait. Ce dernier n'est généralement destiné qu'à assu-
rer la perpétuité de la race. C'est sous la forme embryonnaire,
qu'on appelle larve, que l'insecte accomplit le plus souvent le man-
dat qui lui a été tracé. Que sont en effet les vingt ou trente jours
de forme parfaite pour les deux cigales américaines observées
par M. Riley aux environs de Saint-Louis (Missouri) ? L'une, la
Cicada tredecim, passe sous terre, suçant les racines, treize ans
à l'état larvaire; l'autre, la Cicada septemdecim, dix-sept ans dans
le même état. La larve est une forme embryonnaire, si l'on veut,
mais un embryon qui vit plus longtemps que l'animal parfait ; qui
marche, broute, taille, perfore, suce, détruit en un mot, non seu-
lement pour se nourrir sur le moment, mais pour emmagasiner des
réserves physiologiques qui lui permettent de vivre, sans manger,
à l'état de nymphe et même d'insecte parfait. La Pyrale, qui, à une
époque, amis en question l'existence même de la vigne, sort de la
chrysalide, s'accouple et meurt sans avoir mangé; il en est de
même de la Cochylis et d'un grand nombre d'autres insectes.
De tous les végétaux cultivés, la vigne est certainement celui
qui aie plus d'ennemis. Elle a non seulement les parasites qui lui
sont particuliers, mais aussi ceux d'un grand nombre de végétaux
sauvages et cultivés. Quand nous semons du blé ou de la luzerne,
nous savons que l'une ou l'autre de ces cultures risquent fort
d'être attaquées par les insectes ; mais nous sommes certains que
les parasites du blé n'attaqueront pas la luzerne, et vice versa.
Pourquoi cette exception au détriment d'une de nos principales
cultures ? C'est ce que je vais tâcher d'expliquer.
Nous avons fait de la vigne un végétal essentiellement favora-
ble au développement des insectes. Soit par le semis, soit par l'hy-
bridation, pour l'obtention de variétés nouvelles, soit par la greffe,
nous avons profondément modifié sa constitution, ses tissus, ses
organes végétatifs et ses fruits, l'éloignant ainsi de plus en plus
du type sauvage, bien mieux armé pour la résistance. Chaque an-
' Agame, de « sans, et '/ipo; mariage ; parthénogenèse, de nx^ivo; vierge, et
'/£v£7t; génération.
X INTRODUCTION.
née, la vigne est taillée, fumée, labourée, irriguée, et même sub-
mergée. En lui donnant de l'eau, en la fumant, nous lui faisons
pousser de gros bourgeons remplis de sève sucrée, portant des
feuilles également riches en sucre, comme toutes celles des végé-
taux en voie de développement rapide '. Les tissus ne renferment
ni huiles essentielles, ni alcaloïdes, ni acides en excès dont l'odeur
ou la saveur puisse écarter les insectes étrangers au végétal. La
feuille est très aqueuse, très peu lignifiée; le tissu en palissade
sous-épidermique n'a qu'une seule couche, le tissu lacuneux l'est
fortement; la feuille, en un mot, est très tendre. Le fait de cette pré-
férence malheureuse accordée à la vigne parles insectes polyphages
est ce que le Dr Laboulbène (Comptes rendus Acad. des Se, mai
1888) a très bien appelé V adaptation d'un parasite à un hâte plus
favorable ou meilleur.
De plus, en labourant ou en piochant trois ou quatre fois dans
l'année, nous fournissons un abri assuré et d'un accès facile à
tous les insectes (et ils sont nombreux) dont les métamorphoses
s'opèrent dans le sol. A ces conditions, si propres déjà à attirer et
à multiplier les parasites, nous en ajoutons d'autres : nous faisons
souvent de la vigne notre culture exclusive, nous arrachons les
bois, les haies, les arbres isolés, les plantes basses qui poussent
entre les souches. Nous forçons ainsi certains insectes qui sont
polyphages 2 à se réfugier sur la vigne.
En ce qui concerne ces usages viticoles, sur lesquels nous revien-
drons, usages qui d'insectes inoffensifs font parfois des ampélo-
phages dangereux, il est a propos, croyons-nous, de mentionner
ici une des observations intéressantes faites par nous à ce sujet.
Nous nous sommes assuré de la présence d'une grande quan-
tité de sucre (glucose) dans les jeunes pousses de la vigne, au
moyen du réactif ordinaire, la liqueur de Fehling (tartrate cupro-
potassique). Ces recherches ont été faites au laboratoire de bota-
nique de la Faculté des Sciences de Montpellier. Après ébullition,
le cuivre, réduit par le glucose, est, comme on le sait, précipité à
l'état d'oxyde de cuivre sous forme de granulations amorphes de
1 Les accumulations de substances sucrées se forment chez les plantes dans
le voisinage des régions qui doivent pren Ire ultérieurement un développement
spécial (ovaire) ou près des organes en voie de développement (bourgeon).
(G. Bonnier; Les Nectaires. Ann. des Se. nat , Bot., Ge série 1379, pag. 202.)
2 Polyphage, de nolxjç nombreux, et yaysïv manger.
INTRODUCTION'. Xt
couleur rouge. La réaction, très faible avec les feuilles adultes, a
été au contraire très accentuée avec des tiges et des jeunes feuilles,
aussi accentuée qu'avec des coupes pratiquées dans un nectaire
de rose ou des bases de pétales de la même fleur.
Nous tenions à établir ce point de comparaison, car, à plusieurs
reprises depuis trois ans, nous avons reçu de Provence, d'Algérie,
de Corse et de l'île de Négrepont (Grèce) des cétoines envoyées
comme insectes ampélophages et exerçant, dès la fin de mars, de
très grands ravages sur les bourgeons. Ces Coléoptères, dont le
type connu de tous est la Cétoine dorée, si commune sur les roses,
passent pour vivre exclusivement sur les fleurs des Rosacées, des
Crucifères, etc., broutant les parties riches en sucre. Les espèces
envoyées comme ampélophages sont les Cetonia hirtella et stictici ;
la première est commune tout autour de la Méditerranée. A défaut
de fleurs à leur convenance, multipliés peut-être par les fumures
(les larves de cétoines vivent de détritus), ces insectes se sont
abattus sur de jeunes pousses de vignes leur offrant, comme com-
position chimique, une certaine analogie aVec leur nourriture ha-
bituelle. Déjà, au siècle dernier, le fait avait été signalé par un
naturaliste d'outre-Rhin, Gmelin, qui avait rencontré abondam-
ment la C. hirtella sur la vigne au bord du Volga '.
Nous avons personnellement fait sur cette même espèce une
observation, intéressante en ce qu'elle prouve que certaines
cétoines vont chercher leur nourriture sucrée partout où elles
peuvent la trouver. Dans un voyage récent dans le Sahara tuni-
sien, il nous est arrivé plusieurs fois de trouver sous les déjec-
tions de nos chevaux des C. hirtella occupées à manger des grains
d'orge dont sans doute l'amidon avait été en partie changé en
sucre par la digestion. Vivant dans des pays où il n'y a ni fleurs
ni feuilles tendres à brouter, ces insectes, toujours floricoles en
France, deviennent coprophages 2 dans le désert, comme ailleurs
ils deviennent ampélophages.
Nous pourrions multiplier ces exemples à'ampélophagie acci-
dentelle ; mais ici un seul suffit pour que nous ayons été compris
du lecteur. Nous aurons du reste l'occasion de revenir sur ce
sujet.
En ce qui concerne l'envahissement extraordinaire des vignes,
' Gmelin ; Systema nalurx Linnœi, editio XIII, 1788.
1 Copropliage, de v.onf>o; tiente, et çpayîîv manger.
XII INTRODUCTION.
disons enfin que l'étendue elle-même de nos champs est une con-
dition très défavorable au végétal. Quand les immenses vigno-
bles qu'on appelle la Bourgogne, le Bordelais ou le Languedoc
sont attaqués à l'une de leurs extrémités, il n'y a pas de raison
pour que le fléau, de proche en proche, n'envahisse tout le pays.
Nous en avons fait la triste expérience avec le Phylloxéra. Telles
sont les causes multiples qui, selon nous, attirent sur la vigne un
si grand nombre de parasites.
Est-ce à dire pour cela qu'il faille cesser de tailler, de greffer,
de fumer, de biner, etc. ? Loin de moi cette pensée, et ceux qui
conseillaient comme remède contre le Phylloxéra de laisser
pousser la vigne à son gré, de tasser la terre au lieu de la piocher,
n'étaient pas, à coup sûr, des agriculteurs pratiques. Il y en a
même qui ont été jusqu'à conseiller de paver le sol entre les sou-
ches. Tout cela doit être relégué dans le domaine de la fantaisie, et
l'on continuera toujours à tailler, à greffer, à fumer, à labourer, à
cultiver des plants délicats, parce que les avantages de ces divers
procédés de culture sont plus grands que leurs inconvénients. J'ai
tenu seulement à signaler ces inconvénients, parce qu'ils sont
ignorés de bien des gens qui ne cessent de s'étonner de la quan-
tité des ennemis de la vigne. Le nombre des espèces exclusive-
ment ampélophages est, en somme, minime et peut être évalué à
une dizaine ; celui des ampélophages de circonstance est plus que
décuple, comme on le verra plus loin.
D'une manière générale et comme conclusion de ce qui précède,
nous dirons que la loi du parasitisme est une loi bienfaisante tant
qu'elle reste dans les limites tracées par la nature, elle maintient
l'équilibre des espèces, dont telle ou telle tendrait à supplanter les
autres ; mais dès que, pour une raison quelconque, nous diminuons
la résistance de l'une d'elles, l'équilibre est rompu. Nous avons
alors à lutter aux lieu et place de cette espèce affaiblie et désarmée1.
Citons un exemple qui, pour nous, est typique. Certains coteaux
1 M. le professeur Marion (Revue générale d'Agriculture et de Viticulture
méridionale, 20 mai 1888, pag. 6) dit de son côté : « Il faut bien comprendre que
les parasites des plantes trouvent l'occasion d'une multiplication excessive préci-
sément dans la culture du végétal auquel ils sont liés. L'agriculteur crée ainsi des
conditions artificielles, il rompt l'équilibre qui s'était établi dans la nature entre
les divers êtres. Il ne peut donc se dispenser d'intervenir directement pour corriger
l'effet iuattendu de son industrie.»
INTRODUCTION. Mil
rocheux et incultes des environs de Montpellier, le versant nord
du Pic Saint- Loup, par exemple, sont remplis de lambrusques ou
vignes sauvages. Ce pays-là, jadis très riche par sa plaine, un des
premiers atteint par le PhyVoxera, a eu toutes ses vignes cultivées
détruites en deux ou trois ans. Nous le parcourions récemment,
et nous n'avons pas remarqué qu'une seule de ces lambrusques
fût morte du parasite. Livrées à elles-mêmes, assez loin du contact
de l'homme et de ses cultures pour ne pas être trop hybridées,
elles ont résisté. Les paysans pauvres du pays continuent tous les
automnes à cueillir le petit raisin noir qui, additionné d'eau, donne
tant de couleur à l'âpre piquette ainsi fabriquée. Le propriétaire
aisé a lutté, a commencé par sulfurer ses cépages perfectionnés,
les a perdus, puis replantés sur pied américain résistant.
Sans donner ici une place capitale au côté historique du sujet
qui nous occupe, nous proposant à chaque description d'espèce d'y
consacrer tout au moins quelques lignes, nous voulons indiquer
cependant depuis quelle époque les petits parasites de la vigne ont
été observés, quelle a été, dans le cours des siècles, l'importance
de leur étude, et arriver graduellement à notre époque, à leur
bibliographie générale. Seule, elle devra nous arrêter longtemps
et sera l'objet de Notes bibliographiques spéciales.
De tout temps, on peut le dire, la culture chère à Noé a été
entravée par les insectes. A plusieurs reprises, la Bible parle de
vers ou larves attaquant la vigne. Dans un des livres de Moïse, le
Deutéronome, nous trouvons en effet le verset suivant : «Vous
planterez une vigne, la labourerez, mais n'en boirez pas le vin et
n'en recueillerez rien, parce qu'elle sera gâtée par le Thola (ver)».
Dans le prophète Amos (vme siècle avant J.-C), nous lisons : «Je
vous ai frappés par un vent brûlant, dit le Seigneur, Gaza ' a
dévasté vos jardins, vos vignes, tous vos plants d'olivier et de
figuier, et vous n'êtes pas revenus à moi». Si des Hébreux nous
passons aux Grecs, nous voyons Ctésiasive siècle avant J. -G.) parler
du Phieir (pou) qui attaque et fait périr la vigne ; sans doute une
de nos cochenilles ampélophages. Théophraste (ive siècle avant
J.-C.) dit : «Les Ipcs qui attaquent la vigne s'engendrent par le
1 Suivant Walckenaer (Ann. Soc. ont. de France, 1835 et 183G), auquel nous
empruntons une partie de ces citations, le mot hébreu Gaza est employé dans la
Bible comme insecte dévastateur en général. La Vulgatc traduit par Eruca
(chenille) , mais le Talmud en lait une sauterelle.
XIV INTRODUCTION.
vent du midi ; il est cependant des lieux où ils ne s'engendrent
pas: les endroits aérés, bien exposés aux vents et qui ne sont pas
trop chargés d'humidité». Strabon, de son côté, raconte que «les
Erythréens donnent à Hercule le nom à'Ipoctone, c'est-à-dire des-
tructeur des Ipes, insectes qui rongent les vignes».
Les auteurs latins ne sont pas moins explicites. Plaute (111e siècle
avant J. -G.) parle de VInvolvulus, qui s'enferme dans des feuilles de
vigne roulée, «quœ in pampini folio intorta implicat se ». Pom-
ponius Festus, de son côté, dit dans son dictionnaire, au mot
Involvulus : « Vermiculi genus qui involvit se pampino ». Gaton
l'ancien (11e siècle avant J.-C.), dans son traité De re rustica, parlant
du Convolvulus, donne une recette pour le combattre : «Convolvulus
invinea ne siet amurca condita, le Convoloulus ne se trouve pas
sur une vigne enduite de marc d'huile ». On voit que les badigeon-
nages insecticides ne datent pas d'hier !
Pline parle également du Convolvulus, ainsi que d'un autre in-
secte qui ronge les raisins naissants et qu'il appelle Volvox : «Alii
Volvocem appellant animal praerodens pubescentes uuas». Suivent
les recettes empiriques familières à cet auteur: graisse d'ours, peau
de castor, dont il faut frotter la serpe, etc. Columelle, dans son
traité De arb or ib us, cite un animal, qu'il nomme Volucra, rongeant
les pousses tendres et les raisins : «Genus est animalis, Volucra
appcllatur, id fere prœrodet teneras adhuc pampinos et uvas».
Galien, dans son livre De simplic. médicament, facultatibus, lib.
IX, rappelle les dégâts produits par le Scnips, insecte ennemi de
la vigne. Nous pourrions multiplier ces citations d'auteurs latins,
mais nous n'en voyons pas l'utilité.
De l'époque romaine, il nous faut arriver au xvi" siècle, à Ch.
Estienne et Liebault, à l'italien Aldrovande et à Olivier de Serres,
pour trouver quelque chose concernant notre sujet. Pendant cette
longue période, on vivait dans l'admiration des anciens et de leurs
écrits. Gomme le dit Walckenaer : « Avant l'invention de l'impri-
merie, on n'avait d'autre source d'instruction que les anciens; l'ad-
miration qu'ils avaient excitée, l'ascendant qu'ils avaient acquis
sur l'esprit humain, s'accrurent encore par l'effet de cette invention.
Les bien comprendre, les commenter, classer les notions qu'ils
nous avaient transmises, telle était toute l'ambition des savants.
Tout traité sur une branche quelconque des connaissances humai-
nes n'était qu'une compilation de ce que les anciens avaient écrit
sur la matière. On y ajoutait parfois ce que les modernes avaient
INTRODUCTION. XV
pensé ou observé ; mais ces suppléments n'avaient, dans l'intention
de l'auteur et dans l'esprit des lecteurs, ni le même poids ni la
môme autorité que le reste de l'ouvrage. On faisait bien peu de cas
de toute proposition, de toute remarque à la suite de laquelle on
ne pouvait ajouter : ut ait Aristoteles, ut ait Plinius, ut ait Hip-
pocrates. Heureusement, pour les progrès de l'histoire naturelle,
que le grand nombre de productions nouvelles importées en Eu-
rope des contrées récemment découvertes à la fin du xve et au com-
mencement du xvie siècle ouvrirent bientôt les yeux sur l'insuffi-
sance des ouvrages des anciens. On s'aperçut que la plupart des
objets qu'on avait occasion d'observer leur avaient été inconnus.
Pour ce qui concerne les insectes particulièrement, il fut facile de
s'apercevoir que les anciens n'avaient traité que d'un petit nombre,
fort inexactement. Dès lors, on cessa de s'occuper de ce qu'ils
avaient écrit, on se livra exclusivement à l'étude de la nature, et la
science prit aussitôt un nouvel essor. »
La Maison rustique, de Ch. Estienne et Liebault, est de 1554.
Après avoir parlé des petits ennemis du vigneron, ces auteurs
ajoutent : « Les chenilles et poux, n'austres bestelettes ne gaste-
ront le bourgeon ne la feuille de vigne, si la serpe de laquelle
l'on eslaguera et taillera est oinste avec sang de bouc ou graisse
d'asne ou d'ours, ou d'huile où auront bouilli les chenilles, ou ail
pilez, etc. » On voit, par cette citation, que la science à la manière
de Pline n'avait pas dit son dernier mot aune époque relativement
récente.
Aldrovande, dans son traité De animalibus insectis (1602), s'étend
assez longuement sur les parasites de la vigne, et, selon Vallot, qui
a consacré un long paragraphe à cet auteur, celui-ci, parle mot Can-
tharis, désigne plusieurs coléoptères ; ce qu'il nomme Ips serait
un coupe-bourgeons, peut-être un Otiorhynchus ; quant au Ta-
glindizzo, sa neuvième cantharis, qui est grossièrement figuré,
mais reconnaissable, c'est le rhynchite, ou attelabe. Olivier de
Serres a très bien décrit le rhynchite, qu'il appelle Coigniau.
Au xvn' siècle, Olivier de Serres restait l'oracle ; on se contentait
de ce qu'avait dit le Père de l'Agriculture dans son Théâtre d'Agri-
culture et mesnage des champs, publié en 1604. En 1732, dans son
Spectacle de la Nature, tom. II, pag. 353, Pluche cite plusieurs
ennemis de la vigne ; mais la confusion est telle dans son livre
entre ceux qui roulent les feuilles, piquent les fruits ou filent des
toiles, que le gribouri et le rhynchite seuls se distinguent nette-
XVI INTRODUCTION'.
ment. Pluche, le premier, a adopté le nom de gribouri, employé
si souvent depuis cette époque.
Il nous faut arriver en 1771 pour trouver une œuvre conscien-
cieuse (Journal de Physique, tom. I, lre. 2« et 3e parties), le Mé-
moire de l'abbé Rozier, intitulé : Des Insectes essentiellement
nuisibles à la vigne. Malgré certaines erreurs, et les noms français
correspondant parfois assez mal à la nomenclature latine de Linné,
ce travail peut être considéré comme le point de départ de tous
ceux (et ils sont nombreux) qui ont été publiés au xixe siècle. C'est
à lui que nous arrêterons cette Revue historique et bibliographique
des siècles passés concernant les Insectes de la vigne.
Primitivement notre intention était de dresser ici une liste gé-
nérale de tous les travaux publiés pendant ce siècle ; mais, entre-
prise par nous, cette liste s'est trouvée être si considérable qu'elle
dépassait le cadre que nous nous sommes assigné pour cette Intro-
duction. A chaque chapitre consacré à une espèce, nous citerons
dans une Note bibliographique les principaux travaux publiés sur
elle. Mentionnons toutefois, de suite, les quelques auteurs qu'il
est indispensable de connaître dès le début, dont les travaux, com-
prenant l'ensemble de la question, sont, en quelque sorte, devenus
classiques et dont les noms sont liés à l'histoire de la vigne. Pour
la France, nous citerons Walckenaer, Dunal, Vallot et Audouin ;
pour les États-Unis, Asa Fitch et Riley. Citons encore, bien que
d'une importance moindre, le nom de M. André (de Beaune) l.
Les auteurs que nous venons de nommer parlent, les uns d'une
trentaine d'espèces, les autres de quarante ou cinquante. Nous
étonnerons peut-être le lecteur en disant qu'il sera parlé de beau-
1 Le Baron "Walckenaer; Recherches sur les insectes nuisibles à la vigne
(Ann. soc. ent. de Fr., 1835 et 1836 ; Entom. Magazine, 1837, lom. IV, pag. 117
ei 293). — Dunal; Des insectes qui attaquent la vigne (Bull. Soc. d'Agr. de
l'Hérault, 1832 à 1839; Comp:es rendus de l'Acad. de Montpellier, tom. IV,
pag. 834). — Vallot; Des insectes nuisibles à la vigne (Mémoires de l'Acad. de
Dijon, 1839-40 ; Revue et Magasin de Zool., 1840 ; Ann. des Sciences physiques
et naturelles de Lyon, 1841. — Audouin; Histoire des insectes nuisibles à la
vigne et particulièrement de la Pyrale (Paris, Fortin-Masson, 1842). — Asa
Fitch; Annual Report of agricuUural Society of New -York de 1854 à 1859. —
Riley; First annual Report on noxious Insects of the state Missouri, 1869 et
années suivantes; American entom., 1869 et années suivantes. — André; Les
parasites et les maladies de la vigne (Beaune, 1882).
INTHODl'CTIO.V. XVII
coup plus d'une centaine1, cl cependant nous avons écarté toutes
lus espèces restées américaines et retranché des listes classiques
plusieurs insectes qui n'ont jamais vécu sur la vigne 2.
Nous comprenons, il est vrai, dans notre travail les espèces de
tous les pays viticoles de l'Europe et de l'Afrique française.
La liste générale des ampélophages étudiés avec quelques détails
dans ce livre peut se dresser comme suit 5 :
CLASSE DES ARACHNIDES.
Ordre des Acariens Phytoptus vitis Dujardin.
CLASSE DES INSECTES.
| Ordre des Diptères Cecidomyia œnophila. Haimhoffen.
Ordre des Hémiptères . . Puluinaria vitis Linné.
Aspidiotus vitis Signoret.
Dactylopius vitis Niedelsky.
1 Comme nombre d'ennemis, la vigne sauvage, la lambrusque de nos bois,
comparée aux autres espèces forestières, est au contraire bien au-dessous de la
moyenne. Elle n'a guère qu'une dizaine d'espèces parasites, tandis que si nous
consultons le précieux travail de Kaltenbach {Die Planzenfeinde aus der Klasse
der Insccten. Les insectes ennemis des plantes. Stuttgard, 1874), où sont énu-
mérés les iusectes vivant aux dépens des espèces botaniques les plus répandues,
nous trouvons pour nos principales essences forestières les chiffres suivants : les
différents chênes 537 espèces parasites, les saules 396, les pins et sapins 299,
le bouleau 270, les peupliers 264, l'aulne_ll9, le hêtre 154, l'orme 107, le tilleul
102, le noisetier 98, le charme 88, le frêne 51, etc. La vigne est donc naturelle-
ment favorisée, et c'est bien aux divers usages culturaux qu'est dû le grand nombre
de ses ennemis.
2 Nous pouvons citer entre autres le Rhynchiies Bacchus et YAltica Lylhri. Le
premier, parasite du pommier, vit à l'état de larve dans l'intérieur des fruits de
cet arbre et n'a jamais brouté le parenchyme d'une feuille de vigne roulée en
cigare. L'erreur vient de Linné (Syst. naturœ, lom. II, pag. 611), a été répétée
par Audouinet tous ceux qui ont copié Audouin. Pour YAltica Lylhri, c'est dans
Y Exploration scientifique de l'Algérie, pag. 5 i 4 . pi. 44, par M. Lucas (Paris,
impr. nat., 1849), qu'il faut chercher l'origine de la confusion avec YAltica am-
pelophaga. L'A. Lylhri n'a jamais vécu que sur la salicaire [Lythrum salicaria).
3 Le nom d'uue bonne partie des insectes composant cette liste générale n'ayant
pu être francisé, nous avons dû la dresser avec les noms latins seuls. Par contre,
tous les noms irançais existant ou qui ont pu être créés, serviront de titre, autant
que possible, aux chapitres ou paragraphes composant ce livre, et le nom latin
ne viendra qu'en seconde ligne.
XVIII INTRODUCTION.
Ordre des Hémiptères . . Phylloxéra vaslalrix Planchon.
Aphls vitis Scopoli.
Typhlocyba flauescens Fabricius.
— viticola Targioni.
Penlhimia atra Fabricius.
Hysteropterum grylloides Fabricius.
Cicacla atra Olivier.
— hsematodes Scopoli.
— plebeja Scopoli.
— orni Linné.
Lopus sulcalus Fieber.
PyrrJwcoris apterus Linné.
Camptotclus minutus Jakowleff.
Nysius senecionis Schiller.
Eurydema oleraceum Linné.
Sehirus bicolor Linné.
^ Ordre des Lépidoptères.. Anlispih Rivillei Stainton.
Tortrix Pilleriana Schiffermuller.
— ambiguella Hubner.
— botrana Schiffermuller.
Ephestia gnidiella Millière.
Agrolis crassa Linné.
— segetum Schiffermuller.
— exclamationis Linné.
— pronuba Linné.
Chelonia caja Linné.
— villica Linné.
— mendica Linné.
— lubricipeda Linné.
Ino ampelophaga Bayle.
Sphinx lineata Linné.
— porcellus Linné.
— Elpenor Linné.
Ordre des Névroptères.. Termes lucijugus Rossi.
— flavicollis Fabricius.
Ordre des Orthoptères... Smynthurus luteus Lubbock.
Thrips hœmorrhoidalis Bouché.
— Syriacus Mayet.
Acridium migratorium Linné.
— Italicum Linné.
W
y <
INTRODUCTION. Xl\
Ordre des Orthoptères .. Acridium Ma.rocca.num Thunberg.
Ephippiger vitium Serville.
— Bitterensis Marquet.
Barbitistes Berenguieri Mayet.
Phaneroptera falcala Serville.
Œcanthus pellucens Scopoli.
(s Ordre des Coléoptères... Altica ampelophaga Guérin.
Malacosoma Lusitanicum Linné.
Aulacophora abdominalis Fabricius.
Adoxus vitis Fonrcroy.
Clytlira taxicornis Fabricius.
Cerambyx miles Bonelli.
Clytus Verbasci Linné.
Callidium unifasciatum Olivier.
Vesperus Xatarti Mulsant.
Rhynchites Betuleti Fabricius.
Geonemus fîabellipes Olivier.
Cneorhinus geminatus Fabricius.
Peritelus subdepressus Mulsant.
— griseus Olivier.
— senex Bohemann.
— familiaris Bohemann.
Otiorhynchus planithorax Bohemann.
— Ligustici Linné.
— asphaltinus Germar.
— populeti Bohemann .
— sulcatus Fabricius.
— globus Bohemann.
— singularis Linné.
— raucus Fabricius.
Opatrum sabulosum Linné.
Apate sexdentata Olivier.
— muricata Fabricius.
— sinuata Fabricius.
— bimaculata Olivier.
Agrilus derasofasciatus Lacordaire.
Cetonia hirtella Linné.
— stictica Linné.
Pentodon punctatus Villers.
Anomala vitis Fabricius.
XX INTRODUCTION'.
Ordre des Coléoptères. . Anomala. senea Degeer.
Melolontha vulgaris Fabricius.
— fullo Linné.
Rhizolrogus tnarginipes Mulsant.
— euphytus Buquet.
— inflatus Buquet.
— sinuatocollis Fairmaire.
Lethrus cephalotes Fabricius.
Ordre des Hyménoptères. Vespa vulgaris Linné.
' J^ Tenthredo strigosa Fabricius.
En tout, 95 espèces. En plus de cela, sans parler ici des insectes
ennemis naturels de nos ampélophages, dont la description ou la
mention accompagnera l'histoire de chacun de ceux-ci; sans faire
entrer non plus en ligne de compte les Hyménoptères vivant dans
les sarments secs, dont il sera parlé page 443, nous décrirons suc-
cinctement ou nommerons tout au moins 36 autres insectes cités
par divers auteurs. Ces espèces, que nous n'avons pas cru devoir
décrire en détail ni même ranger parmi les principaux ennemis
à combattre, jointes aux 95 de notre liste générale, forment un total
de 131 espèces décrites ou mentionnées dans ce livre. Sur ces 131
espèces, 109 environ sont françaises.
Devant cette masse d'ennemis, le viticulteur devra- t-il parfois
désespérer de défendre ses vignes ? Loin de là ! Il devra tout d'a-
bord se dire que ce nombre comprend tous les Ampélophages des
régions les plus diverses, des bords de la Seine à ceux du Volga, de
l'Andalousie et de la Barbarie à la Syrie, et qu'il n'aura jamais à
lutter contre plus d'une demi-douzaine d'ennemis à la fois. Il devra
se dire ensuite que tous ces parasites pourront être vaincus ; à une
condition, toutefois, c'est que leurs mœurs seront bien connues.
En recueillant les matériaux destinés à composer ce livre, ce
sont sans doute les insectes eux-mêmes et les meilleurs moyens de
lutter contre eux que nous nous sommes proposé d'étudier ; mais
c'est aussi et surtout vers la connaissance de leurs premiers états
et de leurs mœurs que nos efforts ont été dirigés.
Nous suivrons dans le cours de ce travail l'ordre adopté dans le
tableau dressé au début de ces lignes et dans la liste ci-dessus,
allant du simple au composé. Les Arachnides, à tort ou à raison,
étant considérés comme inférieurs aux insectes, nous parlerons
INTRODUCTION. XXI
donc tout d'abord du l'h ytoptus vitis, petit Arachnide de la famille
des Acariens qui occasionne la maladie de l'Erinose. L'étude des
Insectes sera commencée par celle des Diptères ou mouches à deux
ailes, regardés comme formes inférieures, et nous la terminerons
par colle >\t'^ Hyménoptères OU mouches à quatre ailes, considérés
comme Insectes supérieurs.
Nous nous faisons un devoir de citer ici tous ceux qui nous ont
prêté leur concours dévoué. Nous avons correspondu en Italie
avec M. Targioni-Tozzeti, en Espagne avec M. Graëlls, en Grèce
avec M. Gonnadius, en Autriche avec M. Bolle, en Hongrie avec
M. llorvalli, en Allemagne avec MM. Von Heyden, Osten-Saken
et Blankenhorn ; en Suisse avec MM. Fatio et Govelle, en Russie
avec M. Kowalesky, et nous saisissons l'occasion de les remercier
de nouveau. Nommer ces naturalistes, c'est indiquer la valeur des
documents qu'ils nous ont transmis.
En France et dans nos colonies du nord de l'Afrique, nous devons
des renseignements précieux à MM. Flahault, de Fischer, Foëx,
Vialaet Ravaz, de Montpellier; Balbiani, Megnin, Bedel, Sedillot.
Gazagnaire et Ragonot, de Paris; André, de Beaune ; Puton, de
Remiremont ; Marquet, de Toulouse ; Gobert, de Mont-de-Marsan ;
Perez, de Bordeaux; Boiteau, de Libourne ; De Lafïitte , de
Lajoannenque ; Marion, de Marseille; Rivière, Lecq, Barbier et
Delamotbc, d'Alger ; Mangiavachi et Chapelle, de Tunis, etc. Nous
tenons à leur témoigner toute notre gratitude.
LEXIQUE
POUR SERVIR A L'ÉTUDE DES INSECTES DE LA VIGNE
Abdomen. — Partie postérieure du corps des Insectes comprenant l'ensemble
des segments ventraux.
Acuminé. — Terminé en pointe.
Agame. — Qui se reproduit sans accouplement.
Aiguillon. — Arme de défense, aiguë, rétractile, faisant partie de l'armure gé-
nitale femelle des Insectes Hyménoptères.
Ailes. — Organes du vol, au nombre de quatre généralement chez les Insectes,
parfois réduits à deux, parfois complètement atrophiés.
Anal. — Voisin ou taisant partie de l'orifice postérieur du tube digestif.
Anneau. — Segment ou portion dont la réunion constitue l'ensemble du sque-
lette extérieur des Insectes.
Annelé. — Composé d'anneaux ou segments.
Anté. — (En composition) situé en avant de. . . aniéoeuiaire, situé en avant de
l'œil.
Antennes. — Appendices mobiles au nombre de deux chez les Insectes, placés
sur la tête et composés d'un nombre variable d'articles ou parties. Elles servent
à palper et sont le siège de l'odorat.
Aphidiphage. — Qui se nourrit de Pucerons (Aphis).
Apical. — Placé au sommet.
Apode. — Dépourvu de pattes.
Apophyse. — Saillie ou prolongement des pièces du squelette.
Aptère. — Dépourvu d'ailes.
Arête. — Ligne en relief et un peu tranchante faisant saillie sur les jambes,
l'abdomen, etc.
Armure génitale. — Parties cornées fortement chilineuses des organes sexuels.
Article. — Partie d'un appendice, antenne, palpe ou tarse, comprise entre deux
articulations.
Atténué. — Graduellement diminué.
Balanciers . — Petits appendices placés sur le métathorax et qui ne sont que
les ailes inférieures atrophiées.
Basai ou basiiaire. — Dépendant ou voisin de la base.
Bec. — Ensemble des pièces buccales solides d'un insecte suceur (Hémiptères
principalement). Se dit aussi pour la tête fortement prolongée des Charan-
çons, etc.
Buccal. — Qui dépend de la bouche.
LEXIQUE. XXIII
Calus. — Saillie en bosse. Calus humerai situé sur les élytres vers l'épaule,
Capité. — Terminé par un boulon, poil capité.
Carène. — Ligne longitudinale saillante.
Cellule. — Élément anatomique, généralement microscopique, constituant les
tissus 'lu corps d s êlres organi é .
Cellules des ailes. — Espaces circonscrits par les nervures.
Cellulose. — Substance ternaire (carbone, hydrogène et oxygène) dont la for-
mule est G,a II10 O10, qui constitue l'enveloppe do la cellule des végétaux et se
retrouve dans les tissus de certains animaux.
Céphalique. — Qui dépend de la tête.
Céphalothorax. — Partie du corps formée de la tête et du thorax réunis.
Cerques. — Appea lices ou filets au nombre de deux, terminant la partie dorsale
de L'abdomen chez les Orthoptères et placés sous la plaque sus-anale.
Chaperon.— Partie antérieure et saillante de l'épistome.
Chenille. — Nom sous lequel on désigne les larves des Lépidoptères.
Chitine. — Substance incrustante composée d'une matière albuminoïde et de
cellulose, destinée à solidifier le squelette extérieur des Insectes.
Chitineux. — Incrusté de chitine.
Chlorophylle. — Matière azotée de couleur verte, constituant le plus impor-
tant des principes colorants des végétaux, décomposant l'acide carbonique de
l'air au profit de la piaule qui retient le carbone et dont la formule peut s'é-
crire ainsi : C:iG H30 Az O1.
Cilié. — Garni de cils ou poils raides.
Cocon. — Coque de soie destinée à proléger l'Insecte.
Coléoptères. — Insectes dont les ailes supérieures, appelées élyt.-es, sont soli-
des et servent d'étui aux deux inférieures, qui sont pliées transversalement.
Conchiforme. — Eu forme de conque, de coquille.
Concolore. — De même couleur.
Contractile. — Qui peut se contracter, se replier sur lui-même.
Coprophage. — Qui vit de déjections.
Coque. — Enveloppe formée de substances diverses où sont enfermés les œufs,
les larves ou les nymphes.
Cordiforme. — En forme de coeur.
Cornicule. — Petits tubes au nombre de deux, particuliers aux Pucerons, pla-
cés sur le sixième segment abdominal et desquels sort une liqueur sucrée.
Côte. — Ligue longitudinale saillante comparable à celles des feuilles et des
fruits .
Crête. — Ligne élevée et dentelée.
Crochets. — Pointes recourbées qui terminent les tarses, etc.
Cuisse — La partie la plus robuste de la patte appelée aussifémur, placée outre
le trochanter et le tibia .
Cupules. — Organes concaves en forme de petite coupe.
Déhiscent. — S'' dit de deux pièces qui s'écartent vers leur extrémité.
XXIV LEXIQUE.
Dent. — Petite saillie formant pointe.
Digitule. — Poil terminé par une partie élargie en forme de ventouse.
Dimère. — A deux articles (tarse).
Dimorphe. — Se dit d'une espèce qui présente deux types distincts.
Diptères. — Insectes n'ayant que deux ailes développées.
Disque. — Régi. m centrale d'un organe développé en surface.
Écailles. — Poils modifiés, aplatis et imbriqués les uns sur les autres.
Écusson — Pièce du thorax appartenant au mésouotum, souvent triangulaire et
apparaissant au sommet de la suture des élytres.
Efflorescence. — Couche d'aspect farineux, rappelant la Heur île certains fruits,
généralement de nature cireuse.
Élytres. — Ailes supérieures modifiées et servant d'étui aux inférieures.
Entomophage. — Qui mange des Insectes.
Épaule. — Partie autéro- externe des élytres.
Épistome. — Partie antérieure des pièces fixes de la tête en dessus, immédia-
tement au-dessus de la lèvre supérieure.
Éruciforme. — En forme de chenille.
Faciès. — Aspect particulier d'un insecte ou d'un groupe d'insectes.
Fausse-chenille. — Nom donné aux larves de certains Hyménoptères (Ten-
Ibrédides), larves qui ressemblent à des chenilles.
Fausses-pattes. — Protubérances char.iues par fois munies de crochets, rétrac-
tiles, placées sous les segments abdominaux et servant à la marche chez certaines
larves. Les chei illes en sont toutes pourvues.
Fémur. — Cuisse.
Filets. — Prolongements en forme de fil très déliés qui terminent parfois l'ab-
domen.
Filiforme. — En forme dr> lil.
Floricole. — Qui vit sur les fleurs,
Foliacé. — Aminci comme une feuille.
Front. — Partie moyenne du dessus de la tète, entre l'épistome, les yeux et le
verteï.
Frugivore. — Qui se nourrit de fruits.
Funicule. — Articles des antennes compris entre le scape (premier article) et
les articles terminaux plus ou moins groupés.
Fusiforme. — En forme de fuseau.
Gallicole. — Qui vit daus une galle.
Hanche. — Pièce d'insertion des pattes dans le thorax.
Hémiptères. — Insectes dont les ailes supérieures sont souvent demi-solides et
opaques, demi-transparentes, les inférieures membraneuses.
Hétéromères. — Insectes à tarses postérieurs composés de moins d'articles que
les antérieurs.
LEXIQUE. XXV
Hexagonal. — A six pans.
Hexapodes. — Ayant six pieds.
Humerai. — Qui dépend de l'épaule.
Hyalin. — Transparenl comme du verre.
Hybride. — Produit de deux espèces différentes.
Hyménoptères. — Insectes à quatre ailes membraneuses, transparentes et à
bouche organisée pour lécher.
Hypogé. — Qui vit sous terre.
Imbriqué. — Se dit des écailles disposées comme les tuiles d'un toit.
Inerme. — Sans pointe ni épine.
Joue. — Pailie latérale de la tète.
Labial. — Qui dépend de la lèvre inférieure.
Labre. — Lèvre supérieure.
Larve. — Plat sous lequel l'insecte sort de l'œuf et qui est généralement ver-
miforme.
Lépidoptères. — Insectes à quatre ailes recouvertes d'écaillés brillantes im-
briquées, connus sous le nom vulgaire de papillons.
Ligne médiane. — Ligue idéale divisant longitudinalement le corps ou un or-
gane en deux parties égales.
Lignivore. — Qui se nourrit de bois.
Mâchoires. — Pièces buccales au nombre de deux, situées entre les mandibules
et la lèvre inférieure, souvent recouvertes par les mandibules et portant la paire
de palpes la plus développée.
Mandibules. — Pièces buccales au nombre de deux placées au-dessus des
mâchoires, très solides, parfois très développées (cerf ■volant';, mues par des
muscles puissants, destinées à saisir et à couper.
Massue. — Renflement terminal d'un organe tel que les antennes.
Maxillaire. — Qui dépend des mâchoires.
Médian — Qui est au milieu.
Mésosternum. — Face inférieure du deuxième segment Ihoracique sur laquelle
sont insérées les pattes intermédiaires.
Mésothorax. — Deuxième segment du thorax pris dans son ensemble.
Mésothoracique. — Qui dépend du mésothorax.
Métasternum. — Face inférieure du troisième segment thoracique sur laquelle
sont insérées les pattes postérieures.
Métathorax. — Troisième segment du thorax pris dans sou ensemble.
Métathoracique. — Qui dépend du métathorax.
Micropyle. — Peti'.e ouverture par laquelle les spermatozoïdes ou éléments
mâles pénètrent dans l'œuf.
Monomère. — Qui n'est composé que d'un article : tarse monomère.
Névroptéres. — Insectes à quatre ailes membraneuses égales, réticulées.
XXVI LEXIQUE.
Oblitéré. — Un peu effacé.
Ocelles. — Yeux simples des Insectes.
Octopode. — Qui a huit pieds.
Œil. — Organe de la vision, de deux sortes chez les Insectes : œil simple ou
ocelle; œil composé, formé de la réunion d'un grand nombre d'yeux.
Ongles. — Crochets terminaux des tarses.
Orthoptères.— Insectes ayant quatre ailes droites, les inférieures généralement
pliées en éventail.
Ovaires. — Glandes génitales femelles.
Oviducte.— Partie des organes génitaux femel'es qui conduit les œufs au dehors.
Ovigère. — Qui produit et porte les œufs.
Ovipare. — Qui pond des œufs.
Oviscapte. — Partie des organes génitaux femelles terminant parfois l'oviducle
et propre à insérer les œufs dans un milieu résistant.
Ovovivipare. — Qui pond des petits vivant-, mais sortis d'un œuf éclos dans
le corps de la mère.
Palpes. — Appendices mobiles et articulés des parties de la bouche, au nombre
de deux ou trois paires.
Pattes.— Organes de la locomotion, au nombre de six chez les Insectes, insérés
sous les trois anneaux du thorax et composés de cinq pièces : la hanche, le
trcchanter, le fémur, le tibia et le tarse. Par opposition aux fausses-pattes, on
leur donne parfois le nom de pattes écailleuses.
Pectine. — En forme de peigne.
Pédicelle. — Pièce amincie servant de support.
Pédoncule. — Pièce de support, généralement grêle.
Pénis.— Partie des organes génitaux mâles faisant saillie à l'extérieur ; ce nom
s'applique plus spécialement à la verge.
Pentagone. — A cinq pans.
Pentamère. — Composé de cinq articles : tarse pentamère.
Pénultième. — Avant-dernier.
Phytophage. — Qui se nourrit de végétaux.
Pilifère. — Qui porte ou donne naissance à des puils.
Pilifornie. — En forme de poil.
Piriforine. — En forme de poire.
Poitrine. — Ensemble des méso et métasternum.
Polymorphe. — De formes variables.
Polyphage. — Qui vit de végétaux ou de substances différentes.
Post... — (En composition) situé en arrière de.
Pré... — (En composition) situé en avant de.
Pronotum. — Surface dorsale du prothorax.
Prosternum. — Face inférieure du prothorax.
Prothoracique. — Qui dépend du prothorax.
Prothorax. — Premier anneau ou serment du thorax.
LEXIQUE. x.\ VII
Pruineux. — Couvert d'une efflorescence comparable à celle de certaine fruits
Pubescent. — Garai de poils.
Pucerons. — Nom vulgaire donné à tous les insectes de la famille des Aphides
ou Aphidiens.
Pupe. — Enveloppe de la nymphe des Insectes Diptères, en forme d'oeuf ou de
barillet et formée de la peau de la larve.
Pygidium. — Dernier arceau dorsal chilineux de l'abdomen.
Radicicole. — Qui vil sur les racines.
Rétractile. — Qui peut rentrer dans l'intérieur du corps ou se replier sur soi-
même.
Réticulé. — Couvert d'une sorte de réseau.
Rhizophage. — Qui se nourrit de racines.
Rostre. — Bec, prolongement de la tête en avant des yeux (Charançons); se dit
aussi de l'ensemble des parties solides de la bouche d'un insecte suceur.
Sabre. — Oviscapte aplati et recourbé de certains Orthoptères.
Saltatoire. — Propre à sauter.
Scape. — Premier article de l'antenne fortement développé.
Scrobes. — Sillons latéraux du rostre servant à loger les antennes.
Sécuriforme. — En forme de hache.
Segments. — Division circulaire ou anneau dont l'ensemble constitue le corps
des Insectes.
Sessile. — Qui n'est pas supporté par un pédicelle.
Sétigère. — Qui porte des soies.
Sexué. — Qui se reproduit par génération ordinaire, par opposition à agame.
Sommet. — De la tète, partie conliguë au prothorax ; du prothorax, partie con-
tinué à la tête ; des élytres, extrémité postérieure.
Spermatozoïde. — Élément mâle fécondant, constitué chez les Insectes par une
cellule microscopique, allongée eu forme de fil, mobile, et qui nage en nombre
considérable dans un liquide (liquide spermalique).
Squameux. — Couvert d'écaillés.
Squamule. ■ — Petite écaille.
Squelette tégumentaire. — Oa nomme ainsi la partie extérieure solide très
chitineuse du corps des Insectes, constituant un appareil de protection et ser-
vant aux insertions des muscles.
Sternum, — Partie ventrale du thorax.
Stigmates. — Ouvertures de l'appareil respiratoire des Insectes, généralement
latérales, et servant de point de départ aux trachées.
Stridulation. — Bruit produit par un frottement.
Stylets. — Pièces dures, allongées, faisant partie d'un appareil perforant.
Sub... - ■ (En composition) signifie légèrement : subaigu, légèrement aigu.
Suturai. — Dépendant de la suture ou ligne de jonction des élytres.
Tarière. — Oviscapte prolongé en longue pointe.
\XVIM LEXIQUE.
Tarse. — Partie terminale des pattes, ayant de un à cinq articles.
Tempe. — Portion latérale de la tête, derrière les yeux.
Temporal. — Relatif aux tempes.
Testacé. — Jaune tirant sur le terreux.
Testicule. — Glande sexuelle mâle.
Tétramère. — Qui a quatre articles: tarse tétramère.
Tétrapode. — Qui a quatre pieds.
Thorax. — Groupe de trois segments, prolhorax, mésoihorax et métathorax,
portant les trois paires de pieds, formant un ensemble homogène et placé entre
la tète et l'abdomen.
Tibia. — Partie de la patte placée entre le fémur et le tarse.
Tissu. — Réunion de cellules dont sont formées les parties constitutives du corps :
sang, muscles, peau, nerfs, etc.
Trachées. — Vaisseaux respiratoires subdivisés à l'inûoi dans le corps des In-
sectes, prenant l'air extérieur par les stigmates et le distribuant partout.
Tri... — (En composition) signifie en trois : trimère, composé de trois articles.
Trochanter. — Pièce de l'a patte située entre la hanche et le fémur.
Tronqué. — Coupé brusquement.
Tubes. — Organes en forme de vaisseaux, ou tuyaux très déliés, filiformes, ter-
minés d'un coté par un cul-de-sac. Tubes ovariques, produisant les œufs et
les conduisant dans les deux branches de l'ovaire. Tubes de Malpighi, organes
glandulaires insérés sur le canal digestif et paraissant remplir à la fois les fonc-
tions de foie et de reins.
Uni. — (En composition) exprime l'idée d'unité: unicolore, d'une seule couleur.
Valve. — Écaille de coquille, et par extension, écaille servant d'opercule.
Vermiforme. — En forme de ver.
Versicolore. — De couleur variée.
Vertex. — Partie supérieure de la tête, en arrière des yeux.
Verticillé. — Poils verticillés, en forme de verticille ou de rangée circulaire
autour d'un axe.
Vésicant. — Doué de propriétés analogues à celle des vésicatoires.
Vésicule germinative. — Partie de l'œuf on noyau primitif de la cellule œuf,
qui adjointe à un nouvel élément (spermatozoïde) est fécondée par ce fait. La
cellule œuf ainsi régénérée devient le point de dépari de la production des cel-
lules qui formeront le corps de l'embryon.
Vivipare. — Qui pond ses petits éclos.
Xyiophage. — Qui mange le bois.
LES
INSECTES DE LA VIGNE
CHAPITRE PREMIER
CLASSE DES ARACHNIDES
LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE
(Phytoptus Vitis Dujardin.)
I. — MALADIE DE L'ÉRINOSE.
Les feuilles de différents végétaux sont souvent remplies de galles d'une
nature particulière et qui depuis longtemps ont attiré l'attention des
naturalistes. Ces excroissances ont tantôt la forme d'une petite corne
ou d'une pointe de clou un peu recourbé (tilleul), tantôt l'aspect d'une
boursouflure formant légère saillie du côté de la face supérieure du limbe
1 Bibliographie. — Malpighi ; De excrescentiis et lumoribus plantarum.—
Réaumur ; Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, tom. III, pag. 511,
1737.— Persoon ; Sinops. fungorum, 1809. — Fries ; Observât, mycolog.,
1815. — Id. ; Syst. mycologicum, 1825. — Schlechtendal ; Denkschrift der
Bolan gesellsch., in Regensburg, tom. II, 1822. — Id. ;Botan. Zeit , tom. XXIV.
— Vallot ; Méd. Acad., Dijon, 1832, part. d. scienc. — Turpin ; Sur le dé-
veloppement des galles du Tilleul (Nouv. Bull, de la Soc. philomatique, pag. 103),
1833. — Unger ; Die Exanthème der Pflanzen, 1833. — Dugès ; Ann. des
Sciences nal., 2e série, tom. II, 1834. — Fée; Mémoire sur les groupes des
1
D. H. HILL LIBRARY
North CaroUna State Collège
2 LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE.
(fig. 1) et dépression sur la face inférieure (vigne, etc.). Ces galles sont
garnies à leur partie concave de poils feutrés, blanchâtres au début, qui
deviennent progressivement blancs, ensuite roux et tournent au brun en
vieillissant.
Si l'on fait une coupe au rasoir à travers une de ces déformations de la
Phyllériées de Pries, 1834. — Siebold ; Bericht Hier die Arbeilen des ento-
mologischen, sektion, etc., 1850. — Dujardin ; Ann. Scicnc. nat., 3e série,
tom. XV, 1851. — Lacaze-Duthiers ; Recherches pour servir à l'histoire des
Galles (Ann. des Se. nat., 3e série, Botan., tom. XIX, 1853. — Esprit Fabre et
Dunal ; De l'Èrinose de la Vigne (Bull. Soc. d'Agr. de l'Hérault, pag. 35, 1853.
— Scheuten ; Einiges hier Milben (Ârch. fur naturg., drei und zwanzigster
Jarhgang, pag. 104, 1857. — Paggenstecher (H.-A.) ; Ueber Milben, besonders
die Galtung Pligluplus, in Yerhandl. d. nat. med. Vereins zu Hcidelberg, tom. I,
1857-50. — Landois (H.) ; Einc Milbe (Phyloplus vitis Mihi), Âls Ursache
des Traubenmisswachscs, mZeitschrifi fur wisscnschaflliche Zoologie von Siebold
und Kôlliker, tom. XIV, pag. 353, 1861. — Landois et Rœse ; Bot. Zeitung,
1866, n° 38, pag. 293. — Thomas (Fr.) ; Ueber Phyloplus Duj. und. Seine
grosscre Anzahl neucr oder wenig getkannter Missbildungen, welche (lies Milben
aus Pflanzen hevorbringen con. 1. Tav., in Prog. d. Realschule zù Ohrdruf ,
1869. — Id. ; Schweizerische Milbengallen, Verhandl. der. St. Gallischen
nalurw. Gesellscliaft, 1870-71. — Targioni-Tozzeti ; La Erinosi délia vite et
suoi acari (Bulletino délia Soc. eutomologica Italiana, 1870, pag. 283. — Donna-
dieu ; Note sur PAcarus de l'Èrinose de la Vigne (Bull. Soc. d'Agriculture de
l'Hérault, 1871, pag. 44. — Thomas; Milbengallen und verwandter Pflanzcn-
auswiichse, in Bot. Zeil., 1872, n° 17, pag. 282. — Id.; Enlwickelungsgeschichle
zweier Phytoptus-Gallen an Prunus, in Giebel's Zeitschr. f. d. gesammten Na-
turuissenschaften, tom. XXXIX, pag. 193. 1872. — Donnadieu ; Sur l'Acarus
de l'Erinose de la Vigne (Journal de Zoologie, par Paul Gervais, 1872, pag. 45).
— Thomas ; Beitrage zur Kenntniss der Milbengallen und der Gallmilben.—
Id. ; Die Slellung eler Blaltgallcn an der Ilolzgewachscn und die Lebensweise
von Phyloptus 'Zeitschr. f. d. gesamm Naturwis., tom. 42, pag. 513, 1873). —
T. Moritz ; in Frauenelorfr. Blalter.,n" 30, 1873, — Sorauer (P.); Handbuch
der Pflanzenkra?ikheiten. Berlin, 1874, pag. 165. — Donnadieu; Recherches
pour servira l'Histoire des Tétranyques, 1875, Lyon, Georg ; Paris, Baillière et
fils. — Briosi ; Sulla Phytoptosi dîlla Vite (Atti délia stazione chimico-agraria
sperimentale di Palermo, 1875. — Foëx ; Cours complet de Viticulture. Mont-
pellier, C. Goulet; Paris, G. Masson, 1886. — Pizzini; Acaro infesto aile viti
(Boll. délia sezione di Trento del consiglio provinciale d'Agricoltura, 1887). —
P. Viala ; Les Maladies de la Vigne, pag. 449. Montpellier, G. Coulet, édit.,
1887. — Dr G. Padrigeon ; L'Èrinose de la Vigne (Journal d'Agriculture
pratique de M. Lecouteux, 1887). — Ravaz , L'Èrinose (Progrès agricole et
viticole de Montpellier, 9 décembre 1888).
LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE.
3
feuille, l'examen microscopique fait reconnaître que cet aspect feutré pro-
vient des cellules de l'épiderme, qui se sont hypertrophiées, démesurément
Fig. t. — Feuille de vigne atteinte d'Ériaose.
allongées en forme de poils cylindriques (fig. 2), renfermant très peu de
chlorophylle. Ces poils, généralement unicellulaires, souvent renflés à leur
extrémité, quelquefois ramifiés, s'entremêlent avec leurs voisins et forment
parfois un lacis inextricable. L'examen des tissus sous-jacents fait recon-
naître la présence de nombreux grains d'amidon, indice d'un travail nu-
tritif important occasionné par la production des cellules piliformes et la
prolifération de celles du parenchyme, qui est toujours plus ou moins
épaissi.
Ces végétations bizarres forment des plaques souvent assez larges, en-
vahissant parfois tout le dessous de la feuille et même les pétioles, les
vrilles et les grappes de fleurs (PI. V). Dans certains pays, il y a bien peu
4 LE PHYTÔPTUS DE LA VIGNE.
de pieds de vigne qui n'en soient atteints, et, quand toutes les feuilles sont
attaquées, les fonctions de ces organes végétatifs étant entravées, une dimi-
nution de récolte peut en résulter.
Quelle est la cause de ces désordres dans la végétation? On a cru long-
temps à un champignon parasite de la feuille décrit sous le nom d'Erineum
vitis, de là le nom d'Érinose; mais on est aujourd'hui d'accord pour attri-
buer le mal à un Arachnide du groupe des Acariens, invisible à l'œil nu,
le Phytoptus vitis, dont les piqûres répétées provoquent Thypertrophie
des cellules épidermiques et la déformation du parenchyme (Qg. 2).
II. — HISTORIQUE.
Depuis plus de deux siècles, les hommes de science étudient cette ma-
ladie et le sujet n'est pas encore épuisé. Au xvne siècle, le savant italien
Malpighi, dans un travail intitulé De excrescentiis et tumoribus planta-
rum (Des excroissances et tumeurs des plantes), les décrit le premier et
les attribue à un liquide corrosif déposé par un insecte qu'il ne définit pas.
En 1737, Réaumur, de son côté {Mémoires sur les Insectes, tom. III, pag.
511), dit que les galles en forme de clou des feuilles du tilleul «sont proba-
blement dues à des insectes extrêmement petits qu'on ne peut apercevoir
qu'avec l'aide d'une très forte loupe ».
Ces idées de Malpigbi et de Réaumur, qui étaient les bonnes, furent
cependant abandonnées, et pendant très longtemps on a cru que ces pro-
ductions étaient d'origine purement végétale.
A la fin du xvine siècle, un botaniste, Scbrader, décrivit celles de la
vigne sous le nom d'Erineum vitis et les classa dans les champignons pa-
rasites des feuilles. En 1809, Persoon (Synopsis fungorum) adopta ce
nom, et bien qu'en 1815, Fries, séparant ces soi-disant champignons delà
vigne de ceux du tilleul, de l'aulne, etc., en ait fait le genre Phyllerium ,
et de tout le groupe la tribu des Phyllcriées, le nom d'Erineum a prévalu.
C'est celui que de Candolle a adopté dans sa Flore française, tom. II,
pag. 74, et après lui bon nombre de botanistes qu'il est inutile de nom-
mer ici.
Tel était l'état de la question en 1833, lorsque Turpin publia un Mé-
moire Sur le développement des galles du tilleul et décrivit dans ces galles
un petit Acarien se rapportant à l'animal indiqué par Réaumur, « dont
la forme définitive, dit-il, prend quatre pattes » , et qu'il nomma, avec La-
treille, le Sarcopte du tilleul. L'année suivante, Dugès observa ces pré-
tendus Sarcoptes, et voici ce qu'il en dit : « C'est sans doute sur la forme
extérieure et l'babitat que Latreille a déterminé Sarcopte cet animalcule
LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE. 5
quand les figures lui en furent soumises par Turpin ; mais une recherche
minutieuse, quoique difficile, en raison de l'extrême petitesse de l'animal,
nous a appris : 1° que le suçoir conique est flanqué de 2 palpes gros, courts,
semhlahles à ceux des Tétranyques; 2° que de ce suçoir sort quelquefois
Fig, 2.— Coupe d'une galle d'Érinose avec les Phytoptus (.l'après M. Briosi)
par compression une lamelle courhe, étroite et longue ; 3° que les pattes
sont de 7 articles. Or, si nous considérons la forme des palpes, des man-
dibules et des pieds, nous devrons classer cet Acarien dans la famille des
Trombidiens, près des Têtranyques ; d'autre part, le nombre des pieds nous
prouve que ce n'est qu'une larve et non un Acarien parfait, car il n'en a
6 LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE.
que deux paires, et les autres larves en ont même généralement une de
plus. » La figure correspondant à ces lignes, et qui est à la fin du volume,
est bien celle d'un Phytoptus, celui du tilleul, un peu différent de celui de
la vigne. Et plus loin, Dugès ajoute: « Nous avons vu beaucoup de ces
petits êtres devenus immobiles, cbangésen chrysalides, dans lesquelles on
voyait déjà le corps se raccourcir en abandonnant les extrémités de son
long étui cutané. Nous avons vu aussi deux ou trois fois, dans les galles,
des Acariens à 8 pattes, blancs, courts, agiles, ayant le caractère des
Tétranyques. Or ces petits ressemblaient fort à de plus grands, rougeâtres,
trouvés souvent dans des galles volumineuses. Ces Tétranyques n'étaient
pas de la même espèce que le T. tisserand du tilleul, qui habite le revers
des feuilles avec ses œufs et ses petits hexapodes. Il était d'une taille
beaucoup moindre et en différait par quelques détails de forme et par la
couleur verdâtre chez l'un, rouge clair chez l'autre. Il y a du vague en-
core sur les rapports des prétendus Sarcoptes et des Tétranyques, il en
reste aussi sur le rôle qu'ils jouent dans la production des galles ; mais ce
que nous en disons mettra les observateurs sur la voie. »
Nous avons tenu à citer longuement le professeur de Montpellier, parce
que nous le considérons comme un maître dont les observations, déjà an-
ciennes et trop oubliées de l'Ecole allemande, ont un grand poids dans
cette questiou de YÈrinose.
En 1834, également, Fée dans un bon travail intitulé : Mémoire sur le
groupe des Phyllérièes de Fries, dit que les prétendus champignons sont
des excroissances des tissus, et qu'il y a découvert deux sortes d'insectes:
l'un plus rare, que l'on peut rapprocher des Aphidiens ; l'autre plus abon-
dant et qu'il décrit comme « une larve allongée avec 4 pattes terminées
par 2 petits penicilles de poils, attachées à la partie antérieure du corps,
larve ayant des anneaux transversaux et munis de poils vers la partie pos-
térieure ».
En 1850, Siebold signale dans les excroissances chevelues des Érineum,
des Acarus non encore parvenus à l'état adulte; dans son Rapport sur les
travaux de la section entomologique de la Société de Silésie (1870), il crée
pour eux le genre Eriophyes. Mais revenons à notre ordre chronologique.
En 1851, Dujardin publie un Mémoire important et crée le genre Phyto-
ptus, nom qui a été adopté par la plupart des entomologistes. Dujardin
considère les Phytoptus à quatre pieds comme des Acariens à l'état parfait,
s'appuyant sur ce qu'ils pondent des œufs. Scheuten, le premier (1857),
retrouve la forme à 8 pattes signalée par Dugès. Il rapproche lui aussi les
Phytoptus des Tétranyques par l'examen des pattes et des parties de la
boucbe.
LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE. 7
Il faut arriver à 186 i pour trouver un travail important, celui de Lan-
dois. Le naturaliste allemand, dans un Mémoire savant, trop savant peut-
être, donnant pour certain ce qu'il a cru voir, commence par sembler
ignorer les travaux de ses devanciers. Il n'y fait allusion que dans une
note de G lignes, où Dujardin seul est cité et où il ne trouve pas la place de
dire que le naturaliste français est le créateur du genre Phytoptus. Le
travail est entièrement consacré à l'Acarien delà vigne, et il le décrit sous
le nom de Phytoptus vitis Mini. Pour Landois, les Phyloptus ne sont ni des
larves, ni des adultes à 4 pieds, mais bien des Acariens à 8 pieds ; et si
Dujardin n'a pas aperçu les deux paires postérieures, c'est qu'elles sont
toujours avortées et réduites à des appendices en forme de petits mamelons
terminés par un poil rigide. Il dit avoir vu des mâles et des femelles dont
la structure est tout à fait analogue et qui ne diffèrent que par l'orifice
génital extérieur, qui est sensiblement plus étroit cbez le mâle que cbez la
ferrelle. L'accouplement n'a jamais été observé.
Thomas, dans une série d'articles, plutôt botaniques que zoologiques,
publiés de 1869 à 1873, cite, au contraire, avec soin les travaux de ses
devanciers. Il étudie VÉrinose surtout au point de vue des déformations
produites sur les différents végétaux. Il cite plus de 70 plantes attaquées
et semble croire à une seule espèce d'Acarien, qu'il appelle simplement
Phytoptus, nom auquel il voudrait voir substituer celui de Phytocoptes
(iprov plante, xôtttu je coupe).
Targioni-Tozzetti (1870), dans un article court et bien résumé, décrit le
Phytoptus vitis et semble accepter sans conteste les observations de Lan-
dois.
En 1875, parait le travail fort important de M. Donnadieu, thèse pour
le doctorat es sciences, intitulée : Recherches pour servir à l'histoire des
Télranyques . L'auteur de ce Mémoire, adoptant les idées de Dugès et le
nom générique de Thomas, considère la forme ordinaire des Phytoptus
comme une forme larvaire des Tétranyques gallicoles se reproduisant par
parthénogenèse, et nomme la forme adulte sexuée de la vigne observée,
décrite et figurée par lui, Phytocoptes epidermi. Le dernier travail sérieux
sur le Phytoptus vitis « est celui de M. Briosi (décembre 1875). L'auteur
publie, avec un résumé de la question, d'excellentes observations micro-
scopiques et de bonnes planches à l'appui. Nous aurons à revenir sur ce
travail pour la description de l'Acarien ; disons seulement que M. Briosi
1 Nous adoptons es nom : 1" parce que c'est le plus ancien et le plus usité ;
2° parce que nous ne sommes pas d'avis de débaptiser une espèce sous prétexte
qu'elle a été d'abord décrite àj'état de larve.
8 LE PHYTOI'TUS DE LA VIGNE.
n'a pas vu les individus adultes à 8 pieds décrits par Donnadieu et qu'il
lui a été également impossible de découvrir les deux paires de pattes
rudimentaires décrites et figurées par Landois. Il pense que l'observateur
allemand a été trompé par la valve génitale plus ou moins soulevée, et que
les poils ne sont pas portés sur des appendices, mais appartiennent à la marge
de cette valve.
Tel est l'état actuel de l'étude scientifique de ÏÉrinose. Bien que, per-
sonnellement, nous ayons étudié souvent les Phytoptus et que nous en
avons en préparation à toutes les pbases de leur développement larvaire
agame, nous ne nous permettrions pas de trancber nous-môme une question
aussi difficile.
Le débat peut se concentrer sur ces deux noms, Landois et Donnadieu.
Fidèle à notre habitude de citer des autorités compétentes, nous nous
sommes adressé à l'homme qui, actuellement en Europe, connaît le mieux
les Acariens et leur histoire, et voici ce que M. Mégnin nous répond :
« L'observation de Landois est certainement inexacte: je n'ai jamais pu
voir les caractères sexuels chez les Phytoptus; les pattes supplémentaires
figurées par cet auteur chez ses prétendus adultes m'ont également tou-
jours échappé. A part le Trombidion soyeux, qui n'est pas en cause, je ne
connais d'autres Acariens sexués vivant habituellemant sur les feuilles de
la vigne que les Tétranyques gallicoles, parents des Phytoptus, nommés
Phytocoptes par Donnadieu, et je suis de l'avis de ce dernier observateur. «
III. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
Le genre Phytoptus appartient à la classe des Arachnides, à Tordre des
Acariens, à la famille des Tétranycidés .
Les Arachnides comprennent tous les Articulés à 8 pattes. L'ordre des
Acariens se compose d'Arachnides à abdomen soudé au céphalothorax,
à respiration trachéenne ou cutanée, et à bouche organisée pour la suc-
cion. Les Tétranycidés sont les Acariens réunissant les caractères sui-
vants : 7 articles aux patles, rostre formant en avant du corps une pointe
conique assez grosse, mobile et susceptible de s'abaisser verticalement. Ce
rostre est formé de deux mandibules armées de crochets à leur extrémité,
de 2 mâchoires en forme de stylets portant à leur base une pointe bar-
belée. La lèvre inférieure, formant gouttière pour loger cet appareil per-
forant, est munie de deux gros palpes qui sont les parties les plus volu-
mineuses du rostre.
Tous les Tétranycidés subissent des métamorphoses, mais chez les
Phytoptus elles sont plus compliquées que dans les autres genres. Si
LE PHYTOPTUS DE LA VIONE. 0
l'on voit en effet, chez les Têtranyques vrais, sortir de l'œuf une larve
hexapode, ne se multipliant pas et se transformant en adulte sexué ayant
8 pieds, chez les Phytoptus nous voyons l'œuf produire une forme
larvaire à 4 pieds, se multipliant pendant toute la belle saison au moyen
d'œufs pondus par parthénogenèse. A l'approche de l'hiver, suivant
M. Donnadieu, auquel nous empruntons beaucoup de détails biologiques,
ces larves tétrapodes cessent de se multiplier ; un grand nombre, sans
changer de forme, se cachent sous les écorces du cep et surtout, suivant
M. Briosi, dans les écailles des bourgeons ; d'autres s'enferment dans un
kyste transparent, formé de la peau qui se détache du corps sans être
rejetée, la chrysalide de Dugès, « dans laquelle on voit le corps se rac-
courcir en abandonnant les extrémités du long étui cutané ».
Ces kystes, figurés par M. Donnadieu, sont placés dans les mômes abris
que les larves qui hivernent dans leur état ordinaire. Ils sont de forme
allongée, arrondis vers l'extrémité postérieure de la larve, atténués dans
la direction de la tête. Celle-ci est tournée du côté où le kyste est fixé au
support par une matière glutineuse. Pendant l'hiver, la larve à 4 pieds se
transforme ; elle se raccourcit, une nouvelle paire de pieds apparaît, les
parties de la bouche et les ovaires se dessinent nettement. Au printemps
suivant, le kyste se rompt par le milieu, la larve hexapode en sort et,
comme celle des autres Têtranyques, se développe, donnant naissance par
une mue à l'adulte sexué, qui a 8 pieds .
Ce Phytoptus à l'état parfait a environ 4 dixièmes de millim. de long;
sa forme est celle d'un ovale aplati et fortement atténué dans sa partie
postérieure, principalement chez le mâle, qui est un peu plus petit, surtout
l>lus étroit, que la femelle. La couleur est jaune pâle, quelquefois verdâtre
dans la région du tube digestif, quand l'Acarien, sans doute, a absorbé
des grains de chlorophylle. Ces Phytoptus sexués ne vivent que peu de
temps; après l'accouplement, ils pondent sur la feuille et disparaissent pour
laisser la place aux larves à 4 pieds qui sortiront de leurs œufs, pro-
duiront l'Érinose par leurs piqûres et se multiplieront jusqu'à l'automne
par des œufs non fécondés qui seront fixés aux poils de la galle (fig. 2).
Quand celle-ci renferme un trop grand nombre d'individus, les jeunes
émigrent, et c'est ainsi que d'une feuille à l'autre le cep est parfois com-
plètement envahi.
La larve à 4 pieds étant la forme la plus commune du Phytoptus, la
seule que l'on trouve pendaut la belle saison entre les poils de la galle, il
est utile d'en donner une description détaillée.
L'animal (ûg. 3) est microscopique. Les plus grands individus n'ont que
10 à 13 centièmes de millim. de long sur 3 ai centièmes de millim. de large
10
LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE.
et ne peuvent être vus à l'œil nu que posés sur une feuille de papier blanc
et examinés en pleine lumière par un œil exercé. Une loupe ne suffit pas
pour révéler leur présence au milieu des poils
de la galle, il faut le microscope. Un grossisse-
ment de 50 à 60 diamètres suffit pour les aperce-
voir sur une très jeune feuille transparente; mais,
pour les bien voir, il faut les isoler1.
Le corps est allongé, flexible, vermiforme
(fig. 3), presque cylindrique, brusquement atté-
nué du côté de la tête, plus insensiblement du
côté postérieur, qui se recourbe un peu vers le
ventre. Les deux paires de pattes étendues en
avant dépassent sensiblement la tête, l'abdomen
est strié transversalement de fins replis au nom-
bre de 60 à 70 qui rappellent les anneaux d'une
sangsue. Le cépbalotborax (tête réunie au tho-
rax) est uni, sans stries transversales, séparé de
l'abdomen par un petit sillon circulaire. La tête
se termine en cône tronqué légèrement incliné
vers le sternum. L'armature buccale se compose
de deux stylets pointus que l'animal peut rétracter
ou allonger au dehors de la bouche .
L'ouverture anale est placée à l'extrémité du
corps dans une dépression formée par un disque
un peuexcavé.Sur le corps on peut compter six
paires de poils, deux paires pour la région dorsale, l'une sur le premier,
l'autre sur le dernier anneau ; quatre paires pour la région ventrale : la
Fig. 3. — Phyloptus vitis
(larve) 850 diamètres
(d'après M. Briosi).
'- Divers procédés peuvent être employés pour isoler les Phyloptus, impossibles
à bien voir autrement. Un des plus usités consiste à faire au rasoir, ou avec un
scalpel très tranchant, une coupe à la base des poils de la galle, et, ceux-ci étant
éparpillés sur du papier blanc, on aperçoit à la loupe, ou mieux au microscope,
les Acariens, qui courent d'un côté et d'autre ; on s'en empare alors avec un poil
emmanché. Ce procédé est bon ; mais le meilleur est celui que nous tenons de
M. Ravaz, auquel nous devons de plus beaucoup de documents bibliographiques
concernant le sujet qui nous occupe. Son procédé pour isoler les Phyloptus consiste
à couper avec des ciseaux un grand nombre de galles d'Érinose et à los mettre
dans un verre de montre ou tout autre petit récipient à bords très évasés ; au bout
de quelques heures, les galles s'étaut desséchées, les Phyloptus ont tous quitté
leur retraite et se trouvent en très grand nombre, courant sur le bord du verre de
montre.
LE PHYTOPTUS DE LA VÎGNE. 11
première entre le neuvième et le douzième anneau (à partir du céphalo-
thorax), la deuxième entre le vingtième et le vingt-deuxième anneau, la
troisième vers le trente-huitième, et la quatrième sur le cinquième avant-
dernier. Ces poils sont rigides, divergents, élastiques, et servent évidem-
ment à protéger l'animal contre les chocs du dehors .
Les pattes, qui chez l'adulte sont composées de 7 articles, n'en ont que
G cliez cette larve. Elles sont incolores, transparentes; le premier article,
inséré sur le thorax, semble correspondre à la hanche; le deuxième, le plus
long, peut être considéré comme la cuisse; les trois suivants représentent le
tibia, et le sixième le tarse. Ce dernier est formé d'un pièce grêle, cylin-
drique, légèrement recourhé à l'extrémité, à côté de laquelle se voit une
pointe ou stylet harhelé comme une plume, éminemment propre à assurer
la solidité de la marche au milieu des filaments de la galle.
Au-dessous de l'insertion de la seconde paire de pattes, après le deuxième
et le sixième repli abdominal, sont placés les organes génitaux, qui à l'ex-
térieur apparaissent sous la forme d'un opercule fixé aux téguments par en
haut, libre et arrondi par en bas. Cet opercule, très bien représenté par
M. Briosi, auquel nous empruntons la figure de cette larve et une partie de
cettedescription, recouvre les organes génitaux. Des œufs s'aperçoivent dans
l'intérieur du corps, les plus développés situés du côté de l'orifice génital. Ils
sont renfermés dans un ovaire en forme de tube, remplissant presque toute
la cavité abdominale et se dirigeant d'arrière en avant. Les œufs, au moment
de la ponte, sont couverts d'une substance glutineuse à l'aide de laquelle ils
adhèrent aux poils de la plante (fig. 2). Ils ont une forme un peu allongée
et paraissent d'abord homogènes, pleins d'une fine matière granuleuse.
Ils'grossissent bientôt et l'on y distingue une ligne centrale, puis la forme
arrondie de l'embryon. Enfin, après la rupture de la membrane vitelline,
on peut reconnaître l'animal entier replié sur lui-même, avec les contours
de la tête bien distincts, ainsi que les stries de l'abdomen. Au moment de
réclosion, le jeuue Phijtoptus n'a encore aucun poil. Les plus petits indi-
vidus mesurés par M. Briosi avaient 4 centièmes de millim. et demi.
L'animal se meut avec vitesse, malgré la disposition peu avantageuse de
ses pattes, placées trop avant; tandis que l'abdomen, trois fois et demi plus
long que le céphalothorax, est supporté par le disque anal, qui forme
ventouse.
La vitalité de ces larves de Phytoptns est extrême : plongées dans l'eau,
elles remuent encore au bout de quarante-huit heures. Sorauer et Landois
les ont vues pondre après avoir séjourné vingt-quatre heures dans la gl y cérinc,
d'où ce dernier auteur conclut que leur respiration n'est ni trachéenne ni
même cutanée, mais intestinale.
12 LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE.
IV. — DANGER DE L'ÉRINOSE ET MOYENS PRÉVENTIFS.
Certains auteurs ont considéré le Phytoptus comme très nuisible à la
vigne. Esprit Fabre et Dunal [Bull. Soc. d'Agr. de l'Hérault, 1853), qui ne
croyaient pas encore à l'origine animale de VÉrinose, décrivent cette ma-
ladie cryptogamique comme très grave. «CeiErincum, disent-ils pag. 38,
qui désole nos vignes du Languedoc, diffère assez de Y Erineum vilis pour
en être distingué au moins comme une variété, à laquelle nous donnerons le
nom de necator (meurtrier).» Ils semblent confondre ses ravages avec ceux
de YOïdium. «Je n'ai jamais vu, dit Dunal, sur les feuilles de nos vignes que
YÉrineam, môme quand les fruits étaient couverts d'Oïdium. h'Eriiicum
necator commence par attaquer les jeunes feuilles, les altère de telle manière
qu'elles ne fonctionnent qu'imparfaitement, et dans un âge plus avancé ces
feuilles tombent ou ne fonctionnent plus.»
Landois, de son côté, parfaitement fixé cependant sur la cause animale
de la maladie, compare les effets du Phytoptus à ceux de YOïdium. ail est,
dit-il, aussi préjudiciable. Quand les Acariens ne sont pas nombreux,
leur influence pernicieuse ne se remarque pas facilement et une apparition
sporadique sur quelques feuilles n'a pas une influence considérable sur la
production. Mais, pour se faire une idée des suites funestes de l'apparition
d'un grand nombre d'Acariens, nous citerons comme preuve le fait suivant :
Dans un jardin bien à l'abri du vent, se trouve adossé à un mur un cep de
vigne grand et vigoureux. Depuis deux ans, la présence des Acariens sur
les tendres productions foliacées des bourgeons en évolution se faisaient
remarquer dès le printemps par l'apparition des excroissances en question.
A mesure que les feuilles et les fleurs se développèrent, ie dommage causé
par les Acariens s'étendit de plus en plus, jusqu'à ce qu'enfin il ne resta plus
sur le cep une seule feuille qui n'eût été totalement envahie par les excrois-
sances, et par suite il ne se développa pas un seul raisin malgré les fleurs
abondantes qu'avait portées le cep. Après la fécondation de la fleur, les
ovaires restèrent dans le même état sans se développer, et on ne vit appa-
raître sur chaque grappe que trois ou quatre grains au plus, trop pauvres en
sève et dépourvus de sucre».
Nous venons de citer ces deux auteurs, l'un pour la région de l'olivier,
l'autre pour la limite extrême de la vigne dans le Nord.
A notre avis, Dunal a mis sur le compte de YÊrinose une grande partie
des dégâts commis par YOïdium ; quant au cep de vigne cité par Landois, il
eût fallu, selon nous, faire intervenir deux facteurs dont il n'est pas parlé : la
LE THYTOPTUS DE LA VIGNE. I .'5
coulure pour le petit nombre de grains, l'Oïdium pour le manque de sucre.
Nous sommes convaincu qu'on a beaucoup exagéré les torts du Phytop-
tus. Il n'est réellement dangereux, agissant seul, que pour lesplantiers à la
première année, alors que la plante, pour constituer ses racines, a besoin du
développement complet de la feuille. Si la sécberesse vient en plus ralentir
la végétation, un certain nombre déjeunes plants peuvent succomber. Il
est dangereux aussi pour les vignes faites, lorsque le mal qu'il provoque est
concomitant avec une autre maladie ou toute autre cause de grand affai-
blissement.
En temps normal, les années de très grande multiplication, le dommage
peut aller jusqu'à un manque relatif d'aoûtement » et à une diminution de
récolte difficilement appréciable, mais pas au delà.D'babitude, le mal n'est
pas général et peut être considéré comme négligeable.
Dans le cas d'apparition extraordinaire au printemps, on peut enlever
les premières feuilles, les brûler, et arrêter ainsi la multiplication. Les
Phytoptus bivernant entre les écailles des bourgeons et dans les fissures de
l'écorce, les vignes en espalier qui auraient été fortement atteintes une année
pourront être rabattues à la taille suivante et le bois du cep, après décor-
tication, éebaudé avec de l'eau bouillante. A ce procédé, inventé contre la
Pyrale, et dont nous parlerons au long à propos de cet insecte, un animalcule
aux téguments mous tel que le Phytoptus ne résiste pas.
S'il s'agit de faire une plantation avec des sarments pris sur une vigne
fortement atteinte, on pourra préalablement plonger les boutures dans de
l'eau ebaude. Les expériences sur la reprise des sarments éebaudés faites par
MM. Henneguy, Couanon et Salomon [Compt. rend, de l'Acad. des Se,
1887) ont montré que la reprise de boutures plongées pendant dix minutes
dans de l'eau à 50° se faisait dans les proportions de 89 %• A cette tempé-
rature de 50° subie pendant dix minutes, tous les animaux, même à l'état
d'œuf, succombent.
On a remarqué que des soufrages répétés, appliqués dès le début de la
végétation, entravaient la multiplication de VAcarien, et M. Iïavaz en a
fait récemment l'expérience.
Tous les cépages ne sont pas affectés de la même manière. A ce sujet,
des observations qui méritent d'être signalées ont été faites également par
M. Ravaz, et nous empruntons les lignes suivantes à son dernier travail :
« Les dégâts de l'Érinose, dit-il, varient avec la nature du cépage atteint.
La liste suivante fait connaître la manière dont se sont comportées à ce
point de vue, en 1886, les vignes cultivées dans les collections de l'Ecole
d'Agriculture de Montpellier.
* H. Mares ; Les Vignes du midi de la France, in Livre de la Ferme, 18G3,
pag. 369.
]4 LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE.
» Cépages très allants : Souvenir du Congrès, Sucré de Marseille, Clai-
rette Mazelle, Noir Hardy, Bucheter, Araraon Pignat, Aramon, Cinsaut,
Muscat de Frontignan, Muscat rouge, Gros Ribier, Petit Ribier, Bonne
vituaigne, Piquepoul rouge, Pougnet, Gros Gamay, Montepulciano, Mus-
cat rond d'Espagne.
^Cépages assez atteints: Micbelin, Muscat, Talabot, Terret-Bourret,
Muscat bifère, Moulas, Chatus, Guadura, Renard, Pinot blanc, Mazzari,
Pietro Corintho, Vigne de chien.
•a Cépages peu atteints: Joannenc, Lignan Comte Odart, Noir hâtif
de Marseille, Sauvignon, Aramon blanc, Terret noir, Grenache blanc,
Œillade de Bellevue, Olivette noire, Olivette blanche, Olivette jaune,
Marocain, Aspiran gris, Piquepoul-Morrastel, Brun Fourcat, Tibouren,
Colombaud, Tripier, Altesse, Basplant, Syramuse, Estacca Saouma, Mar-
sanne, Passerille blanche, Syrah, Marsanne, Abelione, Rousse, Cbichaud,
Gamay de l'Aube, Gamay teinturier, Gamay très fertile, Gamay noir,
Gitana, Silvana, Lacrima nera, Verdicchio, Rodites, etc.
^Cépages indemnes: Berlandieri, Mustang, Cinerea, Cordifolia, Grand
noir ou Spbinx, Scupernong, etc. »
La confusion entre YÊrinose et le Mildew s'étant maintes fois produite,
nous terminerons cette étude en signalant les différences qui existent entre
les deux affections. L'Érinose, par les galles en forme d'ampoules ou bour-
souflures, que nous avons décrites et figurées, provoque la déformation de
la feuille. Les poils blancs dont ces galles sont garnies en dessous n'ont
jamais l'aspect laiteux des fructifications du Peronospora viticola. Celles-ci
ressemblent à une moisissure très blanche, facile à enlever avec l'ongle, et
avec raison ont été comparées à des efïlorescences salines. La feuille atta-
quée par le Mildiou peut être criblée de taches blanches en dessous, mais
elle n'est jamais déformée par des boursouflures.
CHAPITRE II.
CLASSE DES INSECTES
ORDRE DES DIPTÈRES
LA CÉCIDOMIE DE LA VIGNE1
(Cecirfomi/ia œnophila IIatuiioffen.)
L'ordre des Diptères ou mouches à deux ailes passait, il n'y a pas bien
longtemps, pour ne renfermer aucun parasite de la vigne; mais depuis 18G2
plusieurs espèces du genre Cécidomic ont été signalées en Amérique et en
1 Bibliographie. — Osten-Saken ; Ueber die Gallen und andere durch
Insekten hervorgebrachle Pflanzendcformationen (Stett. ent. Zeitg., 1861, tom.
XXII, pag. 405-420). — Id.; Monograplis of the Diptera of N. America. Was-
hington, 1862, tom. I. — Id.; LasiopUra reared frorn a gall on the golden-rod
(Proc. Ent. Soc. Philad., 1863, tom. I, pag. 368-370). — Id.; Two new north
American Cecidomyix (Ibid., 1S66-67, tom. VI, pag. 219-220). — Id.; Calai.
N. America Dipt., 1878, pag. 7 (Smilhsonian Miscellaneous Collections). —
Riley et Walsh; The American Entomologisl and Bolanist, 1868-69, tom. I;
1869-70, tom. IL— Riley ; Ann. Reports of the noxious and bénéficiai Insects
of Missouri, 3, Rep. 1871 ; 4, Rep. 1872 ; 5, Rep. 1873. — G. Ritter von
Haimhoffen; Beobachtungen ilber die Dlatlgalle und deren Erzeugcr auf Yitis
vinifera L. (mit drei Holzeschnitten.), den Verhandlungen Zool. Botan. Gesells-
chaft in Wien, 1875, pag. 803-810. — Julius Edler, von Bergenstamm
und Paul Low ; Synopsis Cecidomyidarum ( Aus den Verhandlungen Zool.
Bot. Gesellschaft in Wien, 1870. — Antonio Aloi ; Die un nuevo Inselto,
damnoso aile vili, del génère Cccidomyia, scoperlo nellc Vigne delta piana di
Catania (Comunicaziono fatta ail' Accademia Giœnia nella tornatadel di S agosto
1886). — Ravaz ; Traduction résumée du travail d'Antonio Aloï (Progrès
agricole et viticole de Montpellier, 22 mai 1887).
jg LA CÉCIDOMtE DE LA VIGNE.
Europe comme vivant dans l'intérieur du parenchyme de la feuille et y
provoquant la formation de galles d'un aspect tout particulier.
Les Cécidomies (xr/t; galle, pï« mouche) sont de petits Diptères hrunsou
teintés de couleurs tendres passant au hrun par la dessiccation, de 1 ram,50 à
3 millim.de long, au corps svelte, très fragiles, auxgrands pieds, aux longues
antennes, ce qui les fuit ranger, à côté des cousins ou moustiques et des
grandes tipules de nos jardins, dans le sous-ordre des Némoccres (v^px fil,
xeo«; corne) . Elles constituent une petite famille, celle des Cècidomides,
détachée par les entomologistes modernes de celle des Tipulidcs, où on les
rangeait autrefois. On les classe par la disposition des nervures des ailes,
le nomhre et la forme des articles des antennes.
Ces Diptères lilliputiens, très nombreux en espèces, plus d'une centaine
en Europe, sont parfois, à l'état de larves, de grands ennemis de nos récoltes.
Ils se multiplient souvent en quantités énormes et constituent des légions
de ravageurs qui s'attaquent aux tiges, aux feuilles, aux fleurs, aux fruits
et aux parties ligneuses des végétaux vivants. Il y en a même qui habitent
dans le bois mort, entre l'écorce et l'aubier et jusque dans des matières
végétales en putréfaction.
Celles qui s'attaquent aux végétaux vivants, les seules qui intéressent
l'agriculteur, produisent d'ordinaire des déformations qui rentrent souvent
dans la forme renflée et arrondie connue sous le nom de galle [Cccidomyia
œnophila, C. Urticœ, C. Fagi), mais qui se réduisent parfois à des hyper-
trophies de tissus [C. Eryngii, C. Rubi), de fruits (C. Pyri, C. nigra), à
des modifications dans le développement des fleurs [C. Verbasci), des bour-
geons [C. Ericœ-scoparix). Certaines font épanouir en forme de rose les
bourgeons terminaux du saule [C.rosaria] , d'autres rongent le parenchyme
de la feuille sans y produire de renflement, on aperçoit simplement la
galerie par transparence [C. buxi décrite par M. Laboulbène) ; d'autres enfin,
telles que C. deslructor du blé, vivent dans les gaines des feuilles sans y
occasionner de déformations sensibles, exerçant leurs ravages en rongeant
la tige, qui se brise alors au moindre vent.
Les larves de Cécidomies ont la forme générale allongée de beaucoup de
larves de Diptères connues sous le nom vulgaire d'asticots, tantôt solitaires
dans leur loge [C. œnophila, C. Fagi, etc.), tantôt en sociétés plus ou moins
nombreuses [C. nigra, C. Pyri, C. Papavei^is, etc.). Leur corps est de
diverses couleurs, blanc, jaune, orange, rose, rose saumon, avec des parties
translucides plus ou moins grandes aux extrémités. La coloration, variable,
est due à celle du tissu adipeux, qui est vu par transparence et plus ou moins
abondant. Quand la larve est grasse, bien nourrie, elle est plus colorée et
sur une plus grande étendue. Le corps est souvent armé de crochets à l'en-
La CécIdOmië de la vigne. 17
trémité postérieure, ce qui permet à l'insecte de s'accrocher, de se courber
en arc et, par une brusque détente, d'exécuter des sauts qui le lancent au
loin. Cette propriété, commune du reste à beaucoup de larves de Diptères,
se voit surtout chez les espèces qui se changent en nymphe dans le sol. La
métamorphose a lieu pour les unes dans la cavité même où elles ont vécu,
pour les autres sous les écorces, entre les nervures des feuilles ou dans la
terre meuble. Certaines se (ilent un cocon de soie blanche [C. œnophila,
C. Pini, etc.), d'autres se métamorphosent dans leur propre peau, qui, sans
se rompre, s'est détachée de leur corps [C. Tritici, C. destructor, etc.).
En donnant ces renseignements généraux sur les premiers états des
Cécidomies, nous ne pouvons passer sous silence un des phénomènes les
plus extraordinaires qui aient été constatés jusqu'à ce jour en biologie.
Qui dit animal apte à se reproduire, dit en quelque sorte animal parfait,
et les cas de larves pondeuses étaient inconnus chez les insectes avant
1862. A cette époque, un naturaliste russe, Nicolas Wagner, publia des
observations faites par lui en 1861 au bord du Volga, à Kasan, sur des
larves de Cécidomies, sous-genre Miastor, vivant sous l'écorce des ormes
et pondant par parthénogenèse des larves semblables à elles-mêmes.
Plusieurs générations de ces larves se succédaient; puis, à un moment
donné, certaines se changeaient en nymphes et ensuite en insectes parfaits.
Le fait, qui Qt beaucoup de bruit dans le monde des naturalistes, fut con-
firmé par M. Fr. Meinert. qui obtint à son tour des Miastor parfaits de
larves pondues par des larves.
Les nymphes sont blanches, rosées, oranges ou roussâtres, glabres ou
hérissées de quelques soies. On distingue nettement les ailes, les antennes
et les pattes, qui sont repliées contre le corps. Le thorax est muni de
deux cornicules dont on a discuté le rôle, mais que l'on considère au-
jourd'hui comme des tubes respiratoires surmontant les stigmates thora-
ciques. M. Laboulbèue y a observé une trachée qui en occupe tout l'in-
térieur ; ces cornicules respiratoires s'observent du reste chez beaucoup de
Diptères. La tète est ornée de deux pointes chitineuses placées à la base des
antennes et destinées a ouvrir un passage au dehors, un peu avant la
transformation en insecte parfait. Celui-ci est en effet trop faible, à tégu-
ments trop mous, pour pouvoir traverser l'obstacle le plus léger si la voit;
ne lui est pas préparée. Les insectes parfaits ne vivent que quelques jours,
le temps de s'accoupler et de pondre.
18 La cécidômie de la Vigivë.
I. — HISTORIQUE.
Le genre Cecidomyia, si important au point de vue agricole ou purement
scientifique, a dès le xvie siècle attiré l'attention de beaucoup de natura-
listes. Malpighi 1628-1694, Réaumur 1736-1740, Scopoli 1763, Schrank
1776-1803, Degeer 1782, Kirby, 1797-1828, Meigen 1803-1838, Vallot
1819-1849, Bouché 1833-1847, Dufour 1837-1801, Perris 1840-1870,
Rondani 1840-1874, Ratzeburg 1841-1868, Bremi 1844-1849, Low
1844-1876, Winnertz 1846-1870, Passerini 1850, Scbiner 1854-1868,
Laboulbène 1857-1873, Gebin 1860, Giraud 1861-1863, Osten-Saken
1861-1871, N. Wagner 1862-1865, Goureau 1862-1863, Meinert 1864-
1872, B. Wagner, 1866-1871, Riley et Walsh 1868-1872, Haimhoffen
1875, Edler von Bergenstamm 1876, pour ne citer que les principaux,
ont publié de nombreux travaux, les uns exclusivement techniques, les
autres remplis de science et d'observations sagaees sur les mœurs de ces
insectes et les désordres physiologiques causés par eux sur les planles.
Entrer dans le détail de tous ces Mémoires serait sortir de notre sujet.
«Le nombre des espèces de Cécidomies, a dit Perris ', est tel et la variété
de leurs mœurs si grande, que la vie d'un homme s'épuiserait à revoir
tout ce qui a été écrit sur leur compte et à compléter leur histoire.» Nous
ne citons donc, dans la Note bibliographique et dans cet exposé historique,
que les travaux concernant les diverses Cécidomies ampélophages, et ren-
verrons pour les Mémoires parlant des autres espèces au Synopsis Cecido-
myidarum de MM. Julien Edler von Bergenstamm et Paul Lôw. Ce travail
éuumère 141 auteurs et 291 Ouvrages ou Mémoires dans lesquels il est
question de 606 espèces de Cécidomies, attaquant 325 espèces de plantes.
Tout d'abord signalons ce qu'au xvne siècle disait Malpighi (An. plant.,
pars altéra, pag. 39, PI. XVI, fig. 58). Le vieil auteur parle d'une
mouche produisant des galles ovales sur les vrilles de la vigne. Le travail
de Vallot, dans lequel nous puisons ce renseignement (pag. 316), n'en dit
pas davantage ; mais nous ne pouvons voir dans ces galles causées par une
mouche autre chose que celles d'une Cécidômie ayant, comme nous
l'avons observé à Montpellier, piqué les vrilles de la vigne. Dans les
auteurs du xvin° et ceux de la première moitié du xixe, rien de sem-
blable n'est mentionné. Ce n'est qu'en 1854 que des galles causées par
1 Perris; Les Diptères du Pin maritime {Ann. Soe. ent. de Fr., pag. 18?,
1870).
LA CÊdtDOMli OK LA VICNE. l';f
des Cêcidomics ont été vues d'une façon certaine sur la vigne d'Eu-
rope par M. IlaimliolVen, de Vienne; niais l'observation n'a été publiée
que [dus tard, et c'est eu 18G"2 que pour la première fois une Cecido-
myia (Lasioptera) vitis, vivant sur la Vitis riparia, a été décrite par
M. Osteu-Saken dans sa Monographie des Diptères du nord de V Améri-
que. L'entomologiste russe a publié ensuite une Cecidomyia viticola éga-
lement américaine, dont il n'a observe que la larve et la galle. MM. Walsli
et Riley, de leur côté, ont donné l'histoire et la description de deux espèces,
toujours des Etats-Unis, C. Vitis-coryloïdes vivant sur Vitis coxlifolia, et
C. Vitis-pomum vivant sur Vitis cordifolia, labrusca, riparia et vulpina.
Les galles ont été figurées par ces deux auteurs. Dans son Catalogue des
Diptères du nord de l'Amérique, publié en 1878, M. Osten-Saken cite
ces divers travaux.
Le Mémoire de M. HaimliofTen renfermant la description de l'espèce
européenne vivant sur Vitis vinifera est de 1875. w J'ai trouvé, dit-il, des
galles de Cécidomie sur une vigne cultivée, le 15 juin 1854, au N.-O. de
la ville de Vienne, derrière Gerstbof, sur une colline ayant un de ses
versants exposé au Midi et découvert. Dans la seconde moitié d'août 1854,
j'ai essayé l'élevage de plusieurs de ces producteurs de galles et je n'ai
obtenu que deux espèces d'Hyménoptères parasites de la famille des Cbal-
cidieus. Une publication à ce sujet devait être retardée pour ne pas publier
des choses douteuses. Soit par suite de circonstances atmosphériques ou
toute autre cause, j'ai passé huit ans sans retrouver ces galles. C'est le
l" juin 1869 que je les ai rencontrées de nouveau dans les vignobles situés
au pied du Geisberg, près Perchtoldsdorf ; enfin trois ans plus tard, le 11
juin 1865, j'ai trouvé de ces galles en pleine maturité, au nombre de 19 sur
une seule feuille. Dès le lendemain, presque toutes les larves étaient sor-
ties et s'étaieut cachées dans la terre du récipient. Le 27 juin, donc seize
jou's plus tard, sortirent les premières Cêcidomics à l'état parfait, mais
rien que des femelles. Huit jours après, le 19 juin 1865, je découvris
encore plusieurs galles habitées ; le 7 juillet, la plupart étaient sèches,
d'autres étaient abandonnées par les larves et laissaient voir un petit trou
de sortie sur la face inférieure. Depuis cette époque, il s'est encore passé
dix ans jusqu'à ce que j'aie pu obtenir quelques producteurs par éducation.
Grâce à moi, la présence de ces galles n'avait [tas échappé à quelques
autres observateurs autrichiens : ainsi, j'ai reçu de M. Von Bergenstamm
une feuille de vigne sauvage cueillie à Rubia, près Garz, avec une galle qui,
quoique desséchée, était inconnaissable."
Notre regretté ami Lichtenstein a le premier, en 1878, trouvé à
Moutpellier l'insecte d'IlaimholTen, et il se disposait a le décrire sous le
20 LA CÈCIDOMIE DE LA VIGNE.
nom de Cecldomyia utils, lorsqu'il eut connaissance du Mémoire autri-
chien. Depuis cette époque, nous l'avons personnellement rencontré plu-
sieurs fois dans le département de l'Hérault, à Béziers, à Agde et à
Fig. 4. — Feuilles de vigne avec galles de Gécidomies.
Montpellier; nous avons également reçu de M. Bayle, d'Aiguesmortes
Gard), une quantité considérable de galles. Elles abondent, parait-il, dans
LA CÉCIDOMIE DE LA VIGNE. 21
cette localité et se trouvent surtout sur la vigne sauvage dans les baies,
placées de préférence sur les rameaux latéraux .
Un second Mémoire sur des Cécidomies trouvées sur la vigne en Europe
date de 188G. Il est dû à un italien, M. le professeur Antoine Aloï, qui a
rencontré ces insectes dans la plaine de Catane. Cet auteur ne donne pas
de nom d'espèce à la Cecidomyia qu'il décrit très brièvement ; il la consi-
dère cependant comme peut-être nouvelle. « Les données me font défaut,
dit-il, pour établir que mon insecte est ou n'est pas le même que celui de
M. Haimbolïen . »
Dans une traduction résumée qu'il a donnée de ce travail (Progrès
agricole, mai 1887), M. Ravazditen note que l'espèce italienne n'est autre
que la C. œnophila. Ce n'est pas sur la description de l'auteur italien que
nous pouvons juger, elle est trop incomplète! Le ali sono frangiate ed
hamo tre nervalure principali, voilà tout ce qu'il dit du caractère le plus
important cbez une Cécidomie, celui de la disposition des nervures des
ailes; mais M. Aloï parle de trois générations dans l'année, en mai, en
juin et en juillet : or la Cecidomyia œnophila, d'après les observations de
l'auteur autriebien et d'après les nôtres, parait n'eu n'avoir qu'une seule.
Nous n'avons pas l'habitude de classer les animaux d'après leur biologie,
les mœurs pouvant se modifier suivant le climat, le sol, etc., s'adapter en
un mot à un milieu; nous trouvons cependant considérable cette différence
dans le nombre des générations et nous faisons nos réserves, attendant un
nouveau travail annoncé par M. Aloï.
II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
Les Galles mûres sont rondes ou ovales (fig. 4), en forme de lentilles
ayant environ 3 millim. de diamètre et faisant saillie des deux côtés de la
feuille, de consistance dure, placées souvent sur les nervures, lisses et un
peu luisantes en dessus, velues et mates en dessous, à parois épaisses,
denses à l'extérieur, tendres et translucides à l'intérieur; elles sont d'abord
d'un vert plus clair que la feuille, deviennent ensuite de môme teinte, et
quand la larve est sortie elles se rembrunissent et se dessècbeut, en com-
mençant parle centre. M. Haimhoffen dit qu'elles deviennent parfois d'un
rouge foncé. Nous ne l'avons jamais observé ; mais sur des plants à raisins
colorés, le Petit Bouschet ou autres, la chose est possible. Ou sait qu'a
l'automne, au moment où la cbloropbylle de la feuille perd de sa vitalité,
l'érythropbylle, ou principe colorant rouge, prend au contraire une grande
intensité sur ces plants-là; il n'y a dune rien d'étonnant a ce qu'au moment
22 I.A CÉCTDOMTE DR LA VIGNE.
delà maturité de la galle et avant sa dessiccation, celle-ci puisse tourner au
rouge. Celte teinte est très fréquente du reste sur les galles du Phylloxéra.
Le nombre de ces renflements est parfois considérable, jusqu'à 50 ou
60, mais d'ordinaire de 5 à 20 par feuille. Nous en avons observé jusque
sur les vrilles. Souvent deux galles voisines se soudent, principalement
sur les nervures, où leur dimension est plus grande ; elles se confon-
dent alors, formant une tumeur allongée dans laquelle chaque larve a sa
loge distincte. Cette loge, d'abord très petite, juste de la dimension de
la larve, qui se tient courbée en demi-cercle, devient ensuite spacieuse,
jusqu'à 2millim. de diamètre en tout sens, quand la recluse, grandissant,
a consommé les cellules du parenchyme tout autour d'elle. Celles-ci, vues
au microscope, paraissent comme déchirées par l'appareil spécial dont nous
parlerons en décrivant la larve. Les galles apparaissent à la fin de mai, la
plus grande partie les premiers jours de juin , et à la fin du même mois
toutes les larves sont sorties .
On a parfois pris ces galles pour celles du Phylloxéra. No as les avons
personnellement reçues sous ce nom, des environs de Béziers. M. G.
Hiinstler, dans son ouvrage sur les Insectes nuisibles aux plantes cultivées
(Die unseren Culturp flan zen schddlichen Insecten, 1871, pag. 85), paraît
les avoir confondues, ainsi que le chevalier de Fraunfeld dans son travail
sur le Phylloxéra [Verh. derZool , Dot. ges., 1872, § 3 — 4. Heft, pag. 569
und 571). La différence est cependant notable. Les galles du Phylloxéra
sont développées seulement au-dessous de la feuille, renflées en forme
d'utricules ou de gourdes, avec une ouverture en dessus de la feuille ; celles
de la Cécidomic sont au contraire lenticulaires, aussi saillantes en dessus
qu'en dessous delà feuille et entièrement closes.
La larve est longue de 2 millim. environ, aveugle,
légèrement courbée en demi-cercle, de couleur rose
saumon plus ou moins foncé, tirant parfois sur l'orange.
Le corps est atténué aux deux bouts, formé de 14 seg-
ments y compris les deux dont semble se composer la
tète, glabre, n'ayant que quelques poils spiniformes
dirigés en arrière, partant d'une base ou article basi-
laire élargi et placés en dessous au milieu des seg-
[ug/ ,5'7TLa,rve de ments; peau recouverte de fines granulations épineuses,
delaCeciuomyia
œnophila. aplaties, semblant imbriquées et dont la pointe est diri-
gée en arrière. Les téguments extérieurs sont blancs,
translucides; la couleur est donnée par le tissu adipeux vu par transpa-
rence et qui d'ordinaire ne s'étend pas jusqu'aux extrémités du corps.
La tête, très petite, est rétractile, semblant formée de deux segments,
LA CÉCIDOMIE DE LA VIGNE. 23
prolongée en museau allongé, à l'extrémité duquel se trouve l'ouverlur i
buccale; l'armature interne de celle-ci est formée de pièces chitineusas
jaunes, peu distinctes; deux palpes labiaux paraissant n'avoir qu'un article
sont placés à la partie inférieure.
Le prolhorax est renllé, une fois plus long que la tête, muni en dessus
d'une lame chitineuse rousse, terminée par deux pointes divergentes. Cette
lame, partant d'une échancrure du mésotborax, s'avance engagée dans la
peau à la surface du prothorax, dont el'e suit le contour arrondi jusque
près de son bord antérieur. Les deux pointes divergentes saules sont un
peu détachées et sont retenues solidement par deux prolongements chiti-
neux latéraux, à l'endroit où elles se séparent du protborax. Par un mou-
vement de rétraction de la tête et du bord antérieur du protborax, ces deux
pointes font saillie. C'est évidemment là l'instrument perforant qui permet
à cette larve à bouche inerme de déchirer les tissus du parenchyme pour
se nourrir ou se frayer un passage au dehors au moment où elle quitte la
galle1. Los deux autres anneaux tboraciques sont d'un tiers moins longs
que le prolhorax. Le mésothorax est remarquable par l'échancrure pointue
aux bords arrondis et renflés et qui donne naissance à la lame chitineuse
décrite ci-dessus.
1 Perris, dans une description de larve de Cécidomie vivant dans le Pin mari-
time [Ann. Soc. eut. de Fr., 1870, pag. 172), parle d'une pièce subcornée placée
sous la peau, en dessus du prothorax, roussàtre, un peu spatulée, légèrement,
échancrée à l'extrémité antérieure et devant servir d'attache aux muscles qui
mettent en mouvement les parties de la bouc'.:e et la tête elle-même. M. Laboul-
bène, de son côté, dans la Description de li Larve de la Cécidomie du buis (Ann.
Soc. ent. de tr., 1873, pag. 317), mentionne deux pièces chitineuses: l'une in-
terne, déjà signalée par Réaumur sous le nom de a irait bruu corné », appar:e-
nant à l'appareil buccal ; l'autre externe, bilide à son extrémité autérieure, placée
en dessous du prothorax et servant d'appareil perforant. Y a-t-il eu confusion
eutre ces deux pièces ? Evidemment non, pas môme de la part de Réaumur. Celle
de Perris, placée en dessus du prothorax, intérieurement, paraît correspondre au
«trait brun corné» du vieil auteur, et celle de M. Laboulbène, placée en dessous du
prothorax, extérieurement: est bien certainement l'appareil perforant signalé déjà
par Réaumur à propos de la Cécidomie du hêtre (Mémoires, tom. III, pag. 519.
PI. 38, tig. 16). Chez notre larve, la lame unique placée en dessus du prothorax,
extérieurement, parait remplir les deux fonctions, servir de point d'attache aux
muscles et aussi d'appareil perforant. Gomme l'indique M. L bcilbène, nous avons
fait rouler sur une plaque de verre la larve vivante, nous l'avons examinée au
microscope de face et de pr:ftl, et nous avon^ vu que la lame bifide sus-protho-
racique est, il est vrai, en partie engagée dans la peau, mais fait saillie extérieu-
rement et que les deux pointes de l'extrémité sont libres,
24 LA CÉCIDOMIE DE LA VIGNE.
L'abdomen est formé de 9 segments à peu près d'égale longueur; les
stigmates au nombre de 9, placés latéralement, sont très petits, invisibles
à la loupe la plus forte et ne peuvent être vus distinctement au microscope
qu'à un grossissement d'environ deux cents diamètres. Le stigmate tbora-
cique placé sur le protborax un peu en arrière, les 8 abdominaux situés
au milieu des 8 premiers segments, sauf le huitième très petit placé uri
peu plus bas vers la partie ventrale.
Dans l'intérieur de la galle, les mouvements sont lents, mais au dehors
assez vifs, et à l'occasion, d'après M. Haimboffen, ces larves sautent pour
quitter la feuille. Nous les avons simplement vues se laisser choir, et nous
nous demandons comment elles pourraient sauter, n'ayant pas l'extrémité
abdominale munie de crochets. Mises dans un récipient avec de la terre,
les larves sorties des galles s'enfoncent de suite, et quinze jours après les
petites mouches apparaissent.
Nous avons dû donner de cette larve une description détaillée, celle de
M. Haimboffen ne comprenant que quel-
ques lignes et pouvant se rapporter à
beaucoup d'autres larves de Cécidomics.
La nymphe est enfermée dans un cocon
de soie blanche qui reste dans la terre
après î'éclosion ; mais, si l'on ne donne
pas de terre à l'insecte, il file ce cocon
dans uo coin du récipient ou entre les
nervures des feuilles ; nous en avons
obtenu deux dans ces conditions-là. Ce
cocon est ellipsoïde un peu aplati, long
d'un millim. et demi à un millim trois quarts, légèrement translucide, et
laisse apercevoir la nymphe qui est d'un blanc rosé. Quelques larves,
dit M. Haimboffen, ne se transforment pas et restent dans le cocon pour
ne se métamorphoser qu'au printemps suivant ; mais la plupart des petites
mouches apparaissent en juillet. Haimboffen en a obtenu fin juin.
Cet auîeur ayant donné une bonne description de l'insecte parfait, nous
ne pouvons mieux faire que de la reproduire. Les mâles n'ayant été en-
core observés par personne, elle a été faite sur des femelles.
Longueur lmm,6.
Tête petite, noire, tronquée en arrière, détachée du thorax ; la face,
entre les antennes, est d'un rougeâtre pâle, parsemée de poils noirs rares.
Palpes blanchâtres, cou distinct, rouge pâle, yeux noirs ; antennes effi-
lées, de 1 i articles brun rougeâtre, couvertes de poils courts, les articles
plus longs que larges, plus petits vers l'extrémité, avec des poils verti-
Fig, 6. — Cecidomyia œuophila
fortement grossie.
LA CÉC1D0MIE DE LA VIGNE. 25
cillés. Thorax bomLé, gris noir dans sa partie dorsale avec des poils noirs
isolés, les côtés de la poitrine et le môtathorax couleur de cbair, ainsi que
le scutellum qui est rugueux. Balanciers d'un rougeâtre pâle avec le pé-
dicelle blanc. Abdomen fusiforme, effilé, couleur de cbair, les deux der-
niers segments pâles, l'oviscapte encore plus pâle, proéminent, sans la-
melle à l'extrémité. Segments très renflés couverts de poils noirs diver-
gents, portant sur la partie dorsale une touffe de poils recourbés en arrière,
intervalles des segments plus clairs, les pattes longues, fines, rougeâtres,
les hanches et les articulations plus foncées, grisâtres, les cuisses posté-
rieures avec trois ou quatre soies très
fines, divergentes et noires. Ailestfan
quart plus longues que le corps, se
couvrant, la surface obscurcie par des
poils noirs et serrés, le bord garni de
cils se détachant facilement, entre la
nervure longitudinale médiane et la
nervure bifurquée ; une ligne foncée
oblique, composée de poils épais, s'avance vers le bord de l'aile. Ner-
vure du bord noirâtre, la 2e nervure longitudinale légèrement arquée
dans son milieu, se réunissant à la nervure du bord avant la naissance de
l'aile. La ramification externe de la 3e nervure longitudinale manquant,
du moins invisible aux plus forts grossissements. La bifurcation interne
obliquement descendante sous un angle obtus. Pas de petites nervures
transversales entre les première et seconde nervures longitudinales.
Ces petits et gracieux moucherons sont difficiles à saisira cause de leur
vivacité. Après leur mort, ils perdent leur aspect et leurs couleurs.
La présence de la Cécidomie de la vigne a été signalée jusqu'à présent,
en Autriche par M. Haimhoffen, en France par plusieurs naturalistes, eu
Roumanie par M. Horvath, en Grèce par M. Gennadius, en Sicile enlin
par M. AIoï.
Fig. 7. — Aile de la Gecidomyia œno-
phila, d'après Haimhoffen.
III. — MOYENS PRÉVENTIFS.
Bien que le petit Diptère qui nous occupe soit exclusivement parasite de
la vigne, ou peut-être parce qu'il est particulier à cette plante, il ne uous
parait pas occasionner de dommages sérieux. Beaucoup d'espèces qui ne sont
ampéloplmgesquepar occasion sont autrement dangereuses. D'après ce que
nous avons observé en France, les fonctions physiologiques de la feuille ne
peuvent être gravement entravées par ses galles. M. AIoï, dans le travail cité
plus haut, n'est pas de notre avis. En Sicile, selon lui, le mal serait parfois
26 LA CÉCIDOMIE DE LA VIGNE.
appréciable. «L'insecte, dit-il, ayant plusieurs générations dans l'année, les
larves de la première dessèchent et trouent le limbe en plusieurs points ; les
générations suivantes produisent de nouvelles galles dans les endroits en-
core intacts, si bien que la feuille s'atrophie, se recroqueville, se dessèche
en grande partie et cesse de fonctionner.»
S'il en est ainsi en Sicile et dans les climats similaires, il faut avoir soin,
dès le commencement, de détruire les premières feuilles portant des galles.
En France, nous le répétons, nous n'avons jamais observé de dégâts sérieux.
La trop grande multiplication de l'espèce est du reste arrêtée naturellement
par deux petits hyménoptères * de la famille des Chalcidiens, qui sortent des
galles du 10 juillet au 10 août. Passé le 10 juillet, on peut même dire
que toutes les galles qui ne sont pas percées sont occupées par ces parasites.
1 Nous n'avons pa jusqu'à présent déterminer ces deux petits Chalcidiens.
Les célèbres collections d'Hyménoptères de Sichel et de Giraud, aujourd'hui
propriété du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, étaient en France les seules
assez riches en Hyménoptères parasites pour nous offrir des types de comparaison.
Nous nous sommes donc adressé au Muséum ; mais, malgré les recherches opé-
rées pour nous par M. Poujade, préparateur de la chaire d'Entomologie, l'identité
de ces deux insectes n'a pu être établie.
Sont-ce les mêmes espèces que M. Haimhoïïen dit avoir obtenues à Vienne dans
la seconde quinzaine d'août? Il n'en donne pas la description ! Au premier abord,
nous les avions rapprochées des Eulophus, parasites des Cécidomies observés
déjà par Dufour, Perris, Laboulbène et d'autres auteurs ; mais ils s'en éloignent
par la forme des ailes et des antennes. Peut-être sont-ils inédits ; mais, avanl de
leur assigner un nom, de nouvelles recherches doivent être opérées.
De ces deux insectes, l'un, le plus grand, dont tous les individus sont femelles,
est long de lmm,50, de 2 millim. si dans la longueur du corps est comprise celle
de l'oviscapte. La largeur est d'environ 1/2 millim. Le corps est d'un jaune safran
foncé avec deux grandes taches noires en dessus, l'une sur le devant du thorax
l'autre à l'extrémité de l'abdomen. L'oviscapte est noir avec la base rousse, les
yeux bruns, ainsi que deux ocelles placées sur le front au-dessus des antennes.
Celles-ci, également brunes, sont assez courtes, insérées très près l'une de l'autre
entre les deux yeux et composées de cinq articles seulement; les pattes sont d'un
jaune pâle avec l'extrémité des tarses bruns.
L'autre forme, la plus petite, dont tous les individus sont des mâles, n'a guère
qu'un millim. de long ; le corps, d'un noir foncé bri.'lant, est très étroit en pro-
portion, les pattes sont d'un jaune pâle et les antennes brunes, celles-ci sont fili-
formes et atteignent les deux tiers de la longueur du corps.
Ces deux types ne représenteraient-ils pas les deux sexes d'une même espèce?
La larve et la nymphe de ces parasites ont été observées par nous. Les méta-
morphoses s'opèrent dans l'intérieur de la galle de la Cécidomie.
CHAPITRE III.
ORDRE DES HÉMIPTÈRES
Ce groupe important, dont le nom est tiré de deux mots grecs (%t<ruç
demi et nrepov aile) renferme des insectes à métamorphoses incomplètes,
à appareil buccal suceur, à ailes supérieures à moitié transparentes. Ce
dernier caractère, qui a valu son nom à l'ordre, n'est cependant pas gé-
néral et ne se rencontre que dans les genres les plus élevés en organisation .
Delà deux sous-ordres, dont l'un, celui des Homoptèrcs (ôp>; semblable),
renferme toutes les espèces à ailes supérieures uniformes, et l'autre, celui
des Hétéroptères [îrèpoç dissemblable), toutes celles qui ont les ailes supé-
rieures à demi transparentes. Les Cochenilles, le Phylloxéra, etc., appar-
tiennent au premier sous-ordre; les Punaises, si nombreuses en espèces,
au second.
Les Hémiptères, en majeure partie phytophages, renferment naturellement
un très grand nombre d'ennemis de nos cultures. Dans les diverses contrées
de l'ancien Monde, la vigne est attaquée par une quinzaine d'espèces. Plu-
sieurs vivent exclusivement à ses dépens et, à ne citer que le Phylloxéra,
peuvent être rangés dans les ravageurs célèbres.
De premier sous-ordre, celui des Homoptères , se subdivise en diverses
familles, parmi lesquelles on peut citer, comme renfermant des espèces en-
nemies des vignes : les Coccides connues vulgairement sous le nom de Coche-
nilles, les Aphidcs ou Pucerons, les Cicadellides ou petites Cigales, les
Fulgoridesei les Cicadidcs ou grandes Cigales.
Dans les Hétéroptères, nommés vulgairement punaises, il n'y a qu"une
seule famille à citer, celle des Capsidcs, et encore ne renferme-t-elle qu'une
seule espèce nuisible à la vigne.
Commençant par les formes inférieures, nous pourrons donc dresser
comme suit la liste des Hémiptères ampélophages dont nous aurons à nous
occuper:
Sous-ordre des Homoptères :
Famille des Coccides Pulvinaria vitis. Linné.
— — Aspidiotus vitis. Signoret.
28 LES COCHENILLES DE LA VIGNE.
Famille des Coccides Dactylopius vitis. Niedelski.
— des Apbides Phylloxéra vastatrix. Plancuoa.
— Aphis vitis. Scopoli.
— des Oicadellides Typhlocyba flavescens. Fabricius.
— — viticola. Targioni.
— Penthimia atra. Fabricius.
— des Fulgorides Hysteropterum Grylloidcs. Fabricius.
— • des Oicadides Cicada atra. Olivier.
— — hœmatodes Scopoli.
— — plebeja. Scopoli.
— — omi. Linné.
Sous-ordre des Hétéroptères :
Famille des Capsides Lopus sulcatus. Fieber.
Cette liste de quatorze espèces pourrait être allongée ; mais nous avons
crudevoir n'y pas comprendre plusieurs punaises citées parcertains auteurs
comme accidentellement ampélophages et qui d'habitude ne sont nullement
dangereuses.
Nous terminerons ces renseignements généraux en disant que, pour la
nomenclature parfois embrouillée des Hémiptères, nous avons suivi l'ou-
vrage le plus récent (1886) et qui passe pour être le mieux au courant de la
science, le Catalogue des Hémiptères d'Europe de M. le Dr Puton. Pour
les Coccides qui ne sont pas compris dans ce Catalogue, nous avons adopté
les noms de l' Essai sur les Cochenilles de M. le Dr Signoret.
SOUS-ORDRE DES HOMOPTÈRES
FAMILLE DES COCCIDES.
Les Coccides ou Cochenilles sont les plus inférieurs des Hémiptères. La
femelle, presque toujours privée d'ailes, est, chez de nombreuses espèces,
entièrement fixée à la plante qui la nourrit. Muni de pattes et d'antennes
dans son jeune âge, l'insecte, lorsqu'il a grandi, circule pour trouver une
place convenable, plante son bec dans les tissus tendres de la plaute et
devient immobile. Les pattes et les antennes s'atrophient, se dessèchent et
tombent; le corps, d'abord aplati, se renfle parla production des œufs, et une
sécrétion cireuse blanche, pulvérulente, glua.ite ou solide suivant les
genres, le soude au végétal. Les œufs sont alors pondus en dessous de
l'insecte ainsi fixé. A mesure que les ovaires se vident, la peau du ventre
va progressivement rejoindre celle du dos et, la ponte terminée, le corps se
trouve réduit à une coque hémisphérique desséchée, recouvrant plus ou
LES COCHENILLES DE LA VIÛNE. 29
moins les œufs pour les protéger contre les intempéries et ressemblant à
une excroissance du végétal. De là, le nom de Gallinsectes donné par
Réaumur à ces êtres dégradés.
Dans certains genres plus élevés en organisation, tels que les Daclylopius,
la femelle, toujours aptère, conserve ses pattes et ses antennes, ne se fixe
pas et pond ses ic-ufs en un ou plusieurs tas séparés, recouverts de la pro-
duction cireuse. Cette sécrétion, d'ordinaire d'aspect cotonneux, filamen-
teux ou pulvérulent, plus abondante cbez la femelle que chez le mâle, est
produite par des glandes cutanées, unicellulaircs, parfois en forme de poils,
isolées ou réunies par groupe, placées souvent autour de tubercules spé-
ciaux, et que nous retrouverons cbez les Âphidesei les Cicadides.
Le mâle, toujours très petit (PI. IV, fig. 6) est muni de deux ailes seule-
ment, les inférieures étant toujours avortées et réduites à des balanciers.
L'abdomen est remarquable par les deux longs filets qui le terminent.
Entre ces filets, partant du segment anal, se voit le stylet, pointe saillante,
cbitineuse, parfois très longue, formée de deux valves destinées à protéger
le pénis. Privé de bec. ayant l'appareil digestif atrophié, ce mâle ne mange
pas. On ne le voit apparaître que pendant quelques jours, et. l'accouplement
opéré, il disparaît.
Les Cochenilles sont célèbres parleurs ravages. A part certaines espèces
utiles, comme la Cochenille du Cactus [Goccus Cacli) produisant le carmin
des teinturiers, la Cochenille de Pologne [Porphyrophora Polonix) affectée
au même emploi, les différents kermès du chêne qui donnent aussi une
couleur rouge, la Cochenille à cire de la Chine (ÉricerusPé-là) et le Carleria
lacca de l'Inde qui par sa piqûre provoque l'exsudation de la laque sur
diverses espèces de figuiers ; à part ces quelques types, on peut dire que
toutes les Cochenilles sont nuisibles et même que leurs ravages sont parfois
irrésistibles. Nous en avons actuellement un exemple frappant dans la
destruction des fusains cultivés, destruction lente, mais sûre, qui s'accom-
plit aux Etats-Unis et en Europe par l'envahissement du Chionaspis
Evonymi. Nous pouvons citer encore les divers Coccides qui dans certains
pays ont fait renoncer à la culture des orangers et des citronniers, [Dacty-
lopius citri, Lecanium hesperidum, etc.).
Moins dangereuses sont les Cochenilles de la vigne. Bien ques'attaquant
exclusivement au genre Vitis, elles n'occasionnent des dégâts sérieux que
dans certaines régions et dans des circonstances exceptionnelles. Elles sont,
nous l'avons dit, au nombre de trois: Pulvinaria vitis, Aspidiotus vitis et
Daclylopius vitis.
30 La cochenille P.ÛUGë.
LA COCHENILLE ROUGE '
[Pulvinarla vitis Linné.)
Synonymie. — Coccus vitis, Linné. — Gallinsecte de la vigne, Réau-
mur- — Lecanium vitis, Illiger.— Calypticus spumosus, Costa. — Calyp-
ticus ampelocecis, Amyot. — Lecanium vini, Bouché. — Pulvinaria vitis,
Targioni.
I. — HISTORIQUE.
Des trois espèces de Cochenilles attaquant spécialement la vigne dan?
l'ancien Monde, celle qui nous occupe est la plus anciennement connue et
décrite. Walckenaer rapporte en effet au Coccus vitis de Linné le Tholea
' Bibliographie. — Linné ; Systema naturx, tom. II, 741, 16, 1735. —
Réaumur ; ffisl. des Insectes, tom. IV, pag. 62, PI. I, fig, 9 ; et PI. VI, fig. 5
à 7, 1738. — Geoffroy; [fis t. abrégée des fus. des enviions de Paris, tom. I,
pag. 50G, 1762. — Fabricius ; Syst. ent., pag. 744, 1775. — Modeer; Goethe-
borgsha veten-k, tom. III, 1778. — Fabricius ; Species Ins., tom. II, pag. 395,
1780. — Fourcroy ; Calai. Insect. qui in agro Parisknsi reperiunlur, 1785.
— Fabricius; Mantissa, pag. 317, 1787. — Gmelin ; Systema nalurœ, 2218,
1791. — Olivier; Encycl., 439, 5, PI. CXX, fig. 13 à 16, 1792. — Illiger;
Kœefer Preussens. Hallee, 1798. — Fabricius; Syst. Rtiyngotorum. 3)0, 24,
1803. — Schrank; Fauna Boïca, tom. II, 1, 1261 ; 144, 180 i. — Haworth ;
Observations on the Coccus vitis (Trans. ent. Society of London. 1812, tom. I,
pag. 297 à 309. — Costa ; Prospetlo di una nuova divisione dd génère Coccus,
1827.— Id ; bauna Napot., 10, PI. VI, fig. 12, 1829. — Dunal ; Insectes qui
attaquent la Vigne, pag. 92 (Ann. Soc. d'Agr. de l'Hérault, 1832).— Bouché;
Naturgesdiichte Garten lnscclen, 1833. — Boyer de Fonscolombe ; Ann.
Soc. enlom de Fr., tom. III, pag. 214, 1834. — Valckenaer ; Ins. 7iuisibles
de la \igne, pag. ^>G3 (Ann. Suc. ent. de Fr., 1835. — Vallot ; Ins. ennemis
des Vignes, pag. 312 (Mém. de l'Acad. des Se. de Dijon, 1840). — Audouin ;
Histoire des Insectes nuisibles à la Vigne, pag. 319. Paris, Fortin Masson et C'<\
1842.— Harris; On Cocci or Bark lice (New. Engl. Farmer, XXIII, 4, 1843).
Ratzeburg ; Forstinsccten, tom. III, pag. 191, 1844. — Amyot ; Méthode
mononymique: pag. 490, 1848. — Bouché; Ent. Zeilung Sleltin, tom. XII,
1851. — Harris ; Ins. of New. Engl. Farmer, pag. 205, 1852. — Fauvel ;
Dult. Soc. Linn. de Normandie, tom. VIII, pag. 290, !85'2.— Quequett; Obscr-
LA faOCfJËNILLÈ ItOUGE. 31
des Hébreux l. Liane le premier a décrit scientifiquement l'insecte dans son
Systema naJwr«e( 1735); il a parlé uniquement de la femelle et l'a comprise
dans son genre Coccus, groupe renfermant alors toutes les formes qui com-
posent aujourd'hui la nombreuse famille des Coccides. Il l'a nommée Coccus
vitis. La description est suffisante pour que l'identité de l'espèce ne puisse
être contestée. Après le travail de Linné, nous trouvons presque à la même
époque (1738) les observations si remarquables de Réaumur. Le Père de
1 Entomologie française paraissant ignorer le travail du naturaliste suédois
et n'admettant pas, comme on sait, sa nomenclature latine, appelle cette
cochenille la Gallinscctc de la vigne. Il eu donne dans le tom. IV de ses
Mémoires une histoire détaillée et si bien faite qu'elle a été copiée par
presque tous les auteurs qui depuis ont parlé des mœurs de cet insecte.
Réaumur est le premier qui ait distingué le mâle, petit moucheron n'ayant
valions on the structure of the White Filamentous substance of the Coccus vitis
(Trans. rnicr. of. London, 1858). — Asa Fitch ; Annual Report of New-York,
69, n° 96, 1859. — Goureau ; Les Insectes nuisibles, pag. 55. Paris, Victor
Masson, 1861. — Boisduval ; Entomologie horticole, pag. 312, 1867. — Tar-
gioni-Tozzetti ; Études sur les Cochenilles, 1867 eL 18G9. — Nordlinger;
Die kleinen Feindc der Landwirthschaft, pag. 609 Stuttgart, 1869. — Plan-
chon ; La Phthiriose de la Vigne chez les Anciens (Bull. Soc. des Agriculteurs
de France, 1870. — Lichtenstein ; Manuel d'Entomologie à l'usage des hor-
ticulteurs, pag. 74 Montpellier, Hamelin, 1872. — Signoret ; Essai sur les
Cochenilles (Ann. Soc. eut. de France, 1873. pag. 29 et 46, PI. II).— Kalten-
bach; Die P flan zen feinde, pag. 95. Stultgard, Julius Hoffmann, 1874.— Maurice
Girard; Catal. raisonné des Insectes utiles et nuisibles, pag. 18t. Paris, Ha-
chette, 1878. — Dr V. Haller ; Uber die Rebenschildlaus Coccus vitis, pag. 230
(Ann. der Œnologie. Heidelberg, 1SS0. — Comstock; Report et of Enlomologist
of Department of Agriculture, pag, 334. Washington, 1881. — André; Les
Parasites de la Vigne, pag. 165. Beaune, 1S82. — Lichtenstein ; Tableau
synoptique des Maladies de la Vigne. Montpellier, 1884. — Foëx; Cours complet
de Viticulture. Montpellier, Coulet; Paris, Masson, 1886.
1 «Le mot de Tholca, dit Walckenaer [loc. cit.), est employé dans la Bible
non seulement pour désigner un ver, un insecte ou larve d'insecte en général,
mais également un insecte particulier qui mangeait la vigne et aussi un grand
arbre. Au mot Tholea était souvent joint le mot Dibaphi, pour désiguer la Coche-
nille du chêne, que les Arabes ont nommée Kermès et qui, traitée par le vinaigre,
donne une belle couleur rouge. La Cochenille de la vigne ne produit pas cette
couleur, mais la ressemblance de ces insectes a du les faire confondre, et l'épithète
Dibaphi, adjointe à Tholea, employée pour désigner le Kermès, indiquait suffisam-
ment de quelle nature était l'insecte désigné par ce mot et qui causait de si grands
ravages aux vignes et à certains arbres. »
32 LA COCHENILLE ROUGE.
que deux ailes et que certains auteurs modernes ont pris pour un parasite
de la Cochenille.
Illiger (1798) créa pour les Coccuseu forme de carapace de tortue ou de
bateau renversé et pondant au-dessous d'eux, le genre Lecanium, nom sous
lequel plusieurs livres récents désignent encore notre insecte. En 1827 et
1829, Costa, dans plusieurs Mémoires importants publiés sur les Coccus,
travaux qui ne manquent pourtant pas d'une certaine valeur, attaqua vive-
ment les écrits de Réaumur, «qui, dit-il, a pris pour le mâle des Cochenilles
ce qui n'est qu'un parasite de l'ordre des Diptères ». Cette thèse étrange,
rééditée d'un autre âge, qui prouvait que l'auteur italien avait mal vu et
n'avait pas su apprécier la rigoureuse méthode d'observation de Réaumur,
a été soutenue par lui avec une telle assurance que plusieurs entomolo-
gistes distingués de l'époque, entre autres Audinet-Serville, en ont été
ébranlés. Toutes les récentes observations, est-il besoin de le dire? ont
donné raison à Réaumur, et nous ne pouvons ici que renvoyer le lecteur
au chapitre Ier du tome IV de ses Mémoires, aux pages, si pleines à la fois
de science, de sagacité et de bonhomie, écrites sur les Gallinsectes par notre
grand naturaliste.
Le nom de Pulvinaria (du latin pulvinar, coussin), a été créé, en 1867,
par M. Targioni-Tozzetti, l'une des autorités scientifiques actuelles en
fait de Coccidcs. L'auteur italien a fait cette coupe générique pour les
espèces de Lecanides qui reposent sur un coussin de matière cireuse blan-
che, ne sont fixées au végétal que par la partie antérieure, et à un moment
donné sont soulevées postérieurement par l'abondance de leur ponte. Le
cas est remarquable dans l'espèce qui nous occupe (PI. IV, fig.7). Ce nom
de Pulvinaria est encore discuté.
« Les caractères indiqués, dit M. Signoret, pour distinguer ces insectes
des Lecanium vrais, sont peu importants et varient dans les mômes types.»
M. Comstock dit de son côté: « Le genre Pulvinaria est mal défini, is
not ivell dcfined ». Mais devant l'autorité incontestée de M. Targioni et
avec la plupart des entomologistes modernes, y compris môme ceux que
nous venons de citer, nous adoptons cette dénomination. Nous sommes en
effet convaincu que lorsqu'un groupe est considérable, comme c'est le cas
des Lecanium, une nouvelle coupe générique, môme mal délimitée, doit
être adoptée pour faciliter le groupement des espèces.
II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
Tous les propriétaires de vigne, surtout ceux qui possèdent de vieux
espaliers, mal exposés, connaissent ces paquels de substance blanche
LA COCHENILLE RÔUGË. o3
cotonneuse iilant comme de la glu. recouverts d'une écaille d'un brun roux,
et qui certaines années, pendant l'été, infectent les ceps, surtout sur le jeune
bois. Ce sont les pontes de la Cochenille rouge de la vigne mélangées à une
abondante sécrétion cireuse seini-lluide et abritées par le corps desséché de
la mère. Si nous examinons de sou vivant l'animal qui les produit, si nous
l'étudions au printemps avant qu'il ait commencé à poudre (Qg. 0), nous
voyons un insecte de 4 à 5 inillim. de long, bombé en dessus, aplati au-
dessous, de formeoblongue, un pou plus étroit eu avant qu'en arriéreetayant
une éebancrure à la partie postérieure. La couleur est d'un fauve rouge,
parfois foncée, parsemée de taches et de points noirâtres. Cette Cochenille
femelle est née au mois de juin de l'année précédente et commencera à pondre
dans le courant du mois de mai. De ses œufs très petits, un peu allongés,
de teitite vineuse, sortiront, en juin, déjeunes larves hexapodes assez agiles,
longues d'environ un tiers de millimètre, de couleur rougeâtre, ayant le
dernier anneau de l'abdomen échaucré, munie de deux antennes à six ar-
ticles, d'un long bec replié le long du ventre et de deux grands poils à
l'extrémité du corps. Par la forme et les allures, elles rappellent les jeunes
phylloxéras (fig.8). Ces petits insectes se répandront sur les sarments et le
revers des feuilles et y planterout leur suçoir. Pendant l'été, ils grandiront,
tirant de plus en plus sur le fauve, et, vers le mois de septembre, l'accroisse-
ment étant notable, on en remarquera d'aspect et de dimensions différents.
Les uns, beaucoup plus gros, auront gardé leur forme ovale et seront
tous des individus femelles qui arrivés à leur taille définitive, et après l'ac-
couplement, se fixeront pour passer l'hiver et pondre au mois de mai. Au
moment de la ponte, ils seront déformés, les pattes et les antennes auront
disparu, les segments indistincts feront ressembler le corps à une coque
hémisphérique d'uu brun roux bientôt soulevée par les œufs ponduo eu
dessous d'elle (fig. 7) . Les autres, beaucoup plus petits, groupés en grand
nombre sur certains points du cep, d'une couleur jaune clair, auront, en
septembre, une forme très allongée, 2 millim. et demi sur 1 et, selon le cycle
normal des métamorphoses des insectes, représenteront des pupes renfer-
mant des nymphes, d'où, vers les premiers jours d'octobre, sortiront des
mâles ailés. A Montpellier, nous avons obtenu de ces éclosions de mâles à
partir du 25 septembre; l'accouplement a lieu de suite.
A rencontre des autres insectes éclosant d'une pupe et qui en sortent la
tête la première, le délicat moucheron sort à reculons. On aperçoit d'abord
les deux grands filets dont est muni son dernier segment ; puis viennent
les ailes et le reste du corps. Les pattes projetées en avant de la tète, il se
pousse vivement en arrière, laissant fixée au sarment sa mince dépouille
d'un blanc transparent.
3
34 LA COCHENILLE ROUGE.
Le mâle est long de 2 millim. environ. Le thorax est rembruni, l'abdo-
men d'un rouge de brique clair, les deux ailes aussi longues que le corps,
blanches, ornées d'une ligne rouge le long du bord extérieur. La tête aplatie
en avant est privée de bec ; l'insecte ne peut donc manger. Cette tête porte
deux longues antennes de dix articles, deux grands yeux composés et quatre
plus petits placés de côté.
L'abdomen, formé de sept anneaux, offre, sur le sixième, deux petits pro-
longements latéraux dirigés en arrière ; le septième est muni des deux longs
filets dont nous avons parlé. Ces appendices, constitués à leur base par des
poils épais, sont recouverts de la sécrétion cireuse blanche et démesuré-
ment allongés par elle. Entre les deux filets se voit le pénis, qui est long
et recourbé. L'accouplement, fort bien décrit par Réaumur, a lieu en
octobre et non au printemps, comme plusieurs auteurs l'ont répété par
erreur, d'après M. Signoret ; aussitôt après, le mâle meurt et disparaît .
La Palvinaria vilis est commune dans tous les pays viticoles de France,
mais plutôt dans le Nord que dans le Midi. Elle nous a été signalée d'Alle-
magne par M. von Heyden, d'Autriche par M. Bollé, de Hongrie par
M. Horvath, d'Italie par M. Targioni, de Grèce par M. Gennadius. Nous
ne la voyons pas mentionnée dans les documents que M. de Graëls nous a
transmis sur l'Espagne, pas plus que dans ceux que nous avons reçus
d'Algérie.
Cette espèce a, heureusement pour le viticulteur, des ennemis naturels
qui en détruisent beaucoup. Ces parasites ont été étudiés par le colonel
Goureau, et une bonne partie des détails qui suivent lui sont empruntés.
Le plus redoutable est un petit Hyménoptère (Mouche à quatre ailes) de
la famille des Fouisseurs, de la tribu des Crabronites, le Celia troglodytes
Schuck, dont voici la description :
Femelle. Long. 3 millim. Antennes noires à premier article brunâtre
en dessous ; tête, thorax et abdomen d'un noir uniforme, ce dernier lisse,
luisant, ovalaire, atténué en pointe aux deux extrémités, très brièvement
pédicule ; cuisses postérieures et intermédiaires noires, cuisses antérieures
et tibias bruns; tarses d'un testacé brun ; ailes hyalines, à stigma grand et
noir; deux cellules cubitales, la première plus longueque large, la seconde
presque carrée.
Mâle. Semblable, différent seulement par les premier et deuxième arti-
cles des antennes jaunes en dessous, le chaperon et les mandibules jaunes,
les cuisses et les tibias antérieurs d'un fauve testacé, les autres tibias un
peu plus clairs.
La femelle établit son nid dans le bois mort un peu ramolli, comme
celui des vieux piquets ; son trou ressemble à celui que ferait une très
LA COCHENILLE I\0UGE. 35
petite vrille. Elle y entasse en été des jeunes cochenilles qu'elle a préala-
blement piquées de sou aiguillon pour les paralyser sans leur ôter la vie;
elle pond un a^uf sur le tas et bouche le trou avec de petits débris de bois
mâché et imprégnés de salive. La larve sortie de l'œuf mange peu à peu
sa provision, qui pendant plusieurs mois se maintient fraîche, se change
en chrysalide au printemps , et vers les premiers jours de juillet sort à l'état
parfait, pour recommencer le cycle.
Plusieurs autres Hyménoptères de la famille des Chalcidides pondent
leurs œufs dans le corps même de la cochenille et y vivent à l'état de larve,
sans attaquer les organes essentiels, laissant vivre ainsi leur victime jus-
qu'au moment où elles se transforment en nymphes et en insectes parfaits;
elles percent alors la peau, qui est comme desséchée, y laissant un trou
rond de la grosseur de leur corps. Ce sont les espèces suivantes : Encyrtus
Swederi Daim., Encyrtus duplicatas Nées, Corcophagus scntellaris
Wester, Blastothrix Schœnheri Westw., Cephycus puncticeps Daim.,
Erycidnus ventralis Daim., Comys Schwederi Daim. D'après le colonel
Goureau, cette dernière espèce, très petite, pond trois œufs dans chaque
cochenille.
Un diptère contribue également à détruire beaucoup de ces Puloinaria :
c'est le Leucopis annulipes Zett, qui parait en juin et pond cinq à six œufs
dans la masse cotonneuse enveloppant la ponte. Les larves de cette mouche
mangent les œufs et se changent en pupes dans le môme endroit. Les
insectes parfaits sortent en passant par-dessous la peau desséchée de leur
victime.
Le nombre de cochenilles détruites par ces divers ennemis est parfois
tel que certaines années remarquables par l'abondance des Puloinaria
sont suivies d'autres où c'est à paine si l'on en voit quelques-unes. Leurs
parasites éclos en masse, ne trouvant pas les conditions voulues pour
pondre, meurent alors sans postérité. Les quelques cochenilles échappées
au carnage peuvent donc se multiplier en paix jusqu'à ce que leurs enne-
mis, redevenus eux-mêmes abondants, les détruisent de nouveau. Ce
mouvement de bascule entre les carnassiers et leurs victimes s'observe
dans toute la série animale, et maintes fois, pendant le cours de ce travail,
nous aurons l'occasion de retrouver cette grande loi du parasitisme ayant
pour corollaire l'équilibre des espèces.
III. — MOYENS DE DESTRUCTION.
Les espaliers taillés à long bois, placés dins les endroits mal exposés,
principalement au couchant et dans les quartiers humides, ont surtout à
36 LA COCHENILLE IiOUGE.
souffrir de la Pulvinaria vitis. On la rencontre cependant parfois en grande
culture avec la taille courte et dans les endroits secs, spécialement sur les
vieilles vignes à écorces très crevassées ; mais dans ces conditions nous
ne l'avons jamais vue devenir dangereuse. Chose curieuse, certains pieds
sont toujours attaqués de préférence à d'autres, etRéaumur raconte qu'il a
inutilement essayé d'infecter des pieds voisins.
D'après ce que nous avons dit des mœurs de l'insecte, qui vit de préfé-
rence sur le bois jeune, il est facile de comprendre que chaque année la
taille fait périr le plus grand nombre de ces parasites et qu'il ne reste, pour
perpétuer la race, que les rares iudividus demeurés sur le vieux bois. Il
est alors aisé, au printemps, d'écraser les quelques femelles pondeuses qui
peuvent avoir échappé.
En cas d'attaque sérieuse sur des espaliers ou des vignes en cordon,
outre cet écrasage des femelles au mois de mai, en somme facile à faire, on
fera bien d'écorcer en hiver au moyen du gant de cote de maille usité à
Bordeaux et connu en viticulture sous le nom de gant Sabaté, du nom de
son inventeur. Eu cas de crevasses profondes, l'opération devra être com-
plétée non pas avec un couteau, toujours dangereux pour la plante, mais
au moyen d'un instrument très simple qui ne coûte à peu près rien et dure
indéfiniment : c'est un morceau de fer de six pouces de long, coupé dans
un cercle de barrique et recourhé à l'extrémité en forme de raclette ; sur le
rebord qui doit pénétrer dans les crevasses et racler, on donne quelques
coups de lime qui forment dentelure et qui, sans endommager la souche,
permettent d'y faire mordre l'outil.
«L'ouvrier, nous écrit M. Bellot des Minières, l'inventeur du procédé,
ayant avec le gant de fer enlevé le plus gros, laisse la place à une femme
qui, munie de mon râcloir, fouille dans tous les creux qu'a respectés le
gant et va ensuite, sans danger pour les yeux du bois de retour, nettoyer les
rameaux sur lesquels repose la taille de l'année.»
L'écorcage du vieux bois opéré, les débris enlevés et brûlés, il sera bon
de brosser le bois jeune avec une brosse de chiendent : les cochenilles arra-
chées et plus ou moins blessées meurent sans pouvoir remonter sur le cep.
LA COCHENILLE CUISE. 37
LA COCHENILLE GRISE l
[Aspidiotus vitis, Signoret.)
Synonymie. — Diaspis BUinckenhornci Targioni, 1877.
Les Aspidiotus sont des cochenilles plus ou moins arrondies, ressem-
blant à de petites écailles d'Uuîtres plaquées contre les tiges et les feuilles
de certains arbres. Leur corps, entièrement déformé, est couvert d'un bou-
clier protecteur constitué par les dépouilles provenant des mues et une
coucbe de sécrétion cireuse mince, aplatie en lamelle, solide, plus ou moins
adhérente à la plante. Le type le plus répandu et le mieux étudié du
groupe est V Aspidiotus Nerii2, une des cochenilles du laurier rose qui
bien souvent fait périr cet arbuste cultivé en vase et même en pleine terre.
Ces insectes sont voisins du Cliionaspis(Diaspis) Evonymi de Comstock,
ou cochenille du fusain, qui exerce de si grands ravages sur les fusains
cultivés, et dans le livre de M. Signoret ils sont rangés dans la sous-famille
ou tribu des Diaspides.
L'espèce qui attaque la vigne a été décrite en 1876 par M. le Dr Signoret.
Elle a été de nouveau décrite récemment par M. Targioni-Tozzetti (de
Florence) sous le nom de Diaspis Blankenhornei . Elle n'a donc ni syno-
nymie embrouillée ni histoire, et parait jusqu'à présent peu nuisible.
Nous en donnerons la description suivante :
Le bouclier à de 1 à 2 millim. de diamètre. Chez la femelle, il est plus
ou moins arrondi ; chez le mâle, en ovale allongé. Chez l'un et l'autre, il est
1 Bibliographie. — Signoret ; Essai sur les Cochenilles (Ann. Soc. enl. de
France, pag. 601, 1876). — Targioni-Tozzetti ; Bull. Soc. ent. Ital., pag. 17.
1879. — Id ; Relazionne délia H. stazione di Entom. agr., pag. 152, 1881 ; et,
môme Recueil, pag. 386, 1884.— Maskell ; Trans. andproc. of llie N.-Zeland.
Jnst. tom. II, pag. 199.— Comstock ; U.S. Départ, of the Agr. entom.
(Rep. of the Commission of Agr., ann. 1880, tom. III, pag. 29.— Gennadius;
Sur une 7iouvelle espèce de Cochenille [Aspidiotus coccineus) d'Athènes (Aun
Soc. ent. de France, pag. 189, 1881).
2 Voir, pour la description et l'anatomie des Aspidiotus, une bonne étude de
M. le Dr Lemoine sur V Aspidiotus Nerii, travail annoncé en 1880 dans le Congrès
des Sociétés savantes à la Sorbonne et communiqué en août de la même année au
Congrès pour l'avancement des Sciences tenu à Reims.
38 LA COCHENILLE GRISE.
d'un gris foncé, et, lorsqu'il a été frotté, la dépouille des mues, le plus
souvent centrale, est d'un noir brillant. Si ce bouclier, abritant le corps
de la mère, véritable sac rempli d'œufs, vient à se détacher, il laisse sur
l'écorce une place blanche. Sa couleur est tellement identique avec celle
de l'écorce que c'est surtout cette place blanche laissée par le bouclier
tombé qui révèle la présence de l'insecte. Celui-ci se tient sur le bois vieux
ou nouveau, sur ce dernier de préférence. Ayant perdu, aussitôt après la
première mue, ses pattes et ses antennes, il est surtout fixé par son suçoir.
Les larves, au sortir de l'œuf, sont ovales, allongées, munies de leurs six
pieds et de leurs deux antennes. A la mue, elles les perdent, mais conservent
leurs filets rostraux très longs, qui, développés, dépassent du double la lon-
gueur du corps. Lesautenues de six articles sont à peine pubescentes, un
ou deux poils à chaque article, avec le quatrième article plus long que les
autres. Les jamhes sont grêles, le tibia plus court que le tarse, le crochet
long, accompagné des digitules ordinaires. Après la première mue, le corps
devient plus arrondi, avec un peu de parallélisme pour le mâle, dont les
filets rostraux sont plus longs que ceux de la femelle. La coque mâle est
facile à reconnaître ; elle ne porte qu'une seule dépouille de mue, tandis que
celle de la femelle en porte deux.
La femelle à l'état parfait, arrondie, d'un brun grisâtrefoncé, a l'extrémité
abdominale jaune clair ; elle porte sur ses bords quelques filières avec un
point central clair et un rebord épais. Le mâle est d'un jaune brun uni-
ferme ; les yeux sont noirs, les ailes très longues, d'un gris hyalin dépassant
l'extrémité du stylet, celui-ci un peu plus long que l'abdomen . Les antennes
sont épaisses, pubescentes, de dix articles, le quatrième le plus long, le
premier, le deuxième et le dixième très petits.
Cette espèce a été découverte aux environs de Nice, sur les coteaux de
Bellet, par M. Signoret, qui l'a reçue également d'Algérie. Nous l'avons
personnellement rencontrée à Cannes. M. Targioni l'a décrite d'Italie, il
l'a reçue de Novareet de Vicenze.M.Von Heyden nous l'a signalée dans la
vallée du Rhin et M. Gennadius de Sicile et des environs d'Athènes. Il est
probable qu'elle est beaucoup plus répandue qu'on ne le pense, mais qu'elle
échappe aux recherches par suite de sa couleur, qui se confond avec celle du
bois.
M. Gennadius a décrit en 1881, sous le nom de Aspidiotus coccineus, une
Cochenille qui, dans l'Archipel grec, attaque l'oranger, le citronnier, le
néflier du Japon et aussi la vigne. D'après M. Targioni, un maître dans
cette difficile étude des Cochenilles, l'espèce du savant d'Athènes n'est autre
chose que celle qui a été décrite en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis et en
Europe, sous les noms ci-après : Aonidia aurantii Maskel, Aspidiotus citri
LA COCHENILLE BLANCHE. 39
Comstock, Aonidia Gcnnadii Targioni, Aspidiotus coccincus Genuadiua.
C'est par conséquent le nom de Aonidia aurantii que cet insecte doit porter.
Son aire géographique est très é tendue. Décrit de la Nouvelle-Zélande, il
s'est trouvé en Australie, en Califormie et en Grèce. Dans ce dernier pays,
il semble d'introduction récente, et on peut s'attendre aie voir envahir toutes
les côtes de la Méditerranée. Cette cochenille est comprise dans la liste
d'Insectes ampélophages que nous a adressée M. Gennadius ; elle n'est,
selon lui, cependant que rarement nuisible à la vigne et seulement dans le
voisinage des orangers. Nous nous contentons donc de la signaler et d'en
donner la synonymie.
LA COCHENILLE BLANCHE'
(Dactylopius vitis, Niedelsky.)
Synonymie. — Dactylopius longispinus Targioni.
Le genre Dactylopius, composé de Coccides relativement agiles, jamais
fixés, renferme des espèces assez voisines de l'insecte produisant le carmin
{Coccus cacti), et qui peuvent avec lui être appelées les Cochenilles vraies.
1 Bibliographie. — Strabon ; Texte grec, liv. VII, chap. V, et Traduction
lutine, pag. 263 (édit. G. Millier et F. Dubn. Paris, Firmin Didot, 1853).—
A. Bouscaren ; La Maladie noire de la Vigne (Bull. Soc. d'Agr. de l'Hérault,
pag. 216, 1860). — Fréd. Cazalis ; Messager Agr. du Midi, pag. 328, 1863.
Gasparini; Sulla Malattia dtl Uva (Atti del R. Inst. di Napoli, sec. ser., vol. II,
1865). — Targioni-Tozzetti ; Atti dei Georgoftli de Florence, nuov. ser.,
tom. XIII. — Id.; Études sur les Cochenilles, 1867.— Niedelsky ; Gazette Agr.
russe, n° 2, 1869. — Woelkel; Traduction du Mémoire de Niedelski (Bull. Soc.
ces Agricult. de France, 15 iévrhr 1870 ; et Revue horticole, 16 mars et 16 juin
1870). — Ph. Koressios ; L'Éclectique (Journal d'Athènes, 20 janvier et 24 juin
1870). — Planchon; La Phtiriose de la Vigne chez les anciens et les modernes
(Bull. Soc. des Agricult. de France, 15 juillet 1870). — Lichtenstein ; Les
Coccides de la Vigne (Bull. Soc. entom. de France, 25 mai 1870). — Duffour
et Vinas ; La Fumagine de la Vigne (Compte rendu du Congrès scientifique de
France, 35" cession tenue à Montpellier, pag. 447, 1872. — Signoret; Essai
sur les Coclienillcs (Ànn. Soc. entom., pag. 324, 1875). — Gennadius ; Jour-
nal d'Athènes, 24 lévrier 1880.— Leclère ; Compt. rendus Acad. des Sciences,
13 mars 1882. — André ; Les Parasites de la Vigne. Beaune, 1882. — Lich-
tenstein ; Tableau synoptique des Maladies de la Vigne. Montpellier, 1884.
40 LA COCHENILLE BLANHCE.
Deux d'entre elles ont été signalées sur la vigne : le Dactylopius adonidum
et le D. vitis. Du premier, nous ne dirons que quelques mots, le considé-
rant comme peu important: c'est le Coccus adonidum de Linné, bien connu
des horticulteurs sous le nom de pou blanc des serres, long de 3 inillim.
environ sur 1 et demi de large, et qui vit sur une foule de plantes. La vigne
sous verre est attaquée par cet insecte, comme tant d'autres végétaux ; nous
l'avons nous-même observé dans ces conditions-là comme assez nuisible
aux environs du Mans.Walckenaer le dit originaire du Sénégal, parledelui
comme parfois dangereux pour la vigne, et cite à son sujet un travail anglais
signé Major, publié dès 1829. Comme l'espèce est frileuse, il n'est pas à
craindre de la voir se multiplier en dehors des serres. Nous n'insisterons
donc pas sur cet ennemi, avec lequel il faut peut-être compter dans les gra-
peries anglaises, belges ou allemandes, mais qui est indifférent aux vrais
viticulteurs.
Le Dactylopius vitis a une tout autre importance ; non pas qu'il bisse
des ravages considérables dans l'Europe occidentale, mais il n'en est pas
de môme en Orient. Il paraît avoir été connu dès l'antiquité, et de nos jours
encore il arrive à faire périr la vigne.
I. — HISTORIQUE.
Au début de l'invasion phylloxérique, alors' que certains auteurs sou-
tenaient que l'insecte avait de tout temps existé en Europe, l'attention fut
attirée sur un texte de Strabon (icr siècle avant J.-O.) où il est parlé d'un
parasite tuant la vigne, vivant en été sur les bourgeons, descendant en
biver aux racines, et contre lequel on luttait par l'emploi de terre bitumi-
neuse mélangée d'huile. L'insecte est appelé par le géographe grec
Phtheir (yQetp pou) et la maladie Plitheiriosis (ep©£tptwo-tç) , que l'on peut tra-
duire en français par phtiriose. Les auteurs susdits ont voulu voir la le
phylloxéra.
Ce fut M. Koressios qui le premier, en 1870, soutint cette thèse dans un
journal d'Athènes, V Éclectique. Défendue par un homme qui ne connaissait
pas le puceron de la vigne, cette idée aurait dû être abandonnée dès le début,
vu seulement la petitesse du Phylloxéra qui, exigeant l'usage d'une loupe,
ne pouvait être connu des anciens. Elle n'en fut pas moins adoptée par cer-
tains naturalistes, tels que M. le Dr Signoret [Essai sur les Cochenilles,
pag. 326). Plus tard, M. de Lafitte, au Congrès viticole de 1879 tenu à
Nimes, à propos d'un insecte qui au moyen âge attaquait la vigne en
Palestine et dont parle un vieux manuscrit de la Bibliothèque nationale,
dit que l'existence du Phylloxéra au xue siècle n'a rien d'inconciliable
LA COCHENILLE BLANCHE. Il
avec les données actuelles de la science. Nous ne discuterons pas la valeur
des textes sur lesquels s'appuie M. de Lafitte, nous les citons simplement
en note', renvoyant pour la réfutation à ce qu'a répondu M. Plancbon
dans le même Congrès de Nimcs et que M. de Lafitte résume lui-même
en deux mots : « C'est une jolie légende » (Journ. d'Agr., novembre-
décembre 1879).
Quant à M. Koressios, il semble avoir ignoré la publication d'un travail
de M. Niedelsky paru en 18G9 dans la Gazette agricole russe, concernant
une cochenille découverte en Crimée, attaquant la vigne aux feuilles et
aux racines et que le naturaliste russe nomme Coccus vitis. Ce nom pou-
vant s'appliquer aux trois espèces de cochenilles de la vigne, l'espèce a été
étudiée depuis par M. Targioni, et ramenée par lui dans le genre Dacty-
lopius de Costa, son vrai genre.
C'est notre Dactylopius vitis, et très certainement aussi l'insecte de
Strabon, celui du moyen âge, celui que la tradition orientale nous rap-
porte être connu depuis des siècles en Asie-Mineure et dans les lies de
l'Arcbipel. Tel est l'avis de M. Plancbon, qui a trouvé l'insecte aux
racines de la vigne à Montpellier et qui, à propos de la Note de M. Kores-
sios, a publié un article très remarquable (Bull. Soc. des agr. de Fr., 15
juillet 1870) .
Nous pensons comme M. Plancbon, et notre opinion est fondée non
seulement sur les textes cités par lui et la description du M. Niedelsky,
mais sur L'article de M. Koressios lui-même. Il y est dit en effet que les
habitants de l'île de Syra, l'une des Cyclades, emploient encore aujourd'hui
des frictions de terre bitumineuse contre hphtiriose de leurs vignes. Or le
Phylloxéra n'est pas dans les iles grecques et le Dactylopius s'y trouve,
comme du temps de Strabon. L'ile de Rhodes, toute voisine des Cyclades,
' Dans un manuscrit latin, inscrit à la Bibliothèque Nationale sous le n° 5129,
il est dit qu'au couvent de Saint-Saba, au bord de la mer Morte, dans la région
appelée Engadi, entre Segor et Jéricho, les moines recueillaient une huile bitu-
mineuse Catraneum destinée à frotter les chameaux pour leur ôter la gale, ainsi
que les Vignes pour enlever les vers qui les épuisaient (Ad unguendum camelos
propter delendam scabicm et ad fricandum vîtes pro expeliendis vermibus con-
sumptoribus earum). M. de Lafitte incline à voir là le Phylloxéra, et, pour appuyer
son dire, il cite un autre texte tiré d'un Journal de voyage du comte de Bertou
(1839), où, d'après l'évèque de Tyr, il est dit qu'au moyen âge, dans les vigno-
bles d'Engadi,, on eut raison d'un insecte pernicieux qui s'en prenait aux racines
au moyen d'huile extraite de l'asphalte de la mer Morte. M. de Lafitte a du reste
défendu sa thèse en citant tous les textes à l'appui, dans son livre Quatre ans
de lutte pour nos vignes, pag. 17 à 45 (Paris, Masson, 1883).
42 LA COCHENILLE BLANCHE.
e;it en effet citée par l'auteur ancien comme un des pays où le traitement
à l'huile bitumineuse était appliqué. Nous avons fait plus que de recourir
à l'article de M. Koressios; nous avons consulté M. Gennadius (d'Athènes),
et voici sa réponse, en date du 12 juillet 1887 : « Aujourd'hui le Dactylo-
pius vitis, qui est bien certainement l'insecte dont parle Strabon (livre VII,
chap. V), est combattu victorieusement par le soufre appliqué tout d'abord
contre Voïdium; mais, il n'y a pas plus de trente ans, les vignerons grecs
de l'Asie-Mineure appliquaient un remède qu'ils appelaient Spartzoma,
et qui consistait en ceci : Avec une substance préparée en faisant bouillir
de l'asphalte avec du marc d'huile, on peignait un anneau vers la base et
tout autour de chaque sarment de la vigne pour empêcher l'insecte de
monter et de détruire les bourgeons. Ce traitement se répétait de deux à
trois fois pendant le printemps. » Ce que dit M. Gennadius est du reste
conforme au procédé indiqué dès le xe siècle par l'auteur arabe Ibn el
Beithar dit Temini el Mocadessi, dans son Traité des simples, concernant
l'emploi du bitume de Judée pour le traitement des vignes aux environs
de Jérusalem (Leclère ; Comptes rendus, 20 mars 1882).
Nous n'avons pas, croyons-nous, besoin d'insister. L'insecte qui nous
occupe est donc bien celui de Strabon, celui de l'auteur arabe Temini et
du manuscrit de Saiut-Saba, celui de M. Koressios et de M. Gennadius.
Depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, il a été en Orient combattu toujours
de la même façon .
Ce n'est qu'en 1869 qu'il a été étudié scientifiquement par M. Niedeisky
sur des exemplaires trouvés en Crimée; mais son introduction dans le
nord de l'Afrique et l'Europe occidentale doit dater déjà d'une trentaine
d'années. Nous l'avons observé en effet aux environs de Montpellier il y a
plus de vingt-cinq ans ; mais, le prenant pour le Dacty lopins adonidum des
serres, nous ne l'avions pas examiné attentivement et distingué de ce dernier.
II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
Le Dactylopius vitis doit être, nous l'avons dit, rangé dans les Coche-
nilles vraies, c'est-à-dire celles dont le corps allongé avec les segments
distincts est recouvert d'une abondante sécrétion cireuse blanche et pul-
vérulente. Ces insectes ne perdent ni leurs pieds ni leurs antennes, comme
les Pulvînaria et les Aspidiotus, ne se fixent jamais et pondent leurs œufs
en un ou plusieurs amas séparés recouverts de la même sécrétion blanche.
Le genre Dactylopius est caractérisé par des antennes de huit articles
chez la femelle et de six dans la larve de celle-ci; le mâle a dix articles
aux antennes et sa larve en a sept, les tarses sont munis de quatre digitules
LA CQCHENILLK BLANCHE. 43
ou poils dilates au bout; l'anneau génito-anal est entouré de six poils.
Chez le D. vitis (PI. IV), les caractères spécifiques sont les suivants: Corps
de la femelle long d'environ 4 millim. sur 2 de large, d'un ovale allongé
plus ou moins convexe, de couleur jaune rougeâtre, entièrement saupoudré
de la matière cireuse blanche sécrétée par des filières répandues sur toute sa
surface, filières arrondies ou en forme de tubes tronqués. En outre, ebaque
segment sur ses bords présente de très nombreuses filières produisant une
sécrétion cireuse intense qui forme tout autour du corps des bâtonnets
fragiles de grandeur variable, ceux de l'extrémité abdominale beaucoup
plus longs, soutenus par des poils (fig. 2).
Quand l'insecte est plongé dans un liquide dissolvant la cire, tel que l'alcool
ou l'étber, ces bâtonnets disparaissent et le corps devient instantanément
comme le représente la fig. 3. Les antennes de buit articles, le troisième le
plus long, sont d'un brun clair un peu orange ; les pattes, assez fortes, sont
de même couleur ; le crochet, très arqué, a les quatre digitules peu déve-
loppés. Les lobes latéraux de l'extrémité abdominale, outre de très nom-
breuses filières, portent ebacun un long poil avec trois autres plus petits.
La larve, au sortir de l'œuf, a le corps plus allongé que l'insecte (fig. 1);
ses antennes n'ont que six articles, dont le dernier est le plus long, les
autres presque égaux ; la pubescence du corps est plus longue, les digitules
des pattes beaucoup plus visibles, les filières très peu nombreuses et l'ex-
trémité de l'abdomen éebancrée. Comme la jeune larve de la Pulvinaria
vitis, elle rappelle les jeunes phylloxéras, mais le nombre des articles des
antennes et l'écbancrure abdominale l'en distingueront facilement.
Le mâle (fig. 6) est très petit, d'autant plus microscopique que le corps,
ayant à peine 1 millim. de long, est très étroit en proportion. La couleur
est d'un jaune brun sur la tête et la partie postérieure du thorax. Celui-
ci est jaune en avant, ainsi que la totalité de Y abdomen qui est allongé et
tronqué à l'extrémité. Les segments de celui-ci sont garnis de deux à
quatre filières sur les côtés et portent une rangée de poils espacés. Les
lobes de l'extrémité sont munis de filières plus nombreuses et de quatre
poils dont les deux plus grands, d'ordinaire garnis de matière cireuse
blauche, constituent deux longs filets assez fragiles. Les deux ailes, très
longues, dépassant de beaucoup l'abdomen, sont blancbes avec les nervures
très peu marquées, les ailes inférieures sont réduites à deux très petits
balanciers terminés par un crochet. Les pieds sont longs, assez densement
couverts de poils, les digitules à peine visibles. La tête est arrondie, un
peu avancée entre les antennes, avec quelques poils rares. Comme chez
tous les mâles de cochenilles, le suçoir et les organes digestifs manquent.
Les antennes, filiformes, sont de dix articles.
44 LA COCHENILLE BLANCHE.
Les larves qui doivent produire des mâles restent très petites, très allon-
gées et ont des antennes de sept articles seulement, la pubescence est plus
faible que chez les larves femelles et les filières encore moins nombreuses.
Elles se changent en nymphes d'un blanc sale, remarquables par leurs moi-
gnons d'ailes (fig. 5) et qui, avant de se transformer en mâles ailés, restent
enfermés environ huit jours dans une loge formée d'un amas de filaments
blancs entre deux nervures de la feuille. Cet insecte, spécial aux parties
chaudes de l'Europe, se trouve dans toute la zone connue sous le nom de
Région de l'olivier. Il vit sur le tronc, les bras, les sarments, le revers
des feuilles et les fruits de la vigne, surtout daus les terrains un peu hu-
mides. Abondant parfois en automne, on le remarque souvent sur les raûes
des raisins de table fraîchement cueillis, et pour l'aspect général nous ne
pouvons mieux le comparer qu'à un petit cloporte enfariné. Il passe l'hiver
sous les écorces de la souche et aussi enterré, fixé sur les grosses racines.
D'après M. Signoret, l'espèce n'aurait qu'une seule génération par an.
Nous pouvons affirmer qu'en Languedoc elle en a au moins deux '. A
l'Ecole d'Agriculture de Montpellier, aidé de M. Ravaz, préparateur de
Viticulture, nous avons élevé, sur une vigne en pots, de jeunes Dactylopius
trouvés au mois de mai sous les écorces d'un pied d'Aramon, et fin juin
nous avions des femelles pondant sous ies feuilles entre les nervures. De
leurs œufs, qui ont mis une dizaine de jours à éclore, est sortie une nouvelle
génération, adulteles premiersjours d'août et qui pondait à la fin du même
mois. Les nymphes et les mâles n'ont pu être observés qu'alors, mais il
est bien probable qu'ils nous avaient échappé à la première génération ;
nous n'avons pas de raison pour croire, à la parthénogenèse chez cet insecte.
Fwnagine. — Les attaques de la Cochenille de la vigne sont d'ordinaire
suivies de la maladie du noir ou morphée, appelée le plus souvent fumag ine,
quia été justement comparée à une couche de noir de fumée répandue sur
les feuilles, les fruits et le bois. Elle attaque de nombreux arbres, tels que
l'olivier, l'oranger, la vigue, etc., et d'habitude est la conséquence de la
présence des cochenilles sur le végétal.
Cette maladie se manifeste par le développement d'une cryptogame de
couleur noire connue sous le nom de Fumago 2, et qui végète spécialement
à la surface des matières sucrées. « Le champignon, dit M. Prillieux3,
* Nous voyons cette seconde génération déjà observée à Béziers, en 1872, par
M.Vinas (Voir la Note bibliographique). L'insecte, iuconnu à l'auteur, est suffisam-
ment bien décrit pour qu'on puisse reconnaître le Uaclylopius vitis
2 Les Fumago appartiennent à diiïérentes espèces de champignons dont l'évo-
lution est mal connue.
3 Bulletin du ministère de l'Agriculture, 1886.
LA COCHENILLE BLANCHE. 45
est toujours absolument superficiel ; uon pas à la façon de l'oïdium de la
vigne, qui, tout en s'étendantà la surface des feuilles et des raisins, plonge
des suçoirs dans les cellules de l'épidémie aux dépens desquelles il vit et
qu'il tue, mais comme le lierre ou comme les Orchidées, qui poussent
sur les arbres sans jamais y enfoncer leurs racines. Le Flimago rampe
sur Pépiderme et ne le perce pas ; il recouvre les feuilles d'une couebe
opaque et continue qui met obstacle à l'accomplissement de leurs fonctions,
mais il n'y puise rien. Vivant des substances qui sont déposées à la surface
des feuilles, il peut végéter môme sur des matières inertes, comme on le
voit à Cognac, où les murs des chais et même les édifices de la ville en sont
parfois noircis. On peut cultiver dans des jus de fruits sucrés, comme l'a
montré M. Zolf, le Fumago pris sur des feuilles vivantes couvertes de
miellat, et il prend dans ces conditions un très puissant développement. »
La miellée, qui par le fait d*une évaporation rapide se produit en été sur les
feuilles de certains arbres, de même que les déjections sucrées lancées sous
forme de brouillard par beaucoup de cochenilles sur tous les objets envi-
ronnants, sont des milieux très favorables au développement du Fumago,
et d'ordiLaire il est occasionné par cette dernière cause. La vigne atteinte
depuis longtemps du Dactylopius présente donc les conditions voulues
pour la végétation du champignon, et bien souvent la présence de l'insecte
est ainsi révélée au loin.
III. — MOYENS PRÉVENTIFS.
Cette cochenille, commune en Orient, sa patrie d'origine, ne paraît pas
s'être beaucoup multipliée dans nos contrées. Nous avons dit, d'après
M. Gennadius, que l'emploi du soufre contre l'oïdium paraissait avoir en-
rayé le mal d'une façon sérieuse en Orient. Il est probable que sa faible
extension chez nous est due à la même cause. Le principal remède est
donc le soufre. A défaut de cette matière, M. Gennadius s'est servi avec
succès de la cendre de bois.
Nous pouvons ajouter qu'en cas d'invasion, l'insecte hivernant en très
grand nombre sous les écorces, l'enlèvement de celles-ci pendant l'Inver-
sera très utile. Nous avons suffisamment décrit l'opération de l'écorçage à
propos de la Pulvinaria pour qu'il soit nécessaire d'y revenir.
L'enlèvement des vieilles écorces a un double avantage : 1° celui de dé-
truire les insectes, Cochenilles, Attises, Cochylis ou Pyrales, hivernant
sous leur abri; 2° celui de débarrasser la souche des mousses et des lichens
nuisant à sa végétation .
CHAPITRE IV.
LES APHIDES OU PUCERONS DE LA VIGNE
Les Aphides, connus généralement sous le nom de Pucerons, sont de
petits insectes de 1 à 6 millim. de long, généralement verts, jaunes ou
bruns, perdant entièrement leurs couleurs parla dessiccation, et tellement
mous que la moindre pression les écrase. Ils portent d'ordinaire leurs
ailes à la façon des cigales, c'est-à-dire en forme de toit à deux versants.
La plupart sécrètent une matière sucrée dont les fourmis sont friandes
et qui s'échappe par deux petits tubes appelés cornicules placés à la partie
postérieure de l'abdomen. Certaines espèces, telle que le Puceron lanigère
du pommier, sécrètent par des glandes cutanées analogues à celles des
cochenilles la matière cireuse blanche, filamenteuse, dont nous avons parlé
à propos de ces dernières. Leurs antennes, assez longues, ont de trois à six
articles, leurs tarses un ou deux articles.
Une des espèces les plus communes, le Puceron du plantain, a servi
dès le siècle dernier au naturaliste Bonnet pour les premières observations
faites sur la parthénogé nèse. La plupart de ces insectes sont habituellement
vivipares, pondant des petits éclos ; quelques-uns cependant pondent tou-
jours des œufs. Ils sont polymorphes, certains d' entre eux ailés, les autres
aptères ; les uns ayant un bec, les autres n'en ayant pas. Plusieurs de leurs
formes successives dites agames, dont la première est sortie au printemps
d'un œuf fécondé appelé œuf d'hiver, pondent sans accouplement des
petits tous femelles, se multipliant eux-mêmes par partbénogénèse. A un
moment donné, une forme dite sexuée, ayant des mâles et des femelles,
apparaît et vient fermer le cycle par la ponte d'un œuf fécondé analogue à
celui qui a servi de point de départ.
La vigne, dans l'ancien Monde, nourrit deux espèces à1 Aphides, le
Phylloxéra vastatrix et l'Aphis vilis.
Beaucoup d'auteurs ont fait du genre Phylloxéra, sous le nom de
Phylloxêriens, une petite famille à part, entre les Coccides et les Aphides.
Les caractères invoqués étaient les ailes placées à plat, l'absence de corni-
LE PHYLLOXERA DE L\ VIGNE. 47
cules des digilules aux tarses et la reproduction toujours ovipare, quatre
caractères de Coccldcs ; mais il y a des Pucerons vrais, les Aploneura, les
Vacuna et les Glyphina, qui portent les ailes à plat ; plusieurs genres n'ont
pas de cornicules, et d'autres, les Adelges, pondent toujours des œufs. Avec
les derniers auteurs, Lichtenstein entre autres, nous réunissons donc les
Phylloxéra aux Aphides, les considérant comme des formes inférieures
ayant certains caractères des Coccides, mais se rapprochant tellement des
Pucerons par la forme, les caractères généraux, l'évolution biologique et
les mœurs qu'ils ne peuvent en être séparés.
Le genre Phylloxéra est caractérisé par une taille ne dépassant guère
1 million, et demi, des ailes aplaties, trois articles aux antennes, un ou
deux articles aux tarses, ceux-ci munis de digitules, et l'absence de cor-
nicules sur l'abdomen. Il est riche en espèces ; vingt-sept, à l'heure qu'il
est, sont décrites. Sur ce nombre, une vingtaine sont américaines, les autres
habitent l'ancien Monde. Quinze vivent sur les noyers d'Amérique, neuf
sont propres aux diverses espèces de chênes, une s'attaque au châtaignier,
une au saule, une enfin, celle dont nous avons à parler en détail, à plu-
sieurs espèces de vignes.
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE
(Phylloxéra vastatrix Planciion)
Synonymie. — Pemphigus vitifolii Asa Fitch, 1854; Dactylosphœra
vitifolii Schimer, 1867 ; Peritymbia v itisana Westwood, 1867; Rhiza-
phis vastatrix Planchon, 1868.
Parler d'un sujet après tant d'autres auteurs, résumer des montagnes
de livres, d'opuscules, de mémoires, de notes, de pamphlets même, offre
quelques difficultés. Tel est le cas cependant de quiconque aujourd'hui doit
écrire sur le Phylloxéra. D'ordinaire, quand on veut traiter un sujet, il
faut remonter aux origines, à grand'peine parfois rechercher les travaux
antérieurs, et, le jour de la publication venu, trop tard souvent, arrivent
des documents qu'on eut été bien aise d'utiliser.
Pour l'insecte qui nous occupe, au contraire, l'abondance des documents
1 Voir la Bibliographie après les chapitres traitant du Phylloxéra.
48 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
est l'obstacle. Pas de recherches à faire dans les siècles passés, il est vrai,
la question date de vingt ans ; mais pendant cette courte période, quels
flots d'encre, quels débordements d'inepties, quelles courses folles à la
conquête du prix de 300,000 fr. ! « Pour une idée juste à pêcher, dit
M. Planchon *, dans ce torrent d'élucubrations fantaisistes, il faudrait
s'imposer la tâcue de remuer des flots d'ignorance. Il faudrait parler du
crapaud vivant enterré sous la souche pour attirer à lui le venin dont la
vigne phylloxérée est atteinte ; on aurait à rappeler l'arrosage des ceps
malades avec du vin blanc ou bien avec une tisane émolliente dont la mauve
est l'ingrédient principal. Dans le déluge de procédés, la part la plus large
est à ceux qui confondent le phylloxéra et l'oïdium ou qui n'ont jamais vu
l'un ou l'autre de ces parasites. Le dépouillement de ce dossier de sottises
jette un triste jour sur l'état d'esprit du grand public en fait d'instruction
scientifique. Les rêveries creuses nous arrivent de tous les rangs sociaux
et de tous les coins de l'Europe. Les mieux recommandés au ministère de
l'Agriculture sont en général les plus ignorants ; les plus tenaces sont les
illuminés de tout ordre qui tiennent leur idée ou plutôt que leur idée obsède
et meneaux confins delà folie. Heureusement, à mesure que l'observation
et l'expérience serrent de plus près le problème, les rêveurs passent à l'ar-
rière-plan, les discussions oiseuses font place à l'étude des faits, la recherche
utile se concentre sur les points encore obscurs, laissant en pleine lumière
ceux que la science admet comme suffisamment élucidés. »
C'est ce que nous tâcherons de faire nous-même: laissant donc de côté,
autant que possible, les naturalistes d'occasion, les empiriques, les cher-
cheurs de théories ou de panacées, les partisans du phylloxera-effet, nous
puiserons nos documents dans les écrits de ceux dont la science et l'expé-
rience ont consacré les travaux. L'historique, par lequel nous commençons,
sera en grande partie retracé d'après les Comptes rendus de l'Académie
des Sciences, mine précieuse où. abondent les documents.
I. — HISTORIQUE.
Le genre Phylloxéra a été créé en 1834 par Boyer de Ponscolombe 2
pour la première espèce observée à cette époque aux environs d'Aix
(Bouches-du-Rhône) , le Phylloxéra qucrcûs vivant sur le chêne. Cet insecte,
1 J.-E. Plauchou ; La question phylloxcrique {Revue des Deux-Mondes, 15
janvier 18S7).
- Boyer de Ponscolombe ; Description du genre Phylloxéra (Ann.Soc. entom.
de France, 1634).
LE PHYLLOXERA DK LA VlGNË. 49
lixé sous les fouilles de l'arbre, provoque par sa piqûre le dessèchement
partiel du parenchyme, et, quand il se multiplie beaucoup, la feuille entière
arrive à se dessécher. De là, l'étymologie yûUov feuille, Çvjpew dessécher.
Très exacte eu ce qui concerne la plupart des espèces décrites vivant sur des
chênes ou des noyers, cette étymologie ne l'est plus s'il s'agit de celle qui
attaque la vigne ; elle forme par sa manière de vivre une exception dans le
geure.
C'est en 1854 que pour la première fois il a été parlé du Phylloxéra de
la vigne ; l'espèce découverte aux Etats-Unis, dans des galles, sur des
feuilles, par Asa Fitch1, entomologiste officiel de l'Etat de New-York, fut
décrite par ce naturaliste sous le nom de Pemphigus 2 vitifolii. Le Dr Henri
Shimer, de Philadelphie, retrouvait en 1867 les mêmes galles et le même
insecte, mais cette fois sous deux formes différentes, l'Aptère gallicole et
VAilé. Les séparant avec raison des Pemphigus, à cause des digitules ou
poils de l'extrémité des tarses terminés par une ventouse qu'il prit pour
un houton, le naturaliste américain en fit le Dactylosphxra vitifolii [Ann.
des Sciences naturelles de Philadelphie). Dès 1863, cependant, l'espèce
d'Asa Fitch avait passé l'Atlantique et était trouvée en Angleterre par
Westwood dans les serres à raisins (grapperies ou vineries) de Ham-
mersmith, près Londres. Le célèbre professeur d'Oxford avait, lui aussi,
tout d'abord rencontré des Gallicoles; mais, ayant eu l'idée de rechercher
sur les racines, il avait découvert une nouvelle forme, le Radicicole. Quel-
ques années après (18G7-1868), l'insecte était signalé dans plusieurs
localités d'Angleterre et d'Irlande. Le savant anglais le décrivit alors
sous le nom de Peritymbia vitisana et le présenta le 21 novembre 18G7 à
Y Ashmolean Society d'Oxford.
Tandis que le parasite était ainsi constaté sur plusieurs points de l'An-
gleterre, le dépérissement de la vigne occasionné par sa présence était en
môme temps sig .aie en France de divers côtés, mais sans que la cause en
fut connue. Nous trouvons en effet daus la Revue agricole et forestière de
Provence (5 mars 18G8) une lettre écrite par M. Delorme, vétérinaire à
Arles, à la date du 8 novembre 18G7 et adressée au Président du Comice
agricole d'Aix, lettre où. le mal est signalé comme s'étant manifesté dans la
Crau d'Arles dès le mois de juillet 1867. M. Delorme est le premier qui ait
parlé dans une publication française de ce qu'on appelait alors la nouvelle
maladie de la vigne; mais dans le déparlement du Gard elle avait, paraît-il,
1 Asa Fitch ; Paient office Report, I55i , pag. 79 ; et Soc. d'Agr. de Neiv-Yorh,
1854, pag. 8G-2.
2 Les Pemphigus sont des pucerons sans digitules aux patios, habitant dans
des galles dont le type, le Pemphigus bursarius do Linné, \ii sur le peuplier.
4
50 LE PHYLLOXERA DE LA VÏÛNE.
été constatée dès 1863 ' dans la commune de Pujault. C'est ce que nous
apprend une Note de M. dePenaurun, de Villeneuve-les-Avignon, publiée
le 7 juillet 1868 dans le Bulletin de la Société d'Agriculture de Vaucluse.
Bref,Ies agriculteurs provençaux s'inquiétaientdu dépérissement inexpliqué
de la vigne, et plusieurs d'entre eux, ayant trouvé sur les racines mortes des
traces de mycélium, comme il y en a sur presque tous les tissus ligneux
privés de vie et enfouis dans le sol, l'attribuaient au Pourridié ou Blanquet,
maladie crytogamique de la vigne qui se produit dans les endroits à sous-
sol imperméable. Ce Pourridié semblait toutefois, contre toutes les règles,
se produire sur les vignes de coteau les plus jeunes, les plus vigoureuses
et les mieux drainées. Ce fut alors que la Société d'Agriculture de Vaucluse
et M. Gauthier, maire de Saint-Rémy (Bouches-du-Rliône), sollicitèrent le
concours de la Société centrale d'Agriculture de l'Hérault.
Une commission composée de MM. G. Bazille, J.-E. Plancbon et F. Sahut
futdesuite nommée, et dans lajournée du 15 juillet 1868 les délégués étaient
réunis sur les terres du château de Lagoy, près Saint-Rémy. Les recherches,
opérées avec soin sur les racines des vignes malades, aboutissaient bientôt à
la découverte, par M. Sahut, d'une masse confuse de petits insectes jaunes
que M. Plancbon reconnut tout d'abord à la loupe comme voisins des Coche-
nilles et des Pucerons. Rentré à Montpellier et aidé de M. Donnadieu,
préparateur de Zoologie à la Faculté des Sciences, M. Plancbon examina
l'insecte au microscope, le rapporta décidément au groupe des Aphidiens
(Pucerons) et le nomma provisoirement Rhizaphis vastatrix.Une Note était
peu de temps après rédigée et envoyée à l'Institut 2. La première publica-
tion faite fut toutefois le rapport présenté à la Société d'Agriculture de
l'Hérault, rapport publié parle Messager du Midi dès le 22 juillet 1868 et
signé des trois délégués.
La cause du mal était donc reconnue. « Deux jours de recherches, dit
1 « C'est à peu près entre 1858 et 186Ï que, par une singulière coïncidence,
les importations de cépages américains racines se sont faites à la fois sur divers
points de l'Europe (Bordeaux, Roquemaure, Angleterre, Irlande, Alsace, Alle-
magne, Portugal). C'est à partir de 18G3 que les premiers signes du mal se dé-
clarent, d'abord dans les serres du Royaume Uni, puis, d'une manière vague, aux
environs de Pujault, près de Roquemaure (Gard); plus clairement, en 186G, dans
le Vaucluse, les Bouches-du Rhône et Bordeaux; plus tard encore, en Allemagne
et en Autriche (Klotternenburg), où l'importation américaine remonte à des épo-
ques variées » (Plancbon ; La question pkylloxcrique en 187G. Revue des Deux-
Mondes, 15 janvier 1877).
a J.-E. Planchon, G. Bazille et F. Sahut Comptes rendus Acad. des Se., séance
du 3 août 1868, pag. 333.
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 51
M. Pkuidioii l, nous Qreut voir les insectes en cent endroits, partout où la
Figne soulTrait. Dès ce moment, un fait capital était établi : c'est qu'un
insecte presque invisible, se dérobant sous terre, s'y multipliant par my-
riades d'individus, amenait l'épuisement des ceps les plus vigoureux. Mais
cet insecte, d'où venait-il ? Etait-il décrit ? Qnels étaient en tout cas ses
alliés les plus proches? Ces questions n'étaient pas faciles à résoudre du
premier coup ; elles ne pouvaient même l'être qu'à la condition de trouver
l'insecte sous tous ses états.
«N'ayant vu d'abord que des insectes souterrains dépourvus d'ailes, je
cherchai obstinément la forme ailée, que je supposais devoir exister. Cette
forme existait en effet, et, l'ayant découverte à l'état de nymphe avec ses ailes
encore enfermées dans leurs fourreaux, je la vis éclore le 28 août 18G8
comme un élégant petit moucheron, ou plutôt comme une cigale en minia-
ture, portant étalée à plat ses quatre ailes transparentes.» L'insecte, soumis
par MM. Planchon et Lichtenstein au savant hémiptériste de Paris,
M. Signoret, fut ramené par lui au genre Phylloxéra 2, créé par Boyer de
Fonscolombe pour le Ph.quercûs. « Voilà donc, continue M. Planchon,
mon Bhizaphis rapporté à son vrai genre. Restait à le reconnaître pour
identique à l'insecte américain. Le premier pas dans ce cens fut le résultat
d'un heureux hasard. Le 11 juillet 1869, voyageant avec une commission de
la Société des Agriculteurs de France, je découvris à Sorgues (Vaucluse),
sur deux ceps d'une variété de vigne appelée Tinto, de nombreuses galles
pareilles à celles du Pemphigus américain.»
D'après le Dr Plumeau3, ce serait M. Laliman qui aurait trouvé le pre-
mier, en France, des feuilles avec des galles phylloxériques sur des plants
américains. Nous mentionnons la chose en historien fidèle ; mais, au fond,
peu importe à la science et à la viticulture que la forme gallicole ail ete
trouvée à Bordeaux ou à Sorgues ; elle l'a été, en tout cas, on peut le dire,
à peu prés simultanément. Au printemps de 1869, J. Lichtenstein, le pre-
mier, avait avancé que l'insecte des racines était la forme souterraine du
Pemphigus vilifolii d'Asa Fitch ; simple hypothèse qui devait bientôt
devenir un fait acquis et dont Planchon lui-même ne tardait pas à accepter
la responsabilité [Mess. agr. du Midi, 5 septembre 1869).
Pendant que ces études se poursuivaient chez nous, Westwood avait
1 J.-E. Planchon ; Le Phylloxéra en Europe et en Amérique {Revue des Deux-
Mondes, 1er février 1874).
2 Signoret; Bulletin Soc. entom. de France, 23 septembre 18G8.
3 Dr Plumeau ; Association française pour l'avancement des Sciences, 1872,
session de Bordeaux, pag. G3C.
52 LE phyLloxeiia dé la YICLNË.
continué ses observations en Angleterre, avait reçu des insectes de France
et des États-Unis, et, dans une Note insérée dans les Proceedings ofthe
London entomol. Society du 1er février 1869, il reconnaît dans son
Perilymbia vitisana de 18G7 l'insecte nommé Pemphigus vitifolii par
Asa Fitcb, Dactylosphœra vitifolii par Shimer, Phylloxéra vastatrix par
Plancbon.
Malgré quelques protestations venant des partisans absolus de la priorité
en fait de nomenclature, c'est ce dernier nom qui a été adopté par la science,
pour trois raisons: d'abord, au nom môme de la priorité, le genre Phylloxéra,
datant de 1834, ne pouvait être débaptisé; ensuite le qualificatif de vastat rix
dévastateur, bien mieux que celui de vitifolii ou de vitisana, répond à
l'idée d'un insecte destructeur par excellence; l'usage enfin, ce grand maître,
avait de suite consacré une épitbéte répétée par la presse du monde entier.
« De son côté, en 1870, le professeur Riley, qui habitait alors Saint-
Louis (Missouri), établit : 1° l'identité de l'insecte à galles d'Europe et
de celui d'Amérique ; 2° l'identité des types Gallicoles et Radicicoles '. »
Ces observations, confirmées en 1871 lors d'un voyage du savant améri-
cain en France, ne devaient plus être discutées .
Tel était le degré des connaissances en 1870, tel il était encore en 1873.
Pendant ces trois années, malgré les recbercbes attentives d'un grand
nombre de naturalistes, le cycle des métamorpboses n'avait pu être fermé.
La forme sexuée, qui existe cbez tous les Aphidiens et pond l'œuf d"biver,
ne pouvait manquer cbez les Phylloxéras. Tout d'abord on avait pris les
Ailés pour cette forme sexuée2. L'erreur était permise, les mâles étant
d'ordinaire munis d'ailes cbez les pucerons et même cbez certains Phyl-
loxéras (Phylloxéra quercûs) ; puis on s'aperçut que, cbez l'espèce de la
vigue, tous les individus ailés pondaient, et pondaient sans accouplement.
C'était donc encore une forme agame aussi bien que celles des feuilles et
des racines. La forme sexuée, si remarquable en ce qu'elle n'a pas de
suçoir, a été découverte d'abord cbez le Phylloxéra du cbène par M. Bal-
biani3, ensuite cbez celui de la vigne par M. Max Cornu4, qui n'observa
toutefois que deux femelles. Cette étude ayaut été reprise en 1874 à Mont-
1 Les Vignes américaines, par Bush et Meissner, traduit Je l'anglais pir
L. Bazille, revu et annoté par J.-E. Planchon, 1876 ; et 2e éd., 1885.
2 Dr Schimer ; Proceelings ofthe Acad. ofnat. Se. of Philadelphia, n° l, I867,
pag. 2 à 11. — Signoret; Le Phylloxéra vastatrix (Ann. Soc. cnlom. de Fr.,
1869, pag. 549).
:< Balbiani ; Comptes rendus de V Acad. des Se., 20 octobre 1873, pag. S 8 i .
* Max. Cornu; Comptes rendu:, 3 novembre 1873, pag. 1015.
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 53
pellier par M. Balbiani ', le mâle et la femelle étaient entrevus à travers
la coque des œufs pondus en captivité par des Ailés. Au mois d'août 1875,
M. Boiteau découvrait le lieu de ponte de ces Ailés 2 .
Restait à étudier les Sexués sur un certain nombre d'individus normale-
ment éclos, à observer leur accouplement ainsi que leur ponte, à trouver enfin
l'œuf d'hiver eu plein air. Selon les observations faites sur l'espèce du
chêne, il devait être caché sous les écorces de la souche. C'est ce que
réussit à découvrir M. Balbiani au mois de septembre de la môme année.
Commodément installé à Libourne chez M. Boiteau, dans un cabinet de
travail muni de bons microscopes, cabinet que nous connaissons bien pour y
avoir personnellement recherché l'œuf d'hiver en 1878, M. Balbiani put
mener à bonne un ces délicates observations et fermer ainsi le cycle des
métamorphoses du Phylloxéra vastatrix3.
En même temps étaient publiées par M. Balbiani ses belles observations
sur la dégénérescence graduelle des ovaires chez les Phylloxéras, dégéné-
rescence qui, s'accentuant de génération en génération, peut aboutir à la
stérilité des aptères agames, mais se termine d'ordinaire par la production
de Y Ailé et du Sexué pondant son œuf unique. La fécondation de cet œuf
par l'accouplement des Sexués étant, selon l'auteur, le point de départ
d'une fécondité nouvelle, il put conclure à l'extinction complète d'une
colonie dont chaque année les (eufs d'hiver seraient détruits par un
traitement insecticide.
De 1875 à 1881, les études avaient continué. Dans une série de Notes à
l'Institut envoyées par M. Boiteau 4, le lieu de ponte des Sexués était pré-
cisé, les Phylloxéras issus de l'œuf d'hiver observés, leur fixation d'abord
aux feuilles puis aux racines constatée par l'expérience. Aucun fait saillant
n'était venu infirmer les travaux de M. Balbiani; des œufs d'hiver avaient
été trouvés en nombre à Libourne par M. Boiteau ; mais, quelque con-
fiance qu'on eût dans les observations du savant professeur au Collège de
France, la science n'avait pas adopté complètement ses conclusions. M. Liech-
tenstein et nous-mème avions bien observé en Languedoc la ponte des
Ailés et l'éclosion des Sexués; l'œuf d'hiver avait bien été obtenu par nous
en plusieurs exemplaires dans notre laboratoire de l'Ecole d'Agriculture du
1 Balbiani ; Comptes rendus, ;i I août et 14 décembre 1874.
2 Boiteau-, Intérêt public de Libourne, noS dos 2, !) et [6 septembre 1875.
Voir également à ce sujet Balbiani ; Comptes rendus, 4 octobre 1875.
3 Balbiani; Comptes rendus, 4 octobre 1875 et 17 juillet 1 s 7 < ". .
'< Boiteau ; Comptes rendus de f Académie des Sciences, 10 mai, 5 juin, 8 juillet,
5 août et G novembre 1S7G.
54 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
Montpellier •; mais l'observation sur les vignes, en plein air, de cette ponte
du Sexué manquait encore en dehors de la Gironde. Malgré les recherches
attentives de MM.Planchon, Lichtenstein et Mares, malgré celles que depuis
1877 nous avions entreprises nous-mêmeà Montpellier, après avoir été à
plusieurs reprises étudier la question à Bordeaux et à Libourne, ayant M. Boi-
teau pour guide; malgré une mission spéciale dans l'Hérault confiée en 1878
à M. BoiteauparM. le Ministre de l'Agriculture, l'œuf fécondé continuait
à se dérober à toutes les recberches. Se comportait-il dans les pays secs
comme sous les climats humides? N'éclosait-il pas avant l'hiver? La question
se posait dans la plupart des écrits sur le Phylloxéra 2; et quand M. Graëlls»
professeur d'anatomie comparée à l'Université de Madrid, eut annoncé en
septembre 1878, au Congrès viticole de Montpellier, qu'il avait vu éclore
le 8 août, à Malaga, des œufs pondus en juillet3; quand il eut surtout confirmé
ses observations en 1879 et 18804, cette question parut résolue par l'affir-
mative. « M. Graëlls, dit M. Planchon, est un savant dont le coupd'œil et
le jugement ne sauraient être mis en suspicion lorsqu'il s'agit d'un fait qu'il
affirme avoir vu 5 » .
Personne ne pouvait douter de la bonne foi de M. Graëlls, nos relations
personnelles et amicales avec le savant espagnol nous permettent de
l'affirmer hautement; mais dans des observations aussi délicates, où il faut
procéder d'abord par des recherches générales longues et minutieuses à la
loupe, puis isolément par un .examen au microscope de tous les corpus-
cules invisibles à l'œil nu ressemblantà un œuf, avait-il observé avec toute
la rigueur voulue ?
«Pour faire mes recberches, dit M. Graëlls6, j'emportai de Malaga à
Madrid des morceaux de ceps de vignes phylloxerées. Perdant l'espoir de
trouver l'œuf d'biver à la loupe, à la façon de M. Boiteau, il me vint a
l'idée d'imprimer de fortes secousses aux morceaux desséchés des vignes
sur un papier blanc placé sur une table. En examinant à la loupe attentive-
ment les détritus recueillis, j'ai fini par découvrir quelques œufs des Sexués
1 Valéry Mayet ; Comptes rendus, 2 novembre 1880.
2 Planchon ; La question phylloxérique en 187G (Revue clés Deux-Mondes,
15 janvier 1877), et page 30 du tirage à part.
3 Compte rendu du Congrès de Montpellier, 1878, pag. 102.
4 Voir à ce sujet : Lichtenstein; Le Phylloxéra en Espagne (Journal La Vigne
américaine, 1879, pag. 208).— Graëlls; L' au f d hiver du Phylloxéra (Journal
de l'Agriculture, 1880, pag. 27 et pag. 102). — Planchon; Vigne américaine,
1880, pag. 70.
5 Planchon ; Vigne américaine, 1880, pag. 120.
6 Journal de l'Agriculture, 1880, pag. 106.
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 55
bien reconnaissables par leurs singuliers caractères. Placés dans un tube
d'observation, il éclorent, les uns au bout de trois ou quatre jours, les
autres un peu plus tard.»
Les recherches en Languedoc furent dès lors considérées comme inutiles
par certains naturalistes. Lichtenstein, pour ne citer qu'un des plus connus,
les abandonna complètement, et, mieux que personne cependant, il était apte
à les meneràbonneûn.otVous perdez votre temps», nous disait-il; «Cherchez
et vous trouverez», nous écrivait au contraire M. Balbiani. Confiant dans la
manière de voir du savant qui le premier avait su trouver l'œuf fécondé
dans la Gironde ; convaincu nous-mème que, pour la France du moins,
l'expérience de Madrid n'était pas concluante, nous avons continué à
chercher, et le 16 mars 1831 nous trouvions l'œuf d'hiver à Montpellier1,
au domaine de Viviers, chez M. Pagezy, ancien sénateur. Nous le trou-
vions eu quantité telle que tous les observateurs, Lichtenstein le premier,
en ont eu à leur disposition et l'ont trouvé eux-mêmes sur nos indications.
A cette occasion, nous reçûmes la visite de M. Henneguy, délégué de l'A-
cadémie des Sciences, préparateur de M. Balbiani au Collège de France, et
c*est à partir de ce momeut que purent être organisées par lui à Montpellier,
au domaine de la Paille, chez M. Mares, correspondant de l'Institut, les
expériences si concluantes sur la destruction complète de l'œuf fécondé par
les badigeonnages insecticides 2. Le point de repère qui nous avait guidé
d'une façon si sûre dans la recherche de l'œuf d'hiver, c'est-à-dire les galles
observées annuellement sur un même point, a permis à MM. Balbiani et
Henneguy d'opérer àcoupsùr,ettouUe monde, parla disparition complète
de ces galles couvrant depuis longtemps chaque année tout un quartier de
vignes, a pu constater l'efficacité du procédé. Fin 1886, le badigeounagena
pas été fait : les galles ont reparu en 1887 ; fin 1887, il a été renouvelé : il
n'y avait de galles en 1888 que sur les ceps témoins.
M. Graèlls toutefois ne s'est pas encore rendu, et dans son dernier tra-
vail sur les Aphidiens (Cuestiones biologico-ontogenicas y fisiologicas de
los Afidios. Madrid, 1887) il persiste à regarder ses expériences comme
définitives. Nous considérons, de notre côté, notre observation comme
concluante, du moins en ce qui concerne la France et la plus grande partie
de l'Europe; la thèse de l'éclosion estivale n'est du reste plus soutenue d'une
façon absolue qu'en Espagne3.
1 Valéry Mayet ; Comptes rendus Académie des Sciences, 28 marô 1881.
2 Balbiani; Comptes rendus, 10 avril 1882 et 20 octobre 1881.
3 Eu France, il s'ast produit récemment une théorie que nous appellerons
mixte, théorie qui jusqu'à présent n'a été admise nue par sou auteur. M. Donna-
56 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
De l'Andalousie nous ne pouvons rien dire, des piys tropicaux encore
moins. Il est certain cependant qu'à Panama, par exemple, où M. Collot,
professeur à la Faculté des Sciences de Dijon, a constaté le Phylloxéra
sur les feuilles du Vitis caribœa, feuilles qui ont été envoyées à M. Plan-
chon, l'œuf fécondé peut et doit ne pas se comporter comme en Europe.
Le Bombyx du mûrier nous offre un phénomène venant à l'appui de cette
hypothèse. Ses œufs, suivant les belles expériences de M. Duclaux, n'éclo-
sent normalement dans les pays tempérés que lorsqu'ils ont subi l'influence
du froid, c'est-à-dire après l'hiver ou un séjour d'un ou deux mois dans
une glacière. A côté de cela, il y a dans les pays chauds, l'Inde par
exemple, les races dites bivoltines et trivoltines, dont les œufs éclosent
sans avoir subi l'action du froid, et qui produissent ainsi plusieurs généra-
tions dans l'année. Les Bombyx du mûrier à générations multiples, rares
en France, plus fréquents en Italie et en Espague, sont communs et même
constituent la règle dans les pays tropicaux. Les trioollins de l'Inde éclo-
sent en février, en juin et en octobre.
Marche du fléau.
Originaire d'Amérique, ou, pour mieux préciser, de la partie des Etats-
Unis située à l'est des Montagnes-Rocheuses, le Phylloxéra se trouvait
fortement établi vers 1869 dans le sud-est et le sud-ouest de la France. Les
deux points d'introduction, deux collections de vignes américaines situées
à Roquemaure (Gard) et à Floirac aux portes mêmes de Bordeaux, avaient
été précisés et formaient deux larges taches rayonnant rapidement et ten-
dant à converger l'une vers l'autre. Eu 1870, le Gard, le Vaucluse, les
Bouches-du-Rhùne, le Var, étaient complètementenvahis, l'Hérault atteint
dans l'un de ses plus riches vignobles, la plaine de Lunel. De 1871 à 1876,
tout J 'arrondissement de Montpellier était eu grande partie détruit et celui
de Béziers entamé. A la même époque, vers le Nord, l'ennemi, après avoir
ruiné les célèbres vignobles des côtes du Rhône, entourait Lyon de nom-
breux peints d'attaque, poussant des pointes hardies jusqu'en Beaujolais.
dieu, dont nous avons cité dans nos premières pages le bon travail sur le Phy-
loptus vitis, et qui le premier a étudié le Phylloxéra au microscope avec M. Plan-
chon, parle, dans uue Note à l'Institut (Compt. rend., 9 mai 1887) d'œufs fé-
condés qui passeraient l'hiver et d'œufs fécondés qui écloraient à l'automne. Ces
deux sortes d'œufs seraient pondus par deux formes dilîérentes de Phylloxéra.
Nous attendons un travail ultérieur annoncé par l'auteur, travail qui éclaircira
sans doute certains points de son observation, dont nous ne pouvons parvenir à
bien saisir la précision.
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 57
En 1878, l'invasion atteignait les Alpes-Maritimes, la Corse, l'Aude, les
Pyrénées-Orientales, l'Aveyron, le Puy-de-Dôme, l'Ain, la Saône-et-
Loire et la Cùte-d'Or.
Dans l'Ouest, la marche, assez lente au début, était très rapide à partir
de 1P72. Le Médoc et le Sauternois, aux. terres de graves mélangées de
sable, offraient une certaine résistance à l'invasion ; mais les palus, l'Eutre-
deux-mers, le Lot-et-Garonne et la Dordogne aux terres plus argileuses,
les Cliarentes surtout, au sol crayeux, peu profond, se fendillant en été,
étaient gravement atteints, et, vers 1879, complètement ruinés. En 1880,
sur la carte officielle publiée chaque année par le ministère de l'Agriculture,
les deux grandes taches du Sud-Est et du Sud-Ouest, teintées de gris ou
de brun suivant l'intensité de l'invasion, étaient soudées à travers le Lot,
le Gers, le Tarn-et-Garonne, la Haute-Garonne et le Tarn. Au Nord, la
teinte atteignait la Loire par l'Indre, le Loir-et-Cher et le Loiret. Dans
les dernières cartes publiées, le département de Seine-et-Marne est teinté;
et voilà qu'au grand effroi des viticulteurs des environs immédiats de Paris,
le Phylloxéra vient d'être découvert sur les vignes en espalier de, l'Ecole na-
tionale d'Agriculture de Grignon tSeine-et-Oise). Dans le bassin du Rhône,
tous les départements viticoles sont teintés. En Corse, le mal a envahi
les arrondissements d'Ajaccio, de Corte et de Bastia. A l'heure qu'il est,
plus d'un million d'hectares sont atteints eu France, et, parmi nos grands
vignobles, la Champagne seule est indemne, bien que fortement menacée
par les points d'attaque de Seine-et-Marue.
En Algérie, maigre la loi de 1881 ordonnant, comme en Suisse, l'ex-
tinction complète des foyers, plusieurs points d'attaque, apparus successi-
vement à Sidi-bel-Abbès, Tlemcen, Oran, Philippeville, La Calle, Souk-
Arras, ont été reconnus et détruits depuis 1885.
A l'étranger, aussi bien qu'en France, ce sont les plants américains qui,
au début, ont introduit le Phylloxéra. En Portugal, dans la vallée du
Douro, les vignes mouraient bien avant que l'insecte eût été découvert.
Sa présence, constatée en 1870, parait remonter à une importation amé-
ricaine de 1863. Dans les vignobles espagnols, les deux grandes taches, de
Malagaau Sud, signalée depuis 1877, et de Girone au Nord, semblent
cependant avoir pour origine l'introduction de plants français. Le premier
point d'attaque reconnu en Suisse eu 1874, chez M. de Rothschild, à Pre-
gny, provenait de plants reçjs de serres anglaises infestées, et celui de
Neuchâtel d'un envoi de la pépinière allemande d'Annaberg ; aujourd hui,
malgré les énergiques traitements d'extinction ordonnés par la loi, le mal
a gagné les vLnobles du canton de Vaud et sur un point ceux du canton
de Zurich .
58 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
En Allemagne, les nombreuses ladies constatées dans la vallée du Rhin
ont eu pour point de départ les pépinières et collections de vigne d'Anna-
berg, d'Erfurt, de Bolweiller, de Plantières, etc.
L'Autriche et la Hongrie doivent à des apports de cépages du Nouveau-
Monde faits en 1868, d'avoir été envahies aux environs de Klosternenhurg,
de Pantchowa et de Fiinfkirchen. La découverte du Phylloxéra en Italie,
à Valmadrera (province de Côme) et à Agrate (province de Milan), date
de 1879. En 1880. de nouvelles taches étaient constatées à Port-Maurice,
Riesi, Messine, et, en 1882, aux environs de Girgenti et de Catanina. La
Crimée et le Caucase, les deux principaux pays à vignes de la Russie, sont
atteints depuis 1880, et la Bessarabie depuis 1886, par suite d'introduction
de plants racines venant d'Erfurt (Allemagne). Dans les provinces danu-
biennes, en Roumanie, de nombreux points d'attaque sont signalés depuis
1883 aux environs de Jassy et de Galatz (Moldavie). Eu Turquie d'Eu-
rope et en Turquie d'Asie, le mal ne date que de 1885 ; mais il s'étend
déjà sur des espaces considérables. La Grèce seule parait indemne jusqu'à
présent ; mais elle ne tardera pas, sans doute, à être envahie.
En dehors de l'Europe, les vignes de Madère sont détruites, celles du
cap de Bonne-Espérance fortement entamées. L'Australie, en relations
fréquentes avec les Etats-Unis, est contaminée depuis 1875. La Californie,
enfin, la seule région des Etats-Unis où prospérât la vigne d'Europe, le
Phylloxéra n'ayant franchi les Montagnes-Rocheuses que depuis quelques
années, est gravement atteinte. Le vignoble séculaire de la Mission est dé-
truit, et l'on commence à le reconstituer sur racines américaines.
Pertes occasionnées en France par le Phylloxéra.
Avant de décrire l'insecte, nous placerons ici quelques détails sur les
pertes qu'a causées son introduction dans notre pays. Concernant l'é-
tranger, nous n'avons pas de documents à consulter; mais, en France, une
Note publiée en 1888 par M. Lalande, député de la Gironde, parait pré-
senter la situation sous son vrai jour, et nous jugeons utile de la repro-
duire ici.
«Peu de personnes, dit M. Lalande, se font une idée suffisamment exacte
des pertes éprouvées par la France comme conséquence des ravages du
Phylloxéra. Les chiffres suivants, hases sur le Rapport de M. le Directeur
de l'Agriculture, présenté à la Commission supérieure du Phylloxéra pour
l'année 1884, peuvent fournir quelques éléments d'appréciation.
«D'après ce Rapport, la surface des vignobles détruits en France jusqu'à
la fîu de 1884 s'élevait à 1,000,000 d'hectares, dépassait môme un peu ce
LE PHYLLOXERA DE LA VISNE. 59
chiffre. Mais ce n'est pas tout. Indépendamment des vignes détruites, il y
avait des vignes malades, mais encore existantes. Le chiffre en était de
004,511 hectares.
«C'est très prohahlcment rester au-dessous de la vérité que d'apprécier
ce chiffre de vignes malades comme équivalant à 200,000 hectares de
vignes détruites.
»La perte réelle est donc de 1 ,200,000 hectares de vignes détruites,
c'est-à-dire la moitié de tout le vignoble français.
»A quel chiffre faut-il évaluer la perte en argent de ces 1,200,000 hec-
tares ? Ici il faut faire une observation qui nous paraît avoir une très grande
importance. La valeur des vignes détruites est généralement appréciée
selon leur valeur vénale; mais, au point de vue national, ce mode d'appré-
ciation est bien au-dessous de la vérité.
»En effet, la valeur vénale d'une propriété est calculée sur son revenu
uet, mais sa valeur au point de vue national est très supérieure. Elle doit
être basée Fur le revenu brut, qui se décompose en deux parties : 1° celle
qui est nécessaire pour payer les salaires et les divers travaux de culture ;
2° l'excédent qui constitue le revenu net.
»I1 est évident qu'au point de vue de l'intérêt général du pays, ces deux
productions se confondent, et le produit brut peut être considéré en pres-
que totalité comme constituant un des éléments du revenu national. Or la
valeur vénale des vignes détruites pouvait être, nous le croyons, considérée
en France comme représentant un chiffre moyen de 6,000 fr. l'hectare.
Si, d'après les considérations ci-dessus exposées, on voulait prendre
pour base d'appréciation le revenu brut, on devrait évaluer les vignes dé-
truites à un chiffre très supérieur à 6,000 fr.
»A la vérité, après la perte des vignobles, il reste la valeur du sol nu ;
mais cette valeur est généralement très minime, car la plupart des vignobles
sont plantés dans des terres peu propres à d'autres cultures.
>Tout considéré et pour ne rien exagérer,, j'adopterai comme base
d'évaluation le chiffre de 6,000 fr. mentionné plus haut, et nous arrivons
à la somme de 7,200,000,000 de francs comme représentant la perte
éprouvée par la France comme résultat des vignes détruites par le Phyl-
loxéra .
»Ce n'est pas tout encore. A cette perte du capital sont venues s'ajouter
les pertes de revenus ou de salaires occasionnées parla destruction des vi-
gnobles. Il est difficile de les apprécier exactement. Mais nous croyons
rester au-dessous de la vérité en prenant pour base de calcul la valeur des
vins que la France a importés, et des raisins secs, qui n'ont été en réalité
importés que pour être transformés en vins depuis la destruction de nos
60 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
vignobles. Ces importations se sont élevées, suivant l'état ci-dessous, à
plus de trois milliards de francs.
Importation, en France, de vins ordinaires et de raisins secs
de 1875 à 1886.
Commerce spécial. Vins ordinaires. Raisins secs,
1875 8.351.741 fr. 5.755.614 fr.
1876 18.468.811 5.447.207
1877 22.593.989 8.649.482
1878 50.204.145 14.829.096
1879 107.479.899 40.807.043
1880 297.917.248 62.631.970
1881 346.516.425 37.364.289
1882 295.207.947 31.903.088
1883 360.000.000 39.000.000
1884 319.664.326 49.644.909
1885 361.476.079 95.350.824
1886 489.985.194 88.422.465
1887 545.000.000 98.000.000
3.222.866.504 fr. 577.805.984 fr.
RÉSUMÉ.
Vins ordinaires 3.222.866.504 fr.
Raisins secs 577 . 805 . 984
3.800.672.488 fr.
»Nous arrivons ainsi, comme perte totale, à une somme de plus de 10
milliards de francs. Telle est approximativement la perte éprouvée par la
France par suite du Phylloxéra.»
Il n'est question, il est vrai, dans cette Note que des pertes éprouvées, du
passif, si je puis m'exprimer ainsi, en citant les chiffres donnés par un
des premiers négociants de Bordeaux ; mais, quel que soit V actif qui peut
être représenté par le travail de reconstitution opéré à mesure que la des-
truction s'accomplissait, cette compensation est peu de chose en face du
désastre qui pèse et pèsera longtemps sur notre situation économique.
Si nous consultons en effet la statistique publiée en 1888 par M. le Direc-
teur général de l'Agriculture, nous trouvons que les vignes défendues vic-
torieusement ou reconstituées ne s'élèvent qu'au chiffre de 268,207
hectares ; mettons 300,000, les créations de vignobles dans les sables ne
figurant pas et n'ayant pas à figurer dans cette statistique. Qu'est-ce que ce
le phylloxeua de la Vigne. 01
chiffre oppose aux 1 ,200,000 hectares détruits! Un quart à peine, d'où il
faut déduire encore les dépenses faites pour la reconstitution.
Nous dirons donc, avec M. Lalande, que, «bien loin de s'étonner de la
gravité des souffrances éprouvées par le pays, on a presque lieu d'être surpris
qu'elles n'aient pas été plus grandes encore à la suite de pareils désastres.»
II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE,
La description du Phylloxéra vastatrix et celle de ses mœurs se trou-
vent dans de nombreux ouvrages, bons ou mauvais, sur le détail desquels
nous n'avons pas à entrer ici; nous dirons seulement qu'en dehors de
certains documents puisés dans les Comptes rendus de l'Institut et quel-
ques autres publications, ces différents livres ont tous été plus ou moins
tirés de deux ouvrages importants, celui de M. Max. Cornu et celui de
M. Balbiani. Le premier, paru en 1878 (Paris, Imprimerie nationale),
intitulé Étude sur le Phylloxéra vastatrix, renferme principalement
l'histoire détaillée des trois premières formes connues de l'insecte. Le
second, publié en 1884 (Paris, Imprimerie nationale), sous le titre de
Le Phylloxéra du chêne et le Phylloxéra de la vigne, parle surtout avec
détail de la forme sexuée et de son œuf unique, Y œuf d'hiver. Ces deux
ouvrages se complètent mutuellement et forment une œuvre d'ensemble,
une œuvre de maîtres, que nous appellerons classique. Tous les auteurs y
ont puisé ; les remarquables dessins de M. Cornu, par exemple, ont été
reproduits partout en France et à l'étranger ; nous y puiserons nous-
même souvent, renvoyant toutefois le lecteur à ces deux sources autorisées
pour les nombreux détails qui ne peuvent entrer clans un travail néces-
sairement condensé comme celui-ci.
Le Phylloxéra apparaît normalement sous quatre formes différentes, se
succédant l'une à l'autre, toujours dans le même ordre, ayant un nombre
plus ou moins grand de générations et pondaDt des œufs en quantité tou-
jours décroissante1.
4 Cette diminution de fécondité s'observe non seulement dans le cycle évolutif,
mais dans les générations nombreuses qui se succèdent chez les formes gallicoles
et radicicoles, de sorte que la race finirait par s'éteindre au bout de quelques
années si la puissance génératrice n'était régénérée dans l'œuf fécondé. Telle est
la théorie, appuyée sur l'observation, qui a été développée longuement par M. Bal-
biani dans les Comptes rendus (4 octobre et 17 juillet 1876), ainsi que dans son
livre, pag. 3. De là, on le conçoit, l'importance de la destruction de l'œuf d'hiver.
Certains naturalistes, Lichtenstein entre autres, ont combattu ces idées ; mais, un
(52 LE PHYLLOXERA DE LA. VIGNE.
Ces quatre formes sont :
Le Gallicole ou forme multiplicatrice,
Le Radicicole ou forme dévastatrice, f
L'Ailé ou forme colonisatrice,
Le Sexué ou forme régénératrice.
La ponte du Gallicole, dans les premières générations, du-mmus, est de
cinq à six cents œufs: c'est le grand multiplicateur de la race; le Radicicole
pond de un à cent œufs seulement, mais c'est la forme dévastatrice par
excellence, la seule qui tue la vigne; Y Ailé, qui ne pond que quelques
œufs, de un à huit, s'en va au loin fonder les colonies; quant au Sexué,
la raceentière est régénérée dans son œuf unique fécondé par l'accouplement.
Les trois premières formes ne renferment /que des femelles agames,
c'est-à-dire se reproduisant sans accouplement; et par parthénogenèse ; la
forme sexuée comprend des mâles et des femelles. L'œuf unique qu'elle
produit a été appelé œuf d'hiver par celuyqui l'a découvert, M. Balbiani.
Il constitue le point de départ et le point d'arrivée du cycle évolutif du
Phylloxéra; c'est donc par sa description que nous commencerons.
A. — Œuf d'hiver.
Cet œuf fécondé est pondu par la femelle sexuée sous les écorces de la
vigne les plus adhérentes, principalement celles du bois de deux ans, et,
comme l'a indiqué M. Boiteau, de préférence à l'endroit où cette écorce
est un peu déhiscente par suite de la section de la dernière taille. C'est là
que nous l'avons tout d'abord trouvé à Montpellier1. Nous l'avons ren-
contré également sur le bois de trois ans. M. Balbiani et M. Henneguy
l'ont vu depuis, mais en petit nombre, sur des bois plus âgés. L'œuf
d'hiver, parfois fixé par un petit pédicelle, est placé entre deux fibres
saillantes, tantôt collésurle bois, tantôt sur l'écorce elle-même. Ce pédicelle,
qui a été donné comme le caractère principal, n'est pas souvent visible;
on reconnaîtra, à coup sûr, l'œuf fécondé au petit point d'un rouge brun
situé au pôle opposé au pédicelle, et qui n'est que le micropyle ou petite
ouverture par laquelle les spermatozoïdes ont pénétré pour opérer la
peu entraînés, croyons-nous, par l'ardeur de la polémique, leurs expériences ont
peut-être manqué de toute la rigueur voulue. Plus sérieuses seraient les dernières
observations de M. Boiteau (Comptes rendus, 18 juillet 1887), qui depuis six ans
élève des Phylloxéras radicicoles, est arrivé à la vingt-cinquième génération et a
encore des individus très prolifiques.
1 Comptes rendus de l'Institut. 28 mars 1881.
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. G3
fécondation '. Les œufs d'agames, ne devant pas être fécondés, n'ont
pas de micropyle. L'œuf d'hiver est long de 27 à 30 centièmes de milli-
mètre et large de 10 à 12, c'est-à-dire à peu près invisible à l'œil nu ; il
est allongé, à côtés parallèles, cylindrique et non ellipsoïde comme les
œufs des formes agames (PI. I, lig. 3). Quand il vient d'être pondu,
il est d'un jaune pâle très brillant ; les jours suivants, la couleur se fonce,
des taches brunes assez rapprochées l'une de l'autre apparaissent ainsi
qu'un dessin réticulé en relief et qui n'est, suivant M . Balbiani, que l'em-
preinte des cellules épithéliales tapissant l'ovaire de la mère ; puis il passe
bientôt au vert olive foncé, moins brillant, couleur qu'il garde tout l'hiver
et qui rend alors sa recherche très difficile. Fin février ou premiers jours
de mars, il redevient jaune ambré, lisse, très brillant, et à cette époque il
est beaucoup plus facile à apercevoir. Par suite du développement de l'em-
bryon, les dimensions de l'œuf d'hiver sont alors un peu plus grandes, 35
à 37 centièmes de millimètre en longueur et 16 en largeur.
Dans le Bordelais, selon M. Boiteau, l'éclosion se fait dans la seconde
quinzaine d'avril. A Paris, M. Balbiani (sans doute dans son cabinet) a vu
sortir des jeunes, à partir du 9, sur des bois envoyés de Libourne par
M. Boiteau. A Montpellier, les premières éclosions observées par nous
ont eu lieu du 25 au 30 mars à l'air libre, ou du moins dans des tubes
d'expériences placés sur une fenêtre, et tous les œufs paraissaient éclos le
15 avril. Ces dates bien certainement peuvent être modifiées suivant la
précocité ou le retard de la chaleur.
Quelques jours avant l'éclosion, à travers les diverses enveloppes qui
constituent la coque de l'œuf, on aperçoit les yeux de l'embryon sous forme
de deux taches rouges situées au pôle antérieur, et l'on voit à ce même
pôle, à égale distance des deux yeux, une ligne noire semi-circulaire, qui
n'est autre chose que l'organe spécial qui se trouve aussi dans l'œuf agame
et qui a été comparé par M. Cornu 3 à une crête dentelée. Cet organe fait
partie de lapremière enveloppe de l'embryon et est destiné à fendre la coque
de l'œuf au moment de l'éclosion. Cette coque, après la sortie de l'insecte,
reste ouverte à sa partie antérieure en deux valves nettement séparées.
L'œuf d' hiver peut-il se trouver sur les racines? M. Balbiani (Comptes
1 Voir à ce sujet le livre de M. Balbiani, PI. V, fig. 5 et 17. Bien que ces deux
figures concernent le Phylloxéra du chêne et non celui de la vigne, le phénomène
est le même dans les deux espèces. Voir également le même travail pour tout ce
qui concerne les détails anatomiques de l'œuf d'hiver et ceux du développement
embryonnaire.
2 Cornu ; pag. 19G, PI. XVII, flg. 5, 6 et 8.
G4 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
rendus, 2 novembre 1874) dit y avoir vu une fois des Sexués femelles. De
son côté, M. leDr Patio, de Genève, croit avoir trouvé un œuf fécondé sur
les racines d'une vigne cultivée en vase. Cette dernière observation nous
semble manquer de toute la rigueur désirable. Outre que M.Fatio, dans la
description de cet œuf, n'a pas mentionné le petit point rouge du micro-
pyle, seul caractère infaillible, on peut dire que le Phylloxéra sur une
vigne en pot ne se trouve pas dans des conditions normales. Quant aux
femelles de M.Balbiani, le cas est isolé, et, selon l'auteur lui-même, «tout
indique que cette génération n'apparaît qu'à titre tout à fait exceptionnel».
Queis sont les moyens pratiques pour trouver l'œuf fécondé? Nous dirons
tout d'abord que, pour réussir, il faut avoir l'habitude des recherches minu-
tieuses à la loupe. Étant donnée cette habitude de la loupe qui s'acquiert
vite, nous ajouterons qu'il faut soulever les écorces du bois de deux ans et
de trois ans, les premières de préférence; regarder sur le bois et contre
l'écorce soulevée, et opérer les recherches là où chaque année des galles
sont observées sur les feuilles: Les Ailés, d'habitude, se réunissent pat-
essaims sur certains points, véritables lieux d'élection, toujours les mêmes
chaque année ',où ils opèrent leur ponte. Les Sexués, leurs descendants,
pondent l'œuf d'hiver sur les mêmes souches et les Gallicoles qui en sortent
sont nécessairement nombreux au printemps, dans ces localités encore mal
déterminées, mais qui pour le Languedoc nous paraissent être des endroits
un peu humides, bas-fonds bien exposés ou coteaux exposés au Nord2. Le
Gallicole provenant toujours de l'œuf fécondé, la présence de celui-ci en
hiver est en effet counexe avec la présence habituelle des galles sur les
feuilles pendant l'été.
C'est cette théorie fort simple qui nous a conduit, du premier coup,
sur le premier bois de deux ans examiné dans ces conditions-là, à la
découverte de l'œuf d'hiver à Montpellier. On est aussi guidé bien souvent
par la présence delà femelle sexuée morte à côté de l'œuf qu'elle a pondu.
Sur les plants français, où les galles se produisent difficilement, comme
nous le verrons plus loin, la recherche est moins facile. Il faut, dans
ce cas, choisir les souches sur lesquelles de nombreux Ailés ont été vus
l'été précédent. Nous n'avons personnellement jamais pu trouver d'œufs
d'hiver sur les plants français. On peut ajouter que le mois de mars est
l'époque la plus favorable pour les recherches, l'œuf fécondé, à celte époque,
étant de teinte beaucoup plus claire que pendant l'hiver.
* V. Mayet ; Comptes rendus, 25 juin 1881.
2 Quatre localités réunissant ces conditions nous ont donné des œufs d'hiver
à Montpellier. Ce sont : les domaines de Viviers, de Fontfroide-le-bas et de la Paille,
enfin la terre de la Condamine sur le domaine de l'École d'Agriculture.
LE PHVLLÔXERA DE LA VlCN'k. I',,'»
B. — Gallicole.
De l'œuf d'hiver sort le Phylloxéra Gallicole. C'est ce que l'expérience
il toujours montré jusqu'à présent, et nous renverrons à ce sujet aux remar-
quables observations de M. Boiteau *. Inutilement on a tenté de faire fixer
sur les racines l'insecte directement sorti de l'œuf fécondé ; il monte tou-
jours vers les feuilles et s'y fixe. Ce jeune Phylloxéra choisit la feuille la
plus tendre, la dernière éclose ; parfois même il plonge dans le bourgeon à
peine entr'ouvert2 et plante son suçoir sur la face supérieure du limbe. Au
bout de vingt-quatre heures, une dépression s'est formée au-dessous de lui
et la galle commence à apparaître à la face opposée (PI. I, fig. 1).
La galle. — La dépression de la face supérieure devient de plus en plus pro-
fonde, l'insecte qui en occupe le fond descend à mesure, et la galle intérieu-
rement se dilate en une cellule arrondie. L'orifice supérieur de cette cavité
est en forme de fente (PI. I, fig. 1 A) garnie de poils raides, entre-croisés
et disposés de telle façon que le passage, fermé pour l'entrée, est ouvert
pour la sortie. A l'intérieur, cette cellule est arrondie et lisse; l'insecte qui
y est enfermé absorbe tranquillement les sucs du parenchyme sur lequel il
repose. Extérieurement, c'est-à-dire en dessous de la feuille, l'excrois-
sance est inégale, verruqueuse, couverte de poils plus longs et plus irré-
guliers que ceux de la feuille elle-même. Le tissu de la galle, épais parfois
de plusieurs millimètres, est dû aune hypertrophie des cellules du limbe;
il est peu riche en chlorophylle et souvent se colore en rouge. «On peut se
demander (Cornu, loc. cit., pag. 30) à quelle partie de l'épaisseur de la
feuille normale est due cette nouvelle formation. Est-ce une production de
la couche supérieure, couebe composée de cellules prismatiques perpendi-
culaires au plan de la feuille ? La galle est-elle due, au contraire, à l'hyper-
trophie du parenchyme lacuneux de la face foliaire inférieure ? La dispo-
sition des faisceaux vasculaires dans les nervures des feuilles permet de
résoudre la question. Situés entre les deux couches, ils parcourent en
différents sens le parenchyme de la feuille. Dans le tissu hypertrophié, on
le retrouve occupant une position moyenne. Cette place montre que la
portion située au-dessous s'est hypertrophiée, de même que celle qui est
placée en dessus. »
Les galles se forment dans les tissus en voie de développement. La
feuille, constituée quand le Phylloxéra y arrive, mais n'ayant pas plus d'un
centimètre de diamètre, se trouve donc dans les meilleures conditions pour
1 Boiteau ; Comptes rendus, 27 avril, 10 mai, 3 juin et 8 juillet 1876.
2 Balbiaui ; loc. cit., pag. 29.
G6 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
que ces excroissances s'y produisent. L'insecte ne se fixe jamais sur des
feuilles développées. A l'endroit où il plante son suçoir, les cellules, par
suite de l'absorption constante des sucs, sont frappées d'un arrêt de déve-
loppement ; il en résulte des tensions énergiques qui modifient les autres
cellules non frappées d'arrêt et situées sur l'autre face de la feuille. Ces
cellules prennent des allongements divers, se multiplient en se cloisonnant,
et c'est par ce mécanisme très simple que l'insecte finit par être enfermé
dans une cavité. Les galles se forment surtout sur les feuilles, mais parfois
aussi sur les pétioles, les vrilles et môme les tiges verte3 en voie d'allon-
gement de l'extrémité du sarment.
Dans ce cas, « les galles affectent (Cornu, pag. 32) la forme d'une verrue
creusée à son sommet et présentant une ouverture allongée. C'est parfois
encore une sorte de fente dont les bords parallèles sont renflés et suré-
levés. Cette fente est, suivant les cas, plus ou moins béante ; elle aet
toujours garnie de poils nombreux. On aperçoit, dans l'intérieur de la
cavité, le Phylloxéra entouré d'œufs. Le nombre des œufs est parfois
supérieur à la quantité que peut contenir la logette ; les nouveaux venus
chassent alors les anciens vers l'extérieur, jusque par-dessus le bord. »
Les galles ont des dimensions d'autant plus grandes que la feuille est plus
développée; elles atteignent 4 à 5 millim. de hauteur et autant de largeur,
et la cavité intérieure a parfois 3 millim. de diamètre .
Souvent, surtout à l'arrière-saison, certaines de ces galles, plus déve-
loppées que les autres, renferment deux, trois et même quatre Galllcoles.
Ce sont généralement des pondeuses sœurs qui, au lieu d'émigrer, se sont
fixées là où elles étaient nées, utilisant en commun et agrandissant par
leur piqûre la galle formée par leur mère. Le cadavre noirci de celle-ci
s'y trouve généralement entouré des dépouilles brunes de ses œufs. Quand
le corps de la mère n'y est pas, c'est que plusieurs jeunes se sont établis
côte à côte sur la feuille et qu'ils ont grandi dans la cavité unique formée
par leurs galles respectives, qui se sont soudées.
Si la feuille n'est plus en accroissement, les galles sont abandonnées.
Ne subissant plus l'actionde la piqûre de l'insecte, l'excroissance prend
alors une forme spéciale, elle s'allonge sur une sorte de pétiole qui tend à
l'éloigner du limbe.
Description du Gallicole. — Le Phylloxéra directement issu de l'œuf
d'hiver a un aspect particulier et réunit au plus haut degré les caractères
propres au Gallicole. Les générations qui lui succéderont, même sur les
feuilles, différeront beaucoup moins de la forme des racines. C'est donc
sur lui que doit être faite la description de la forme gallicole.
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 07
a II ressemble, dit M. Balbiani [loc. cit., pag. 44), à sa mère dioïque ;
mais il en diffère, quand il est jeune, par sa taille moindre et surtout par
la présence d'un long suçoir et d'organes digestifs bien développés; à
l'âge adulte, par son ovaire formé d'un grand nombre de graines ovifères
(quarante-cinq à cinquante). Il est toujours facile de le distinguer des jeunes
larves ordinaires des galles ou des racines par le dernier article de ses
antennes, qui est fusiforme. Une autre particularité de son organisation
est d'avoir son suçoir logé dans une dépression profonde de la face ventrale
du corps, dépression en forme de gouttière, d'où il résulte qu'il ne fait
presque pas saillie au-dessus de cette surface. Sa taille moyenne, quand il
n'a pas encore mangé, est de 40 centièmes de millim. sur \6 de large.
Les deux poils latéraux du troisième article des antennes, qui est fusi-
forme, comme nous l'avons dit, sont placés à une certaine distance, l'un en
arrière de l'autre ; les poils terminaux sont un peu plus longs que cbez la
femelle dioïque et la fossette olfactive est petite et ovale. Dans la première
génération (fille de la mère fondatrice), le troisième article est encore fusi-
forme, mais les deux poils latéraux se sont un peu rapproebés l'un de
l'autre, les poils terminaux se sont encore un peu allongés et la fossette
olfactive s'est agrandie surtout dans la direction longitudinale. Dans la
génération suivante (petites-filles de la mère fondatrice), le troisième article
tend à se renfler dans la partie moyenne par la projection de sa face externe
en debors, le poil latéral postérieur est remonté presqu'au même niveau
que le poil antérieur, h fossette olfactive s'est encore un peu agrandie.
Enfin, dans toutes les générations suivantes, le troisième article a pris les
caractères ordinaires qu'on lui voit cbez les jeunes larves radicicoles : il
est très renflé dans sa partie moyenne et taillé en bec de sifflet aux dépens
de sa face externe, les poils latéraux sont rapproebés et presque au mèuie
niveau, les poils terminaux sont longs et robustes et la fossette olfactive
est arrivée au maximum de sa longueur. »
Nous ajouterons que le Gallicole adulte (fig. 8, et
PI. I, Gg. 5 et 6) est aptère, toujours agame, que le
corps est arrondi, un peu atténué en arrière, d'un
jaune tirant sur le verdâtre, et qu'il est sur le dos
dépourvu des tubercules caractéristiques, si visibles
cbez le Radicicole. Il est d'une taille plus grande que
ce dernier, un millimètre et quart de long et plus
d'uu millimètre de large, le Radicicole ne dépassant
pas un millimètre. Par suite du grand développement pjg. s. — Phylloxéra
de ses ovaires, le Gallicole est surtout plus épais gallicole.
et plus globuleux. Les yeux sont rudimentaires, formés de trois ocelles
08 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
renflés, de couleur rouge, réunis en triangle en arrière des antennes.
Les pattes, les antennes et le rostre sont relativement courts. Les pattes
en dehors des deux parties basilaires peu visibles, la hanche et le trochanter,
sont composées de trois parties bien apparentes, la cuisse, le tibia et le
tarse; ce dernier, avant la deuxième mue, est formé d'un seul article
terminé par un double crochet ; après la deuxième mue, une séparation
oblique, souvent peu visible, figure un second article. Les antennes,
organes du tact et de l'odorat, sont formées de trois articles, les deux pre-
miers courts et épais, le troisième long, plus ou moins fusiforme ou taillé
en bec de sifflet, suivant que la génération de l'insecte est plus ou moins
rapprochée de l'œuf d'hiver, et portant à l'extrémité externe de la partie
entaillée le stigmate olfactif ou chaton. Le rostre ou suçoir est composé
des quatre stylets solides dont nous avons parlé, les deux internes, repré-
sentant les mâchoires, soudés, ce qui réduit apparemment à trois ces appen-
dices, logés au repos dans une gaine articulée s'allongeant ou se raccour-
cissant comme une lunette d'approche et qui n'est que la lèvre inférieure
transformée en étui fendu dans sa longueur. Quand l'insecte veut sucer la
feuille, les stylets sortent de l'étui, se dressent perpendiculairement au
ventre pour percer le parenchyme, et les sucs de celui-ci, montant par
capillarité entre les trois stylets, arrivent dans l'œsophage.
Les stigmates ou orifices des trachées respiratoires, très difficiles à voir,
sont au nombre de six paires placées latéralement sur la partie ventrale :
une sur le prosternum, une sur le métasternum et quatre plus petites sur
les quatre premi ers segments abdominaux .
Avant d'être à l'état parfait, ce qui demande environ quinze jours, l'in-
secte subit trois mues dont les deux dernières peuvent être considérées
comme représentant les métamorphoses de larve en nymphe et de nymphe
en insecte parfait1. On retrouve toujours les trois dépouilles dans l'intérieur
de la galle.
4 Certains auteurs considèrent toutes les formes agames, même l'Ailé, comme
des larves et ne donnent le nom d'insecte parfait qu'à la forme sexuée, la seule
qui produise un œuf normalement fécondé. Nous n'adoptons pas cette manière de
concevoir le cycle phylloxérien ; non pas que la pensée de larves pondeuses nous
arrête : il y en a des exemples, nous en avons cité un à propos des Cécidomies ;
mais nous hésiterons toujours à appeler larve un insecte ailé. Lishtenstein a admis
cette théorie et a été plus loin encore. Il a comparé les produits des formes agames
aux bulbilles et aux rhizomes de certains végétaux, établi ssant un parallèle absolu
entre les Aphides et une plante. Pour lui, la parthénogenèse des formes agames,
qu'il appelle pseudogynes (fausses femelles), n'est qu'un simple bourgeonnement
et l'œuf fécondé représente la graine.
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 69
Une fois fixé, \cGallicole ne bouge plus, il est immobile au fond de sa
loge, et aussitôt la troisième mue opérée, gonflé comme une outre, il com-
mence sa ponte. Dans l'espace de trois semaines environ, cinq ou six cents
œufs sont pondus dans la galle et s'accumulent au-dessus de la pondeuse;
niais on n'en trouve jamais ce tte quantité à la fois, car au bout de huit jours
les éclosiODS ont commencé et les jeunes émigrenl, alors que la ponte esta
peine à moitié faite. Leur agilité est grande: «Us font, dit M. Boiteau,
[Comptes rendus, 5 juin 1876), 13 à 14 millim. à la minute, soit SOcentim.
à l'heure. lisse dirigent vers l'extrémité des pampres, traversant, sans s'y
arrêter, toutes les feuilles situées entre la première ou la seconde du bas,
où sont les premières galles et les plus tendres de l'extrémité. Ces feuilles
intermédiaires n'ont jamais de galles. Il n'en est pas de même de celles qui
sont portées par les rameaux adventices naissant à l'aisselle du pétiole. A
peine développées, ces feuilles-là portent beaucoup de galles.» Dans les
générations qui suivent la première (jusqu'en octobre, on en compte parfois
sept), la faculté reproductive diminue progressivement. Si, dans la galle
initiale, on peut compter cinq ou six cents œufs, dans celle de la dernière gé-
nération on en compte cent ou deux cents seulement, et le chiffre est en pro-
portion décroissante dans les générations intermédiaires. Ceci est conforme
à lathéoriede la dégénérescence des ovaires dont nous avons parlé. Au mois
d'octobre, au plus tard en novembre, c'est-à-dire aux premiers froids, les
mères pondeuses meurent avec la feuille et tous les jeuues sortant des galles
vont aux racines, où ils hivernent sans manger ; puis, au réveil de la végé-
tation, ils plantent leur suçoir dans les radicelles et deviennent de véritables
Radicicoles. Ajoutons que très souvent, à partir delà troisième génération,
un grand nombre de jeunes vont aux racines et s'y fixent, devenant ainsi
Radicicoles dès la première année du cycle phylloxérien1. L'insecte, pour
1 Le cycle complet, qui demande généralement deux ans et plus, peut à la
rigueur s'accomplir en une année. Plusieurs expériences le prouvent. M. Balbiaui
(pag. 20) cite un élevage en bocal où des Ailés ont apparu au mois d'août sur des
racines où de jeunes Gallieoles s'étaient fixés deux mois auparavant. M. Hoiteau,
de son côté (Comptes rendus, 6 novembre 1876), dit que des Gallieoles mis en
tubes d'expérience se sont fixés sur une racine, et leurs descendants ont donné des
Ailés dans le commencement de septembre. Quelques observateurs, tels que
Shimer et Knyassef, ayant trouvé des Nymphes et des Ailés dans les galles, en
ont conclu que le cycle complet du Phylloxéra pouvait non seu'ement s'accomplir
en un an, mais s'opérer entièrement à l'extérieur du sol ; autrement dit, que la
forme Radicicole pouvait parfois être sautée. Cette théorie n'esl pas suffisamment
appuyée. M. Champin, dans la Drôme, a de son coté observé des Ailés dans les
galles. Pour uous, qui avons vu si souvent des Nymphes monter le matin aux
70 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
opérer sa descente, suit le sarment et la souche ; parfois aussi il se laisse
tomber.
Les œufs sont ellipsoïdes, longs de 30 centièmes de millim., d'abord
d'un jaune vif ; puis ils tournent au rouge brun et au brun à mesure que
l'embryon se développe1. Comme nous l'avons vu pour l'œuf d'hiver, il est
facile, peu avant l'éclosion, d'apercevoir les deux yeux ainsi que la ligne
noire dentelée que M. Cornu a appelée la crête, et qui est destinée à fen-
dre les diverses enveloppes de l'œuf2. Celte crête fait partie de la mem-
brane enveloppant directement l'embryon. «Siaprèsl'éclosion, ditM. Corou,
on recueille cette membrane, on peut remarquer qu'elle est brune, qu'elle
s'est fendue par la partie antérieure, et exactement suivant l'un des côtés
de cette crête qui demeure intégralement sur l'un des bords de ligne de
rupture. »
Le Gallicole rare sur la vigne d'Europe. — Les galles, les Gallicoles
et leurs œufs, que nous venons de décrire, s'observent surtout sur certains
plants américains, tels que les Riparia sauvages, les Clinton, les Solonis,
les Taylor, c'est-à-dire sur les diverses variétés de l'espèce botanique Vitis
riparickfiOn peut même dire que telle est probablement la plante d'origine
du Phylloxéra, celle qui, du moins, semble la plus anciennement et la
mieux adaptée à ce parasite. Plus volontiers que sur toute autre, il y évolue
sous ses quatre formes, sans que le végétal paraisse en souffrir. Les déri-
vés du Vitis xstivalis : Jaequez, Herbemout, Cunningham, etc., ont beau-
coup moins de galles apparentes sur les feuilles ; leurs racines, souvent
infestées de Radicicoles quand ils sont jeunes, semblent, à l'âge de 4 ou
5 ans, se débarrasser en grande partie de l'insecte. Ici ce serait le parasite
qui serait mal adapté à la plante ; celle-ci, du reste, n'ayant pas à se défen-
dre aussi vigoureusement que le Vitis riparia, ne produit pas autant de
radicelles de remplacement. Chez le Vitis labrusca et ses dérivés : Coucord,
Isabelle, etc., fort peu de galles sur les feuilles et résistance très faible des
souches pour se métamorphoser en Ailés, nous supposons sans peine que quel-
ques-unes peuvent très bien arriver aux sarments et même aux feuilles, pénétrer
accidentellement dans les galles et s'y transformer. Nous disons donc, avec M. Bal-
biani (pag. 22), que la métamorphose des Gallicole." en Ailés n'est rien moins que
démontrée,
1 Voir, pour l'évolution de l'œuf, Cornu, pag. 195.
2 Le chorion ou enveloppe de l'œuf est formé de trois membranes : la pellicule
superficielle, l'exchorion et le chorion proprement dit. Il y a de plus l'enveloppe
vitelline, celle qui porte la crête dentelée et qui, sous la pression de l'embryon
développé, se rompra et coupera les trois premières.
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 71
racines qui, mè ne en Amérique, Baissent par succomber aux attaques du
puceron; l'adaptation au parasite est do oc très mauvaise, et le Vllis labrusca,
à coup sur, n'est pas la plante d'origine de l'insecte. Enfla le VUis vini-
fera, souche indo-européenne de tous nos plants d'Europe, est, des quatre
espèces botaniques cultivées en grand, la plus mal adaptée au Phylloxéra,
dont les racines résistent le moins bien et dont les feuilles sont les plus ré-
fractaires à la formation des galles.
C'est cette rareté des ga' les sur nos cépages qui a amené plusieurs auteurs
à dire que, sur les plants d'Europe, la forme gallicole pouvait être sautée et
que, d'ordinaire, \e Phylloxéra issu de l'œuf d'hiver descendait aux racines.
Cette hypothèse n'a jamais été appuyée par l'observation. Malgré cela, le
doute existe dans beaucoup d'esprits, et même dans le livre de M. Balbiani,
que nous avons appelé une œuvre de niaitre, certain passage cité en note'
montre que son auteur n'était pas, au moment où il l'a écrit, éloigné d'ad-
mettre cette théorie. Nous nous empressons d'ajouter que dans un travail
postérieur il y a nettement renoncé*.
M. Henneguy3, délégué de l'Académie des Sciences, paraît pencher au
contraire vers l'hypothèse de la descente habituelle aux racines. Il s'appuie
sur une expérience intéressante faite par M. Savre, professeur départe-
mental d'agriculture du Lot, au moyen des badigeounages contre l'œuf
d'hiver, expérience qui mérite d'être citée : « Des vignes françaises, dit
M. Henneguy, Malbec, Cot-rouge, etc., ont été badigeonnées au mois de
février et de mars 1886; mais le mélange a été appliqué sur toute la hauteur
du cep, sauf sur le bois de deux ans. Ces vignes ont présenté uu assez
4 M. Balbiani, pag. 28, dit: « L'issu de l'œuf d'hiver monte-t-il toujours sur
les feuilles, ou descend-il directement dans le sol après son éclosion ? C'est ce
qu'on ne sait pas encore d'une manière précise ; il parait avéré toutefois que la
nature du cépage n'est pas sans influence sur la direction qu'il prend ». M. le
Dr Fatio (Le Phylloxéra dans le canton de Genève en 1876, pag. 20) dit de son
côté : « Les grosses pondeuses vertes des racines que je nomme ici Nodicole (de
nodus, nœud, nodosité), paraissent être, fort probablement, le produit direct de
œuf d'hiver, soit que cet œuf ait hiverné sur les racines, soit qu'éclos sur le
bois aérien, le jeune Gallicole soit rentré prématurément sous terre, faute d'avoir
pu former sa galle». Plus loin, pag. 27, M. Fatio est plus affirmatif encore : «Les
issus de l'œuf d'hiver rentrent jusqu'ici, à Genève, en très grande majorité et très
promptement dans le sol, au printemps.
2 Balbiani ; Rapport au Ministre sur le traitement contre l'œuf d'hiver en 1884
{Compte rendu des Travaux du service du Phylloxéra, 1885, pag. 158).
A Henneguy ; Rapport sur la destruction de l'œuf d'hiver (Compte rendu dos
Travaux du service du Phylloxéra, 1887).
72 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
grand nombre de galles. Ce résultat est tout naturel, puisque le bois de
deux ans est le lieu d'élection des œufs d'hiver ; mais l'intérêt de l'obser-
vation de M. Savre consiste dans la présence de galles sur des cépages
indigènes qui n'en ont qu'exceptionnellement. M. Savre pense que les
insectes issus des œufs d'hiver n'ont pu descendre sur les racines, et qu'ar-
rêtés par les vapeurs toxiques émises par le mélange qui recouvrait la
souche, ils se sont répandus sur les feuilles pour y former des galles. Pour
la même raison, les jeunes Phylloxéras de seconde génération sont restés
sur les feuilles et y ont multiplié les galles. Les jeunes insectes sortis des
œufs d'hiver descendent donc sur les racines pour y fonder les colonies
souterraines. Que l'on empêche cette descente de s'effectuer, comme dans
l'expérience de M. Savre, et les galles apparaîtront nombreuses sur nos
cépages. »
Plusieurs expérimentateurs et nous-même ayant tenté, sans succès, de
faire vivre sur des racines des Phylloxéras directement issus de l'œuf d'hiver,
ayant au contraire réussi à les faire fixer sur les feuilles, nous n'avons per-
sonnellement jamais pensé qu'à l'état dénature l'insecte allât aux racines.
Depuis longtemps nous avons, à ce sujet, échangé nos idées avec M. Boi-
teau, de tous les expérimentateurs celui qui a le mieux étudié cette question ,
et nous dirons que, jusqu'à nouvelle preuve du contraire, l'observation de
M. Savre restant isolée, nous nous en tenons aux résultats des expériences
faites par M. Boiteau en 1876, expériences demeurées classiques. Ren-
voyant pour les détails aux Notes publiées dans les Comptes rendus de
l'Institut (séances des 20 et 27 avril, 10 mai, 3 juin, 8 juillet, 5 août et 3
novembre 1876) , ainsi qu'à la brochure intitulée Y Œuf d'hiver et son 'pro-
duit (Libourne, Maleville, édit., 1876), empruntant aussi des détails aux
lettres reçues directement de M. Boiteau, nous résumerons ainsi la ques-
tion :
Il est vrai que le parenchyme des feuilles du Vitis vinifera est peu fa-
vorable à la production des galles, que beaucoup de celles qui s'y forment
sont incomplètes et vite abandonnées. Il est vrai aussi que ces galles, mal
développées ou en forme de cupules ouvertes, renferment moins d'œufs
(200 au plus) et les laissent parfois échapper au dehors ; très vrai égale-
ment que sur les vignes d'Europe à la troisième génération, parfois à la
deuxième, les jeunes commencent à descendre aux racines, de sorte que le
nombre des galles se réduit souvent à quelques-unes, celles du début, les
galles initiales placées sur les première, deuxième et troisième feuilles de
la base du sarment et difficiles à voir.
De là à dire que, sur les vignes d'Europe, la forme gallicole peut être
sautée, il y a loin ! Il ne faut pas oublier que c'est sur une vigne française,
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 73
le Tinto, que les galles ont été observées pour la première fois en France,
par M. Planehon, en 1869, alors qu'il n'était pas question de plants amé-
ricains et que, bien avant la diffusion de ces derniers, de nombreux ob-
servateurs, tels que MM. Plancbon, Licbtenstein, Cornu, de Ladite, Ilcn-
neguy, Lejourdan, Faucon, Boiteau et nous-mème, en avaient vues sans les
chercher. Pendant l'été de 1888, les galles ont été communes sur divers
plants français dans la collection de vignes de l'Ecole d'Agriculture de
Montpellier. «Certaines années, dit M. Boiteau (pag. 21 de sa broeburc), les
galles sont très abondantes sur les vignes sauvages, dans les baies, à portée
des vignobles phylloxérés. » Les Gallicoles rencontreraient là, parait-il,
des conditions plus favorables de développement que sur les plants cultivés.
Pour nous, quand il y a des Vitis riparia dans le voisinage, les essaims
d'Ailés ne s'abattent pas sur le Vitis vinifera, ils vont à leur végétal pré-
féré, à leur plante d'origine. Etant donnée cette tbéorie, qui nous semble
appuyée par l'expérience ; étant donnés surtout les lieux de ponte spéciaux
que nous avons signalés, on pourrait réserver dans les vignes ces lieux
d'élection en ne les greffant pas, et y détruire facilement ebaque année
tous les œufs d'hiver par les badigeonnages Balbiani.
Le Gallicole existe donc sur les plants d'Europe quand un œuf d'hiver
y a été pondu ; il y existe très fréquemment aussi lorsqu'un pampre a été
en contact avec un autre pampre infecté, il y est seulement à générations
moins nombreuses, moins prolifiques et d'habitude mieux cacbées ; de là,
certaine difficulté à constater sa présence.
En résumé, on peut dire que, pour trouver le Gallicole sur les plants
d'Europe, on peut être servi par le hasard ; mais que, pour le trouver à coup
sûr, on n'est d'ordinaire pas guidé, comme sur les Riparia, par la présence
de milliers de galles faciles à constater, et qu'il faut : 1° avoir eu le soin
l'été précédent, comme le dit M. Boiteau, de remarquer les points où. se
sont abattus des essaims d'Ailés, qui ont produit les Sexués, lesquels par
la ponte de l'œuf d'hiver doivent avoir produit les Gallicoles ; 2° à défaut
des galles de l'extrémité des rameaux, savoir chercher les galles initiales.
Ces conditions d'observation ne sont pas à la portée de tous les obser-
vateurs.
C. — Radicicole.
On nomme ainsi la forme agame succédant au Gallicole, vivant unique-
ment sur les racines, provenant, soit des jeunes descendus des feuilles, soit
des générations précédemment iixées aux racines et qui, à l'origine, prove-
naient elles-mêmes des Gallicoles. Cette forme est la plus répandue, la
74 LE PHYLLOXERA DE LA. VIGNE.
plus comme, la première découverte en France, lu seule qui fasse périr la
vigne, et c'est pour cette dernière raison que nous l'avons appelée également
[orme dévastatrice.
Bien que la plus connue et la plus nombreuse en individus, elle n'en est
pas moins la plus extraordinaire au point de vue des mœurs souterraines.
Le genre Phylloxéra est, en effet, presque uniquement composé d'espèces
épigées, c'est-à-dire ayant un cycle évolutif entièrement en dehors du sol.
Remontant par la pensée aux temps géologiques, à l'époque tertiaire, ou
tout au moins à la période glacière, M. Balbiani (pag. 21) voit dans la
défoliation de la vigne devenue périodique, forçant l'insecte à chercher un
refuge aux racines, l'origine de cette forme hypogée. C'est bien possible ;
mais nous dirons que plus de vingt autres espèces de Phylloxéra vivent
sur des chênes, des châtaigniers et des noyers à feuilles caduques, sans
avoir pour cela de forme radicicole. Nous nous contenterons ici de l'obser-
vation des faits biologiques actuels, mais nous n'en considérons pas moins
celui-ci comme assez extraordinaire pour avoir jugé utile d'attirer sur lui
l'attention du lecteur.
La présence du Radicicole dans un vignoble se manifeste par des points
où la végétation est nulle et languissante, et que M. Gaston Bazille a com-
parés à des taches d'huile. Le commencement d'une de ces taches est un
point faible s'élargissant peu à peu, ayant dès la troisième ou quatrième
année, parfois dès la deuxième, des souches mortes dans son milieu. Tout
autour de ces pieds morts, rayonnant régulièrement, se voient des souches
aux pampres rabougris, dépourvues de vrilles, aux feuilles petites, souvent
jaunes, et chez lesquelles, à mesure que l'on s'éloigne du centre, ces carac-
tères s'atténuent graduellement jusqu'à disparaître.
Tous les points faibles affectant la forme de la tache d'huile ne sont pas
produits par le Phylloxéra. Sans parler d'une maladie cryptogamique, le
Pourridié, qui produit souvent cet effet, nous aurons l'occasion de voir
les mêmes phénomènes se produire sous les attaques d'insectes rongeurs
de racines, tels que la larve du Gribouri, celle du Vesperus, etc. Ce n'est
que par l'examen de la racine elle-même que l'on peut reconnaître exac-
tement la cause du mal.
Nodosités. — Sous l'influence de la piqûre de l'insecte, des nodosités se
forment. On nomme ainsi des renflements caractéristiques observés dès la
découverte du Radicicole. Ce sonl des excroissances du parenchyme cortical
de la racine, de couleur jaune vif, et qui ont des formes très diverses. Tantôt
elles affectent celle d'un renflement vésiculaire occupant une partie ou la
totalité de la radicelle (flg. 9 b) ; tantôt, et c'est le plus souvent, elles n'eu
LE PHYLLOLERA DE LA VIGNE. 75
occupent que l'extrémité. Elles ont généralement dans ce cas L'apparence
d'un crochet renflé dans sa partie courbée, rappelant parfois la tète d'un
oiseau à long bec ou une cornue de chimie;
l'insecte est alors placé dans l'endroit le
plus profond de la courbure, (fig. 9 a).
Faul-il attribuer cette hypertrophie des
tissus à un liquide venimeux, de la salive
par exemple, injecté par le rostre du pu-
ceron? Tel n'est pas l'avis de M. Cornu,
qui cite, avec raison , les différents Phyllo-
xéras du chêne s'attaquant à des feuilles
développées et ne produisantqued.es taches
brunes arrondies, formées par la dessic-
cation partielle de la feuille tout autour
d'eux. L'action produite par le Radicicole
sur la jeune radicelle de la vigne en voie
d'accroissement semble due aux mêmes
causes mécaniquesque la galle des feuilles
résultant de la piqûre du Gallicole, l'or-
gane lésé est seulement différent. N'ayant
pas la même constitution, il s'hypertro-
pbie d'une tout autre façon. L'insecte, par
son suçoir, épuise les cellules placées au-
dessous de lui ; la pression du cylindre
ligneux central, plus ou moins développé,
empêche une trop grande dépression de
se produire, et jamais il ne se forme de
cavité comparable à celle d'une galle. De
cet épuisement local des cellules il résulte
d'ordinaire deux choses : la déviation de
l'organe et son hypertrophie. La première
est causée par l'arrêt de développement
d'un côté et sa continuation de l'autre, la seconde provient de la multi-
plication des cellules en une masse d'autant plus arrondie et volumineuse
que le développement est plus entravé du côté opposé. Dans les feuilles,
rien de semblable, pas de cylindre central; le développement se faisant
librement sur une surface mince et aplatie, la galle se constitue sans dé-
former sensiblement la feuille, et la déviation ne se produit que sur les
tiges grêles ou les vrilles offrant certains rapports de constitution avec les
radicelles, etc.
Fig. 9. — Renflement produit par
la piqûre du Phylloxéra: a. ren-
flements surdes racines jeunes,
b. renflements sur des racines
plus âgées.
76 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
Au point de vue de la composition des tissus de la nodosité, nous de-
vons signaler de nombreux grains d'amidon faciles à observer au moyen
du réactif ordinaire, la teinture d'iode, qui les colore en bleu. Il a été dit
par certains partisans du Phylloxer a-effet que la présence de l'amidon
était la cause de la maladie. « Ce dépôt, dit M. Delamotte *, est dû vrai-
semblablement à l'absence de vitalité des cellules ; dans une coupe micros-
copique, il ne s'observe en effet que dans celles qui correspondent à la
dépression produite par la piqûre de l'insecte, et qui ne prolifèrent plus.
Il fait défaut, en général, dans les cellules de la périphérie du rendement,
qui toutes se segmentent activement.»
Le plus souvent, même sur les plants dits résistants, les nodosités se
décomposent au moment des fortes cbaleurs et entraînent la mort des
radicelles ; mais le remplacement rapide de celles-ci peut permettre à la
plante de vivre. Chez les vignes d'Europe, il n'en est pas ainsi : les racines
entièrement lignifiées succombent elles-mêmes, tandis que chez les vignes
résistantes, pour peu que le cylindre central soit bien constitué, l'hy-
pertrophie des tissus et leur décomposition subséquente sont limitées, la
cicatrisation se produit et le mal est réparé. Dans le chapitre où nous
traiterons de la lutte contre le Phylloxéra, nous aurons à approfondir ces
causes de résistance des cépages d'outre-mer.
Description du Radicicole. —Cette forme (fig. 10, 11 et 12) a, comme ca-
ractère, les plus grands rapports avec les aptères composant les dernières
générations des Gallicolcs; il y a même certains indi-
vidus qui, sortis de leur milieu, ne pourraient être
sûrement attribués à l'une plus qu'à l'autre d<3S deux
formes. Chez certains Gallicoles, en effet, insectes des
dernières générations, les tubercules apparaissent très
visiblement et le dernier article des antennes est nette-
ment entaillé en bec de sifflet. Sans parler des expé-
riences multiples qui ont consisté à faire fixer les
FigAO. — Phylloxéra , , ... , .
radicicole jeune. insectes des feuilles sur les racines, on se demande
comment encore, à l'heure qu'il est, il y a des natu-
ralistes qui peuvent voir là deux espèces.
Ayant décrit le Gallicole avec suffisamment de détails, nous ne ferons
du Phylloxéra des racines qu'une description comparative. Il diffère de
celui des galles par sa taille moindre chez l'adulte, 1 millim. au plus de
long au lieu de 1 millim. et quart, la présence des tubercules bruns
1 Delamotte ; Monographie du Phylloxéra vastatrix. Alger, Adolphe Jourdan,
1885.
LJi PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 77
saillants sur le dos, les antennes toujours fortement entaillées extérieure-
ment en bec de sifflet, et la ponte qui ne dépasse guère cent œufs. Comme le
GaUicole, il subit trois mues; les tubercules, disposés eu lignes longitudi-
nales et transversales, sont au nombre de soixante et dix, douze sur la tète,
douze sur le protborax, huit sur le mésotborax, huit sur le métatborax, six
sur le premier anneau de l'abdomen et quatre sur les six anneaux suivants.
Le dernier anneau abdominal n'en possède pas. Ces parties saillantes de la
cuticule sont, au premier abord, une différence importante entre les deux
formes ; mais, quand le Radicicole vient de muer, ces disques formés par les
rides de la peau, relevés en verrue, colorés en brun et ayant un poil épi-
neux au centre, ont à peu près disparu. Il faut un ou deux jours pour
qu'ils soient de nouveau bien visibles. De plus, quand on examine avec
soin au microscope la peau dorsale d'un GaUicole traité par la potasse
caustique, on retrouve les traces de ces disques saillants. Le poil épineux
y est ; parfois même, autour de ce poil, la peau est un peu épaissie et ridée.
C'est donc surtout par suite de l'absence du pigment foncé que les tuber-
cules semblent toujours manquer au GaUicole.
Au double point de vue morphologique et physiologique, quelles sont la
nature et la fonction de ces tubercules? Aucun auteur traitant du Phyl-
loxeran'en parle, pas même M. Cornu, qui a pourtant longuement décrit
l'organe (pag. 205 et suivantes). M. Balbiani, parlant du Phylloxéra quer-
cûs1, dit incidemment que dans cette espèce les tubercules sont à'appa-
rence glandulaire. Il suffit, selon nous, de mettre sous un microscope
quelques types de pucerons voisins des Phylloxéras, comme les Pemphigits
ou les Schizoneura à tubercules sécrétant de la cire 2, pour voir que chez
le Phylloxéra vastalrix ces même organes sont des glandes cirières atro-
phiées. Elles sont nulles dans Y Ailé, réduites à des poils dans le Sexué,
{ Afin de ne pas faire entrer le lecteur dans le dédale synonymique de deux
espèces de Phylloxéra du chêne qui ont été confondues par plusieurs auteurs,
entre autres M. Balbiani, nous nous servons, avec cet auteur, du nom de Ph. qaer-
cûs pour désigner l'insecte dont il a si bien étudié les mœurs comparativement
avec celles du Ph. vastatrix. Ce n'est pourtant pas le véritable Ph. qucrcûs; c'est
une espèce du nord de l'Europe connue dans la science sous le nom de Ph. coccinca
Ileiden. Le véritable Ph. quercûs, celui de Boyer de Fonscolombe, est une espèce
du midi de l'Europe très différente de celle du nord, Voir à ce sujet les Notes à
l'Institut échangées en 1874 entre M. Balbiani et le Dr Signoret ; celle du 7 dé-
cembre de M. Signoret élucide très bien la question.
2 Consulter au sujet des glandes à cire des Schizoneura l'excellent travail sur
le Puceron lanigère de M. le professeur Mùhlberg d'Aarau (Berne, K.-J,, édit. ;
Paris, Librairie Agr. de la Maison Rustique, 1885).
78 LE PHYLLOXERA DE LA VrGNË.
un peu apparentes chez le Gallicole, enfin tout à fait saillantes et rembrunies,
bien que ne fonctionnant pas, chez le Radicicole et h Nymphe. Ce sont des
glandes cirières réduites au rôle mécanique de tampons contre les chocs,
ou de coussinets contre les frottements, dans les formes vivant sous terre.
N'ayant plus de raison d'être chez celles qui vivent dans l'air, elles tendent
à disparaître.
Fig. 11. — Phylloxéra radicicole Fig. 12. — Phylloxéra radicicole
vu de dos. vu de face.
Qui sait si, chez certains Phylloxéras, on ne découvrira pas un peu de
sécrétion cireuse produite par les tubercules « d'apparence glandulaire »,
c'est-à-dire comme chez l'aptère agame du Phylloxéra quercûs, composés
de cinq lobes entourant un disque central surmonté d'un poil ras coupé
en forme de filière.
Comme le Gallicole, le Radicicole subit trois mues. Elles ont été trop bien
décrites par M. Cornu (pag. 211) pour que nous ne citions pas, en partie
du moins, cet auteur : « Quand ils sont sur le point de changer de peau,
les insectes arrachent leur suçoir enfoncé dans le tissu de la racine ; on les
voit s'allonger et porter à droite ou à gauche la partie postérieure de leur
corps ; celle-ci prend parfois un mouvement giratoire : la peau se fend à la
partie antérieure dans un plan médian vertical. La fente s'arrête, sur la face
abdominale vers l'insertion des soies du suçoir et à une distance égale sut-
la partie dorsale. On peut se demander par quel moyen l'insecte peut quitter
cette enveloppe qui l'enserre de toute part. En effet, chaque organe est
moulé dans un organe identique, chaque poil dans l'intérieur d'un autre poil;
les trois nouveaux stylets du suçoir sont contenus dans chacun des anciens.
Il lui faut vaincre une résistance de frottement qui doit être considérable,
car les organes nouveaux sont comprimés, étant plus grands que ceux qui
les contiennent. La mue est, en effet, un moyen de se débarrasser de l'an-
cienne peau qui gêne l'accroissement de l'animal. Chez le Phylloxéra,
comme, du reste, chez beaucoup d'autres insectes, un artifice spécial facilite
le dénouement de la crise. Sur toute la longueur du corps sont disposés des
petits poils dont l'extrémité est tournée vers la partie postérieure de l'animal .
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 79
Ce sont ces poils qui permettent à l'insecte de cheminer dans son ancienne
peau et de s'en débarrasser. Le mécanisme rappelle celui qui fait monter
constamment un épid'orge placé dans la manche.»
_Le Radicicole, avons-nous dit, ne pond guère que cent œufs. Déjà, chez
le Gallicole, certaines pondeuses des générations d'automne ne dépassent
pas ce nombre ; mais, chez le Radicicole, c'est le maximum, et la théorie
de la dégénérescence progressive des ovaires trouve ici sa confirmation. \
Chez le Gallicole issu de l'œuf d'biver, on trouve parfois cinquante tubes
ovigènes à l'ovaire. Au printemps qui suit la descente aux racines, c'est-à-
dire au moment de l'année où l'activité génératrice est la plus grande,
l'ovaire du Radicicole n'a pas plus de douze à vingt tubes et, à l'automne,
on n'en comptera que six, quatre et même deux (Balbiani, Comptes rendus,
15 janvier 1883). Dans l'automne de 1880, il nous est môme arrivé de
trouver à Montpellier un Radicicole n'ayant qu'un tube ovigène et un seul
œuf dedans. L'insecte étant relativement petit, mal développé et son œuf
de taille normale, nous l'avons pris tout d'abord pour une des femelles
sexuées signalées sur les racines par M. Balbiani (Comptes rendus, 2 no-
vembre 1874) ; mais, l'examen nous ayant montré le suçoir, nous sommes
vite revenu à l'idée d'un agame Radicicole devenu presque stérile.
Au printemps toutefois, des générations relativement prolifiques succè-
dent à celles de l'automne, qui l'étaient peu ; mais ce regain de fécondité est
expliqué ainsi (pag. 34) par M. Balbiani : «Avec la reprise de la végétation
et le retour de la chaleur, le nombre des tubes ovariques ne se relève pas
chez les descendants des dernières pondeuses de l'automne. L'activité seule
des pontes augmente sous ces influences et suffit pour donner lieu, encore
pendant longtemps, à une nombreuse population d'insectes. » M. Balbiani
développe longuement cette thèse dans sa réponse à une Note de M. Tar-
gioni-Tozzetti [Comptes rendus, 15 janvier 1883) . Cette fécondité, selon lui,
peut être soutenue pendant trois ans, sans intervention des Sexués, et
môme pendant quatre ans, d'après une Note de M. Mares [Comptes rendus,
17 septembre 1877). Kyber, dès 1812, avait, pendant quatre ans, maintenu
en serre les générations agames des pucerons de l'œillet. Dans sa Mono-
graphie des Aphidiens (pag. 153), J. Lichtenstein va plus loin : « Si nous
sommes témoins, dit-il, de cette reproduction agame pendant quatre, cinq
ans, pourquoi ne durerait-elle pas davantage? Pourquoi ne durerait-elle pas
éternellement ? Réaumur a déjà posé la question.» Ici nous quittons l'obser-
vation rigoureuse des faits, c'est-à-dire le terrain solide. Nous y rentrerons
le plus vite possible en citant la Note de M. Boiteau (Comptes rendus,
18 juillet 1887) . Nous y verrons que l'expérience a été poussée jusqu'à la
vingt-cinquième génération et jusqu'au mois de juillet delà sixième année.
80 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
A cette époque, il y avait encore des insectes «bien portants et très prolifi-
ques». Jusqu'où sera poussée l'expérience ? C'est ce que nous apprendrons
avec un médiocre intérêt, car il nous semble bien difficile d'éviter absolu-
ment un des facteurs qui peuvent la fausser, celui de l'apparition de Sexués
sur les racines. La Note de M Balbiani dont nous avons parlé plus haut
cite en effet le fait observé par lui en octobre 1874 à Montpellier. Il n'a vu
que des femelles ; mais elles n'offraient aucune différence avec les femelles
aériennes.
Nous n'en croyons pas moins que, dans le plus grand nombre des cas, et à
l'état de nature, les colonies agames non régénérées par des Sexués aériens
sont destinées à s'éteindre. Elles s'affaiblissent, du reste, en grande partie
par le nombre considérable de jeunes Radicicoles devenant nympbes et
quittant le sol pour se transformer en Ailés.
Parfois la colonie tout entière semble subir cette transformation dès la
seconde année ; le fait a été signalé par M. Marion et plusieurs autres
observateurs. Peut-être même est-ce ainsi que le plus souvent, d'une
façon normale, la colonie souterraine prend fin, quand il n'y a pas, bien
entendu, de nouvelles invasions. Cette présomption, selon M. Balbiani,
est appuyée sur ce qui se passe chez le Phylloxéra coccinea, où il arrive
souvent qu'aucune des larves composant la dernière génération de l'année
n'échappe à la transformation en nymphe, puis en Ailé, ce qui amène la
dispersion complète de la colonie ' .
Les Radicicoles peuvent-ils aller aux feuilles et produire des galles ?
Telle est la question que plusieurs naturalistes se sont posée, et M. Marion
s'est même demandé si les galles apparaissant parfois en été à l'extrémité
des sarments qui n'en portaient pas au printemps ne seraient pas for-
1 Nos observations personnelles nous permettent d'affirmer que lorsque la vigne
est jeune, vigoureuse, et pas encore en plein rapport, c'est toujours ainsi que
linit la colonie non régénérée par le Sexué. Quand, pendant des années, les géné-
rations agames se prolongent sans s'épuiser par le départ des Ailés, c'est que la
souche est moins vigoureuse. C'est le cas des vignes françaises attaquées depuis
plusieurs années, le cas de toutes les éducations en laboratoire, le cas aussi de
beaucoup de vignes américaines résistantes, mais qui n'ont plus la fougue des
premières années et qui, s'étant mises pleinement à fruit, ne s'emportent plus en
sarments de cinq ou six mètres. Quand, pour nos études, nous voulons des Ailés,
nous allons chercher des nymphes aux racines des souches de 2 à G ans, et de
juillet à septembre nous les y trouvons en masse. Passé 5 ou 6 ans, les vignes,
même les Riparia et leurs dérivés, produisent moins d'Ailés, quand bien même
les nodosités des radicelles sont très développées ; les racines fortement lignifiées
en produisent encore moins.
LE PHYI.L<)\EKA Dfi LA VÎGMË. 81
mées par des jeunes nés dans le sol et montés aux feuilles. Jusqu'à présent
ou n'a pas d'observations à ce sujet en dehors d'expériences de laboratoire.
Dès 1870, M. Riley a réussi à transformer des Radicicoles en Gallicoks
dans des flacons d'élevage. M. Marioo en a obtenu facilement, nous écrit-il.
M. Balbiaoi {Comptes rendus, 2 novembre 1874) en a fait iixer aussi sur
des feuilles en tubes d'expérience ; mais, ayant planté leur suçoir sur
la face inférieure, ils n'y ont pas produit de galles. M. Cornu, de son
côté, a réussi, dans une serre très humide, à faire produire une galle
par de jeunes Phylloxéras provenant d'oeufs développés sur des racines
adventives qui avaient poussé en raison de l'humidité du milieu. Pour
nous, ces éducations sous cloche n'infirment en rien la règle ordinaire,
qui est (pue le jeune Radicicole, même quand il sort de terre pour émi-
grer, va toujours aux racines. Quant aux galles apparues en plein air, en
été, sur des plants qui n'en portaient pas au printemps, nous en avons
observé nous-méme et nous les avons attribuées à des jeunes apportés par
le vent d'une souche gallifère voisine ou même éloignée. Le vent est un
agent puissant de dissémination. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce
sujet quand nous parlerons des migrations de l'insecte sous ses différentes
formes.
Les Hibernants. — Il nous reste à dire quelques mots de ce qu'on
appelle les Hibernants.
On nomme ainsi les Phylloxéras passant l'hiver sur les grosses racines,
réfugiés entre les fentes de l'écorce ou sous les plaques subéreuses exfo-
liées. Ils sont là, à l'abri d'une trop grande humidité et du contact immédiat
du sol. Quand on soulève ces plaques, qui ont la forme de manchons
ouverts d'un côté et n'adhérant plus à l'écorce, on aperçoit, groupés ou
isolés, de nombreux insectes bruns, aplatis, que leur forme non atténuée
en arrière a fait comparer à de petites tortues. Ces légions de parasites sont
composées de jeunes Gallicoles descendus des feuilles et surtout de Radi-
cicoles nés en automne .
Ils passent l'hiver immobiles, le bec planté dans l'écorce, les antennes
et les pattes repliées contre le corps, attendant les beaux jours pour re-
tourner aux radicelles et achever leur croissance. Ils sont généralement
très petits, n'ayant pas subi la première mue ou n'ayant pas dépassé la
seconde; mais çà et là se trouvent quelques adultes ayant commencé leur
ponte avant les froids et continuant lentement à l'accomplir. La plupart des
œufs ainsi pondus périssent ; mais ceux qui, par une température moyenne
au-dessus de 10", ont pu évoluer, éelosent, et les jeunes vont grossir les
groupes d'Hibernants. Cette température de 10" parait être le minimum
82 LE PHYLLOXERA t)E LA VIGNE.
au-dessous duquel ces insectes s'engourdissent, et au-dessus duquel ils
sortent de leur torpeur.
Le froid ne tue pas les Hibernants, l'hiver 1879-80 l'a prouvé. Dans
des régions comme les environs d'Orléans, où, en décembre 1879, le ther-
momètre est descendu à — 25 et 30° centigrades, beaucoup de vignes
ont été gelées, mais l'insecte n'a pas disparu du pays. Les expériences de
M. Maurice Girard, faites au moyen de mélanges réfrigérants, ont du
reste établi que le Phylloxéra pouvait supporter sans périr des froids de
— 8 et 10° centigrades; M. le Dr Ilorvath (de Budapesth) a poussé
plus loin encore l'expérience1. Au champ d'essais de Farkasd, il a exposé
hors du sol, pendant dix-huit jours, à des minimas nocturnes variant
(je — 1 à — 12° centigrades, des racines phylloxérées, et ce délai écoulé,
malgré la sécberesse inévitable des racines, un Phylloxéra a été trouvé
vivant. Or, dans les températures observées à la Station météorologique
de l'École d'Agriculture de Montpellier, même pendant les liivers les
plus froids, donnant au niveau du sol — 12 à 13°, le thermomètre, à 25
centimètres de profondeur dans la terre, ne descend jamais au-dessous de
— 1 ou 2° centigrades. Pour l'Hérault, c'est vers le milieu d'avril qu'a
lieu le réveil des Hibernants. Il y a, à cette époque, suffisamment de nou-
velles radicelles pour que les jeunes pucerons puissent quitter leur retraite
et recommencer leurs ravages.
D. — Ailé.
A partir de la seconde quinzaine de juin, dans la région de l'olivier du
moins, on aperçoit sur les racines des jeunes souches, principalement sur
les nodosités, des Phylloxéras de forme plus allongée
que les autres, aux pattes et aux antennes relativement
longues, munis de tubercules très apparents (fig. 13 et
PI. I, fig. 9), de couleur jaune orange, surtout dans
les parties antérieures et postérieures du corps, et chez
lesquels les ovaires, peu développés, ne renferment pas
d'ceufs. Ces individus spéciaux, qui dans leur jeune âge
Fig. 13.— Phyllo- étaient en tout semblables aux autres, sont les larves
xeradestiuéàse d'où sortiront les nymphes d'où proviendront les Ailés.
transformer en T, , . ,," "'; ". .
nymphe. lls subissent trois mues avant de se transformer, de sorte
que VAilé en aura subi cinq à partir de son éclosion. Si
l'on examine une de ces larves avant que la quatrième mue en ait fait une
nymphe, on verra qu'elle présente sur les côtés un renflement indiquant la
4 Acad. des Se. de Hongrie. Séance du 23 avril 1883.
LE PHYLLOXÉRA DE LA VIOne.
83
place où seront les moignons d'ailes. La métamorphose a lieu dans le sol, et
c'est à partir du 20 juin environ que nous l'avons observée dans la région
de l'olivier.
La Nymphe et sa métamorphose en Ailé. — la nymphe (6g. 14 et
PL I, fig. 10) est remarquable par la longueur du corps, des pattes et des
antennes, rappelant ceux de l'Ailé, et surtout par ses moignons d'ailes
placés latéralement sur les méso et métathorax. Ces ailes rudimcntaires,
étant noires, tranchent sur la couleur de l'insecte, qui est d'un jaune d'or
ou orangé et le font paraître comme étranglé vers son milieu. La longueur
du corps varie de moins d'un millim. à plus d'un millim. et quart; la
largeur en proportion, c'est-à-dire du simple au double. Comme cbez' le
Badicicole, soixante et dix tubercules se voient sur
la partie dorsale et leur disposition est la même. Les
antennes, beaucoup plus longues que celles des deux
aptères agames, par suite du développement du troi-
sième article, n'ont cependant qu'un seul stigmate
olfactif, comme cbez ces derniers. Les yeux, également
au nombre de trois, de couleur rouge, réunis en trian-
gle derrière les antennes, sont plus gros, plus glo-
buleux, plus rapprochés les uns des autres. Quand
l'insecte approche de sa dernière transformation, le
gros œil en forme de framboise de Y Ailé est visible
par transparence sous la peau. A ce moment, on voit également des œufs
^en formation dans les tubes ovigères ; mais la nymphe ne pond jamais^
comme l'a supposé à tort M. Gerstâcker (de Berlin). Le Phylloxéra sous
cet état de nymphe se nourrit. On le trouve, en effet, le bec planté dans
les nodosités. Sa vie est d'environ six à huit jours ; mais ce délai peut se
prolonger si le temps n'est pas propice à la dernière métamorphose.
C'est le matin généralement que les nymphes quittent les racines pour
se transformer en Ailés sur la souche ou le premier objet venu, ou simple-
ment contre les parois des fissures du sol; quelques-unes pourtant sortent
le soir. Elles sont à ce moment dans une grande agitation, déployant une
agilité relative. Elles suivent les racines et le collet de la souche ou sortent
par les fissures du sol crevassé, et l'on comprend sans peine que les terrains
compacts, fendillés par la sécheresse, soient beaucoup plus favorables à
leur sortie que les terrains sablonneux, ne se fissurant pas et s'éboulant
sous les pieds de l'insecte. Dans les bocaux d'éducation, il suit souvent
le verre, qui lui offre un point d'appui solide.
Une nymphe qui aura quitté le sol à G ou 7 heures du matin opérera
Fig. 14. — Nymphe
du Phylloxéra.
84 LE PHYLLOXEIlA DE LA VIGNE.
sa métamorphose vers 9 ou 10 heures. Elle est alors d'une couleur plus
somhre, effet de la cuticule prête à se détacher. La mue, qui. par suite
de la régularilé de l'heure, est une des plus faciles à observer à la loupe,
est très intéressante ; mais, ayant décrit celles du Badicicole, nous n'en-
trerons pas dans de grands détails à son sujet. Disons seulement que les
mouvements constants delà nymphe, la sécheresse relative de l'air com-
paré au sol, facilitent plus que sur les racines la rupture de la peau et la
sortie de l'insecte. Les ailes sont pour celui-ci une grande complication : si
ja pluie survient avant qu'elles soient complètement développées, le délicat
moucheron, collé à l'objet qui le supporte par ces longues membranes
pendantes, ne peut se dégager et meurt sur place en un ou deux jours.
Dans les éducations, si l'on n'a pas eu le soin d'essuyer les parois du
bocal au moment de la montée des nymphes, un grand nombre d'Ailés sont
ainsi tués par les gouttelettes d'eau condensée contre le verre.
Aussitôt après la mue, Y Ailé est entièrement d'un jaune d'or, très pâle
sur le thorax ; les ailes sont blanches, repliées transversalement et en long,
encore chiffonnées et molles. La tète tournée vers le haut, l'insecte les
écarte de son mieux pour les étendre par leur propre poids. En observant
alors les ailes au microscope, on voit que peu à peu l'air pénètre dans
l'intérieur des trachées, qui apparaissent alors sous forme de lignes noires
Autour d'elles se dessinent des bandes plus sombres qui sont les nervures
C'est le sang péuétrant dans les ailes ' et surtout l'air entrant dans les tra
chées, munies intérieurement, comme on sait, d'une membrane spiralée
qui font redresser les trachées et les nervures, ainsi que les larges mem
branes qui les réunissent. Le mécanisme est comparable à celui qui de-
roule le tube spiral du manomètre de Bourdon. Après un délai de deux
heures environ, c'est-à-dire vers midi, les téguments de l'insecte ont pris
suffisamment de consistance pour qu'il puisse satisfaire ses instincts d'émi-
gration ; mais, avant de lui laisser prendre sou vol, nous en donnerons la
description suivante.
Description de l'Ailé. — Le corps (fig. 15 et PI. I, fig. 11), très allongé,
rappelle celui d'une cigale en miniature. Comme nous l'avons vu chez la
nymphe, il est de deux tailles bien distinctes, 1 millim. et 1 millim. 1/4 de
longueur, non compris les ailes. Il est entièrement dépourvu de tubercules,
d'un jaune rougeâtre et orangé, sauf le mésothorax qui est noir.
Les ailes, très longues, posées à plat sur la partie dorsale, sont de cou-
leur claire, transparentes, un peu irisées ; leur surface est finement clia-
' Ce fait a été mis en lumière par M. Kùnckel d'Herculais (Recherches sur
l'organisation et le développement des Volucelles. Paris, Massoti, 1875).
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
85
grillée; leurs granulations microscopiques, aplaties, semblent dirigées en
arrière et imbriquées l'une sur l'autre. Les grandes ailes dépassent le corps
de près de 1 millim , elles sont remarquables par deux fortes nervures
longitudinales, une externe et une interne partant de la base, cette dernière
se trifurquant du côté interne, par leur bord extérieur teinté de jaune un
peu avant l'extrémité et par un repli inférieur eu forme de gouttière des-
tiné à recevoir les appendices des ailes postérieures. Celles-ci ne dépassent
le corps que d'un tiers de millimètre ; elles n'ont qu'une nervure chitineuse,
mais sont soutenues par les deux appendices ci-dessus en forme de crochet
placés sur leur bord supérieur, libres à l'état de repos, et pendant le vol
s'accrocbant dans la gouttière de l'aile supérieure.
La tête, saillante, est remarquable par les yeux et les antennes. Celles-
ci atteignent un tiers environ de la longueur du corps ; le dernier article
surtout est très long ; au lieu d'un stigmate olfactif,
il en porte deux, l'un près de la base, l'autre à sa
place ordinaire. Les yeux, de couleur rouge, sont
multiples, de quatre sortes : 1° les deux groupes
ordinaires de trois ocelles placés très en arrière ;
2° deux grands yeux en forme de framboises for-
més par la réunion d'un grand nombre de cristal-
lins hémisphériques placés latéralement au-dessus
des trois yeux primitifs ; 3° une paire d'ocelles
situés sur le front entre les deux gros yeux ; 4° un
ocelle isolé au sommet de la tète, entre les deux
antennes. La forme ailée, appelée à aller au loin
fonder les colonies, a besoin d'organes des sens
plus développés que les trois autres formes. Le
suçoir, moins long que chez les aptères agames,
ne dépasse pas le sternum. Le thorax, un peu plus
long que large, a les segments antérieurs et postérieurs jaunes, celui du
milieu (mésothorax) noir, les ailes fixées sur le bord dorsal des deux der-
niers ; les six pattes, solidement attachées au-dessous des trois segments,
sont longues, épineuses, fortement chitinisées, d'uu jaune plus foncé que le
corps. 'L'abdomen, composé de huit segments, atténué en arrière, séparé
du thorax, ressemble à une toupie par suite de l'étranglement de la base du
premier segment. Les stigmates, au nombre de six paires, sont disposés
comme chez les autres formes. Les ovaires, faciles à observer par trans-
parence au microscope, n'ont généralement que deux tubes ovigères, sept
fois sur dix selon M. Balbiani ; mais, d'après le même auteur, le nombre
de ces tubes peut aller jusqu'à sept. Nous en avons personnellement
Fig. 15. — Phylloxéra
ailé.
86 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
observé une fois huit1, et nous avons vu desovaires qui n'en avaient qu'un
seul. Chaque tube ovigère renferme deux ovules, mais n'en mûrit qu'un
seul, de sorte que VAilé pond de un à huit œufs, mais le plus souvent
deux seulement.
Entre midi et 2 heures, si le temps est beau, le Phylloxéra ailé prend
son vol. Malgré la longueur des ailes, celui-ci est lourd, tourbillonnant au
départ, et ce n'est qu'après avoir relevé un instant les ailes dans un plan
perpendiculaire à son corps que l'insecte peut s'enlever. Si l'air est calme,
il franchit quelques dizaines, quelques centaines de mètres au plus; mais,
si le vent souffle, il peut être transporté à de nombreux kilomètres, et c'est
ainsi que les colonies lointaines sont normalement fondées. Arrivé suruue
vigne jeune et vigoureuse, toujours choisie de préférence à une vigne vieille
ou malade, l'insecte se pose sur les feuilles tendres de l'extrémité des sar-
ments, et gagne bien vite le dessous de la feuille. Là, il plante son rostre,
et pendant vingt-quatre heures environ il se nourrit. Il est alors apte à
pondre, et c'est la nécessité de satisfaire tout d'abord à deux instincts, celui
d'émigrer et celui de se nourrir, qui rend les pontes de VAilè en tube diffi-
ciles à obtenir. Il meurt sans avoir pondu, ou ses œufs sont stériles.
Nous sommes arrivé cependant à une proportion sérieuse de réussite,
trois sur dix à peu près, en établissant un va-et-vient eutre notre table et la
fenêtre de notre laboratoire, au-dessous de laquelle nous avions placé un
papier blanc collé au bois et relevé horizontalement.
Les Ailés, posés sur de jeunes pampres ou laissés libres au bord des
bocaux d'éducation, prenaient leur vol vers la fenêtre, tombaient sur le
papier blanc, et au moyen d'un pinceau très fin, un peu humide, passéentre
leurs pattes, du côté de la tête, étaient reportés à leur point de départ. Le
soir, les insectes étaient mis sur les feuilles de l'extrémité d'un sarment,
enfermées dans un tube à essai; beaucoup s'y fixaient, et un certain nombre
pondaient des œufs féconds ; c'est ainsi que nous nous sommes toujours
procuré les Sexués à Montpellier.
Les œufs pondus sont de deux sortes : de plus gros qui produisent des
femelles, et déplus petits, moins nombreux, d'où sortent des mâles. Les
gros ont environ 40 centièmes de millim. de long sur 20 de large ; et les
petits, 26 centièmes de millim. de long sur 13 de large. Leur couleur est
d'un blanc jauuâtre, plus translucide que celle des œufs des autres agames.
M. Balbiani a vu souvent, dit-il, les deux sortes d'œufs pondus par le
même insecte. Le cas est rare, d'après ce que nous avons observé à Mont-
pellier. Généralement, les œufs qui donneront des mâles sont produits par
* L'Ailé eu question a été préparé et les huit œufs se voient distinctement dans
l'abdomen.
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 87
des Ailés de petite taille, et ceux, d'où sortiront les femelles par des Ailés
d'un millirn. et quart de longueur. Ces deuK types de la forme colonisatrice,
types bien tranchés, ont donc leur raison d'être. Ils ont été remarques, dès
1871, pur M. Plancbon, qui leur avait donné le nom de Androphore et de
Gynéphore (porte-mâle et porte-femelle) ; et dès le début des observations,
étant donnée la différence de taille ordinaire chez les insectes entre les deux
sexes, il n'est pas étonnant que les Ailés aient été pris pour la forme sexuée.
A l'état de nature, les œufs sont pondus par groupes de deux à quatre,
soit entre les nervures des feuilles, soit sous les écorces de la vigne. Le
nombre de petits œufs d'où sortiront les mâles est de deux sur dix, d'après
M. Bulbiani En 1888, nous avons obtenu une plus grande proportion, trois
sur dix environ.
D'ordinaire, les Ailés sont abondants, surtout dans les régions où les
vignes sont jeunes ; certaines années cependant on en rencontre peu. Ils
commencent à apparaître (in juin ; en juillet, il n'y en a pas encore beau-
coup. Août et surtout septembre sont les mois de grande éclosion.
Vers le milieu d'octobre, il n'y en a généralement plus dans les vignes. Il
nous est arrivé cependant en 1888, année où l'automne a été relativement
chaude en Languedoc, d'avoir beaucoup d' Ailés de racines recueillis en
octobre, de trouver même des nymphes les premiers jours de novembre et
d'en obtenir des Ailés. Lichtenstein avait fait la même observation en 1880,
et, ayant transporté des racines dans une des serres chaudes du Jardin bota-
nique de Montpellier, il avait obtenu des Ailés jusqu'en mars 1881. C'est
donc le froid seul qui arrête leur apparition dans le midi de la France. Il
est permis de supposer que dans les pays chauds, Panama par exemple,
dont nous avons parlé à la fin de notre Historique, cette production d'Ailés
dure la plus graude partie de l'année, et qu'alors l'œuf fécondé produit par
le Sexué n'est plus un œuf d'hiver, h' Ailé se trouve au vol, de 1 heure à
5 heures du soir, autour des souches, principalement dans les lieux d'élec-
tion décrits à propos de Y œuf d'hiver, ou plus facilement dans les toiles
d'araignées tendues entre, les pampres ou à l'extrémité des sarments, sous
le revers des jeunes feuilles dont il se nourrit.
E. — Sexués.
Les deux sortes d'œufs pondus par Y Ailé produisent donc les Sexués.
Comme il y a, nous l'avons dit, deux ou trois petits œufs (Y Ailes pour
sept ou huit gros, les mâles produits par les premiers seront dans la même
proportion vis-à-vis des femelles et chacun d'eux devra en féconder
plusieurs.
88 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE
Les Sexués, étant très petits, sont difficiles à observer à l'état de nature,
et l'on peut dire que cette forme, si importante daûs le cycle biologique du
Phylloxéra, appelée à régénérer la race, a été vue sur les souches par un
très petit nombre de naturalistes. Il faut donc, pour l'observer à volonté,
faire pondre des Ailés en tubes, dans les conditions que nous avons indi-
quées, et faire éclore leurs œufs, ce qui demande environ buit jours.
En dehors de M. Cornu et de M. Balbiani, personne n'a étudié les Sexués
avec détails; c'est donc dans leurs travaux que tous les auteurs qui en par-
lent ont dû puiser. Bien que les premiers Sexués du Phylloxéra de la vigne
aient été vus par M. Cornu (Comptes rend., 3 novembre 1873) , on doit dire
que cette découverte a été amenée par celle des Sexués du Phylloxéra du
chêne observés par M. Balbiani [Comptes rendus, 20 octobre 1873). Citons
tout d'abord à ce sujet M. Cornu, qui rend du reste (pag.26C) pleine justice
à son collaborateur. « M. Balbiani observa que Y Ailé du Phylloxéra du
chêne pond des œufs de couleur et de taille différentes, les uns rouges plus
petits, les autres jaunes plus grands; il vit sortir de ces œufs, par éclosion,
des insectes aptères dénués de suçoir et d'appareil digestif, c'est-à-dire ne
pouvant se nourrir, et dont les uns, les petits, étaient des mâles, les autres
des femelles. Après l'accouplement, la femelle pond un œuf unique et meurt.
Cet œuf, au lieu de se développer rapidement comme les œufs ordinaires,
ne présente que très tard et après l'hiver les premiers phénomènes précédant
l'éclosion;il ne donne naissance à un jeune qu'au printemps, juste à l'instant
où le chêne émet ses premières feuilles. Cet œuf, qui passe l'hiver sans
éclore et est destiné à former de nouvelles colonies, a été nommé par
M. Balbiani œuf d'hiver. L'éclosion de l'œuf d'hiver a été annoncée dans
les Comptes rendus de l'Académie (13 avril 1874). La découverte des sexués
sans suçoir fut publiée le 20 octobre 1873. Aussitôt après la lecture de ces
deux Notes, j'essayai de retrouver sur le Phylloxéra vastatrix les curieux
individus issus des Ailés. Quoique l'époque (octobre) fût peu favorable, les
Ailés étant devenus très rares, je fus assez heureux pour trouver un
individu sans suçoir et en train d 'éclore. Cet individu, ainsi qu'un autre
trouvé ensuite, furent soumis à M. Balbiani ; il reconnut deux femelles
contenant chacune un œuf volumineux dans leur abdomen.
Nous n'insisterons pas sur cette découverte des femelles sexuées, confir-
mée par celle des deux sexes réunis et de l'œuf d'hiver faite deux ans plus
tard par M. Balbiani [Comptes rendus, 4 octobre 1875), ce serait répéter ce
que nous avons dit dans notre Historique. Il nous reste à décrire ces Sexués,
leurs mœurs et leur ponte. Remontant encore à la source, nous ne pou-
vons mieux faire que de citer M. Balbiani :
U Les Sexués, qui composent la génération dioïque du Phylloxéra delà
LE PHYLLOXERA Ui: LA VIGNE. 89
vigne, présentent la plus grande ressemblance avec leurs congénères du
chêne. Ils représentent, comme ceux-ci, la forme la plus dégradée de
l'espèce ». Ils sont incapables d'engendrer solitairement comme les autres
formes du Phylloxéra, et constituent par conséquent,
pris individuellement, des êtres absolument stériles.
Sous ce rapport, ils sont placés à l'autre extrémité
de l'échelle dont le Phylloxéra printanier ou mère
fondatrice occupe l'échelon supérieur; ils n'ont cepen- ^g.\G.— Phy loxera
1 * r sexué maie.
dant d'autre destinée que la procréation, pour laquelle
ils sont obligés de s'unir dans l'acte d'accouplement, en vue duquel tout le
reste a été sacrifié. Ils n'ont point de rostre, point d'organes de la diges-
tion, ne prennent par conséquent aucune nourriture pendant les quelques
jours que dure leur existence, et ne se soutiennent que par la petite quantité
de jaune ou substance vitelline qu'ils ont emportée de l'œuf, et que ren-
ferme la cavité de leur corps.
» Ne se rourrissant pas, leur taille grossit à peine et reste à peu près
jusqu'à leur mort ce qu'elle était au moment de la naissance, savoir : pour
le mâle (fig. 16 et PI. I, fig. 12), 26 à 28 centièmes de millim. de long
sur 12 à 14 de large ; pour la femelle (fig. 17 et PI. I, fig. 13), 45 à 50
de long sur 20 à 22 de large ; celle-ci est donc un peu moins de moitié
plus grande que le mâle. Les deux sexes diffèrent encore : 1° par la colo-
ration, qui est d'un jaune plus vif chez le mâle, d'un jaune plus clair chez
la femelle ; 2° par la forme des poils des quatre rangées du dos et des deux
rangées latérales, poils courts, raides et cylindriques chez le mâle, souples,
déliés et effilés au bout chez la femelle; 3° par la forme des antennes, dont
l'article terminal est plus aminci à la base et comme pédoncule chez la
femelle. Ce dernier article n'a qu'un seul stigmate olfactif. »
Nous compléterons cette description par quelques détails d'anatomie
intérieure.
La plus grande différence entre la femelle et le mâle, celle qui en dehors
de la taille saute aux yeux au premier examen, est le
gros œuf occupant presque toute la cavité générale
delà femelle (fig. 17), remontant parfois jusque près de |5
la tète. L'insecte sur le point de pondre est en quel- « %W
que sorte un œuf monté sur six pieds et muni de deux
antennes. L'ovaire n'est représenté que par une seule sil^^di™™
gaine ovifère, composée de la chambre germinative,
1 Nous ne pouvons, avec M. Balbiani, consi'li'rer la forme sexuén comme la
plus dégradée La sexualité distincte est toujours un <igue de supériorité, chez les
animaux comme chez les végétaux.
90 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
de la loge contenant l'œuf et de l'oviducte, qui se confond ici avec la
partie postérieure de la gaine. La poche copulutrice, d'après M. Balbiani,
reste toujours vide par suite de l'étroitesse du canal fécondateur et les
spermatozoïdes sont déposés dans l'oviducte. Il y a deux glandes sébifiques
destinées à enduire l'œuf au moment de la ponte ; l'oviducte est muni de
fibres musculaires transversales striées, destinées à faciliter l'expulsion de
l'œuf. Chez le màlc, on peut voir par transparence, avec un fort éclairage
à la lampe, les deux testicules et les deux glandes accessoires placées au-
dessous. L'avant-dernier segment de l'abdomen forme par son prolonge-
ment un étui bivalve, par lequel passe le canal éjaculateur et qui fonctionne
comme un pénis.
Presque aussitôt après l'éclosion, qui a lieu là où les Ailés ont pondu
leurs œufs, c'est-à-dire sous les feuilles et sous les écorces exfoliées, les
insectes s'accouplent. Nous avons vu qu'un mâle devait féconder plusieurs
femelles; mais, comme il n'y a qu'un œuf dans chaque ovaire, la fécondité
de ce mâle ne doit pas être considérée comme extraordinaire. Malgré cela,
un certain nombre de femelles ôcloses loin du voisinage d'un mâle meurent
sans s'accoupler, n'ayant pas pondu ou ayant mis au monde un œuf stérile
bientôt desséché. « Au moment de l'accouplement, dit M. Balbiani, l'œuf
n'a encore que la moitié environ (12 à 15 centièmes de millim.) de sa taille
définitive (27 à 30 centièmes de millim.). L'accroissement qu'il subit jus-
qu'à la ponte a lieu tout entier — jx\ femelle ne prenant aucun aliment
extérieur — aux dépens de la provision de jaune que renferme son corps,
d'où cette conséquence curieuse que le vitellus de l'œuf d'où est issue la
mère sert aussi bien à nourrir celle-ci qu'à former le vitellus de son
propre œuf, et se partage ainsi entre la mère et sou produit . »
Après la fécondation, les femelles quittent toutes les feuilles ou le bois
pour se diriger vers les écorces faiblement soulevées, c'est-à-dire vers
celles du bois de deux ans ou celles plus âgées, qui offrent suffisamment
d'adhérence pour assurer jusqu'au printemps la sécurité de leur ponte.
Arrivées là, elles font pénétrer l'extrémité de leur abdomen entre deux
fibres saillantes de l'écorce et y déposent péniblement leur œuf unique,
Vœitf d'hiver, auprès, duquel, leur mandat accompli, épuisées par de violentes
contractions, elles ne tardent pas à mourir. Dans la recherche de l'œuf
fécondé, la dépouille de la femelle sexuée sert très souvent de point de
repère pour arriver à l'œuf, qui n'est pas loin .
C'est par la description de l'œuf d'hiver que ce résumé biologique a été
commencé ; c'est par celle de sa ponte sous les écorces que nous le ter-
minons.
LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 'Jl
F. — Modes de diffusion de l'espèce.
Diffusion par la forme ailée. — Nous avons vu qu'une forme spéciale,
l'Ailé, était destinée à fonder les colonies. Nous ne reviendrons sur son
rôle que pour dire qu'il consiste surtout à répandre l'espèce au loin. Ne
pouvant normalement déposer ses œufs qu'après avoir satisfait à l'instinct
d'émigration, l'insecte ne s'abat dans le voisinage immédiat que lorsque le
temps pluvieux et froid s'oppose à son départ. Quand le temps est beau et
calme, il ne va guère au delà de quelques centaines de mètres ; mais pour
peu que le vent souffle, malgré son vol naturellement lourd, il est transporté
à plusieurs milliers de mètres, et par les forts coups de vents c'est par
dizaines de kilomètres qu'il faut compter. C'est ainsi qu'on voit des points
d'attaque se produire à 40 ou 50 kilomètres des vignobles atteints. La pro-
pagation rapide se fait ainsi d'habitude dans le sens du vent dominant.
Bien souvent aussi l'homme se fait le transporteur inconscient de l'in-
secte. L'imperceptible moucheron se pose sur ses vêtements ou les objets
de son commerce et s'abat jusque dans les wagons, môme pendant la
marebedes trains. En 1877, par une ebaude journée de septembre, allant
de Montpellier à Béziers, il nous est arrivé, en effet, de voir non loin de
cette dernière ville un Ailé se poser sur un livre ouvert que nous tenions
à la main. Les abords immédiats de Béziers n'étaient cependant pas encore
envahis à cette époque, et le t'ait fut jugé assez important pour être signalé
dans une Note '. Combien d'autres individus ailés ont pu être ainsi trans-
portés au loin au milieu des vignobles indemnes !
Diffusion par les formes aptères. — Autour d'un point d'attaque qui
rayonne régulièrement et constitue ce que l'on a appelé la tache d'huile,
la diffusion ne se fait pas d'ordinaire par l'Ailé. De proche en proche, elle
s'opère par de jeunes Radicicoles n'ayant pas encore mangé, très légers,
très agiles, et qui, lorsque le temps est ebaud, sortent de terre par les fissures
du sol et gagnent de même les racines des souebes voisines. Ces exodes
souvent considérables, vus pour la première fois par M. Faucon et fort
bien décrits par lui2, ont été observés depuis par de nombreux naturalistes,
et l'on ne peut avoir élevé des Phylloxéras en captivité sans avoir vu en
été, de midi à 5 beures, le bord des bocaux se couvrir de la masse de ces
jeunes émigrants. Selon M. Faucon, c'est de 2 beures à 3 beures et dans
la seconde quinzaine d'août que les plus grandes migrations ont lieu.
1 Messager agricole du Midi, septembre 1887, pag. 312.
2 Faucon; Modes de propagation du Phylloxéra (De la Subm., 187 i, pag. 12).
92 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
Les jeunes aptères quittent ainsi les souches affaiblies pour aller a de
plus vigoureuses, et l'on conçoit sans peine que, plus la terre est argileuse
et fendillée par la sécheresse, plus les migrations sont faciles. Dans les
terrains sablonneux, sans fissures, s'éboulant sans cesse sous les pieds de
l'insecte, elles sont au contraire impossibles, et, à supposer qu'une colonie
ait réussi à s'y fonder, elle ne tarde pas à disparaître.
Le jeune Radlcicole ne passe jamais souterrainement d'une souche à
l'autre, à moins que deux racines ne se trouvent en contact, ce qui est rare.
Ses pieds inermes sont en effet impropres à creuser le sol et ses téguments
trop mous pour ne pas être écrasés par la moindre pression; de là, l'instinct
d'émigrer à la surface du sol l. Tels sont les deux modes réguliers de diffu-
sion de l'espèce, au loin et dans le voisinage.
Il en est un troisième que nous appellerons extraordinaire, que certains
auteurs ont nié et qui cependant, dans les pays de vent, est pour beaucoup
dans la propagation du mal.
Le Phylloxéra est un puceron ayant de nombreuses affinités avec les
Cochenilles ; les jeunes surtout se ressemblent tellement que maintes fois
on nous a présenté les uns pour les autres. Or ceux qui nient, chez le
Phylloxéra, ce mode de transport des aptères par le vent, ignorent que chez
les Cochenilles c'est le mode de diffusion normal. Le mâle seul, en effet,
est pourvu d'ailes ; les femelles adultes, toujours aptères, ne peuvent pas
émigrer, et, à défaut de forme agame ailée, ce sont les jeunes qui, trans-
portés par le vent, vont fonder les colonies. On sait avec quelle facilité êtes
insectes se propagent, gagnent rapidement tout un pays, arrivant môme
en peu de temps à en faire disparaître certaines espèces végétales.
En ce qui concerne le Chionaspis Evonymi, actuellement en train de
détruire en Europe le fusain du Japon, nous avons trouvé des jeunes de
cette Cochenille jusque sur des pieds de fusains isolés sur des balcons, au
milieu des villes. Il en est de même pour le Phylloxéra. Que de fois,
examinant à la loupe de jeunes aptères gallicoles émigrant sur les feuilles,
nous les avons vus, sous nos yeux, disparaître, emportés par le vent.L'expé-
1 Comme l'a déjà fait observer M. Fabre {Comptes rendus Ac. des Se., 1880,
2e sem., pag. 800), le développement assez considérable des yeux chez cette forme
radicicole montre que. bien qu'hypogée, elle est appelée à circuler à l'extérieur, et
la remarque ne viendrait-elle pas de l'homme, appelé par Darwin le meilleur obser-
vateur du siècle, qu'elle se présente à l'esprit de tout zoologiste. Les formes sou-
terraines de Pucerons, dit Lichtenstein (Les Pucerons, pag. 144), ont des yeux
très petits, et nous ajouterons pour certains de nos lecteurs que les insectes tou-
jours hypogés sont pour la plupart aveugles.
LE PHYLLOXERA DE LA VlflNE. 93
riencedeM. Faucon concernant le transport aérien de l'aptère est connue :
Par un fort vent du Nord-Est, sur le bord d'une vigne où circulaient beau-
coup déjeunes Radicicoles, il a fixé au sommet d'un piquet de 2 mot. une
planchette de 25 centim. sur 20 centim. recouverte d'une feuille de papier
huilé. Au bout de quelques heures, dix-neuf jeunes aptères étaient fixés
sur le papier, qui fut envoyé à l'Académie des Sciences1. M. Faucon ex-
plique ainsi les réinversions estivales de ses terres submergées.
Ainsi donc, les jeunes aptères, aussi bien chez les Phylloxéras que chez
les Cochenilles, peuvent être transportés par le vent et, comme une pous-
sière vivante, aller tomber sur les végétaux indemnes, qui ne tardent pas à
être envahis.
Nous avons vu la diffusion accidentelle des Ailés se faire par l'homme et
ses moyens de transport. Celle des aptères, occasionnée par les relations
commerciales, est naturellement beaucoup plus fréquente encore et, personne
ne doute aujourd'hui que l'introduction du terrible puceron dans l'ancien
Monde ne se soit faite par des Hadicicoles apportés d'Amérique sur des
plants racines. On croit généralement que les boutures avec racines sont
seules dangereuses; c'est une erreur. Non seulement les simples morceaux
de sarments peuvent porter l'œuf d'hiver sous l'écorce de la crossette (bois
de deux ans) qui y est souvent attachée; mais, à plusieurs reprises, nous
avons constaté la présence de jeunes aptères sur le bois de l'année.
Quand l'automne est suffisamment doux pour permettre à la vigne, dans
les endroits abrités, de végéter jusqu'aux premiers jours de décembre, ce
qui est fréquent dans le midi de la France pour les cépages américains, les
générations de Phylloxéras continuent non seulement sur les racines, mais
sur les feuilles, et l'on trouve, jusqu'à la chute de celles-ci, des jeunes Gai-
licoles circulant sur les sarments. A supposer qu'alors on opère la taille
(en Languedoc elle commence en octobre), les boutures ainsi peuplées sont
mises eu stratification, parfois expédiées de suite, et leur introduction dans
un pays indemne peut être la cause de l'infection .
Dans le journal la Vigne américaine (décembre 18822), nous avons cité
un cas certain, authentique, de Phylloxéras ainsi envoyés de France en
Hongrie. Il s'agissait d'un lot de sarments américains non racines et sans
crossettes, expédiés de la gare d'Arles à M. Ilorvath, le naturaliste officiel
bien connu de Buda-Pesth. Les colis, embarqués à Marseille à destination
de Fiumes, ont été, par un fâcheux malentendu, redirigés sur Marseille,
4 Comptes rendus de l'Acad. des Se., 27 octobre 1879.
2 V. Mayet ; Diffusion des Phylloxéras par les Boutures américaines (Jour-
nal la Vigne américaine, décembre )882).
94 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE.
et, par suite de quelques nouvelles aventures éprouvées sur les chemins de
fer Austro-Hongrois, ne sont arrivés à destination qu'en juin, après une
odyssée de plus de trois mois.
« En ouvrant les caisses, dit M. Horvath dans son Rapport officiel au
gouvernement Hongrois, nous avons vu que les boutures étaient entrées
en végétation, des radicelles s'étaient produites, et l'on y voyait de nom-
breux renflements couverts de Phylloxéras.»
Une bonne précaution à prendre est donc de désinfecter les bouturas.
Dans la Note de la Vigne américaine, nous avons conseillé de les passer
sous une clocbe, au contact de l'acide sulfureux (fumée de soufre), employé
si heureusement à Montpellier contre la Pyrale; mais le succès des expé-
riences de désinfection à l'eau chaude de M. Balbiani, suivies de celles de
MM. Henneguy, Couanon et Salomon, nous fait donner la préférence ace
procédé, à la fois simple et efficace.
M. Balbiani a prouvé1 qu'une immersion d'une minute dans l'eau à
50° suffisait pour tuer non seulement les Phylloxéras éclos, mais tous
leurs œufs. Au-dessous de 45°, pendant une immersion de cinq minutes,
le nombre des œufs résistants va crescendo jusqu'à 42°, température au-
dessous de laquelle tous survivent. Ces 45° représentent du reste, d'après les
plus récents travaux des physiologistes, la moyeune de température supé-
rieure au-dessus de laquelle les propriétés vitales sont anéanties dans les
tissus animaux ou végétaux. Dans l'étude de M. Balbiani, la question
botanique est entièrement réservée, et c'est ce côté intéressant, nettement
viticole, qui a fait l'objet des Notes de MM. Henneguy, Couanon et Salo-
mons. Les expériences pour la reprise des boutures, faites d'abord en serre,
puis en plein air, ont montré que, trempées peudant dix minutes dans une
une eau portée à 50", les boutures, poussent dans la proportion de 89 °/0,
à la condition que l'opération soit faite avant la stratification dans le sable.
Dans les expériences faites après la stratification, la reprise des boutures
n'a été que de 20 à 50 %• Les viticulteurs ont donc à leur disposition un
moyen sûr et pratique de désinfecter leurs bois. « Que faut-il pour opérer?
dit M. Couanon3 : un thermomètre, de l'eau et un peu de feu !»
1 Recherches sur la vitalité des Œufs des Phylloxéras [Comptes rendus de
l'Acad. des Se, 1876, pag. 1160).
2 Comptes rendus, 7 février et 21 novembre 1887.
3 Couanon : Rapport sur la désinfection des Plants de vigne (Bull, du Minis-
tère de l'Agr., mars 1887).
LE PHYLLOXERA DE LA VIC.NE. 95
G. — Ennemis naturels.
Presque tous les insectes vivant aux dépens des végétaux ont des enne-
mis dont le rôle est de restreindre leur trop grande multiplication et de
maintenir ainsi ce que nous avons appelé l'équilibre des espèces.
Les Pucerons ne font pas exception à la règle. Ils sont décimés par des
Insectes de divers ordres, des Arachnides du groupe des Acariens et même
un petit Myriapode (millepieds). Parmi les premiers, sont des Diptères
du genre Syrphus, mouches à la robe voyante rayée de jaune sur un fond
noir et dont la larve, vivant au milieu des colonies de Pucerons, fait de ces
derniers sa nourriture exclusive. Certains Névroptères du genre Hemcro-
bius, jolis insectes verts aux yeux d'or et aux ailes de gaze, fort bien
nommés par Réaumur Lions des Pucerons, en font aussi un grand car-
nage. Les Coléoptères nous offrent des Coccinelles , appelées vulgairement
Gallinettes ou bêtes à bon Dieu, dont la larve ne vit que de Pucerons. Cer-
tains Hyménoptères en6n sont d'utiles auxiliaires. Tels sont les Aphidius,
qui posent dans le corps d'un puceron un œuf d'où sortira une larve qui
tuera sa victime ; tels sont encore les Cemomus, remplissant de Pucerons
leur nid cloisonné pratiqué dans une branche à moelle ou la cavité d'un
roseau. Le groupe des Acariens, appelés vulgairement mites et dont la
mite du fromage ou cirou est le type bien connu, renferme aussi quelques
espèces qui, se nourrissant d'ordinaire de substances organiques en décom-
position, mangent parfois des proies vivantes à corps mou telles que les
Pucerons.
Le Phylloxéra n'échappe pas complètement à ces divers ennemis, mais
il est bien mieux protégé que la plupart de ses congénères qui vivent en
plein air, exposés à toutes les attaques. Blotti au fond d'une loge dont
l'ouverture est fermée par des poils permettant la sortie et défendant l'entrée,
le Gallicole est garanti de toute intrusion du dehors, et le Radicicole, dans
sa demeure souterraine, est non moins protégé. Ce sont donc surtout les
jeunes courant sur les feuilles, les sarments ou la surface du sol qui peu-
vent être atteints. Sans doute, comme nous l'avons observé nous-méme,
un certain nombre succombent sous les mandibules des Coccinelles [Haly-
sia 12 gutlata) et des Hemérobes[Hemerob lus perla); d'autres, même parmi
ceux qui n'ont pas quitté les racines, tombent sous le suçoir des Acariens
vagabonds [Trombidium, Gamasus, Tyroglyphus, Hoplophora) en quétu
d'une proie quelconque. Le petit Myriapode (Polyxenus lagurus,de Geer)
en mange aussi quelques-uns ; mais estimer à plus de deux centièmes le
nombre des Phylloxéras dévorés par ces divers ennemis, c'est aller au
96 LE PHYLLOXERA DE LA VIfiNE.
delà de la vérité. Qu'est-ce que cela en face d'un insecte pondant jusqu'à
600 œufs et dont tous les individus sont femelles?
En ce qui concerne l'Europe, un savant naturaliste d'outre- Rbiu, notre
ami M. le Dr Blankenhorn, de Karlsruhe, a, selon nous, accordé à ces
ennemis une importance qu'ils ne méritent réellement pas. Nous pouvons
en dire autant du Dr Haller, de Berne *.
Aux États-Unis, pays d'origine du Phylloxéra, on aurait pu penser
qu'un rôle plus sérieux devait être attribué à ces auxiliaires. Il n'en est
rien, et M. Riley qui les a fort bien étudiés2, qui a môme décrit sous le
nom de Phylloxerx (du pbylloxera), un Thrips et un Acarie/i, dit qu'il
ne faut pas compter sur eux. Il n'a pas plus de confiance dans le rôle d'un
carnassier qui, au premier abord, avait paru sérieux aux Etats-Unis, une
moucbe de la famille des Syrphides (groupe dont presque toutes les espèces
sont ennemies des Pucerons), le Pipiza radicum Riley. La larve souter-
raine et aveugle de cette espèce se glisse cependant sur les racines à la
poursuite du Phylloxéra.
Autour du Thrips Phylloxerœ,àe VHoplophora arclata,<\u Tyrogly-
phus Phylloxcrœ, du Pipiza radicum décrits par Riley, du Gaynasus
Blankenkomi, Haller, etc., il a donc été fait trop de bruit dans la presse
agricole d'Europe, et nous n'insisterons pas sur leur compte. Nous laisse-
rons de même décote les bauts faits du Trombidium holosericeum, cbantés
par un de ces illuminés « qui tiennent leur idée ou plutôt que leur idée
obsède », et nous dirons, avec la majorité des naturalistes, qu'il n'y a mal-
heureusement rien de sérieux à attendre de ce côté.
1 D1' Haller ; Die kleinen Feinde der Phylloxéra (Des petits ennemis du Phyl-
loxéra). Ileidelberg, 187S.
2 Riley ; The American entomologist. Saint-Louis, Missouri, 18G8, pag. 2 iS ;
et surlout, Annalen der Œnologie. Ileidelberg, 1878, pag. 19 à 93.
CHAPITRE V.
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA
Nous ne pouvons entrer dans le détail de tout ce qui a été fait pour
combattre le Phylloxéra. Tant soit peu développée et même réduite aux
traitements vraiment scientifiques, l'histoire de cette lutte de vingt ans for-
merait un volume. Les questions de submersion et de cépages américains, à
elles seules, ont pris ces temps derniers une telle importance que les traiter
tant soit peu longuement serait sortir du cadre spécialement entomologique
que nous nous sommes tracé et empiéter sur les domaines du génie rural
et de la viticulture. Nous devrons donc sur ces matières nous en tenir
aux généralités et renvoyer pour les détails aux livres spéciaux, tels que
l'excellent Traité de Viticulture * de M. Foëx, ouvrage où le Phylloxéra
est étudié spécialement au point de vue de la lutte entreprise contre lui.
Avant d'attaquer un ennemi, il faut étudier ses positions ; nous parlerons
donc tout d'abord des moyens de reconnaître la présence du parasite. Les
traitements préventifs n'étant pas à la portée de toutes les bourses, ce côté
de la question a une importance qui ne peut échapper à personne.
Quand on a des surfaces plus ou moins grandes de vignes mortes ou
mourantes dans le voisinage de quartiers reconnus phylloxérés, il n'y a
guère de doute à avoir. On n'a qu'à examiner, à la limite des parties ma-
lades, des racines de souches encore vigoureuses. Mais en pays jusque-là
indemne, une tache phylloxérique; comparée plus haut à une tache d'huile,
n'est pas toujours, à son début, facile à découvrir. Nous avons dit que le
Pourridiê'2, maladie cryptogamique des racines, et les attaques d'autres
insectes pouvaient avoir des effets semblables.
Pour constater rapidement si l'on a affaire au Phylloxéra, il faut exa-
* Foëx ; Cours complet de Viticulture, Montpellier, Coulet ; Paris, Delahaye
et Lecrosnier, 1888.
2 Foëx ; loc. cit., pag. 502.— P. Viala ; Les Maladies de la Vigne. Montpellier,
Coulet; Parts, Delahaye et Lecrosnier, 1887.
7
98 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
miner les radicelles, au bord des poi?its d'attaque, sur les soucbes ayant
encore beaucoup de vigueur. Né suceur de fève, l'insecte quitte en effet la
■vigne dès qu'elle est affaiblie ', et l'on n'aurait aucune chance de le ren-
contrer sur les pieds morts ou mourants. Il faut surtout opérer les recher-
ches du 15 juin au 31 juillet. A ce moment de pleine végétation, les radi-
celles se forment, se renouvellent sans cesse et portent presque toutes les
nodosités jaune clair si caractéristiques. Sur ces renflements, souvent
visibles au premier coup de pioche, sont de nombreux insectes jaunes ou
bruns; ces derniers, entourés d'oeufs, ressemblentà des traînéesde poussière
de soufre. Les radicelles, qui presque toujours en juillet poussent au collet
de la souche, permettent parfois de constater la présence de l'insecte avec
un simple couteau de poche.
1 Ce fait seul du parasite n'attaquant que les pieds vigoureux, détruisant les vignes
les mieux cultivées, les mieux fumées, venues de boutures ou de semis, dans des
terrains nouvellement défrichés, étant en un mot cause évidente du mal, aurait dû,
dès le début, couper court à la théorie du Phylloxera-effel. Il n'en a rien été, et bon
nombre d'esprits, même éclairés, se sont laissé égarer sur ce point. Eucoro actuel-
lement, certains hommes, plus théoriciens que praticiens, ne sont pas convaincus
par les innombrables expériences qui toutes ont abouti au renversement de leur
système. Oui, dans certains cas. les insectes ne sont qu'une cause seconde, un effet,
si l'on veut, d'une maladie antérieure du végétal. Tel est le cas d'un grand nombre
d'espèces lignivores qui n'attaquent les arbres que lorsque ceux-ci sont malades,
ne pouvant s'en prendre ni aux arbres morts dont les tissus seraient trop durs, ni
aux arbres bien portants dont la sève envahirait leurs galeries. Mais tous les brou-
teurs de feuilles, les coupeurs de racines, les suceurs de sève, vont aux végétaux
vigoureux, qui leur offrent abondante pâture. A-t-on jamais dit que le chêne dé-
pouillé de ses feuilles par les hannetons ou les chenilles était malade avant l'arri-
vée de ces insectes ? Autant vaudrait parler de maladie pour le buisson brouté par
la chèvre, l'herbe mangée par le mouton ! Gomme nous l'avons longuement expliqué
à propos de la vigne dans notre Introduction, les végétaux cultivés bien portants
ont leurs parasites multipliés par les procédés de culture, la taille, le binage, les
variétés obtenues par la sélection des semis, l'hybridation, etc , procédés de cul-
ture indispensables, mais qui éloignent ces plantes des conditions de végétation
et de résistance constitutionnelle rencontrées chez les types sauvages non hybri-
des. Nous pouvons ajouter comme cause d'affaiblissement la culture dans un pays
qui n'est pas celui de la plante ; les végétaux exotiques, par exemple, succombent
en effet souvent sous les attaques des Cochenilles.
Si, comme M. André (Les Parasites de la Vigne, pag. 1G), on appelle maladie
l'état produit par ces modiûcations opérées par l'homme sur les espèces végétales
dans un sens déterminé, en un mot leur domestication, nous concédons que de
ce côté il y a de grandes causes de faiblesse.
C'est sur ce terrain, croyons-nous, que l'on devra finir par s'entendre.
LUTTE CONTAE LE PHYLLOXERA. 'I,
En toute autre saison, soit qu'au priDtemps les nodosités ne se soient pas
encore produites, ou que, pourries avant l'automne, elles ne se produisent
plus; soit qu'en hiver, l'insecte, sous forme d'hibernant microscopique et
de couleur brune, se dissimule aisément, la recherche est beaucoup plus
difficile. C'est donc bien en été qu'il faut, autant que possible, l'opérer. IJnn
fois le mal constaté, on doit agir sans retard.
Nous avons dit que des remèdes de tout genre, même les plus absurdes,
avaient été proposés contre le Phylloxéra. Le nombre des moyens curatifs
présentés aux diverses Commissious du Phylloxéra et Société d'Agricul-
ture dépasse 5,000, et ceux qui ont été scientifiquement et consciencieuse-
ment expérimentés au champ d'expériences de Las Sorres et à l'École
d'Agriculture de Montpellier sont au nombrede plusieurs centaines1. Tout
l'arsenal de la chimie a été épuisé; mais, de cette longue liste de procèdes,
bien peu ont résisté à l'épreuve de l'expérience. Ce sont surtout des insecti-
cides qui ont été préconisés, et sans peine, on le comprend. L'insecticide,
c'est la lutte directe, la voie tout indiquée ; mais ici la difficulté est grande :
l'ennemi se dérobe, il est souterrain, enfoncé parfois à près de 2 met.
dai.s le sol et il devient presque impossible de l'atteindre.
Les différents moyens proposés et qui ont reçu des praticiens la consé-
cration nécessaire sont en très petit nombre. Ils peuvent être groupés
comme suit: 1° comme insecticides : le sulfure de carbone, les sulfocar-
bouates, Les badigeonnages contre l'œuf d'hiver et la submersion ; 2° comme
procédés permettant à la vigne de vivre sans aucun secours : la plantation
dans les sables et les plants américains. Tel sera l'ordre que nous suivrons.
' Eq 1877, la Commission départementale de l'Hérault, présidée par M. II.
Mares, correspondant de l'Institut, avait, depuis sa création (1872), reçu commu-
nication de G96 procédés concourant presque tous pour le prix de 300,000 fr. Dans
l'espace de cinq ans, 317 ont été essayés au champ d'expériences du mas de Las
Sorres, près Montpellier, et les résultats, relevés par les soins de MM. Durand et
Jeannenot, professeurs à l'École d'Agriculture de Montpellier, ont été publiés en
un fort volume (Montpellier, Grollier, 1877). Ce livre sera consulté avec fruit par
tous ceux qui parlent encore de cultures intercalaires, de plantes à odeur forte
enfouies au pied des souches, de produits pharmaceutiques introduits lans le bois
au moyen d'une vrille, etc. Ils y verront qu'un a tout essayé, qu'on a même été
trop complaisamment de l'euphorbe à la térébenthine, de l'ail pilé à l'onguent
gris, de la lavande au vinaigre, de la rue au camphre, de l'assa fœtida à la cire à
cacheter appliquée sur les tailles, et ils pourront se fairo une idée sur la valeur
des 379 procédés qu'on n'a pas cru devoir essayer.
100
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
A. — Sulfure de Carbone.
Ce liquide, connu depuis longtemps, est un insecticide puissant, se vola-
tilisant rapidement et émettant des vapeurs d'une densité plus grande que
celle de l'air ; autrement dit, des vapeurs lourdes tendant à pénétrer dans le
sol et non à en sortir. Sou emploi contre le. Phylloxéra a été proposé pour
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la première fois en 1869 par le baron Thénard ; mais l'expérience, faite
aux environs de Bordeaux, ne fut pas heureuse. Traités avec une dose trop
forte, les ceps succombèrent, et pendant plusieurs années on ne pensa plus
au remède qui, disait-on, guérissait la maladie en tuant le malade. L'idée
LUTTE CON'THE LE PHYLLOXERA. 101
cependant était reprise à Montpellier, en 1873. par M. Mooestier, qui, em-
ployant des doses beaucoup plus faibles, eut tout d'abord une telle réussite
que le problème sembla résolu ; mais des expériences nouvelles entreprises
dans des sols de nature différente faisaient bientôt voir que des conditions
physiques spéciales du terrain sont nécessaires pour que la diffusion des va-
peurs soit suffisante pour tuer la plus grande partie des insectes.
Dans les terres argileuses compactes, l'échec est d'ordinaire complet.
Les terrains pierreux, peu profonds, secs, situés en coteaux, tels que
ceux des garrigues du Languedoc, sont également rebelles au sulfure de
carbone. On ne peut guère citer comme ayant réussi dans ces conditions-là
que M. Tbiollière de l'Isle, qui sur le coteau de l'IIermitage a obtenu un
succès incontestable dans des terres défoncées, il est vrai, à 1 met. de pro-
fondeur. Dans les sols légers, sablonneux, les vapeurs toxiques peuvent
s'échapper, et en cas de réussite on peut se demander si ce n'est pas le milieu
lui-même qui s'oppose à la multiplication de l'insecte. Les terres de con-
sistance moyenne sont donc celles où l'action insecticide du sulfure est la
plus évidente, et sous ce rapport les résultats obtenus par M. Jaussan (de
Béziers) et MM. Alliés et Mariou (de Marseille), ce dernier opérant pour
le compte de la Cie P.-L.-M., sont connus de tous.
Cette consistauce moyenne est plus difficile qu'on ne pense à apprécier.
Il faut aussi que la terre ne soit ni trop humide ni trop sèche ; il est en
effet facile de comprendre que l'eau en plus ou moins grande quantité dans
le sol augmente ou diminue sa densité.
«Les traitements, dit M. Foëx (pag. 565), doivent être commencés dans
les vignes dès que les premières traces du Phylloxéra y ont été constatées.
Lorsqu'on attend que les effets du mal soient tout à fait manifestes, ce qui
correspond à la destruction d'une grande partie du système radiculaire, il
faut quelquefois plusieurs années pour que la vigne débarrassée d'insectes
ait reconstitué ses racines, et on n'arrive pas toujours à des résultats suffi-
sants. Quand on s'y prend au contraire dès le début, on conserve la plus
grande partie de ses organes, et le vignoble ne subit pas de dépression
sensible. Enfin les vignes dont les racines sont déjà gravement altérées
sont très sensibles à l'action du sulfure de carbone1 et ne permettent pas
l'emploi de doses assez fortes pour se débarrasser promptement de l'insecte.
»En ce qui concerne la saison à laquelle l'opération doit être effectuée,
on a reconnu qu'il était possible, dans certaines conditions, de traiter avec
des chances de succès à peu près égales dans les diverses saisons de l'année .
i Gic des Chemins de fer de P.-L.-M. ; Résumé des Travaux effectues pour
combattre le Phylloxéra, par A. -F. Marion. Paris, Paul Dupont, 1878.
102 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
On doit seulement éviter les moments où il y a excès d'humidité, parce
qu'alors le sulfure ne s'évapore que lentement et qu'à l'état liquide il peut
altérer les racines. Il faut également ne pas opérer en temps de sécheresse
trop intense, surtout dans les terrains qui se fendent et laissent dégager les
vapeurs sulfocarhoniques. Il est enfin préférable de ne pas effectuer d'ap-
plication lors de la floraison et du moment de la véraison à celui de la ven-
dange, parce qu'il résulte presque toujours de ce fait la cessation provisoire
du fonctionnement d'un certain nombre de radicelles et un léger arrêt de
végétation. Cet effet de stupéfaction, ainsi qu'on l'a appelé, peut entraîner
de la coulure et nuire à la maturition du fruit.»
M. Monestier opérait avec du sulfure de carbone versé au fond de trous
pratiqués avec un pal. La terre jetée dans les trous était tassée avec un
vigoureux coup de talon. Tel est le point de départ de l'emploi réellement
pratique du sulfure de carbone. Depuis lors, de nombreux procédés se sont
succédé, tels que les flacons enterrés de Fouque, qui laissaient échapper
par leur bouchon er.taillé les vapeurs sulfocarhoniques ; les cubes Rohart,
où le sulfure, emprisonné dans du bois poreux au moyen d'un vernis spécial,
était mis en liberté au moment voulu, par la rupture de cet enduit; Vaspi-
rateur et insufflateur de MM. Crolas et Jobart, appareil ingénieux qui
produisait une meilleure diffusion de l'insecticide, etc. Aujourd'hui, on se
sert uniquement de pals injecteurs et de charrues sulfureuses, reconnus
comme faisant un travail meilleur et à plus bas prix
Pals injecteurs. — « Les premiers de ces instruments en usage, dit
M. Foëx (pag. 567), sont les pals; les charrues sulfureuses sont d'inven-
tion plus récente. Elles tendent à se répandre beaucoup aujourd'hui, à cause
de la grande économie qui résulte de leur emploi.
«Les premiers pals usités pour l'introduction du sulfure de carbone dans
le sol étaient de simples tubes ouverts à la partie inférieure. Ces tubes
étaient enfoncés après y avoir passé une tige de fer pointue que l'on enlevait
quand on avait atteint la profondeur voulue; on faisait couler par ce conduit
une certaine quantité de liquide mesurée préalablement (pal David et
Delbez). On construisit ensuite des appareils jaugeant eux-mêmes d'une
manière approximative le sulfure et le laissant ensuite écouler (pal Gayraud ,
pal Rousselier) ; enfin le principe des pals injecteurs fut introduit par
M . Gastine et définitivement adopté par la pratique. Nous donnons ci-dessous
la description des pals actuellement fabiqués par ce constructeur *, d'après
lui-même :
1 Le Brevel Gastine est actuellement exploité par la Société l'Avenir Vilicole,
73, rue de Brueys, à Marseille, et par M. Vermorel, à Villefranche (Rhône), qui
a un peu modilié l'instrument.
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
103
«Comme on peut le voir (6g. 19 et 20), c'est un instrument portatif qui
se compose d'un réservoir cylindrique terminé par un tube perforateur.
Au-dessus élu réservoir, deux manettes permettent de saisir le pal pour l'en-
foncer dans le sol. Une pompe hydraulique placée a l'intérieur du réservoir,
Fig. 19. Fig. 20.
Fi'j. 19. — Pal injecteur Gisline à clapet inférieur. — Fig. 20. — Pal injecteur
GastiQe à clapet latéral et à tige eu forme de lame.
et dont la tige du piston dépasse le haut du récipient entre les manettes, sert
à projeter dans le sol avec force par l'extrémité du tube perforateur les
quantités choisies et exactement dosées.
»Pour opérer, on saisit l'appareil par les manettes, on enfonce le tube
perforateur dans la terre. Si l'action exercée par les mains sur les manettes
104 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
est insuffisante, on y ajoute celle du pied en forçant sur une pédale placée
au-dessous du réservoir. Dès que le tube perforateur a pénétré dans la couche
arable à la profondeur voulue, on pousse rapidement de haut en bas la tige
du piston, et l'injection se produit au fond du trou. On abandonne alors
cette tige du piston, qui remonte d'elle-même par l'action d'un ressort inté-
rieur, de telle sorte que l'instrument est immédiatement amorcé pour une
seconde injection semblable à la première.
» Le travail de l'opérateur est donc réduit à cette manœuvre : 1° enfoncer
le pal dans le sol ; 2° appuyer vivement sur la tige du piston ; 3° retirer le
pal du sol ; 4° boucber immédiatement avec force le trou fait par l'instru-
ment.
» Pour changer les doses 1 , il suffit de réduire ou d'augmenter la longueur
de la course du piston au moyen de bagues que Von enfile sur la tige de
cette pièce. »
Les trous d'injection doivent être pratiqués verticalement à 0m,30 ou
0m,40 de profondeur, sauf lorsqu'ils tombent près du pied d'une souche,
auquel cas on évite de les faire pénétrer au delà de Ûm,08 à 0m,10. Il
faut les répartir à des écartements réguliers (0m,60 au minimum, 0m,88
au maximum) et les distribuer en quinconce. Cette répartition doit être
établie dans les plantations régulières, de manière à ce que les lignes de trous
soient parallèles à celles des vignes. Dans les vignobles irréguliers, on doit
éviter d'enfoncer le pal à moins de 0m,25 de distance du pied du cep, parce
qu'on s'exposerait sans cela à rencontrer dans le voisinage quelques grosses
racines qui souffriraient beaucoup de l'action du sulfure.
Les terres légères sont celles dans lesquelles on peut le plus se rapprocher
sans inconvénient des ceps; mais les trous doivent y être plus profonds que
dans les sols compacts, à cause de la facilité avec laquelle s'y produit l'éva-
poration des gaz sulfocarboniques.
En résumé, le nombre des trous d'injection à pratiquer par mètre carré
varie suivant diverses circonstances. On peut établir d'une manière générale
que, plus la quantité de sulfure à appliquer est répartie en un grand nombre
de petites doses, meilleure est la diffusion des vapeurs. Mais la trop grande
multiplication des trous augmente d'une manière exagérée les frais de main,
d'oeuvre; aussi se borne-t-on habituellement à une moyenne de deux à
trois trous par mètre carré, qui donne des effets suffisants dans des sols de
consistance moyenne. Dans les terres plus compactes, il est préférable
d'atteindre le chiffre de quatre trous par mètre.
1 Gastine et Couauon ; Emploi du Sulfure de carbone contre le Phylloxéra.
Bordeaux, Feret et fils, 1884, pag. 121.
LITTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 105
Charrues sulfureuses. — Les charrues sulfureuses ou iujcclcurs à
traction sont des appareils qui permettent de faire pénétrer au fond d'une
feule continue pratiquée dans le sol une quantité déterminée de sulfure de
Fig. 21. — a. Coupe du pal injecteur Gastine à clapet inférieur, b. Pointe du pal
et clapet de retenue ; c. Clapet ' .
carbone. Ces instruments, d'invention récente, tendent néanmoins à se ré-
pandre rapidement: ils offrent eu effet l'avantage de permettre, dans les vignes
plantées en lignes régulières, un travail rapide et économique; aussi des
types assez nombreux ont-ils été imaginés. On peut citer comme les plus
employés ceux de M. Gastine, de M. Vernette et de M. Saturnin.
' Extrait de l'ouvrage de MM. G. Gastine et Couanou ; Emploi du Sulfure de
carbone, etc.
106
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
La charrue sulfureuse de M. Vernette (fig. 22), une des plus en usage en
Languedoc, est formée essentiellement d'un soc 2 qui ouvre la fente; d'uu
récipient 8 qui renferme le sulfure ; d'un appareil doseur 9 qui jauge le
sulfure et le laisse écouler par un tube au fond de la raie ; d'une roue 10
p .j\. C^vs^loi -'.cj^— "■
Fig. 22. — Charrue sulfureuse de M. E. Vernette, de Béziers.
qui referme la raie et communique le mouvement au doseur ; enfin de deux
mancherons dont l'un 4 sert à maintenir l'appareil pendant le travail, l'autre
5 à le soulever quand on est arrivé au bout de la raie .
Lorsqu'on fait usage des injecteurs à traction pour appliquer le sulfure
de carbone, on distribue les choses de manière à ce que les lignes d'injec-
tion soient écartées d'un mètre au maximum .
D'après MM. Gastine et Couanon, on ne devrait tracer qu'une seule
fente d'injection pour les rangs de vignes placés à 1 met. ou à lm,20d'é-
cartement. De lm,20 à 2 met. il faudrait en tracer deux. Au-dessus de 2 met.
et jusqu'à 3 on porterait les lignes d'injection à trois.
Les appareils doivent être réglés de manière à ce que leur débit soit pro-
portionnel à l'écartement des lignes. Des tables construites spécialement
pour chaque type fournissent les indications nécessaires à cet objet.
L'emploi des charrues sulfureuses implique, plus encore que celui du pal,
la nécessité d'un sol bien raffermi à la surface, à cause de la faible profon-
deur à laquelle on est obligé de déposer le sulfure (20 centim. au maxi-
mum). Il est par conséquent toujours mauvais de labourer avant le traite-
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 107
meut, comme le croient utile certains viticulteurs: l'ameublissement qui
résulte de cette façon offre aux vapeurs une issue trop facile vers
L'atmosphère.
Les doses de sulfure de carbone employées pour les traitements ont été
d'abord exagérées ; on ne songeait qu'à l'effet insecticide, sans se préoccuper
de ménager la vigne. C'est ainsi que M. le baron Thénard prescrivait
d'abord la dose de 100 gram. par souche traitée. Plus tard. M. Alliés, dont
les expériences heureuses servirent de base aux études de la Commission
de la Cie P.-L.-M., employait 30 gram. par cep. Cette Commission pro-
posa d'abord l'emploi de deux traitements réitérés. Chacun de ces traite-
ments employant 30 gram. de sulfure par mètre carré, soit 300 kil. à
l'hectare, les deux traitements entraînaient une consommation de G00 kil.
d'insecticide par hectare. Les membres de l'ancienne Commission de
P.-L.-M. reconnaissent aujourd'hui que l'on peut arriver à d'excellents
résultats avec des quantités beaucoup moindres.
L'Association viticole de Libourne, opérant dans un milieu où la multi-
plication du Phylloxéra est plus faible et où par suite de l'humidité du sol
les pertes de sulfure par évaporation dans l'air sont moindres, conclut à
une application de 250 kil. par hectare. Aujourd'hui, dans certaines contrées
où la lutte contre le Phylloxéra est relativement facile, on n'emploie que
15 gram. par mètre carré, soit 150 kil. à l'hectare. On descend même
quelquefois jusqu'à un minimum de 120 kil.
En résumé, on peut dire qu'on ne pratique plus guère aujourd'hui qu'un
traitement annuel unique, à la dose de 150 à 250 kil. à l'hectare. »
Traitement d'extinction. — Concernant le sulfure de carbone employé
en nature, il nous reste à parler des traitements d'extinction, qui, confor-
mément à des lois spéciales, ont été appliqués en Suisse d'abord et plus
récemment en Algérie, en Allemagne et en Russie. Ces traitements,
excellents dans les pays peu envahis, ont pour but, par l'application d'une
très forte dose de l'insecticide, au moyen d'un pal, de tuer non seulement
l'insecte, mais la vigne, afin d'éteindre autant que possible, dès leur appa-
rition, des foyers qui sans cela pourraient infester toute la contrée.
La loi suisse est de 1878. Chargé personnellement en 1882, par l'Aca-
démie des Sciences, d'une mission ayant pour but d'étudier l'efficacité de
ces traitements d'extinction, nous n'avons qu'a reproduire ici une partie de
ce que nous disions alors dans une lettre à M. Dumas. Nous renverrons,
pour les détails, aux Comptes rendus de l'Académie des Sciences » .
1 Valéry Mayet ; Complus rendus, 20 novembre 1882.
108 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
a Dans les deux cantons attaqués, Genève et Neufchâtel, le sulfure de
carbone est appliqué à la dose de 300 gram. par souche, en deux traitements
de 150 grara. chacun, à douze jours d'intervalle. La souche est tuée qua-
tre-vingt-dix-neuf fois sur cent et les ceps qui repoussent sont toujours sur
la lisière du point traité, c'est-à-dire indemnes du Phylloxéra.
»A ce traitement énergique, tous les êtres organisés succombent : escar-
gots, lombrics, arachnides, insectes de tous genrbS, mauvaises herbes,
vignes, tout est mort. Les taches reconnues reçoivent un traitement
d'extinction qui s'étend à cinq rangées de soucbes autour du point conta-
miné. On traite, non pas en rond, mais en carré, pour que le nombre de
pieds soit facile à calculer. Autour de la partie détruite, on examine plu-
sieurs fois l'an, soucbe à soucbe, un carré de vigne de 50 met. de côté, ce
qui amène parfois à visiter les racines de 25 à 30,000 souches pour un seul
point d'attaque. Ces visites ainsi que les traitements sont confiés à des
commissaires cantonaux .
«Les dépenses du traitement cxtinctif, de visites, de surveillance et d'in-
demnitésaux propriétaires sont payées: un tiers par la Confédération, un tiers
par le canton et un tiers par le produit d'un impôt voté par le conseil can-
tonal. Cet impôt, qui frappe exclusivement les propriétaires de vignes, est
proportionné à la valeur des vignobles. Il varie entre 5 fr. et 15 fr. l'hectare.
La vigne contaminée devient momentanément propriété de l'Etat, on l'en-
toure d'un cordon soutenu par des écbalas, on plante au milieu un dra-
peau rouge et un écriteau sur lequel il y a ces mots : Vigne séquestrée.
«Pendant cinq ans, la vigne ne peut être replantée. L'indemnité est payée
pendant deux ans. Pour la première année, elle consiste dans la valeur de la
récolte sur pied, dans celle des soucbes et des échalas qui sont brûlés sur
place. Pour la seconde année, elle équivaut à la moitié de la récolte.
«Les recherches actives se font à la bonne époque, c'est-à-dire en juillet,
moment de la grande émission des racines superGcielles de la vigne si
infaillibles pour la constatation du mal, moment aussi où les émigrations
A' Ailés et d'Aptères vont commencer. Le traitement d'extinction, appliqué
à cette époque de l'année, fait d'une pierre deux coups : il tue le foyer et
empêcbe le départ des colons. »
Est-ce à dire, d'après les détails ci-dessus, qu'on soit complètement
maître du fléau chez nos voisins? Certainement non ! Les points d'attaque
récents du canton de Vaud et l'extension de ceux de Neufcbâtel prouvent
que, malgré toute l'énergie déployée, le mal s'étend, et s'étendra peut-être
un jour sur les milliers d'hectares de vigne qui couvrent les rives nord
des lacs de Genève, de Neufchâtel et de Bienne. Il n'en est pas moins vrai
que la Suisse est atteinte depuis bientôt vingt ans et qu'au moyen d'une
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. |09
dépense annuelle de 50 à C0, 000 francs, c'est-à-dire l'intérêt d'un peu plus
d'un million, on a défendu et on défendra longtemps encore un capital
dépassant un milliard.
La loi française concernant l'Algérie est postérieure à notre mission.
Elle est du 21 mars 1883, la loi allemande du 3 juillet de la même année,
et l'ordonnance impériale russe date du 5 février 1885.
Elles rappellent par leur teneur celle de la loi suisse, sauf que dans la loi
française l'art. 8 fait supporter par les communes les frais de recherches
annuels, a Cette disposition, dit M. Couanon, inspecteur des services du
Phylloxéra1, hlessait l'équité, car elle faisait supportera tous une dépense
faite dans l'intérêt d'uu certain nombre seulement. Les ressources commu-
nales étaient souvent insuffisantes; aussi la majorité des viticulteurs algé-
riens a-t-elle réclamé l'établissement d'une taxe spéciale portant sur les
vignes en rapport. Cette proposition a été consacrée par la nouvelle loi du
28 juillet 1886.
»Au terme de cette loi, le montant de la taxe, dont le maximum est fixé
à 5 fr. par hectare, est déterminé chaque année par arrêté du gouverneur
général, les conseils généraux consultés. Le taux à percevoir a été fixé à
3 fr. par hectare en 1887, et pour les trois départements algériens la
somme des étendues imposables, en 1887, étant de 50,489 hectares, les
ressources disponibles ont été cette année-là de 151,467 fr. »
C'est un chiffre bien plus que suffisant pour les recherches annuelles ;
mais en Algérie les traitements d"extinction ont-ils donné d'aussi bons ré-
sultats qu'en Suisse et en Allemagne? Dans son Rapport sur la campagne
de 1886, M. Couanon parait plein de confiance dans l'avenir viticole de
notre colonie ; mais tel n'est pas l'avis de M. le directeur général de
l'Agriculture. M. Tisserand, en effet, adressant, comme chaque année, à
la Commission supérieure du Phylloxéra son Rapport sur la situation
phylloxérique en 1887-88, considère celle des environs de Philippeville
comme très grave. « Les taches, dit-il, sont disséminées un peu partout
dans le massif vignoble, et l'on peut craindre que, malgré l'énergie déployée,
l'insecte n'étende sensiblement ses ravages. Le foyer de La Calleestencore
plus important, l'œuvre de contagion semble malheureusement bien avan-
cée en cette région. »
En résumé, on peut dire que l'emploi du sulfure de carbone parait beau-
coup plus efficace dans les terres meubles que dans les terres compactes,
dans le Nord que dans le Midi, et l'on peut ajouter qu'il est l'agent insec-
ticide à conseiller partout au début des invasions. Dans le Nord, où les
1 Rapport de M. Couanon, inspecteur des services du Phylloxéra (Camp. 188G).
110 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
terres argileuses, trop froides, ne sont jamais plantées en vignes, où la
multiplication du Phylloxéra eslkirte, au point de permettre à des souches
attaquées de vivre parfois dix ans avec leur ennemi, on peut espérer main-
tenir la vigne par le moyen de cet insecticide. On ne peut en dire autant
des vignobles du Midi, où la souclie est tuée parfois dès la seconde année
de l'invasion. A part quelques exemples qui sont cités, le viticulteur, même
le jdus soigneux, finit par être débordé, et on ne peut compter sur le sul-
fure de carbone que pour les traitements destinés à ralentir l'invasion;
encore faut-il déployer la plus grande vigilance dans la rccliercbe des
points d'attaque. Pour les traitements d'extinction où la vigne est sacrifiée,
ce puissant exterminateur de tous les organismes reste le meilleur agent à
employer.
Sulfure de carbone dissous dans Veau. — A la suite de nombreux
accidents survenus, vignes tuées ou fortement compromises par l'emploi
du sulfure, de carbone en nature, l'idée de dissoudre dans de l'eau le puis-
sant insecticide est venue à l'esprit de plusieurs inventeurs. Une répartition
plus régulière dans le sol est en effet ainsi obtenue. Dès le début, les
résultats du traitement ont été fortement discutés ; mais, son emploi tendant
à se répandre, il faut en conclure qu'il a reçu l'approbation d'un certain
nombre de praticiens. C'est à ce titre que nous donnons quelques détails
sur le procédé, et nous ne pouvons mieux faire que de les emprunter au
livre de M. Foèx :
« Ce fut M. Cauvy, professeur de pbysique à l'Ecole de pharmacie de
Montpellier, qui proposa le premier, en 1875, de dissoudre le sulfure de
carbone dans l'eau pour le traitement des vignes pbylloxérées; mais il ne
fut pas donné suite à cette idée. En 1882, M. Rommier, délégué par l'A-
cadémie des Sciences pour l'étude du Phylloxéra, fit la même proposition.
Il étudia en premier lieu la solubilité du sulfure et établit qu'elle était d'un
peu moins de 2 gram. par litre à la température ordinaire. Il recommanda
cependant, pour éviter tout accident, de n'employer qu'une dissolution de
0er,40 à 0«r,50 de sulfure par litre .
«Pratiquement, dit-il {Journal de l'Agricullure, 26 août 1882), on de-
vrait se procurer un réservoir muni d'ailettes" (une espèce de baratte) où
l'on pulvériserait le mélange des deux liquides, mélange qui serait dilué
après l'écoulement suivant la quantité d'eau nécessaire à l'irrigation .
L'imperfection des appareils proposés en premier lieu pour opérer la
dissolution du sulfure empêcha pendant un certain temps l'emploi de ce
procédé, et ce n'est guère que depuis quatre ans que, grâce à l'outillage fort
ingénieux de MM. Fafeur frères, des surfaces considérables ont pu être
traitées par ce moyen.
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 111
MM. Fafeur frères donnent 'le leur appareil la description suivante :
« La fig. 23 va nous servir à expliquer le principe de la marche de
l'appareil.
Un tuyau de conduite AB rétréci en 0 est traversé par un courant d"cau
dirigé suivant la flèche F.
Ftg. 23. — Coupe de l'appareil Fafeur pour la dissolution du sullure de carbone
dans l'eau (d'après M. G. Foëx).
La pression produite par ce rétrécissement et par la vitesse du courant
vient s'exercer à la partie supérieure d'un récipient plein d'eau et de sulfure,
lequel, en vertu de sa densité, occupe toujours la partie inférieure de ce
récipient.
Cette pression est transmise par l'eau du courant au sulfure, qui dès lors
monte dans le tube plongeant T, traverse le robinet R' et l'oriûce 0' et
vient déboucher dans la partie du tuyau A à la rencontre du jet d'eau.
La proportion entre les orifices 0 et O' détermine les proportions du
mélange que l'on fait varier par le plus ou moins d'ouverture du robinet
R'. Le robinet R sert à interrompre la communication du courant avec le
sulfure, lorsqu'on veut recharger l'appareil.
Par cette description, on voit que la dissolution est produite sans pres-
sion et à l'abri de l'air par la rencontre dans un tuyau de conduite de deux
112
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
jets de sulfure et d'eau. Le jet de sulfure étant créé par le courant d'eau
lui-même, le dosage sera toujours constant, quelle qne soit la quantité
d'eau écoulée, en admettant toutefois que la vitesse de ce courant ne des-
cende pas au-dessous de certaines limites.
Il est facile de concevoir qu'avec des organes aussi simples on puisse
LOTIT. CONTUL- LE PHYLLOXERA. 11,')
adopter rct appareil de dissolution dans les conditions les plus diverses, à
toute conduite d'eau sous pression fournie par un réservoir, une pompe à
Iras ou à vapeur. La pompe à bras (fig. 24) est suffisante pour les petites
exploitations.
Le traitement consiste à verser dans chaque cuvette préalablement pra-
tiquée autour de chaque pied de vigne, une quantité de solution d'environ
15 à 18 lit. par mètre carré de surface, c'est-à-dire que, s'il y a 8,000 cu-
vettes à l'hectare, il suffit de mettre 20 lit. dans chacune, soit 16 lit. par
mètre carré. S'il y a 3,000 cuvettes, on doit employer au moins 50 lit., et
s'il y en a 2,500, 60 lit. Dans les plantations très serrées, on est obligé de
mettre deux pieds dans une même cuvette et môme trois dans une planta-
tion de 30,000 pieds à l'hectare.
S'il s'agit de traiter une très petite surface et que l'eau soit à proximité,
la pompe à bras suffira. Le tuyau de refoulement en caoutchouc va direc-
tement à la partie de vigne à traiter. Un homme ou un enfant reçoit le
liquide apporté par ce tuyau, alternativement dans deux baquets, ce qui
permet de verser l'un pendant que l'autre se remplit.
Pour la grande et la moyenne culture, on se sert d'une petite machine
à vapeur ou d'un manège puissant pour actionner une pompe qu'on place
au bord d'un ruisseau ou d'un puits à débit suffisant. Cette pompe refoule
l'eau dans une conduite formée par des tuyaux en tôle galvanisée et allant
directement à la vigne (fig. 25); à une petite distance de la pompe, se
trouve placé sur cette môme conduite l'appareil à dissolution.
A son arrivée dans la vigne, cette conduite se divise en plusieurs autres
sur lesquelles se trouvent placés des robinets d'une forme spéciale où
viennent se visser de petits tuyaux en caoutchouc servant à amener la
solution dans les baquets au pied môme de la souche.
Comme on le voit dans les fig. 24 et 25, la solution est portée sur le
pied môme; les baquets placés sur le bord de la cuvette sont remplis et
versés sur place. Ils sont ainsi toujours vides dans leur déplacement d'un
pied à l'autre.
Les doses de sulfure employées pour les dissolutions sont de G à 8 décigr.
par litre en hiver et de 4 à 6 décigr. en été. Les traitements peuvent se
faire, eu dehors du temps des vendanges, pendant presque toute l'année. »
Comme on le voit par les détails ci-dessus, il faut à chaque traitement
une certaine quantité d'eau, environ 1,000 hectolitres par hectare. Il faut
de plus que le terrain soit peu accidenté. Ce n'est donc guère que dans les
plaines à proximité d'un cours d'eau ou d'une source abondante qui; le
procédé peut être employé. Malgré cela, dans la vallée ou plutôt !a vaste
plaine de l'Aude, il tend à se répandre et à se substituer, d'une part à
8
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA
fil
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 115
l'emploi du sulfure de carbone en nature, d'autre part à celui des sulfo-
carbonates alcalins.
Ce qui reste, dans cette région, de vignes à racines françaises sera-t-il
sauvé par ce traitement? Nous ne le croyons pas ; mais le plein rendement
de ces vignes pourra être ainsi obtenu pendant plusieurs années au delà
du terme fatal assigné par le Phylloxéra.
B. — Sulfocarbonates.
La découverte d'un agent à la fois fertilisant et insecticide devait, dés le
début de l'invasion pbylloxérique, préoccuper les chimistes. De nombreuses
recberebes ont été faites dans ce sens; mais l'idée que les sulfocarbonates
de potassium et de sodium pouvaient réuqir ces deux conditions est due à
M. Dumas. En 1 874, le célèbre secrétaire perpétuel de l'Académie des
Sciences avait observé que, soumis à l'influence de l'acide carbonique de
l'air et de l'bumidité, ces sels se décomposaient lentement en carbonates
fertilisants et en sulfure de carbone insecticide, et que, de plus, la lenteur
de la réaction permettait aux vapeurs toxiques une action prolongée et
d'autant plus efficace.
Des expériences furent aussitôt organisées à Cognac sous la direction de
deux délégués de l'Académie des Sciences. De celles qui furent confiées à
M. Max. Cornu, ainsi que des applications sur le terrain confiées à
M. Mouillefert, il résulta que l'action sur la reproduction des radicelles
était remarquable, l'effet insecticide également, et que le sulfocarbonate
de potassium, malgré son prix supérieur à celui du sel de sodium, devait
être préféré à ce dernier. L'action fertilisante des sels de potasse étant
connue de tous, le sulfure de carbone ayant déjà fait ses preuves, on crut
un instant que le remède définitif était trouvé et que son emploi serait par-
tout substitué à celui du sulfure de carbone.
Il n'en a rien été. Malgré l'ingéniosité du procédé, malgré le prestige
qui s'attachait au nom de son inventeur, la pratique est venue juger en der-
nier ressort. Les cbiffres donnés, en 1888, par M. le Directeur général de
l'Agriculture, dans son Rapport sur la situation pbylloxérique, prouveut
que le sulfure de carbone reste l'agent cbimique préféré par les viticulteurs.
En 1886, le nombre d'hectares traités en Fiance par le sulfure de car-
bone était de 47.21 5, et celui des hectares traités au sulfocarbonate de potas-
sium de 4,459. Les chiffres pour l'année 1887 étaient 00,205 pour le sulfure
de carbone et 8,820 pour le sulfocarbonate. A n'examiner que ces deux
années, on pourrait croire à une confiance croissante dans l'efficacité du
sulfocarbonate; mais l'année 1884 avait donné 33,440 hectares pour le
11 G LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
sulfure de carbone contre G, 286 traités par le sel alcalin, l'année 1885,
40,585 pour le sulfure et 5,227 peur le sulfocarbonate.
On peut donc dire que l'emploi du sulfure de carbone en nature va tou-
jours progressant, doublant même en trois ans, tandis que celui du sel al-
calin oscille entre deux chiffres relativement bas, 4,000 et 9,000 hectares
traités.
D'où vient cet abandon relatif du sulfocarbonate? C'est ce que nous
allons expliquer en faisant de nombreux emprunts à l'auteur déjà bien sou-
vent cité.
« Le sulfocarbonate de potassium, dit M. FoCx, est employé à l'état
liquide et dilué dans une quantité d'eau suffisante pour permettre de saturer
le cube de terre dans lequel vivent les racines. De grandes quantités d'eau
sont donc nécessaires, et c'est là une des objections les plus sérieuses qui
aient été faites à ce mode de traitement. Celui-ci doit être appliqué en
hiver. C'est l'époque en effet où, par suite du repos de la végétation, le
sulfocarbonate peut le moins nuire à la vigne, celle où, la taille étant effec-
tuée, la circulation dans les vignobles est plus facile. De plus, par suite
de la fréquence plus ou moins grande des pluies, les terres peuvent se
saturer avec une plus faible quantité d'eau et le débit des sources est à son
maximum. M. Mouillefert recommande cependant une seconde opération
au mois de juillet, pour les vignes fortement atteintes, à cause de la grande
multiplication de l'insecte à cette époque.
»Les terres argileuses sont peu favorables aux traitements par le sulfo-
carbonate: elles se laissent pénétrer lentement par le liquide insecticide
lorsqu'elles sont déjà mouillées, et ce dernier, qui reste un certain temps
exposé à l'air, se décompose et perd son efficacité. De plus, la potasse,
qui, comme nous l'avons vu, se trouve abandonnée à l'état de carbonate de
potasse, se diffuse difficilement sous cette forme à travers l'argile et devient
par suite moins profitable comme engrais qu'elle ne l'est dans d'autres
sols. Enfin la lenteur avec laquelle ces terres s'échauffent les rend peu
favorables à la production des radicelles de remplacement, tandis que la
facilité avec laquelle elles se crevassent en été permet à l'insecte de faciles
réinvasions.»
Application du sulfocarbonate. — «Le sulfocarbonate étendu d'une cer-
taine quantité d'eau est versé dans de petits bassins carrés formés au pied
des souches par de petits bourrelets eu terre. Une fois le liquide absorbé,
les récipients sont recouverts avec la terre qui a servi à faire les sépara-
tions. Les bourrelets doivent être peu épais, afin que la terre qui se trouve
au-dessous puisse s'imprégner facilement. Les dimensions des bassins va-
LUTTK CONTRE LE PHYLLOXERA. 117
rient suivant le mode de plantation ou la déclivité du terrain. Dans certains
cas, on en fait un par cep (Gironde, Charente, Languedoc). Dans d'autres
contrées où les plantations sont plus serrées, on enferme plusieurs pieds
dans un même récipient. Les bourrelets déterre se font ordinairement à
bras; mais on peut dans certains cas s'aider de la charrue en édifiant, par
son moyen, des billons parallèles qu'il suffit de relier entre eux. par des tra-
verses élevées à la boue. Le mieux est d'exécuter ce travail peu de temps
avant l'application du traitement, la terre fraîchement remuée absorbant
mieux la solution.
» Le travail préparatoire terminé, on met dans chaque récipient l'équi-
valent de 40 à 50 gram. de sulfocarbonate par mètre carré, mélangés avec
10 à 15 litres d'eau suivant la perméabilité du sol, ce qui représente une
dépense totale par hectare de 400 à 500 kilogr. de sulfocarbonate et de
100 à 150 met. cubes d'eau.
» Le transport économique de cette grande quantité d'eau a été l'objet
d'études très sérieuses de la part de MM. Mouillefert et Hembert. Ces
Messieurs ont imaginé un ensemble d'appareils qui permet de l'effectuer dans
des conditions remarquables de bon marché et de commodité. Leur système
se compose : l°d'un moteur quelconque; 2° d'une pompe aspirante élévatoire
actionnée par le moteur ci-dessus et de ses accumulateurs ou réservoirs à
air ; 3° d'une canalisation métallique spéciale très légère, d'un montage et
démontage très rapides, permettant d'envoyer l'eau ou la solution sulfo-
carbonatée à de grandes distances et à des hauteurs assez considérables ;
4° d'un système spécial de prises d'eau greffées sur la canalisation d'amenée
et permettant au moyen d'une canalisation secondaire de distribuer le liquide
dans toutes les parties du vignoble ; 5° d'un certain nombre d'accumula-
teurs ou réservoirs de pression placés sur différents points de la canali-
sation pour régler la distribution de l'eau suivant des pressions variables ;
6° de vases spéciaux pour recevoir l'eau de la canalisation de distribution
et où l'on prépare la solution lorsqu'on ne veut pas l'envoyer directement ;
7° enfin d'appareil de distribution de la solution sulfocarbonatée. »
Cet outillage fonctionne, d'après M. Mouillefert, de la manière suivante ' :
« La pompe et son moteur étant placés près de l'eau, celle-ci est envoyée
dans la canalisation principale, puis dans la canalisation secondaire, qui
forme un réseau plus ou moins complet dans la vigne à traiter. Tous les
20 met. environ, cette canalisation secondaire porte des robinets oii s'adapte
une troisième canalisation de distribution composée de bouts de tuyaux de
» Mouillefert ; Traitement des Vignes phylloxérccs par le Sulfocarbonate de
potassium. Paris, Librairie agricole, 1879.
118
LUTTE CO.NTl'.E LE PHYLLOXKlîA.
caoutchouc de 10 met. pouvant, en s'ajoutant les uns les autres, former un
nouveau réseau entre les ramifications de la canalisation précédente.
» A l'extrémité de chacune des canalisations de troisième ordre se trouvent
deux récipients mobiles, simples cuviers ou baquets de 350 à 400 iitres,
facilement déplaçahles par un homme, dans lesquels on reçoit l'eau qui
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s'écoule des tubes de caoutchouc. Quand l'un de ces vases est plein, on y
ajoute la quantité de sulfocarbonate nécessaire pour traiter un nombre
donné de ceps ; on mélange cette substance avec l'eau, en agitant avec un
bâton jusqu'à ce qu'on ait une solution homogène; l'ouvrier n'a plus en-
suite qu'à puiser cette solution avec deux arrosoirs et à la porter au pied
des ceps que l'on veut traiter.
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 110
» Des accumulateurs ou récipients à pression, placés sur différents points
de la canalisation d'amenée ou de la canalisation secondaire (généralement
sur les points les plus élevés), servent à accumuler l'eau qui n'est momen-
tanément pas débitée et qui, en comprimant un certain volume d'air, régu-
larise et active la distribution.
» Dans une bonne organisation, les ouvriers ne doivent pas porter l'eau
plus de 10 met. Dans ces conditions, un bomme muni de deux arrosoirs
peut vider au pied des ceps, sans se presser, en moyenne, de 1,500 à
1,800 lit. d'eau par beure (fig. 2G).
»Malgré le dispositif ingénieux que nous venons de décrire et l'économie
considérable qui en résulte pour les traitements, l'emploi du sulfocarbo-
Date est encore plus coûteux que celui du sulfure de carbone. Ce n'est que
dans les vignes à riche production, jouissant, par suite de la nature du sol
ou de leur situation, d'une certaine résistance aux attaques de l'insecte, et
pour lesquelles on pourrait redouter l'action trop énergique du sulfure,
que l'on devra préférer le sulfocarbonate. Mais, dans ces circonstances,
il présentera toujours l'avantage de laisser dans le sol un engrais bien
approprié à la vigue et dont la valeur devra être déduite du prix de revient
du traitement. »
C. — Badigeonnages contre l'œuf d'hiver.
Nous avons exposé plus baut la tbéorie de M. Balbiani sur la diminu-
tion graduelle de la fécondité dans les générations successives du Phyl-
loxéra et l'extinction complète, inévitable, de cette fécondité par la dimi-
nution de nombre et la disparition finale des tubes de l'ovaire, si la forme
sexuée produisant l'œuf fécondé ne vient, à un moment donné, régénérer
la race.
Cette manière de concevoir le cycle phylloxérique est basée déjà sur de
nombreux faits d'observation, et, jusqu'à preuve du contraire, nous la
considérons comme bonne. Elle est, dans tous les cas, couforme à la logi-
que, qui ne peut admettre la parthénogenèse indéfinie cbez les Insectes, et
jusqu'à présent aucune expérience rigoureuse n'est venue l'infirmer '.
De là à entreprendre une lutte directe contre l'œuf fécondé, point de
départ et point d'arrivée du cycle pbylloxérique, il n'y avait pas loiu.
' Nous avons dit ce que nous pensions de l'observation de M. Boiteau (Comptes
rendus, 18 juillet 1887), qui a élevé des Aptères radicicoles pendant six ans jus-
qu'à la vingt-cinquième génération, expérience de cabinet bien difficile à rendre
rigoureuse. Nous avons dit également ce que nous pensions, pour nos climats, do
l'éclosion avant l'hiver de l'œuf fécoudé, soutenue par M. Graélls et M. Donnadieu.
120 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
A partir de noire découverte de l'œuf d'hiver à Montpellier, en mars
1881, qui refoulait bien loin la théorie de l'éclosion automnale de cet œuf
et (délimitait les lieux de ponte. M. Balhiani en a eu l'idée. A plusieurs
reprises il en a parlé au sein de la Commission supérieure du Phylloxéra,
dont il fait partie, et, dans sa séance du 13 janvier 1882, celte Commission
supérieure émettait le vœu suivant :
« Considérant l'importance du rôle que joue l'œuf d'hiver dans l'évolu-
tion du Phylloxéra puisqu'il entretient sans cesse la vitalité des colonies
souterraines, et que tout foyer phylloxérique a pour origine un œuf d'hiver;
que dès lors sa destruction est d'un intérêt pratique évident, la Commis-
sion supérieure émet le vœu que des expériences méthodiques soient in-
stituées non seulement dans le lahoratoirc, mais en grande culture pour
déterminer quels sont les moyens à employer pour arriver à la destruction
certaine de l'œuf d'hiver. »
Ce vœu, adressé à M. le Ministre de l'Agriculture, était pris de suite en
considération et les expériences furent confiées à M. Balhiani. Mais les
préparatifs qu'elles nécessitaient et surtout la recherche d'un champ d'étu-
des propice demandèrent un temps assez long. Pendant l'hiver de 1882-
83, une première expérience fut tentée, au moyen d'un hadigeonnage
insecticide ; expérience peu concluante, suivie d'autres exécutées les an-
nées suivantes et couronnées celles-là d'un plein succès. Mais laissons
la parole à M. Balhiani ' : « L'expérience consistait à choisir une vigne
portant habituellement des galles, à badigeonner un certain nombre de ceps
et à laisser les autres intacts, comme témoins. Une vigne de Riparia au
domaine de la Paille, près Montpellier, se trouvait dans les conditions
voulues. Cette vigne, formée de jeunes plants de quatre ans, se couvrait
chaque année de nombreuses galles phylloxériques. Au mois de février
1883, une moitié de la vigne fut badigeonnée avec un mélange de coaltar
et d'huile lourde, l'autre moitié fut laissée sans traitement. Malheureuse-
ment ce premier essai échoua. On s'attendait au printemps à voir appa-
raître des galles dans la partie non traitée, tandis que la partie traitée n'en
présenterait point. Or, il n'y eut de galles dans aucune des deux parties :
l'année 1883 n'était pas favorable a la production des galles phylloxéri-
ques. Là où d'habitude on en voyait apparaître en plus ou moins grand
nombre, comme dans notre champ d'expériences, par exemple, il n'y en
eut pas ou presque pas. C'est ce qu'on remarqua notamment sur les vignes
de M. Laliman, à Bordeaux, vignes renommées par l'abondance des galles
dont elles se couvrent chaque année. L'expérience, reprise dans les mêmes
i Balbiaui ; Compte rendu des Travaux du service du Phyll., 1885, pag. 157.
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. |21
conditions dans l'hiver 1883-84, fut cette fois couronnée d'un succès com-
plet. M. Henneguy, qui visita la vigne dès le 10 avril, constata dans le lot
non traite des galles nombreuses ; au contraire, dans le lot traité, pas une
galle ne put être découverte malgré des recherches assidues. Cette vi"nc
fut visitée, le 4 mai, par MM. Couanon et Mouillefert, qui furent également
frappés de la netteté du résultat. Le Ier juin, je m'y rendis moi-même,
accompagné de MM. II. Mares, Henneguy et Couanon. A cette époque, la
différence des deux lots était plus tranchée que jamais. Dans le lot non ba-
digeonné, les galles s'étaient multipliées en quantités énormes, au point
de laisser à peine une place libre sur beaucoup de feuilles, tandis que
dans le lot traité les feuilles se montraient encore indemnes de ces excrois-
sances. »
Nous ajouterons que plusieurs visites faites par nous-même au champ
d'expériences nous ont convaincu de l'efficacité du traitement. Celui-ci,
très efficace contre l'insecte, n'était cependant pas sans inconvénient pour
la vigne. Certains pieds avaient eu à en souffrir, et le mélange de coaltar
et d'huile lourde fut remplacé par une nouvelle mixture renfermant de la
naphtaline, de l'huile lourde de houille, de la chaux et de l'eau. Les
expériences de la Paille ont été continuées jusqu'en 1886, sous la direction
de M. Henneguy, et sauf qu'en 1885, comme en 1883, ni les ceps badi-
geonnés, ni les ceps témoins n'ont eu de galles, l'effet du traitement au
printemps de 1886 était complet. Fait intéressant à signaler, l'action du
badigeonnage insecticide paraîtrait môme agir pendant deuxans.«Ala Paille,
dit M. Henneguy, la vigne de Riparia n'a reçu aucun traitement pendant
l'hiver 1886 87 ; et cependant, le 20 avril 1887, je constatai que les pieds
de vigne qui avaient été badigeonnés l'année précédente ne portaient que
de très rares galles initiales, tandis que les pieds témoins en avaient de
nombreuses. »
Après plusieurs modifications dans les proportions du mélange, M. Bal-
biani s'est arrêté, pour la quantité en poids d'environ 500 kilogr., aux
proportions suivantes :
Huile lourde de houille 20 kilogr.
Naphtaline brute 60 —
Chaux vive 120 —
Eau 400 —
Pour opérer le mélange, on prend un récipient d'environ 500 lit., une
futaille défoncée par exemple. Dans un récipient plus petit, on dissout la
naphtaline (la plus sèche possible) dans l'huile lourde, en prenant une
spatule de bois. Après avoir fait fuser un peu la chaux (la plus grasse
122 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
possible) clans la futaille, on verse sur cette chaux fumante, en la remuant,
le mélange d'huile lourde et de naphtaline et, ceci fait, on ajoute de l'eau
en remuant toujours. On peut n'employer immédiatement que la moitié de
l'eau, soit 200 lit. Au moment de l'emploi, ou ajoute 100 lit., et les autres
100 lit. pourront n'être ajoutés que lorsque le mélange sera devenu trop
épais. Le transport au milieu des vignes se fait au moyen de comportes,
l'application sur la souche (préalablement décortiquée) au moyen d'un
pi.iceau rond en poils de porc. On badigeonne tout le bois, y compris les
surfaces de tailles, dont les bords, ou le sait, recèlent souvent l'œuf d'hiver
sous leur écorce.
Les différents Rapports adressés au Ministre par MM. Balbiani et Hen-
neguy renferment trop de détails sur les expériences exécutées à Mont-
pellier et ailleurs, sur le mode d'application du traitement, etc. , pour qu'il
soit possible de les résumer suffisamment ici. Nous devons donc renvoyer
le lecteur aux Comptes rendus des Travaux du service du Phylloxéra1,
publiés par le ministère de l'Agriculture, années 1885-1886 et 1887-1888,
qui renferment les susdits Rapports. Qu'il nous suffise de dire que le
succès des expériences de la Paille a attiré l'attention d'un certain nombre
de viticulteurs qui ont employé le traitement; que celui-ci a été, dans la
plupart des cas, combiné avec des applications de sulfure de carbone aux
racines, et que l'administration l'emploie en Algérie tout autour des points
d'attaque sur lesquels sont appliqués les traitements d'extinction.
D'après le Rapport de M. Henneguy (1887) , 750 hectares environ, répartis
dans dix-huit départements, et 100 hectares en Algérie, ensemble 850 bec"
tares, sont actuellement traités. Les départements où ces badigeonnages
Balbiani ont été appliqués sont les suivants : Aude, Aveyron, Bouches-
du-Rhône, Gôte-d'Or, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Hérault, Indre,
Indre-et-Loire, Loir-et-Cber, Lot, Lot-et-Garonne, Rhône, Pyrénées-
Orientales, Saône-et-Loire, Tarn, Tarn-et-Garonne et Var.
Nous ne pouvons, nous l'avons dit, entrer dans beaucoup de détails;
disons cependant que l'Hérault, n'ayant à peu près plus de vignes françaises
non submergées, sur lesquelles par conséquent les badigeonnages puissent
être tentés en grande culture, les expériences sérieuses ont été faites
ailleurs. Sur les dix-huit départements ci-dessus, le Lot-et-Garonne
(150 hectares traités) est certainement celui où les applications les plus
intéressantes ont été opérées.
Dans cette région du Lot-et-Garonne, où M. de LaQtte de Lajoaunenque
s'est fait l'infatigable propagateur des traitements Balbiani, les badigeon -
1 Heuueguy ; Compte rendu des Travaux du service du Phylloxéra, 1887.
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. I J,'J
nages comptent do nombreux, adhérents. M. de Lafitte personnellement
applique le procédé chez lui depuis cinq ans, sur deux hectares, à l'exclu-
sion du traitement des racines au sulfure de carbone. Ces deux hectares sont
isolés^ à l'abri autant que possible, par conséquent, des invasions par ks
formes aptères; la terre est argilo- calcaire, très compacte. En 188G, d'après
M. Henneguy, l'inspection des racines dans ce champ d'expériences, en pré-
sence de M. Balhiani, avait montré, chez les insectes examinés, les gaines
de l'ovaire réduites à un petit nombre, indice d'une dégénérescence mar-
quée ; les Phylloxéras étaient peu nombreux ; la vigne, à chevelu abon-
dant, se maintenait bien. Dans les autres champs d'expériences les résultats,
bien que moins marqués, permettaient d'espérer le succès. Mais en 1887,
d'après M. de Lafitte lui-même *, l'étude sur l'ensemble des expériences
faites avec les badigeonnages insecticides seuls, malgré la situation rela-
tivement bonne de la vigne de Lajoannenque, « la confiance en un succès
décisif des badigeonnages employés seuls comme traitement curât if, était
sensiblement moindre qu'en 1886, bien qu'il ne fallût pas désespérer
encore».
A notre avis, la preuve contre le badigeonnage est faite, loyalement faite,
et nous devons être reconnaissants de son impartialité envers le principal
exécuteur des expériences.
Malgré l'excellence théorique du procédé, malgré les expériences de la
Paille si claires dans leurs résultats, malgré même quelques succès en
grande culture, il est évident que si les badigeonnages insecticides ne sont
pas associés aux traitements souterrains par le sulfure de carbone, ils sont
généralement peu efficaces par suite des causes qui viennent les contre-
balancer.
Au premier rang de ces causes sont des invasions par les jeunes aptères
venant sur leurs jambes du voisinage ou apportés par le vent, on ne sait
d'où. Dans les vignobles où le Phylloxéra peut arriver des quatre points
cardinaux, dans ceux où les cépages américains résistants sont partout, il
n'y a pas à songer aux badigeonnages Balhiani. Ce n'est que dans les pays
peu attaqués qu'ils pourront être appliqués ; encore conseillerons-nous
toujours de les accompagner d'un traitement souterrain au sulfure de
carbone.
D. — Submersion.
Vitis amat colles, disait Virgile. C'est là une licence poétique que le
viticulteur devra traduire ainsi: Situ veux du bon vin, plante ta vigne sur
1 De Lafltte; Compte rendu des Travaux du service du Phylloxéra, 1388.
124 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
les coteaux. La science et l'expérience ajouteront : Mais tu n'en auras guère,
et, si tu veux ta vigne vigoureuse et féconde, plante-la dans la plaine et
tâche de lui donner de l'eau. A l'état de nature, la vigne d'Europe pousse
en effet de préférence dans les endroits frais et humides, le plus souvent
au bord âez rivières, où elle ne souffre nullement des inondations fré-
quentes. Les vignerons de tous les pays le savent, et si, dans le Nord, Virgile
semble avoir raison, c'est que le raisin ne mûrit pas dans la plaine.
De temps immémorial, dans le sud de la Russie, on inonde volontaire-
ment les vignes plantées dans les terres basses, afin de les débarrasser de
leurs ennemis, escargots ou insectes. Il en est de même en Grèce. « Les
vignerons de l'éparcbie d'Élie, dit M. Gennadius [Comptes rendus Acad.
des Se, 6 décembre 1880), submergent leurs vignobles pendant l'hiver
pour tuer les coupe-bourgeons (Otiorhynchus), et cela depuis des siècles. »
Dans la lutte entreprise contre le Phylloxéra, lutte qui doit varier avec
chaque milieu, on devait songer de suite à la submersion des vignes en
plaine, et dès le début de l'invasion on y a en effet recouru.
a Aussitôt, dit M. Chauzit1, que la maladie des vignes fut connue, un
viticulteur plein d'initiative, M. le Dr Seigle (de Nimes), se basant sur cette
donnée physiologique que le puceron était organisé pour vivre dans l'air et
non dans l'eau, lit inonder son vignoble de Forbarot, situé dans le Vaucluse.
C'est donc incontestablement M. le Dr Seigle qui a eu le premier l'idée
d'asphyxier le Phylloxéra au moyen de l'eau. Ce fait ressort d'une Note
reproduite dans le Rapport de M. Barrai sur le concours d'irrigation dans
le département de Vaucluse en 1876, Note dans laquelle M. Seigle
s'exprime ainsi : « Dès le 26 juillet 1868, c'est-à-dire quatre jours après la
publication dans le Messager du Midi du Rapport de la Commission qui
avait découvert à Saint-Rémy le Phylloxéra, profitant de l'eau de la Du-
rance amenée par un canal qui entoure ma propriété, j'inondai tout mon
vignoble pendant douze jours consécutifs, en maintenant constamment l'eau
à 0m, 15 environ au-dessus du sol. En octobre de la même année, je sub-
mergeai encore mon vignoble pendant vingt jours. En 1869, je fis trois
submersions : une de douze jours en mai, une de huit jours en juillet et une
de vingt-huit jours en octobre. Ainsi donc, depuis le 26 juillet 1868 jus-
qu'au 16 février 1876, j'ai pratiqué vingt fois la submersion, et je suis
parvenu de la sorte à reconstituer mon vignoble, qui est en ce moment aussi
prospère qu'avaut l'apparition de la maladie.
»M. Louis Faucon ne commença à submerger son domaine du mas de
Fabre (Bouches-du-Rhône), qu'après M. Seigle, en 1870 seulement,comme
1 Chauzit et Trouchaud-Verdier ; La Submersion des Vignes.
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 125
il le dit d'ailleurs lui-même dans un Mémoire remis au jury du concours
d'irrigation de 187G. Mais si l'on peut dire que M. Seigle est le promoteur
de la submersion des vignes en France, on doit affirmer bien liant que
M. Faucon a été l'inventeur et le propagateur de la méthode. Dans des Notes
nombreuses parues dans les journaux agricoles, il a tracé la voie que de-
vaient suivre les submersionnistes ; il a fixé les règles principales de la
submersion et a contribué ainsi pour une large part à la rapide extension
du procédé, non seulement dans le Midi, mais aussi dans l'Ouest.»
Les chiffres de la production chez M. Faucon avant l'invasion, pendant
celle-ci et après la submersion, ont leur éloquence. Ils sont en quelque
sorte devenus classiques et méritent d'être cités. Le mas de Fabre, près
Tarascon (Bouches-du-Rhône), terre de 23 hectares appartenant a M. Fau-
con, produisait :
En 1867. Avant l'invasion apparente du phylloxéra 925 hectol.
1868. Année de la découverte de l'insecte (fumier) 40 —
1869. 2e année de l'invasion apparente (fumier) 35 —
1870. lre année de la submersion (pas d'engrais) ......... 120 —
1871. 2« — — — 450 —
1872. 3e — — (tourteaux de colza) 849 —
1873. 4e — — (gelée, tourteaux) 736 —
1874. 5e — — (tourteaux) 1.135 —
1875. 6e — - — 2.680 —
1876. 76 — — (gelée, tourteaux) 507 —
1877. 8e — -- (tourteaux) 2.235 —
1878. 9e — — (gelée, tourteaux) 1.135 —
1879. 10e — — (tourteaux) 2.200 —
De ces chiffres, il ressort trois choses : 1° la destruction du Phylloxéra ;
2° la production moyenne plus que doublée ; 3° la fréquence des gelées
printanières.
Par la production moyenne doublée, bien que la qualité y perde forcé-
ment, malgré aussi les gelées plus fréquentes et les frais d'installation
souvent coûteux, le propriétaire gagne, et beaucoup. Aussi l'exemple donné
par M. Faucon a-t-il été vite suivi, et aujourd'hui des surfaces considéra-
bles, plus de 25,000 hectares en France seulement, sont soumises à la
submersion. Le chiffre officiel donné par M. Tisserand, directeur général
de l'Agriculture, dans son Rapport de 1888 à la Commission supérieure
du Phylloxéra, est 26,665 hectares.
On peut même affirmer que si la moitié au moins de cette surface ne
devait pas être inondée coûteusement au moyen de machines élévatrices
puisant l'eau dans les rivières, et que si les grands canaux d'irrigation
|26 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
réclamés par les populations étaient créés, le nombre d'hectares submergés
* s
serait bien vite quintuplé. Le canal du Rhône seul, d'après M. l'ingénieur
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 127
Dumont, l'auteur bien connu de l'un des projets, permettrait d'inonder en
hiver 80,000 hectares de vignes ' .
Pas plus au sujet de la submersion qu'en ce qui concerne les autres
moyens de lutte contre \e Phylloxéra t nous ne pouvons nous étendre suffi-
samment. Nous renvoyons donc le lecteur aux. travaux spéciaux énumérés
dans la Bibliographie, et principalement à ceux de MM. Faucon, Foèx et
Chauzit, auxquels nous faisons du reste de nombreux emprunts. Quelques
renseignements sur les conditions de réussite de la submersion et les
moyens de l'exécuter seront seuls donnés ici, et aussi brièvement que pos-
sible résumés dans les lignes suivantes.
Conditions de réussite. — « La submersion, dit M. Foëx [loc. cit.,
pag. 625) , est forcément limitée aux vignobles méridionaux situés en plaine.
Dès qu'on arrive à la région où la vigne ne peut réussir qu'en coteaux,
l'application eudevient nécessairement impossible. De plus, les hivers froids
risquent d'entraîner des accidents graves pendant l'opération. La surface
inondée se congèle quelquefois sur une assez grande épaisseur, et il suffit
d'un changement du niveau de l'eau qui supporte la glace pour que des
souches soient arrachées ou écrasées suivant que des glaçons s'élèvent ou
s'abaissent.
«Jusqu'ici, en France, la submersion ne s'est pas étendue dans le Sud-
Ouest au delà de la Gironde et des départements voisins, et dans le Sud-
Est elle est pratiquée dans le Var, les Bouches-du-Rhône, le Gard,
l'Hérault, l'Aude, les Pyrénées-Orientales, le Vaucluse, les Basses- Alpes
et la partie méridionale de la Drôme. Dans ce dernier département, elle ne
dépasse pas Livron, localité située à l'embouchure de la Drôme et qui peut
être considérée comme la limite septentrionale probable de l'application du
procédé.
«Théoriquement, pour recouvrir un sol absolument horizontal d'une
épaisseur deOra,25, il serait nécessaire d'y amener 2,200 mètres cubes par
hectare ; mais comme, on le comprend, la terre absorbe une grande partie
de ce volume, une autre portion se perd par évaporation ou s'échappe par
les fissures des bourrelets; aussi doit-on employer de beaucoup plus grandes
quantités d'eau. Il faut compter ordinairement de 10,000 à 15,000 mètres
cubes par hectare et quelquefois jusqu'à 30,000 sur la même surface. Une
paitie de cette eau doit arriver d'une manière à peu près continue pour
parer aux pertes par imhibition ou par évaporation.
»Au point de vue insecticide, les eaux chargées d'air, telles que celles qui
sont élevés par les machines ou qui ont passé récemment par des chutes,
1 Faucon ; Instructions pratiques sur la Submersion, pag. 149.
128 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
sont moins efficaces parce que les moindres bulles suffisent au Phylloxéra
pour prolonger son existence. Celles qui sont complètement privées de sub-
tances fertilisantes risquent d'épuiser plus ou moins les terres un peu per-
méables, qu'elles lessivent.
»Mais cette infériorité n'a qu'une importance secondaire au point de vue
pratique, tout au moins en ce qui concerne les eaux chargées d'air. Sous le
rapport de l'épuisement des matières solubles renfermées dans le sol, ce
reproche est fondé dans une certaine mesure pour les terres sensiblement
perméabbles. Dans ce cas, on fera bien de restituer à la vigne des engrais
renfermant sous une forme facilement assimilable les matériaux qui lui sont
nécessaires pour une année seulement et d'en renouveler chaque hiver
l'application. La formule suivante, employée par M. Faucon, répond très
bien à cet ordre d'idées :
Tourteau de colza 90 %
Sulfate de potasse épuré de Strassfurt à 38 %
de potasse 10 %
100
»Ces matières, bien mélangées, sont appliquées à la dose de 250 gram.
par pied de vigne.»
Bien que la submersion faite en été soit plus efficace contre l'insecte, alors
en pleine activité, on ne peut songer à l'appliquer à cette époque : la vigne
aurait trop à en souffrir. En hiver, l'arrêt de la végétation permet au con-
traire de submerger sans inconvénient. Tous les insectes à l'état à'hiber-
nants ne succombent pas, il est vrai ; mais ils succombent en nombre tel
que le peu qui persiste peut être considéré comme quantité négligeable.
La durée de la submersion ne doit pas être la même dans tous les cli-
mats et dans tous les sols. L'expérience a démontré (Foëx, loc. cit.) que
dans la partie la plus septentrionale de notre région, la Drôme, la durée
peut être réduite à vingt-cinq ou trente jours, tandis qu'elle doit être de
trente ou quarante jours dans l'Hérault, le Gard et les Bouches-du-Rhône.
La multiplication du Phylloxéra, plus grande dans les climats chauds,
explique suffisamment le fait.
a Au point de vue de l'efficacité de la submersion (Chauzit et Trouchaud-
Verdier, loc. cit.), il faut que le terrain ne soit ni trop compact ni trop
meuble. On se trouvera dans de bonnes conditions lorsque le niveau de l'eau,
par suite de la perméabilité du sol, baissera par vingt-quatre heures de 1 à
5 centim. Si les pertes journalières sont de 8 ceutim. d'épaisseur, par
exemple, la submersion non seulement consommera beaucoup d'eau et
exigera une plus longue durée, mais encore sera peu efficace ; enûn elle
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. \2[)
serait très dispendieuse et absolument inefficace si le niveau baissait de
10 centim. ou plus par jour. Cette propriété physique, qu'on nomme
perméabilité, résulte des proportions suivant lesquelles les trois éléments
mécaniques essentiels des terres, L'argile, le sable siliceux et le calcaire
sont mélangés. Plus la quantité d'argile sera grande par rapport aux autres
principes, moins le sol sera perméable, plus grande sera la proportion de
sable, plus le sol sera facilement pénétré.»
Nous avons personnellement développé cette théorie dès 1879 !, la basant
sur le nombre de bulles d'air emprisonnées croissant avec la compacité des
sols mis en expérience. Ajoutons que pendant toute la durée de la submer-
sion le sol doit être submergé à une épaisseur d'environ 25 centim., et cela
sans interruption. «L'eau, dit M. Faucon, qui ne peut arriver aux racines
inférieures d'une vigne si elle est appliquée à petites doses, pénétrera jus-
qu'aux racines les plus profondes si elle est aidée par une puissante pression.»
Le eboix des cépages à submerger, dit M. Obauzit, n'est pas indifférent.
Tous les plants ne supportent pas également bien la submersion. L'Ara-
mon et le Petit-Bouscbet ont fait leurs preuves dans la région de l'olivier
et doivent être préférés ; mais, leur maturité n'étant pas simultanée, il faut
les cultiver dans des planches séparées. Quant aux autres cépages de la
région, la Carignane, le Grenache, le Terret, le Chasselas, l'Œillade, le
Morrastel, l'Espar, etc., ils redoutent trop les maladies cryptogamiques,
telles que Y Anthracnose et surtout le Mildew, pour être cultivés à la sub-
mersion. On doit les réserver pour les porte-greffes américains.
Moyens d'exécuter la submersion. — Etant donné un terrain suffisam-
ment horizontal pour que des planches ou carrés de submersion d'une
certaine étendue puissent être établis ; étant donné un sol réunissant les
conditions de perméabilité citées plus haut, on divisera ce terrain en com-
partiments ou planches rectangulaires.
«Cette disposition, dit M. Foëx, est celle qui est la plus commode pour
les labours, celle qui correspond le mieux aux systèmes de plantations
usités. Dans un terrain horizontal, oh l'on peut donner aces planches une
grande étendue en tous sens, on a intérêt a les faire carrées ; cette forme
facilite les labours croisés, dont l'efficacité est généralement reconnue. Dans
les terrains offrant une pente sensible, on est amené à faire des planches
rectangulaires, afin de ne pas exagérer la hauteur des bourrelets ou levées.
Au point de vue de la destruction des insectes, les plus grandes planches
sont les meilleures; l'étendue des bourrelets y est en effet moins considé-
• V. Mayet ; Expériences sur l'efficaciti de la Submersion des Vignes Journ.
de l'Âgric. de Barrai. Paris, 7 août 1879).
130 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
rable ; or les racines qui pénètrent sous ces bourrelets sont rarement bien
purgées d'insectes, et elles constituent en été un foyer d'infection dont il
importe de diminuer le plus possible le développement. Mais, dans la pra-
tique, il est généralement impossible de pousser l'application de ce principe
Fig. 28. — Pompe centrifuge Dumont, vue do face.
jusqu'à ses dernières limites, qui est de ne faire qu'une seule planche de
toute la vigne à submerger. Les quatre raisons qui s'y opposent le plus
souvent sont : 1° le manque d'horizontalité du sol ; 2° l'impossibilité de
disposer à la fois d'un volume d'eau suffisant; 3° le danger qu'offre le
Fig. 29. — Pompe centrifuge Dumont, vue de côté.
choc sur les berges des vagues soulevées par le vent ; 4° enfin les consé-
quences qui résulteraient, pour toute la submersion, d'une brèche produite
dans l'unique enceinte des levées. En définitive, les dimensions qui parais-
sent les meilleures sont celles qui renferment de 3 à 20 hectares.»
«L'établissement des bourrelets encadrant les planches, dit M. Chauzit,
doit obéir à certaines règles. Ainsi, ils auront une forme prismatique, à sec-
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 131
lion trapézoïdale, et leurs talus seront inclinés à 45". La largeur variera
avec la dimension des planches. Si elles ont une grande étendue, on donnera
aux bourrelets une largeur suffisante pour qu'une charrette puisse circuler
à leur sommet ; on aura alors de véritables digues-chemins. Si au contraire
on a été obligé de multiplier les bourrelets, on donnera à leur sommet une
largeur de 0m,50à 1 met. La hauteur sera au minimum de 0'",G5. Dans la
pratique, il convient d'atteindre 0m.80 à 1 met. Les bourrelets seront établis
avec la terre provenant des travaux de nivellement ou bien avec celle qui
aura été prise dans les emprunts faits aux parties hautes ou dans des en-
droits spéciaux.»
Pour protéger les bourrelets contre les érosions, on gazonnera leurs
pentes avec des plantes fourragères : M. Foëx conseille le trèfle rampant
Fig. 30. — Pompe centrifuge J. et H. Gwynne.
[Trifolium l'epens), qui peut passer sans inconvénient de l'humidité a la
sécheresse; mais, avant que les plantes aient suffisamment poussé, tout au
moins la première année, on devra protéger les berges exposées aux vagues
par des fascines, des sarments ou des roseaux.
Les planches de submersion une fois établies, il s'agit d'y amener les
eaux avec le moins de frais possible.
«Les eaux destinées à la submersion, dit M. Foëx, proviennent des cours
d'eau, de canaux, d'étangs, de barrages, de sources, de puits artésiens, etc.
On peut les amener dans les vignes par dérivation ou au moyen de machines
élévatoires . »
Le premier moyen, le plus simple, doit être employé toutes les fois que
l'eau peut être prise à un niveau supérieur; il n'entraîne d'autre dépense
que celle de la création d'un canal d'adduction. On ne peut malheureuse-
132 LUTTE CONTIlE LE PHYLLOXERA.
ment pas songer à appliquer dans tous les ras la dérivation et l'on est forcé
d'employer le second système. Les machines élévatoires les plus répandues
sont les pompes rotatives.
Les plus employées dans les submersions en France sont celles de L.
Dumont1 (fig. 28 et 29) et de J. et H. Gwynne (fig. 30). Ces derniers
Fig. 31. — Pompe centrifuge Gwynne, fixée sur une locomobile.
constructeurs ont imaginé une disposition commode pour le transport,
dans laquelle la pompe, étant fixée sur le bâti de la locomobile motrice, est
prête à fonctionner dès l'arrivée (fig. 31).
On a également fait usage, pour élever les eaux, de la noria et du
tympan; mais ces machines n'ont donné que des résultats inférieurs à ceux
des précédentes.
Les divers appareils mentionnés ici sont généralement mus par des ma-
chines à vapeur. Ces moteurs, souvent les seuls possibles, sont toujours les
plus commodes. Le coût de l'opération, par leur moyen, varie entre 60 et
80 fr. par hectare lorsqu'on ne dépasse pas 5 met., hauteur au delà de la-
quelle on ne semble guère devoir aller en pratique. Ce prix est celui qu'exi-
gent la plupart des syndicats ou sociétés de canaux d'irrigation .
Les machines sont quelquefois installées à demeure sur un point cul-
minant, de manière à dominer par un système de canalisation convenahle
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 133
toute l'étentlue à submerger. D'autres fois elles sout locomobiles et peu-
vent être transportées successivement à portée des [décès que l'on veut
traiter (Og. 32). Le premier système doit être préféré toutes les fois qu'il est
134 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
possible, de l'appliquer: les machines fixes à générateur indépendant font
en effet le travail à meilleur marché, plus rapidement aussi et durent da-
vantage que les locomobiles.
Il est possible dans certaines circonstances de substituer à la vapeur la
force fournie par les cours d'eau où l'on puise l'eau nécessaire au traite-
ment des vignes. On emploie dans ce cas des turbines ou des roues hydrau-
liques. Le travail s'effectue alors dans des conditions très économiques.
En résumé, la submersion est le seul procédé insecticide infaillible,
absolu, contre le Phylloxéra; elle devra être employée, dans la région de
l'olivier, toutes les fois qu'il sera possible de le faire.
E. — Plantations dans les Sables.
Il nous reste à parler des conditions permettant à la vigne de vivre sans
le secours d'aucun insecticide, c'est-à-dire des plantations dans les sables
et de l'emploi des vignes américaines.
Le fait de la résistance des vignes dans le sable a, dès le début de l'in-
vasion phylloxérique, attiré l'attention des viticulteurs. On n'est pas d'accord
sur les] causes de cette immunité des terrains sablonneux et plusieurs
théories sont en présence. Nous n'en citerons que trois :
1° Une action mécanique des particules sableuses, comblant par leur
chute les fissures du sol à mesure qu'elles tentent de se produire, s'ébou-
lant sous les pieds de l'insecte et opposant ?insi une barrière infranchissable
aux migrations de celui-ci et même à sa circulation sur les racines. Cette
théorie, la première mise en avant, a encore beaucoup de partisans.
2° Une action insecticide mal définie, qu'on ne peut appeler chimique,
mais qui d'après M. le professeur Marion ' est incontestable, quelle qu'en
soit l'explication.
3° Une disposition physique du sol permettant à celui-ci de se débar-
rasser complètement de l'air qu'il renferme, de se laisser pénétrer entière-
ment pur l'eau, qu'elle provienne des pluies ou qu'elle monte du sous-sol
par capillarité, et de tuer ainsi le Phylloxéra par asphyxie. Cette théorie,
qui parait appuyée sur des expériences sérieuses, a été développée longue-
ment par M. l'ingénieur Vannuccini2, dans un Mémoire publié en 1888.
« Dans le sable, dit M. Vannuccini, l'air en présence de l'eau trouve
1 Marion; Rapport sur les expériences contre le Phylloxéra tt les résultats
obtenus, can-pagne de 1878. Paris, Paul Dupont, 1879.
2 Vannuccini; Étude des terres où. la Vigne indigène résiste au Phyllorera
[Mess, agric. d.i Midi, 10 septembre 1881).
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 135
mille issues, à travers les innombrables interstices que ses grains laissent
entre eux, et si par hasard une bulle d'air se trouvait environnée d'eau de
toutes parts, elle ne tarderait pas à se frayer un passage et viendrait crever
à la surface. L'expérience suivante est concluante à cet égard : Qu'on verse
de l'eau dans un vase contenant du sable et dans un autre contenant de
l'argile. Dans l'eau, qui peu à peu pénètre le sable, on voit barboter de
nombreuses bulles d'air, tandis que pour l'argile l'air reste emprisonné, et
c'est à peine si l'on voit monter quelques bulles. Entre ces deux extrêmes,
le sable et l'argile, il y a les terres peu argileuses, se laissant fortement
pénétrer par l'eau et ne gardant que quelques bulles d'air emprisonnées.
«C'est ainsi que l'on peut expliquer cette gradation de résistance des
différentes terres. On voit eu effet les vignes parfaitement résister quand le
sable est pur et, à mesure que des proportions croissantes d'argile y sont
mélangées, diminuer de résistance jusqu'à périr rapidement dans les terres
fortement argileuses. »
L'auteur compare le pbénomène à une submersion naturelle se pro-
duisant ebaque année à certaines époques et débarrassant périodiquement
la vigue de son parasite. Submersion par capillarité, devrait-il dire, car
là où l'espace entre les particules sableuses n'est pas capillaire, quelle
que soit l'bumidité du sable, il n'y a pas d'eau et il y a de l'air. Telles
sont les galeries pratiquées par les nombreux insectes qui vivent dans le
sable, rongeurs de racines ou autres, parmi lesquels dominent en nombre
les larves ou vers blancs de YAnomala vitis (Hanneton vert de la vigne).
Mais ces réservoirs à air, ne se trouvant qu'exceptionnellement contre les
racines, changeant de p'ace avec l'insecte, qui les comble derrière lui, ne
peuvent permettre au Phylloxéra de vivre.
Cette théorie de M. Yannuccini n'a été jusqu'à présent réfutée par per-
sonne. Elle ne contredit ni les idées de M. Marion ni celles de M. Barrai,
qui dans une Note à l'Académie ' a attribué un rùle important à l'eau du
sous-sol montant par capillarité dans les sables d'Aigucsmortes.
Le sable est d'autant plus contraire au Phylloxéra qu'il est plus siliceux.
Si les proportions de calcaire dominent, il l'est moins, les particules cal-
caires tendant à s'agglomérer. Tels sont les terrains appelés en géologie
sables de Montpellier, anciennes dunes tertiaires dans lesquelles une pro-
portion notable de marne et de débris coquilliers se trouve mélangée. Le
sable est uuisible a la vigue s'il est salé2. Il faut donc faire ses plantations
' J -A. Barrai ; Influence de l'humidité souterraine et de la capillarité du
sol sur la véadlation des Vignes {Comptes rendus, 12 février 1883).
- Le sel marin (chlorure de sodium), si utile à petite dose comme engrais chi-
136 LUTTE CONTRE LE l'HYLLOXERA.
clans des sables suffisamment siliceux et suffisamment élevés au-dessus de
la mer pour qu'ils soient et restent dessalés.
« Sauf dans les endroits bas et salés, dit M. Foëx, la vigne parait pro-
spérer à peu près dans tous les sables où la proportion de silice dépasse
CO %. Elle réussit dans les dunes des landes de Gascogne, dans celles du
cordon littoral qui borde le golfe de Lion, notamment à Aiguesmortes,
dans les sables marins du littoral de la Tunisie et de l'Algérie ; enfin elle
prospère dans Jes sables d'alluvion de la vallée du Rbône et d'un certain
nombre d'autres cours d'eau.
»De tous les sols sableux où la vigne a été plantée dans les environs
d'Aiguesmortes, ce sont ceux anciennement cultivés en garance, c'est-à-
dire les plus ricbes et les plus anciennement soumis à l'action des labours,
qui ont donné les meilleurs résultats. On y obtient jusqu'à 250 hectolitres
de vin à l'hectare.
»On doit donc labourer profondément le sol au moyen d'une charrue que
l'on fait suivre d'une défonceuse.
»L'Aramon, le Petit-Bouschet, le Cinsaut, le Chasselas et surtout le
Piquepoule sont les plants qui réussissent le mieux dans les sables, à con-
dition qu'on leur fournisse les matières fertilisantes nécessaires. L'emploi
des fumiers de ferme parait être demeuré sans inconvénient, jusqu'ici ;
mais on peut se demander si, en modifiant les propriétés physiques du sol,
l'accumulation prolongée de leurs débris ne risque pas de devenir dange-
reuse. Les engrais chimiques et les tourteaux sont mieux appropriés à ces
conditions. »
Nous venons de parler des avantages du sable contre le Phylloxéra; il
a aussi ses inconvénients, il est facilement déplacé par le vent. Certaines
souches sont déchaussées, d'autres enterrées par de véritables petites dunes
qui se forment au milieu des vignes. On pare à cet inconvénient par Ven-
joncage.
« L'opération, dit M. Foëx, consiste à répandre en légère couverture
sur le sol des joncs ou autres plantes palustres, que l'on enfonce un peu
mique dans les terres qui eu sont privées, stérilise le sol quand il est en excès.
A ce point de vue seul, la submersion et même les simples irrigations sont très
utiles, mais à la condition d'êire continuées, car, pendant les sécheresses, l'eau
salée des couches profondes remonte par capillarité dans les couches supérieures
et le travail de dessalage est à recommencer. Dans les plantatiuns du littoral du
Gard et de l'Hérault, des vignes faites ainsi daus des sables superficiellement des-
salés, mais qui n'étaient ni irrigables ni suffisamment élevées au-dessus de la
mer, ont dû être abandonnées à cause du salant; c'est le nom donné dans le midi
de la France au phénomène que nous venons de décrire.
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 137
au moyen d'une pelle ou d'un appareil portant une série de disques tran-
chants en fer (6g. 33). La faible quantité d'herbes qui se développe dans
les sables, ne rendant pas utiles de nombreux binages, permet cette opéra -
Fig. 33. — Appareil de M. Vernette, de Béziers, pour exécuter l'enjoncage.
tion de Venjoncage, qui est suffisante pour Qxer le sable jusqu'aux pluies
d'automne. Pour enjoucer un hectare, il faut environ mille gerbes de
joncs. »
F. — Emploi des cépages Américains.
La question si vaste et si complexe des vignes américaines (résistance,
adaptation, greffage, etc.), qui a donné lieu à tant de controverses et a fait
uoircir presque autant de papier que celle des insecticides, est aujourd'hui
non pas complètement élucidée, mais entrée dans une période de calme
et d'études à la fois théoriques et pratiques.
Historique. — « Les vignes américaines * ont été plus anciennement
connues par les Européens qu'on ne le pense généralement. Elles avaient
déjà, au xc siècle, fixé l'attention des hardis navigateurs qui précédèrent
Christophe Colomhdansla découverte du continent américain.
' G. Foëx et P. Viala : Ampélogr. Américaine. Montpellier, Goulet, pag. 1.
138 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
«Christian Rufn, archéologue danois quia recueilli un grand nombre de
documents sur les voyages que Grent les Scandinaves, du xe au xive siècle,
sur la côte orientale de l'Amérique, raconte que, en l'an 1000, Leif, fils
d'Eric le rouge, partit du Groenland avec 35 hommes pour aller explorer
plus complètement les terres visitées par Biarne en 986. Ils s'arrêtèrent
dans le Massachussels, et un Allemand nommé Tyrker y découvrit des
raisins dont ils remplirent leur chaloupe. Depuis lors, plusieurs voyages
furent entrepris pour venir en chercher, et Leif appela le pays Vinland.
«Adam de Brème (xne siècle) affirme également que la vigne croit eu
Amérique; il le sait, dit-il, non par des conjectures, mais par le récit au-
thentique des Danois. Il cite comme autorité le roi danois Svein Etridson,
neveu de Canut le grand. »
Les premiers essais de culture de vignes américaines par des colons
européens furent faits, d'après MM. Bush et Meissner', en 1564 dans la
Floride. D'après les mêmes auteurs, « les colons français établis dans
rillinois, près de Kaskakia, firent en 1769, avec des raisins de vigne sau-
vage, cent dix barriques de vin corsé; mais la qualité, jugée mauvaise, fit
considérer la vigne d'Europe comme la seule véritable vigne à vin. Une
Cie de Londres envoya en 1630 des vignerons français en Virginie pour y
planter des vignes importées à cet effet; mais les échecs éprouvés alors et
ceux qu'eurent à subir depuis, Willam Pernn en 1633, les colons suisses
du Kentucky en 1690, et à la fin du siècle dernier le conventionnel La-
kanal dans le Kentucky, l'Ohio et l'Alabama, firent renoncer les colons
européens à la culture de la vigne d'Europe. Au dix-neuvième siècle, on
cite des milliers d'échecs, et pas un succès durable ; et Downing était par-
faitement fondé à dire (Horticulturist, janvier 1851) : L'introduction de
vignes étrangères en Amérique pour la culture en grand est impossible;
une saison ou deux de promesses, puis un échec complet. Il faut toujours
excepter la Californie, qui est aujourd'hui l'État le plus grand producteur
de vin des Etats-Unis, et toutes les remarques qui viennent d'être faites sur
la culture de la vigne se rapportent seulement aux Étals situés à l'est des
Montagnes Rocheuses2. Tandis que ces faits ne pouvaient être niés, la cause
1 Bush et Meissner ; Les Vignes américaines, Cataloouc illustré et descriptif.
Traduit de l'anglais par L. Bazille, revu et annoté par J.-É. Planchon. Montpellier,
Goulet, 1876, et 2" édition, 1885.
2 L'échec constant de la vigne d'Europe en Amérique est un des meilleurs argu-
ments en faveur de l'origine américaine du Phylloxéra, si longtemps combattue.
Si la Californie, depuis le xvie siècle (Vignoble de la Mission), pouvait seule cou-
server la vigne d'Europe, c'est que les Montagnes Rocheuses avaient opposé une
barrière infranchissable au Phylloxéra, originaire du versant de l'Atlantique. Au-
LUTTE CONTRE LL' PHYLLOXERA. I i{9
en restait un mystère », mystère que la découverte du Phylloxéra est venu
expliquer. Les Américains ont donc été forcés de revenir à leurs cépages
indigènes.
« Ce fut le Vitis labmsca (G. Foëx et P. Viala, loc. cit.) , qui donnait les
fruits les plus volumineux, sur lesquels se portèrent les premiers efforts.
Des semeurs habiles et persévérants créèrent un grand nombre de variétés de
cette espèce. On essaya bientôt après de tirer également parti du V. riparia
et du V. œslivalis, et dans le Sud du V. rotundifolia. Enfin on chercha à
obtenir par voie d'hybridation, entre ces diverses espèces ou entre l'une
d'elles et des vignes d'Europe, des produits intermédiaires qui jouent un
rôle important aujourd'hui dans la viticulture américaine. C'est M. Long-
wortb, de l'Ohio, que l'on peut considérer comme l'initiateur dans la mise
en culture des espèces sauvages dont il s'est occupé dès 1823 environ. Il a
été suivi depuis par des viticulteurs bien connus aux Etats-Unis, tels que
MM. Underhill, Roger, Arno'.d, Adlum, Bull, Rickett, etc.
»Les divers cépages américains sont restés longtemps peu connus en
Europe, à cause de leur infériorité comme raisins de table et comme pro-
ducteurs de vin. A peine y trouvait-on quelques types tels que VYork-
Madeira et Yhabelk que ses qualités ornementales avaient fait adopter
pour couvrir les tonnelles des jardins. Ce n'est qu'en 1861 que M. le mar-
quis de Ridolfi entreprit, afin d'échapper aux ravages de l'oïdium, de cul-
tiver {'Isabelle sur une assez grande échelle, dans ses propriétés près de
Florence.»
D'après M. Planchon (Revue des Deux- Mondes, 1877), le Catawba et
l'Isabelle ont été introduits vers 1825, et les premiers plants racines de 1858
à 1862. « Par une singulière coïncidence, dit-il, ces introductions se sont
faites à la fois sur divers points de l'Europe (Bordeaux, Roquemaure,
Angleterre, Irlande, Alsace, Allemagne, Portugal) » .
M. Laliman, de Bordeaux, est le premier qui ait remarqué et signalé en
1869 (Congrès de Beaune) la résistance de ces plants du nouveau Monde.
M. Riley l'affirmait de son côté en 1870, signalant surtout le Summer
grap (raisin d'été), nom vulgaire donné aux Etats-Unis au Vitis xstivalis.
L'idée première de la greffe revient à M. Gaston Bazille, président de
la Société d'Agriculture de l'Hérault. Dès 1869, il avait inutilement tenté
jourd'hui, l'obstacle franchi par l'inseele grâce à la facilité des communications,
la vigne d'Europe succombe en Californie aussi bien que dans les autres Etats.
La preuve de l'origine américaine du Phylloxéra n'est plus à faire, croyons-nous;
c'est pour cela que nous n'en avons rien dit dans la biologie <!e l'inseele et qu'ici
nous n'eu parlons qu'incidemment.
140 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
de greffer nos vignes françaises sur une plante botaniquement voisine, la
vigne vierge. En 1871 , ayant reçu quelques sarments américains de M. La-
liman, il réussissait à les faire prendre sur des plants français1, et l'année
suivante à greffer ceux-ci sur pied américain. A la même époque, MM. Plan-
cliou et LiclHenstein entraient de leur côté avec succès dans la voie des essais.
En 1872, M. Victor Lefranc, Ministre de l'Agriculture, faisait venir par
l'intermédiaire de M. le consul de France à New-York une certaine quantité
de vignes américaines choisies par M. Riley et qui furent distribuées dans
l'Hérault par les soins du président de la Société d'Agriculture. Enfin, en
1873, la résistance de ces cépages s'affirmant de plus en plus, M. Planchon
était envoyé par le gouvernement français en Amérique pour aller les
étudier dans leur pays d'origine.
A partir du retour du savant professeur, le mouvement s'accentuait ra-
pidement, à Montpellier surtout, où le zèle intelligent de beaucoup de
savants et de praticiens multipliait les expériences. Deux champs d'essai
importants, les collections de vignes de l'École nationale d'Agriculture et
de la Commission départementale contre le Phylloxéra, présidée par
M. Henri Mares, permettaient d'observer une variété infinie de cépages.
La collection de l'École d'Agriculture, organisée par son directeur M.Foëx,
renferme, à elle seule, environ 230 variétés différentes de cépages améri-
cains. II n'est que juste d'associer aux noms des actifs initiateurs cités plus
haut celui du Directeur de cette École, qui par ses remarquables travaux
a pris rang parmi les premiers ampélographes de l'époque.
De leur côté, les viticulteurs et les savants de la Gironde entraient dans
le mouvement. L'exemple de M. Laliman était suivi par un grand nombre
de propriétaires, et M. Millardet, professeur de botanique à la Faculté des
Sciences, entreprenait ses expériences sur l'hybridation des cépages amé-
ricains avec les vignes d'Europe - .
Aujourd'hui, après bien des efforts, bien des luttes, bien des déboires
aussi, toutes choses inévitables quand on se lance dans une culture abso-
lument nouvelle, avec des plants venus de latitudes extrêmes, les par-
tisans des cépages américains triomphent presque partout dans les pays
fortement ravagés.
1 G. Bazille ; Messager agr. du Midi, juillet 1871.
2 Ces expériences tendent, on le sait, à doter le pays de producteurs directs
résistant au Phylloxéra permettant de supprimer la greffe, pour les vins communs
tout au moins. A la suite de M. Millardet, elles ont été entreprises un peu par-
tout. Les plants déjà bien connus de l'Herbemont d'Aurelle de Paladine et du
Saint-Sauveur Gaston Bazille sont un pas en avant dans cette voie.
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 1 i 1
Des trois grosses questions, la résistance, le greffage et l'adaptation, les
deux premières sont entièrement résolues. Quelques vignes de plus de
vingt ans, greffées ou franches de pied, des milliers d'hectares ayant dix
ou quinze ans. sont là pour l'attester. Le nombre total d'hectare9 recon-
stitués atteignait, fin 1887 ', le chiffre de 1G6,517. La vigne américaine,
malgré ses détracteurs, « a prouvé le mouvement en marchant ».
Parmi les nombreuses espèces botaniques américaines appartenant au
genre Vitis, les quatre suivantes ont été utilisées en Europe sur une assez
grande échelle : Vitis ./Estivalis, V. Riparia, V. Rupestris et V.
Labrusca.
Comme cépages les plus employés ou les plus connus pouvant être rap-
portés au Vitis iEsTiVALis, on peut citer les suivants : Jacqn>ezyHerbemont,
Black-July, Cunningham ; au Vitis Riparia : Riparia sauvage, Solonis,
Clinton, Taylor, Vialla et Franklin ; au Vitis Rupestris : les divers types
de Rupestris sauvages; au Vitis Labrusca : Cnncord, York-Madeira et
Isabelle. On utilise de plus, depuis peu, trois types sauvages : Vitis Cor-
difolia, V. Berlaxdieri et V. Cinerea.
S'il y a des points noirs à l'horizon des amiricanistes, c'est du côté de
Y adaptation au sol. La récente mission en Amérique, confiée par le gou-
vernement français à M . P. Viala, professeur de viticulture à l'École de
Montpellier, mission à la fois géologique et botanique, contribuera, pensons-
nous, à résoudre le problème ; mais, avant d'aborder ce sujet, disons quel-
ques mots sur la résistance et ses causes connues.
De la greffe, nous ne dirons rien, renvoyant sur ce vaste sujet aux nom-
breux livres publiés sur la matière. Nous ne dirons rien, si ce n'est que de
longue date la greffe était pratiquée en France par tous les viticulteurs
sérieux, et que dans le pays du monde où se remue le plus d'idées, il
devait rapidement se trouver un homme d'initiative pour l'appliquer aux
vignes américaines.
La résistance. — A considérer la question dans son ensemble, en simple
observateur des faits biologiques, nous dirons qu'il y avait quatre-vingt-
dix-neuf chances sur cent pour que les racines américaines, résistantes de
tout temps dans leur pays d'origine, soient également résistantes en Europe.
A-t-on jamais vu une espèce animale ou végétale, transportée sous uu autre
ciel, succomber aux parasites naturels emportés aven elle, parasites aux-
quels sa constitution était adaptée? Quaud une espèce exotique succombe
chez nous, c'est qu'elle rencontre des conditions de climat ou de sol qui ne
1 La situation phylloxêrique en 1887-88, par M. Tisserand, Directeur général
au ministère de l'Agriculture.
142 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
lui conviennent pas, ou bien encore qu'elle trouve des parasites nouveaux.
Les vignes américaines venant de latitudes équivalentes à celles d'Europe,
placées dans des sols comparables aux nôtres, résistant chez elles au Phyl-
loxéra, n'ayant pas trouvé de parasistes nouveaux comparables au leur,
avaient toutes les chances pour prospérer en Europe.
Quelles sont maintenant les causes physiologiques de la résistance ? C'est
ce que va nous apprendre l'auteur auquel nous avons déjà fait de si nom-
breux emprunts. «On a d'abord pensé, dit M. Foëx. que la résistance des
vignes américaines était due à leur vigueur, à la facilité qu'elles auraient
de refaire leurs racines plus promptement que l'insecte ne pouvait se mul-
tiplier pour les détruire. C'est une erreur; une preuve décisive à cet égard
peut être déduite de l'examen comparatif de certains types américains et
français. Le York-.)Iadeira, par exemple, hybride américain, bien que d'une
végétation médiocre, résiste bien au Phylloxéra, tandis que VAramon du
Languedoc, dont la végétation est remarquablement vigoureuse, succombe
à ses attaques. Une autre hypothèse a été formulée, en 1876, par M. Boutin.
Ce chimiste pense que la résistance est due à la présence, dans la racine des
^vignes américaines, de substances plastiques auxquelles il donne le nom de
lalière résinoïde, matière qui s'opposerait à l'extravasion de la sève ré-
iltant de la piqûre du Phylloxéra. Cette théorie repose sur une conception
[irifexacte des phénomènes déterminés par l'attaque de l'insecte.
«Il n'y a pas en effet de perte de liquide, sur les racines françaises, par la
petite piqûre qu'il fait avec son rostre. Au reste, les analyses faites à l'Ecole
d'Agriculture de Montpellier n'ont pas confirmé la proportionnalité des ma-
tières résinoides avec le degré de résistance. C'est autre part, pensons-nous,
qu'il faut en chercher la raison !
lésions produites par le Phylloxéra acquièrent une importance va-
riable suivant les circonstances. Lorsque les racines jeunes ne renferment
pas encore un corps ligneux bien organisé, les renflements prennent un
volume considérable, et en définitive s'altèrent complètement, ce qui déter-
mine la mort de la racine attaquée, quel que soit le type auquel elle appar-
tienne. Lorsque le cylindre central et les faisceaux libéro-ligueux sont con-
stitués, le renflement prend un volume plus ou moins considérable suivant
l'épaisseur des tissus cellulaires de l'écorce et suivant leur densité. Une
différence très sensible se montre en outre dans l'étendue des altérations
suivant qu'on se trouve en présence d'une racine de Vitisviniferao\i bien
de certaines espèces américaines telles que V.riparia> V. œstivalis, V. ru-
pestris, etc.
»En effet, tandis que dans le premier cas les altérations intéressent les
diverses natures de tissus cellulaires de la racine (tissu cellulaire de l'écorce ,
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. I î'!
couche génératrice, rayon médullaire), dans le second au contraire la cou-
che corticale seule est atteinte.
«Les conséquences de la pénétration des rayons médullaires chez le Vitis
Fig. 34. — Coupe de racine d'Aramon (Vitis vinifen) non résistante; grosseur
20/1 diamètre (d'après M G. Foëx).
vinifera sont, au bout d'un certain nombre d'attaques, l'altération consé-
cutive des faisceaux fibro-vasculaires, dont les éléments anatomiqucs se
pénètrent des liquides chargés des matériaux en décomposition provenant
des tissus cellulaires, et finalement la destruction de la racine. Chez les
espèces américaines résistantes, tout se borne à une altération superficielle
qui se termine par la cicatrisation des tissus et la formation d'une sorte
d'eschare qui ne tarde pas à se détacher. La majeure partie des racines en-
core vivantes et susceptibles d'émettre facilement des radicelles est dé-
truite dans le premier cas et est conservée dans le second.
«Les divers cépages du V. labrusca semblent, en général, intermédiaires,
au point de vue de l'importance des lésions et de la conservation des racines,
entre les deux catégories que nous venons d'établir l.
1 D'après M. Millardet {Les Vignes américaines résistant au Phylloxéra , la
propriété de résistance est à son maximum (qui peut aller jusqu'à l'immunité
phylloxérique) dans les espèces suivantes : Vitis rotundifolia, rubra, cordifolia,
rupestris, riparia, cinerea, xstivalis. Elle est plus ou moins faible chez les Vitis
candicans, californica, labrusca. Elle est nulle dans les Vitis vinifera et amu-
rensis, ainsi que chez toutes les espèces de vignes asiatiques observées jusqu'ici.
144
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
«Les différences qui viennent d'être indiquées trouvent une explication
rationnelle dans une différence correspondante que l'on observe entre la
structure des tissus des racines de vigne de ces diverses origines. En effet,
si l'on considère des racines de même âge et de développement équivalent
Fig. 35. — Coupe de racine de Jacquez (Vitis aestivalis) résistante ; grosseur
20/1 diamètre (d'après M. G. Foëx).
chez les diverses espèces, on constate que celles des vignes américaines
sont dans un état de lignification plus parfait. L'écorce en est plus mince
et plus dense; les rayons médullaires en sont plus étroits, plus nombreux,
formés de cellules plus petites, à parois plus épaisses et d'un diamètre plus
petit que chez les vignes d'Europe (fig. 34, 35 et 36).
»La constatation de ces faits présente une importance considérable au
point de vue des garanties que peuvent nous offrir pour l'avenir les vignes
américaines.»
L'adaptation au sol. — Nous avons dit que, dans la question des vignes
américaines, les seuls points noirs étaient du côté de l'adaptation au sol.
En effet, nous demandons à la vigne de pousser dans des terrains qui
lui sont contraires autant par les éléments chimiques qui les composent,
que par leur constitution physique, dans des sols blancs, qui ne peuvent
s'échauffer, et il y a eu, cela se conçoit, de nombreux échecs dans ces ter-
LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 1 i,")
rains-là. C'est comme si nous voulions faire pousser dans le calcaire des
arbres aimant la silice, tels que les châtaigniers ou le chêne liège.
De la mission qui lui a été confiée en Amérique, M. le professeur Viala
Fig. 36. — Coupe de racine de Solonis (Vitis riparia) résistante ; grosseur
20/1 diamètre (d'après M. G. Foëx).
a rapporté de nombreux échantillons de vignes et de terrains et surtout
une foule de renseignements précieux. Il a vu et bien vu. Des vignes telles
que le Vitis Berlandieri, le V. cinerea, le V. cordifolia ont été observées
végétant vigoureusement dans des terres aussi marneuses, aussi crayeuses,
aussi blanches que celles des Charentes, de la Champagne et de certaines
régions du midi de la France. Il n'y a pas de raison pour croire que ce qui
réussit en Amérique ne réussira pas en Europe. Des expériences qui se
poursuivent sortira donc fort probablement la solution.
En ce qui concerne l'adaptation suivant les divers terrains, «on peut, dit
M. Foëx, grouper à l'heure qu'il est, comme suit, les principales indications
recueillies dans la région méridionale:
1° Terres profondes, fertiles et fraîches : Riparia sauvage, Jacquez, So-
lonis, Vialla, Taylor.
2° Terres profondes, un peu fortes, non humides: Riparia sauvage,
Solonis, Vialla, Taylor, Othello, Jacquez.
3° Terres profondes de moyenne consistance, fraîches en été : Riparia
sauvage, Jacquez, Solonis, Vialla, Taylor, Black-July, Othello.
4° Terres légères, caillouteuses, profondes, bien égouttées, ne se dessé-
10
146 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA.
chant pas trop en été: Jacques, Vialla, Riparia sauvage, Taylor, Ru-
pestris .
5* Terres calcaires blanches, crayeuses, marneuses ou luffeuses (tra-
vertins): VitisBerlandieri, V. cincrea, V. cordifolia.
6° Terres argileuses grisâtres: Jacquez.
7° Terres argileuses profondes et très humides : Vitis cinerea, Solonis.
8° Terres sableuses profondes suffisamment fertiles: Solonis. Jacquez,
Black-July, Rupestris.
9° Terres caillouteuses sèches et arides, à sous-sol fissuré, dites de garri-
gues: Rupestris, Riparia sauvage, Gloire de Montpellier, Grand Glabre, etc.
10° Terres profondes avec fond de tuf (travertins) et terres un peu salées :
Solonis.
11° Terres colorées en rouge par le fer peroxyde, à cailloux siliceux
(diluvium Alpin), profondes et un peu fortes: tous les cépages indiqués
ci-dessus.»
«Les plants américains qui conviennent le mieux à la région de l'olivier
sont les suivants: Riparia sauvage, Solonis, Taylor, Rupestris, Jacquez,
Cunningharn, York-Madeira, quelquefois Herbemont et Vialla.
Dans le Sud-Ouest, les types préférés sont : Vialla, York-Madeira,
Solonis, Riparia sauvage, Rupestris, Herbemont, Othello, Canada e[Noah.
Dans la Savoie, l'Isère, le Beaujolais et la Bourgogne, on a obtenu de
bons résultats avec : Vialla, York-Madeira, Riparia sauvage, Noah,
Canada, Othello, Senasqua, Eumelan et Cynthiana.
Les principaux producteurs directs sont : parmi les Vitis xslivalis, le
Jacquez, le Saint-Sauveur, Y Herbemont, V Herbemont d'Aurelles, le Black-
July, YEumelan et le Cynthiana; et parmi les Hybrides, le Canada, le
Brant, le Cornucopia, YOthello et le Black défiance.
Les porte-greffes les plus employés sont : le Riparia sauvage, le Jac-
quez, le Vialla, le Taylor, Y York-Madeira et le Rupestris.^
Tels sont, décrits aussi brièvement que possible, les divers moyens de
lutte employés contre lePhylloxera. Mettant de suite de côté la submersion
et la culture dans les sables, qui, détruisant la cause, coupent court à l'effet,
nous résumerons comme suit la marche à suivre en cas d'invasion dans les
terres qui ne sont ni sablonneuses ni submersibles, c'est-à-dire dans le plus
grand nombre des cas :
1° Si les points d'attaque sont peu nombreux dans le pays, détruire de
suite ces points d'attaque par les traitements d'extinction au sulfure de
carbone ; 2° une fois le pays notoirement atteint, mais les vignes encore
productives, cesser les traitements d'extinction qui tuent la vigne et appli-
I-UTTIi CONTRE LE PHYLLOXERA. I ',7
quer les traitements souterrains au sulfure de carbone, auxquels, en cas
d'isolement suffisant du vignoble, on pourra ajouter les badigeon nages Bal-
biani; 3° les vignes ne donnant plus une récolte suffisante pour couvrir
les frais des traitements, arracber et remplacer de suite par des plants
américains appropriés au terrain.
En procédant de la sorte, bon nombre de propriétaires dans l'Hérault,
et surtout dans l'Aude, ont pu maintenir leur rendement au chiffre d'hec-
tolitres produits avant l'invasion du Phylloxéra.
CHAPITRE VI.
BIBLIOGRAPHIE DU PHYLLOXERA
Il n'a pas été publié jusqu'à présent de travail bibliographique complet
sur le Phylloxéra. L'œuvre a été entreprise, il y a dix -sept ans, par
MM. Planchon et Lichtenstein. Sous le titre de Faits acquis sur le Phyl-
loxéra et Revue bibliographique (35e session du Congrès scientifique de
France tenu à Montpellier en 1872), ces auteurs ont en effet publié un
premier article qui devait être suivi de plusieurs autres ; mais, bien qu'on
ne fût à cette époque qu'au début de l'invasion, ce travail approchait de
120 pages et n'a pas été continué.
Songer à reprendre l'œuvre aujourd'hui serait vouloir entreprendre un
énorme volume d'une utilité contestable, étant donnée Ja grande quantité de
productions insensées, tout au moins sans aucune valeur, parmi lesquelles
sont noyées les bonnes.
Il est suffisant, croyons- nous, de signaler en quelques pages les princi-
pales Notes ou Travaux publiés, ceux dans lesquels du moins ont pu être
puisés quelques renseignements utiles. Pour établir ce chapitre bibliogra-
phique, autant que possible en séparant le bon grain de l'ivraie, nous avons
puisé à cinq sources principales : 1° Comptes rendus Acad. des Se. de Paris;
2° Faits acquis et Revue bibliographique (1872), par J.-É. Planchon et
J. Lichtenstein; 3° Littérature générale œnologique, parE. Wagenmann
(Annal, der Œnologie. Heidelberg, 1880) ;4° Monographie du Phylloxéra,
par E. Delamotte (Alger, 1885), travail dans lequel 40 pages environ
sont consacrées à la bibliographie; 5° Notes bibliographiques sur le Phyl-
loxéra du Cours complet de Viticulture, par G. Foëx (1888).
A ce dernier travail, outre de très nombreux documents concernant les
vignes américaines, nous empruntons le plan, c'est-à-dire la division en
travaux généraux et biologiques, lutte par les insecticides, les vignes
américaines, etc.
BIBLIOGRAPHIE DO PHYLLOXERA. I'i9
Travaux généraux et biologiques.
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du Phylloxéra guercûs (Ann. Soc. eut. de France, 1834), tom. III,
pag. 222, pi. I, 6g. 4, 5 et 6, et même recueil (1841), pag. IDG. — Asa
Fitch ; Description du Pemphigus vUifolii (Transactions of New- York
Agricult. Society, 1854, pag. 862) . — Riley ; Le Pemphigus vUifolii
(Prairie Farmer, 3 novembre et 8 décembre 18GG). — Dr Shimer ; Sur
un nouveau genre d'Hémiptères, le Dactylosphxra vUifolii (Proceedings
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21 novembre 1867 et Gardener Ghronicle, 30 janvier 1869, pag. 109). —
Delorme ; Lettre au président du Comice agricole d'Aix sur une nou-
velle maladie de la vigne (Revue Agr. et Forestière de Provence, 5 mars
1868). Ce document a été reproduit dans Bull. Soc. d'Agr. de l'Hérault,
1868, et Messager Agr. de Montpellier, 5 août 1868. — Comte de Gas-
parin; La nouvelle maladie delà vigne (Bulletin hebdomadaire de l'Agri-
culture, 23 mai et 11 juillet 18G8, et Journal de l'Agr., 5 et 20 août, 2
octobre et 20 novembre 1868). — J.-E. Planghon, G. Bazille et F.
Sahut; Rapporta la Soc. d'Agr. de l'Hérault sur la nouvelle maladie de
la vigne. (Messager du Midi, 22 juillet 1868, et Bull. Suc. d'Agr. de l'Hé-
rault, 1868, pag. 416). C'est là que, pour la première fois, le Phylloxéra,
reconnu comme un Apbide, mais non déterminé, est signalé en France
comme l'auteur de la maladie nouvelle. — Id., Sur une maladie de la
vigne actuellement régnante en Provence (Comptes rendus de l' Acad. des
Sciences de Paris, séance du 3 août 1868, pag. 333). C'est dans cette
Note que l'insecte ravageur est décrit par M. Plancbon sous le nom de
Rhizaphis vaslatrix. — F. Sahut; Lettre à M. Barrai sur la nouvelle
maladie de la vigne, 23 juillet 1868. Journal de l'Agriculture, 5 août 1868,
et Bull. Soc. d'Agr. de l'Hérault, 1868, pag. 630). — Signoret ; Le Rhi-
zaphis vaslatrix Plancbon doit être placé dans le genre Phylloxéra Boyer
de Fonscolombe (Bull. Soc. eut. de France, 12 août et 23 septembre
1868. — J.-É. Planghon; Nouvelles observations sur le Phylloxéra,
découverte de la forme ailée (Comptes rendus de l'Académie des Sciences
14 septembre 1868). — Id., Nouvelles observations sur le puceron
de la vigne [Phylloxéra vaslatrix). Montpellier, P. Grollier, 1868. —
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150 BIBLIOGRAPHIE DU PHYLLOXERA.
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d'Agriculture et d'Horticulture de Vaucluse , 1869, pag. 254). — L.
Vialla ; Rapport de la Commission des Agriculteurs de France sur la
nouvelle maladie de la vigne (Bull, de la Soc. des Agr. de Fr., 1869,
pag. 293-349). Ce Rapport a été reproduit par le Messager agricole du
Midi, pag. 355. le Journal d'Agr. pratique et le Journal de V Agricul-
ture, 1869. — Signoret ; Le Phylloxéra vastatrix (Ann. Soc. eut. de
France, 1869. pag. 549-596).— Oh. Riley; The grape leaf gall louse
Phylloxéra vitifolii Fitch (The American Entomologist and Botanist,
vol. II, n°12, déc. 1870, pag. 354-359).— J.-É. Planchon et J. Lich-
tenstein ; Première invasion du Phylloxéra dans V Hérault, a Lunel-
Viel (Messager du Midi, 7 jullet 18i70). — Id., Identité des Phylloxéras
Gallicole et Radicicole appuyée sur l'expérience (Comptes rendus Acad.
des Se, 1er août 1870, pag. 298). Dans une note au bas de la page il est
dit par les auteurs que les premiers Gallicoles ont été trouvés par eux à
Sorgues (Vaucluse), le 11 juillet 1869. — Id., Des modes d'invasion des
vignobles par le Phylloxéra (Messager agricole de Montpellier, 1870). —
Id., Le Phylloxéra; Instructions pratiques. Montpellier, 1870. — Id.,Lc
Phylloxéra de la vigne en Angleterre et en Irlande. Montpellier, 1871. —
Id., Découverte en Amérique du Phylloxéra radicicole par M. Riley (Mes-
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acquis et Revue bibliographique (Congrès scientifique de France, session
de Montpellier, 1872). — L. Faucon; Passage du Phylloxéra d'un cep
à l'autre au-dessus du sol (Comptes rendus, 1872, pag. 639 et 683). —
Id., Notes sur la nouvelle maladie de la vigne, par L. Faucon. Mont-
pellier, Gras, 1872. — C. Saintpierre ; Recherches du Phylloxéra sur
les racines de la vigne sauvage dite lambrusque (Comptes rendus de
l'Acad. des Se, 1872, pag. 1258). — L. Faucon ; Étude sur les moyens
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BIBLIOGRAPHIE DU PHYLLOXERA. I 5 1
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pag. 1015) et nombreuses autres Notes à l'Académie sur le Phylloxéra,
pag. 190, 710, 7GG, 825, 879, 930, 1009, 1015, 1088, 1168, 127G, 1330,
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Mondes, 1er et 15 février 1874) et tirage à part. Paris, Glaye, 1874. —
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Paris, 1874). — Balbiani ; Note sur les Phylloxéras ailés et les pre-
miers sexués observés à Montpellier (Comptes rendus de l'Acad. des Se,
1874, pag. 56-2). — Signoret ; Points acquis à la science concernant le
Phylloxéra. L'auteur veut, malgré l'usage, revenir au nom de Phylloxéra
vitifolii (Comptes rendus, 1874, pag. 778). — Balbiani; Génération sexuée
hypogée du Phylloxéra vastatrix (Oompt. rendus, 1874, pag. 991 et 1371).
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1875 et 1876. — E. Risler; Rapport au Conseil d'État de Genève sur
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Sciences, 1875, 2e semestre, pag. 581).— Max. Cornu et Mouillefert:
Le Phylloxéra (Mémoires présentés à L'Académie des Sciences, par
divers savants, 1876). — Henri Mares; Des moyens de reconstituer
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152 BIBLIOGRAPHIE DU PHYLLOXERA.
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164 BIBLIOGRAPHIE DU PHYLLOXERA.
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cole en Amérique. Montpellier, Coulet ; Paris, Masson, 1889.
CHAPITRE VIL
LE PUCERON VRAI DE LA VIGNE
(Âphis vitis Scopoli.)
Bien que l'importance de cet insecte soit nulle dans les cultures d'Eu-
rope, où il ne se rencontre qu'accidentellement et fait à peine recoquiller
quelques feuilles, nous devons en parler comme d'une espèce exclusivement
ampélophage.
Elle a été signalée dès le siècle dernier. Scopoli, l'auteur de ÏEntomo-
logia Carniolica, parue en 1763, l'a décrite le premier et l'a citée comme
attaquant les vignes en Autriche.
Depuis, plusieurs naturalistes l'ont mentionnée : Fabricius, en 1775, en
parle en ces termes : habitat in vine vinifera; Gmelin, naturaliste russe
qui a publié en 1788 la treizième et dernière édition du Systema na tune de
Linné, la cite également, et cet auteur passe même, à tort, pour le créateur
de l'espèce.
Depuis cette époque, on semblait ne plus avoir retrouvé l'insecte. Dunal
ne le cite que d'après Gmelin, Vallot d'après Scopoli, ainsi que Kaltenbacb,
qui l'a vainement cherché dans la vallée du Rbin. Dans sa Flora degli afiili,
le professeur Passerini (de Païenne) dit de son côté ne l'avoir jamais vu.
En 1882, Licbtenstein l'a rencontré, par hasard, aux environs de Mont-
pellier, au domaine de Viviers cbez M. Pagezy, et il vint nous le montrer
comme une rare et intéressante trouvaille. Une Note fut envoyée à l'Aca-
démie des Sciences (1882, pag. 1500) . Avec les quelques lignes de descrip-
tion reproduites, d'après Scopoli, par Vallot (Les ennemis de La vigne,
pag. 311), ce sont les seuls travaux français où il soit fait mention de cet
insecte. Il parait rare en deuors de la région oh il a été découvert (les
environs de Trieste); il se trouve cependant çà et là et jusqu'en Amérique.
Asa Fitcb le mentionne en effet dans une de ses Notes sur les Insectes de
la vigneaux Étals-Unis, publiées de 1854 à \8ô9(Annual Report ofagri-
cultural Societxj of New-York, 1859), et dont un extrait a été donné par
166 LE PUCERON VRAI DE LA VIGNE.
M. le DrSignoret [Ann. Soc. entomol. de France, 1869, pag. 555). Serait-
ce encore une espèce américaine introduite en Europe ? Licbtenstein le
pensait, l'ayant trouvée sur le Jacquez. L'introduction daterait alors du
siècle dernier !
DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
N'ayant à ma disposition ni YEntomologia Comiolica ni la Note d'Asa
Fitch, n'ayant fait que voir l'insecte en 1882, je ne puis qu'en donner une
brève description d'après Licbtenstein et Vallot.
L'Aphis vitis est un puceron vr^i, c'est-à-dire un Aphide ayant les ailes
inclinées en forme de toit et portant en dessus, à l'extrémité de l'abdomen,
deux cornicules ou petits tubes servant d'écoulement à un liquide sucré
sécrété par deux glandes appelées nectaires. La couleur du corps est vert
foncé; les yeux, la queue et les cornicules sont noirs, celles-ci presque aussi
longues que la queue. La forme larvaire est ovale, légèrement velue, et a
également les yeux bruns.
D'après Scopoli, ce puceron se tient sous les feuilles de la vigne dans
l'Europe méridionale. Licbtenstein l'a trouvé à plusieurs reprises, sur les
vrilles d'abord, puis sous les feuilles d'un Jacquez, ensuite sur l'Aramon ; sa
présence lui a toujours été révélée par les allées et venues de nombreuses
fourmis. Ces Hyménoptères, on le sait, sont très friands du liquide sécrété
par les nectaires des pucerons.
FAMILLE DES CICADELLIDES.
Ces insectes, appelés en français Cicadelles ou petites cigales, sont des
Hémiptères Homoptères ressemblant beaucoup aux Cigales par la forme,
les ailes en toit, les tarses à trois articles, etc., mais plus petits, ne pro-
duisant pas de bruit et n'ayant pas les élytres transparentes. Celles-ci ont
généralement les mêmes teintes que le corps, qui est vert, jaune, rouge,
parfois aussi gris et môme noir suivant les espèces. Les pieds postérieurs
sont organisés pour le saut, et l'insecte est difficile à saisir autrement que
par un procédé bien connu des entomologistes, le procédé du doigt mouillé.
Le vol est prompt, rapide, et généralement succède au saut. Les antennes,
de trois articles, sont terminées par une soie très fine; le bec naît tout à fait
à la partie inférieure de la tête.
L'état larvaire ressemble à la forme parfaite; ce n'est guère que par l'ab-
sence d'ailes qu'il s'en distingue, et c'est là encore un caractère qui sépare
ces insectes des Cigales vraies, aux larves souterraines si différentes de
l'insecte ailé.
LES CICADELLES DE LA VIGNE. 107
LES CICADELLES DE LA VIGNE
Plusieurs Cicadelles paraissent causer des dommages sensibles à la vigne,
non pas en France où le cas est l'exception, mais à l'étranger. Riley men-
tionne comme telles aux États-Unis plusieurs espèces, et surtout ÏEry-
throneura vitis, qui, se multipliant en masse certaines années, arrive à faire
dessécher un grand nombre de feuilles et à nuire beaucoup à la plante.
Les dégâts en France ne sont jamais considérables; mais il n'en n'est pas
de même, paraît-il, en Algérie et surtout en Tunisie. On a signalé dans
l'ancien Monde un certain nombre de Cicadelles comme ampélophages ;
il y a eu sans doute des confusions, car le nombre de celles qui se trou-
vent sûrement sur la vigne se réduit à trois :
Typfilocyba flavescens Fabricius ;
— viticola Targioni ;
Penthimia atra Fabricius.
A part ces trois espèces, on a cité souvent comme ampélophages deux
Cicadelles qui ne se rencontrent pas sur la vigne, à notre connaissance: le
Typhlocyba [Chlorita) viridula Fallermann et le Typhlocyba [Kybos]
smaragdula Fallermann ou Typhlocyba viridipes Curtis. Le T. viridula
vit sur les graminées de nos prairies et le T. smaragdula sur le saule.
Il faut être spécialiste pour ne pas confondre entre elles ces petites Cica-
delles vertes, identiques au premier abord. Toutes celles qui nous sont
venues de divers côtés ont été soumises à M. Puton , toutes, sauf le Typhlo-
cyba viticola de M. Targioni, que nous n'avons pas vu. Mais en disant que
l'auteur italien est, lui aussi, une autorité en Hémiptères, nous validons par
le fait cette espèce.
I. — Typhlocyba flavescens Fabricius.
Synonymie. — Chlorita flavescens Fabricius (Catal. Puton) ; Chlorita
vitis Gothe, 1875.
Cette petite Cicadellc verte fait partie, d'après M. Targioni, de la tribu des
Typhlocy bides, du genre Typhlocyba, et, dans ce genre, de la coupe ou série
des Ncurososli, c'est-à-dire des Typhlocyba ayant une nervure courant
168 LES CICADELLES DE LA VIGNE.
parallèlement au bord extérieur des élytres, nervures sur laquelle se ren-
contrent les nervures longitudinales, formant ainsi des cellules apicales
fermées.
D'après M. Puton, dont nous avons jusqu'à présent suivi la nomencla-
ture, cette coupe correspond au genre Chlorita de Fieber et notre insecte
devrait être appelé Chlorita flavescens; mais le nom de Typhlocy ba, adopté
par M. Targioni, est celui sous lequel les petites Cicadelles vertes de la
vigne ont été jusqu'à présent désignées en viticulture. Avec M. Targioni,
nous faisons donc sur ce point infidélité au Catalogue Puton, et nous nom-
mons notre Cicadelle Typhlocyba flavescens.
A part les caractères génériques susnommés, on reconnaîtra le T. fla-
vescens aux caractères suivants : Corps très allongé, 2mm,50 à 3mm,50 de
long sur 0""",75 environ de large, d'un vert clair ou jaunâtre luisant, les
yeux noirs, les élytres parfois striées de bandes claires, les pattes de même
couleur, parfois d'un vert bleuâtre avec les ongles noirs.
L'insecte parfait, autrement dit ailé, ne paraît guère que fin juin. Jusque-
là, on ne trouve sur les vignes que des individus Aptères (larves) et d'autres
ayant des moignons d'ailes (nymphes).
Cette espèce est abondante dans toule l'Europe tempérée et sur la côte
barbaresque, sur le poirier, le tilleul et la vigne. M. le Dr Populus (Gâtai.
des Hémiptères de l'Yonne) la dit commune sur la pomme de terre et
le sapin, M. Von Heyden sur le pin; elle est donc très répandue. Lichtenstein
et Signoret, maintes fois consultés à son sujet par les viticulteurs, l'avaient
à tort rapportée au Typhlocyba viridipcs de Curtis 1 , le Kybos smaragdulus
du Catalogue Puton, insecte de taille double et vivant spécialement sur le
saule. De là l'erreur commise par la plupart de ceux qui en ont parlé,
entre autres M. Gastine, délégué officiel pour l'étude du Phylloxéra en
Tunisie. Il le nomme ainsi dans son dernier Rapport (Bulletin du Minis-
tère de V Agriculture, 1887), et parle de ravages sérieux exercés par cet
insecte dans diverses localités de la Régence, entre autres à PEnfida. Étant
personnellement en relations avec le directeur du célèbre domaine, M. Man-
jiavaccbi, nous n'avons pas eu de peine à nous procurer le ravageur, qui
nous a été obligeamment envoyé courrier par courrier. Les Cicadelles de
l'Enfida, comme celles que nous avons reçues de Sélif et de Blidah, comme
celles de Montpellier, soumises à M. Puton, se sont trouvées être des
Typhlocyba flavescens ; les individus provenant de Barbarie semblent être
toutefois un peu plus petits.
En Tunisie, d'après le Rapport de M. Gastine, «certaines souches ont
1 Bush et Meissner; Calai, illustré et descr. des Vignes améric, pag. 51,
LES CICADELLES DE LA VIGNE. 161)
un aspect très fâcheux : les feuilles piquées au revers par ce petit insecte
subissent des déformations considérables, elles sont boursoullées, roulées,
sans perdre cependant leur couleur verte, et ces altérations occasionnent un
véritable état de souffrance pour la plante, dont le développement s'arrête».
Le Directeur de l'Enfida nous a confirmé ces détails, et des renseignements
analogues nous sont venus de M. Chapelle, stagiaire agricole àSchuiggui,
propriété de M. Leroy-Beaulieu, dans la vallée de Medjerdab. En France,
et on peut dire en Europe, les dégâts sont insignifiants.
Comme moyen de destruction contre les Cicadcllcs, beaucoup plus dan-
gereuses en Amérique que chez nous, M. Riley parle du pulvérisateur avec
des dissolutions de tabac ou de savon noir.
Nous considérons ces moyens comme imprati-
cables en grande culture. Nous serions plutôt
d'avis d'employer l'entonnoir à Attises terminé
par un sac (fig. 37), en faisant, comme pour ces
petits Coléoptères sauteurs, dont nous parlerons
avec détails, l'opération le matin, avant que
l'ennemi ait été réchauffé par le soleil. Fl9- 37.— Entonnoir a
r Attises.
Après avoir fait pénétrer le pied de la souche
dans l'échancrure de l'entonnoir, on frappe les bras de la vigne avec un
bâton, et les insectes tombent dans le sac qui termine l'entonnoir.
II. — Typhlocyba viticola Targioni.
Comme nous l'avons dit, nous n'avons pas vu cette Cicadelle et nous ne
ferons que reproduire la description de M. Targioni' .
« Cette espèce appartient aux Typhlocyba du groupe des Tetrancuri,
c'est-à-dire des espèces qui ont quatre nervures terminales aux élytres,
les nervures longitudinales libres, unies entre elles par des nervures
transversales. La cellule apicale est triangulaire, une fois et demie plus
longue que large. Les nervures terminales sont parallèles. La troisième
cellule terminale, à peine plus large que la seconde à sa base, et là encore
plus étroite que la quatrième, qui, par suite de la convergence de la troisième
nervure avec Je bord interne-postérieur, est resserrée vers le sommet. Le
corps est entièrement d'un jaune verdâtre clair, ainsi que les membres.
«Autant qu'on puisse comparer cette espèce, à cause de sa couleur, au
Typhlocyba rosse ou aux T.Coryli et T. candidu la, qui lui sont plus voisins,
1 Targioni-Tozzetti ; Relazione delta Stazionc di Entom. agraria di Firenze,
pag. 402 (Annali di Agricottvra, 1888).
170 LES C1CADELLES DE LA VIGNE.
elle en diffère pat' la forme de la première cellule des él ytres, qui n'est pas
plus grande que la deuxième et la quatrième. Elle diffère également des T.
Hyperici H. S. et T. blandula Rossi par la troisième cellule, qui n'est pas
plus étroite d'un tiers ou de la moitié que la quatrième, mais qui en diffère
à peine.
»La nymphe, moins jaune, d'un vert plus tranché que l'insecte parfait, a
les spinules sétiformes des jambes postérieures à peine indiquées. L'abdo-
men est en triangle allongé, nettement segmenté, et chacun de ses segments
porte deux longues soies spiniformes inclinées vers l'arrière.
«Cette forme a été trouvée assez fréquemment dans les vignes de l'île de
Pianosa et par nous-même près de Porto San Stefano, au mois de juillet.
On n'a pas signalé de dommages occasionnés par elle.»
III. — Penthimia atra Fabricius.
Synonymie. — Cercopis nigra Goéze 1778; C. sethiops Schrank 1781 ;
Cercopis atra Fabricius; C. sanguinicollis (var.) Fabricius, 1794; Cicada
hœmorrhoa Panzer; C. Thoracica Panzer, 1794; Cercopis castanea
Gmelin; C. biguttata Gmelin, 1788; Penthimia atra German, 1830;
Penthimia atra Audouin, 1842.
Cette Cicadelle, signalée depuis le siècle dernier sur la vigne, a été, comm e
l'indique la longueur de sa synonymie, étudiée par beaucoup d'auteurs.
La disposition des couleurs varie et môme la teinte générale du corps, qui
d'babitude est noire, et c'est ce qui fait que le môme auteur a décrit comme
espèces distinctes de simples variétés ; Audouin, qui ne connaissait pas
d'autre cicadelle sur la vigne, en a donné une bonne
description ainsi qu'une bonne figure.
Le genre Penthimia ne comprend en Europe que
cette seule espèce. Comparée aux deux cicadelles pré-
cédentes, elle s'en distingue par sa forme courte et
élargie; ce qui la fait placer de suite dans une autre
tribu que les T>,pblocybides, celle des Tettigonides
(fig.38).
Le corps, long d'environ de cinq millim. et large
Fig. 38. — Penlhi- de trois, est en général d'un noir brillant ; la tête noire,
mia atra. . . ... .
large, avec un chaperon saillant, est fortement recour-
bée latéralement en arrière, ce qui lui donne la forme d'un croissant; les
antennes sont insérées dans une fossette sous le bord proéminent du cha-
peron. Le prothorax rouge, avec le bord antérieur noir, est souvent traversé
longitudinalemeut par uue large bande uoire qui s'élargit parfois à tel
LES CICADELLES DE LA VIGNE. 171
point que tout le prothorax est noir. Les élytres, plus larges à l'extrémité
qu'à la base, sont tantôt noires, tantôt rouges, tantôt jaspées de rouge et
de noir. Le dessous du corps est d'ordinaire entièrement noir, parfois
cependant l'abdomen est rouge. Les pattes sont longues, surtout les posté-
rieures, servant au saut ; les tibias postérieurs, très arqués, offrent une
double rangée d'épines aiguës.
La forme larvaire, plus aplatie que l'insecte parfait, est généralement de
couleur rousse.
Audouin a observé cet insecte dans les vignes du Maçonnais; nous
l'avons trouvé à Lyon, à Valence, et nous l'avons reçu de Toulouse et
d'Avignon. Nous ne l'avons rencontré qu'une fois sur la vigne dans l'Hé-
rault, à Valflaunès (canton de Claret) ; mais çà et là nous l'avons vu sur
le chêne. Il est généralement plus commun dans le Nord que dans le Midi.
Nulle part nous ne l'avons vu exercer des dégâts sérieux. Il est polypbage
et vit souvent dans une région sur divers buissons, tels que les jeunes taillis
de chêne, sans attaquer la vigne. S'il se multipliait outre mesure, on pourrait
le chasser le matin comme les autres espèces au moyen de l'entonnoir a
altise et avec un succès plus certain, l'insecte étant plus gros, plus lourd,
partant moins agile.
FAMILLE DES FULGORIDES.
Hysteropterum grylloides Fabricius.
Synonymie: Hysteropterum flavescens Olivier.
La famille des Fulgorides, dont les Hysteropterum font parlie, renferme
les insectes, aux formes bizarres, bien connus sous le nom de Fulgores
porte-lanternes, porte-chandelles, etc., espèces presque toutes exotiques.
Les Fulgorides, intermédiaires entre les Cicadelles et les Cigales, ayant,
comme ces deux groupes, les tarses à trois articles, peuvent se distinguer
de suite par la tête souvent pourvue de grands appendices, en tout cas
garnie de crêtes saillantes; l'abdomen est parfois couvert d'une poussière
cireuse analogue à la sécrétion dont nous avons parlé à propos des Coche-
nilles et des Pucerons. Nous n'avons guère en Europe que les représen-
tants dégradés de ce groupe.
Le genre Hysteropterum, le seul dont nous ayons à parler, est un des
plus nombreux dans la zone tempérée; il se compose d'une trentaine d'es-
pèces environ. Ce sont des insectes assez petits, sautant comme les Cica-
delles et souvent confondus avec ce'les-ci.
L'espèce qui nous occupe doit être citée parmi les ampélopbages, non
172 LES CICADELLES DE LA VIGNE.
pas à cause des dommages qu'elle occasionne, dommages insignifiants,
mais à cause de tout le bruit qui a été fait sur son compte ces années
dernières.
MM. Blanchard, membre de l'Institut, professeur au Muséum et à l'In-
stitut agronomique ; Ferez, professeur à la Faculté des Sciences de Bor-
deaux, et Lichtenstein, ont été en effet consultés à plusieurs reprises, ainsi
que nous-mème, concernant des petites coques à aspect terreux remplies
d'œufs, ayant de 3 à 5 millim. de long sur 2 à 3 de large, et qui se trouvent
fréquemment en hiver sur le tronc et les bras de la vigne, ainsi que sur les
troncs d'arbres voisins.
Divers viticulteurs avaient cru trouver là un nouvel ennemi de la vigne,
d'autres y avaient vu des œufs d'hiver du Phylloxéra, d'autres enfin en
avaient vu sortir des Phylloxéras ailés.
D'après les diverses Notes publiées à ce sujet [Comptes rendus de l'In-
stitut, Messager agricole de Montpellier, etc.), ces petites coques terreuses
seraient construites par l'espèce qui nous occupe.
« Elles contiennent chacune, dit Lichtenstein », huit à dix petites loges
rangées symétriquement sur deux lignes parallèles, dans lesquelles sont en-
châssés de petits œufs d'un rose pâle placés bouts à bouts sur deux rangs.
«Ces œufs ont 0mm,60 de long sur 0mm,20 de large. Après avoir passé
l'hiver sans changement, ces œufs éclosent fin mars et donnent naissance
à de petites larves de Cicadelles d'un gris jaunâtre avec les yeux rouges.
»Cet insecte pique les feuilles de la vigne et d'une foule d'autres arbres,
mais sans faire beaucoup de mal. En tout cas, il n'y a pas le moindre rap-
port entre cet insecte même jeune et le Phylloxéra. Ces coques ont
existé de tout temps et sont très communes sur tous les arbres.
»Ce qui peut avoir fait croire encore à ceux qui ne sont pas entomolo-
gistes que le Phylloxéra naissait de ces œufs, et même tout ailé, c'est que,
malgré leur petitesse, ces œufs ne sont pas à l'abri des parasites. En effet,
dans ces coques deOmm,60 vit et se développe un minuscule Hyménoptère
qui est peut-être le pygmée de tout l'ordre.
»I1 est noir, à pieds jaunes en partie, et ne mesure guère que 0mm, 44 à 55;
il est donc plus petit de beaucoup que le Phylloxéra ailé.»
Lichtenstein range à tort l'insecte dans les Cicadelles, et lui donne à tort
aussi le nom cVHysteroptcrum apterum. M. Blanchard est tombé dans la
même erreur. Nous répétons, avec tous les auteurs, qu'il doit être rangé
auprès des Fulgores, mais nous dirons de plus que s'il se trouve souvent
sur la vigne, ce qui est vrai, il n'est pas absolument certain qu'il soit l'auteur
1 Lichtenstein ; Messager agricole du Midi, 1880, pag. 205.
LES CICADELLES DE LA VIGNE. 173
des coques terreuses dont nous avons parlé. On ne l'a jamais observé les
construisant, et les jeunes obtenus n'ont pas été élevés.
« La matière granuleuse qui les compose, dit M. Blanchard ', est sans
doute une sécrétion et non de la terre. » Nous pouvons affirmer que cette
matière est positivement terreuse. En présence d'un acide, la réaction
est nulle sur les coques reçues des pays siliceux, tels que le Médoc,
énergique au contraire sur les coques provenant du territoire calcaire de
Montpellier. Comment un insecte muni d'un rostre suceur peut-il con-
fectionner un nid terreux? C'est ce qu'il est difficile d'expliquer. Nous
faisons donc nos réserves en ce qui concerne l'auteur de ces coques.
Il y a toutefois une présomption en faveur de l'hypothèse de Lichtenstein,
qui le premier a attribué les nids terreux à noire Fulgoride: c'est que la
fréquence de ces nids coïncide généralement avec celle de l'insecte. Celui-
ci, très commun dans le Sud-Ouest, est moins répandu en Languedoc; il
en est de môme des coques terreuses. Que VHysleropterum soit ou non
l'auteur de ces nids, il vit souvent sur la vigne; nous en donnerons donc
la description suivante :
Corps court, épais, 5 millim. environ de long sur 3 de large, de couleur
rousse ou feuille morte; la tête large et saillante, surtout à cause du déve-
loppement hémisphérique des yeux et du vertex qui est carré, séparé du
front et des joues par une carène élevée ; \q prothorax très court avançant
en pointe obtuse sur le vertex, le mésothorax fortement prolongé en pointe
en arrière ; les élytres très inclinées en forme de toit, plus larges à leur
sommet qu'à leur base, recouvrant des ailes inférieures à demi avortées,
donnent au corps, vu de profil, une hauteur considérable, 2mm,50 à 3 millim.
L'insecte, ne pouvant pas voler, saute, et les pieds postérieurs sont orga-
nisés pour cela; les tibias, très développés, en triangle allongé, sont garnis
de nombreuses épines à l'extrémité.
Cet insecte a été souvent confondu2 avec Y Hysteropterum apterum aux
ailes inférieures entièrement avortées, espèce du sud extrême de l'Europe
et de la Barbarie, et qui d'après M. Puton n'a jamais été trouvé en France.
1 Emile Blanchard ; Sur les juntes de l'Hysteropterum aplerum (Comptes
rendus Acad. des Sciences, 1er semestre 1880, pag. 1103).
- Spinola ; Ann. Soc. entom. de France, 1839, pag. 3G2.
174 LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE.
FAMILLE DES CICADIDES»
Le caractère principal de ces Hémiptères Homoptères consiste dans un
appareil stridulaut placé en dessous du corps, appareil compliqué2 man-
quant souvent chez les femelles. Leur taille est généralement grande. On
en connaît environ 400 espèces répandues dans les régions chaudes et
tempérées des deux hémisphères. La faune circaméditerranéenne en
compte environ une vingtaine d'espèces que l'on pourrait, à la rigueur,
comprendre dans le genre Cicada.
LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE
Les Cigales, peu nuisibles dans nos régions, occasionnent, parait-il, en
Orient de sérieux dommages à la vigne. A plusieurs reprises, on a signalé
1 Bibliographie. — Mentzel ; De Cicadis et aliis insectis canoris et primo
de Cicada Bononiensi (Eph. Acad. nat. curios., 1688. — Pontedera ; De Cicada
in epistota ad Sherardum (Compend. tabular. Botanicum Patavii, 1718. — De
Réaumur ; Mémoires, tom. V, 1740. — Westwood ; An Introduction to the
modem classification of Insects, tom. II, 1840, pag. 421. — Amyot et Audinet
Serville ; Hist. nalur. des Insectes hémiptères, 1843, pag. 477. — E. Blan-
chard; Métamorphoses, mœurs et instincts des Insectes, 1868, pag. 620. —
"Willam Harris ; A treatise on some of the Insects of New-England, wich
are injurions to végétation. Cambridge, 18 42 r pag. 172. — Mis Morris ; Re-
marks on the larva of the Cicada septemdecim (Proceed. Acad. nat. Se. of Phi-
ladelphia, tom. III, 1846-47, pag. 122. — Asa Fitch ; First an second Report
on the noxious, bénéficiai and other Insects of the State New-York. Albany.
1856, pag. 144. — Lepori ; Nuove ricerche anat. et fisiolog. sopra l'organo
sonoro délie Cicale (Bull. Soc. eut. ital., 1869, pag. 221. — Ch. Riley ; First
annuai Report on the noxious, bénéficiai and other Insects of the State of Mis-
souri, Jefferson city, 1869, pag. 22. — Id. ; The Periodical Cicada (Missouri
entomol. Reports. Report I, 1869, pag. 18; Report IV, 1872, pag. 30, et Départ,
of Agricult., Bulletin 8. Washington 1885. — Packard ; Third annuai Report
on the injurious and bénéficiai Insects of Massachusetts. Salem, 1873, pag. 119.
— Carlet ; Mémoire sur l'appareil musical de la Cigale (Ann. Se. natur., 1877.
— Kunckel d'Herculais ; Dispositions particulières des pattes chez les nym-
phes des Cicada (Ann. Soc. ent. de France, 1880, pag. 358).
2 G. Carlet ; Mémoire sur l'appareil musical de la Cigale [Ann. Se. nat. Zool.,
6e série, tom. V, 1877).
LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE. 175
leurs dégâts en Perse, en Asie-Mineure, et plus récemment M. Gennadius,
d'Athènes, a parlé de ceux qu'elles exercent dans l'Archipel grec, spéciale-
ment dans les îles de Paros et de Naxos. C'est à ce titre que nous les com-
prenons dans les ampélophagcs d'Europe; Riley et d'autres entomologistes
américains les ont, de leur côté, signalées comme nuisibles aux arbres frui-
tiers aux Etats-Unis.
Ces insectes sont bien connus de toutes les populations méridionales, et
nous n'aurions pas à décrire avec détails ces gros Hémiptères, si bruyants
pendant les mois d'été, si aux environs de Paris, où ils n'existent pas, ils
n'étaient confondus avec la grande sauterelle verte (Locusta viridissîma) .
Celle-ci est un Orthoptère au corps allongé, de couleur vert clair, y com-
pris les ailes, à la bouche broyeuse, généralement carnassier, aux longues
antennes filiformes, àl'oviscapte en forme de sabre, et qui n'a, en un mot,
aucun rapport avec les Cigales.
On reconnaîtra ces dernières à leurs corps épais, à leur tête large et
courte portant deux gros yeux composés et trois ocelles, à leur bouche
suceuse, à leurs antennes courtes, de sept articles, à leurs ailes membra-
neuses, du moins dans les espèces d'Europe; enfin à l'appareil musical
bruyant placé sous l'abdomen du mâle.
Les femelles sont munies d'un oviscapte ou tarière1 à l'aide de laquelle
elles percent les bois tendres, surtout ceux qui ont de la moelle, pour y
déposer leurs œufs qui écloront avant l'automne.
La larve qui en sort, longue de 1 et demi à 2 millim., au corps blanc
allongé et garni de quelques longs poils, ne tarde pas à s'enfoncer dans le
sol pour s'y nourrir de racines. Au bout de quelque temps de séjour dans ce
nouveau milieu, sans doute après une ou plusieurs mues, ces larves ont
changé de forme, elles sont devenues trapues, à corps glabre, de couleur
rousse ou testacée. La tête, triangulaire, aveugle, la place des yeux seule-
ment indiquée, porte des antennes de huit articles. Le thorax, bien distinct
de l'abdomen dans sa partie prothoracique, l'est moins dans le mésothorax et
presque pas dans le métathorax. \u abdomen, court, gros, comme ballonné,
est composé de neuf segments. Les pattes de devant sont remarquablement
organisées pour le travail souterrain qu'elles ont à accomplir. La cuisse et
le tibia aux bords tranchants, armés, la première surtout, de fortes dents
ou épines, fonctionnent l'un contre l'autre comme des tenailles, ce qui
permet à l'insecte d'entailler les sols les plus compacts. Il ri y a pas de
1 Pour la description de la tarière des Cigales, appareil perforant compliqué,
voir Maurice Girard ; Traité élémentaire d'Entomologie, vol. III, pag. 851.
X
176 LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE.
tarse l, et cependant on trouve cette partie de la patte chez la nymphe et
chez l'insecte parfait.
Ces larves, parfois très abondantes dans les vignes, n'y produisent pas,
nous l'avons dit, de dommages appréciables chez nous. « En Bourgogne,
dit M. André, leur action malfaisante n'est pas absolument démontrée.)) Il
en est de môme dans le midi de la France, et d'après M. Targionien Italie;
il faut aller en Grèce pour les trouver nuisibles. Cette innocuité presque
générale peut s'expliquer, soit par la préférence marquée qu'elles ont pour
les racines de graminées croissant dans les vignes, soit par leur peu de
voracité.
Le rostre, assez court, ne pénètre que superficiellement dans le paren-
chyme cortical, et, d'après M. Riley, l'insecte ne ferait que sucer la légère
exsudation de sucs produite par sa piqûre. La lenteur dans le développe-
ment est une preuve à l'appui de cette théorie. Les cigales d'Europe appa-
raissant chaque année en nombre à peu près égal, n'étant pas, en un mot,
périodiques comme celles d'Amérique, on ue sait pas au juste combien elles
mettent d'années pour atteindre l'état parfait, mais à coup sûr elles en
mettent plusieurs. Aux États-Unis, l'apparition de certaines espèces étant
périodique, il y a les années à cigales, et le temps qui s'écoule entre deu>
apparitions est celui que l'insecte passe à l'état de larve. Dans notre Intro-
duction, nous avons cité, d'après Riley, la Cicada trydecim et la Cicada
septemdecim, qui passent, l'une treize ans, l'autre dix-sept ans à l'état de
larves. Cette lenteur de croissance vraiment extraordinaire prouve bien que,
sous sa forme larvaire, l'insecte se nourrit peu.
Lanymp/ie, comme forme, tient le milieu entre la larveet l'insecte parfait.
Les yeux, très gros, font saillie latéralement; le thorax, dans ses segments
antérieurs et médians du moins, a pris un grand accroissement, et latérale-
ment, partant des méso et métathorax, on voit les quatre moignons d'ailes
appliqués contre Yabdomen ; celui-ci est beaucoup moins volumineux en
proportion que chez la larve. Comme chez celle-ci, nous trouvons les pieds
1 Nous ne voyons relaté par aucun auteur ce manque de tarse au pied antérieur
de la larve. Dans un article cité dans notre note bibliographique, M. Kunckel
d'Herculais, parlant du tarse de la nymphe logé dans un sillon, en dessous du tibia,
dit que telle est aussi la disposition du tarse chez la larve. Dans la série de larves
de Cicada atra que nous avons sous les yeux, aucune n'a de tarse ; le sillon
du tibia, si remarquable chez la nymphe, est remplacé chez ces larves par une
saillie allongée. On dirait que le tarse est en réalité présent dans son sillon, mais
à l'état d'ébauche sous la cuticule épaisse qui recouvre le membre. Pour nous, au
moment de la transformation en nymphe, le tarse dégagé de ses langes apparaît
brusquement à la place où le tibia de la larve présentait sa saillie allongée.
LES CIGALES NUÎSIBLÉS A LA Vl&NË. 177
antérieurs organisés pour creuser les sols les plus durs, avec les mômes
formes de la cuisse et du tibia; mais par une disposition curieuse, observée
par M. Kunckel d'IIerculais, le tibia est muni en dessous d'un tarse replie
dans un sillon qui l'abrite pendant que le membre fouille le sol. Ce tarse ne
sort définitivement de cette sorte d'étui que lorsque la nymphe quitte le
sol pour se transformer en insecte ailé.
L'état de nymphe dure un temps plus ou moins long, deux ou trois mois,
suivant l'avance ou le retard des chaleurs. Sous cette forme, l'insecte se
nourrit comme la larve et prend même un certain accroissement. La sortie
du sol, qui se fait généralement fin juin dans la région de l'olivier, est
provoquée par une continuité de jours chauds suffisante pour échauffer le
sol à une certaine profondeur et l'apparition de tous les individus d'une
même espèce est presque simultanée. Les nymphes quittent le sol au lever
du soleil, montentà un arbre ou à un objet quelconque, de préférence en bois,
s'y fixent solidement au moyen des épines dont leurs pieds sont armés, et,
la partie dorsale de leur cuticule s'étant fendue sur la tête et le thorax,
l'insecte parfait en sort. Il est alors d'une couleur verdâtre qui peu à peu
tourne au brun. Les quatre ailes, tout d'abord chiffonnées, dirigées vers le
bas, s'étendent assez rapidement par un mécanisme analogue à celui que
nous avons décrit à propos du Phylloxéra ailé, et avant le milieu du jour
l'insecte a pris son vol. La dépouille très solide de la nymphe reste fixée à
l'arbre, parfois jusqu'à l'année suivante.
Sous leur forme parfaite, les cigales ne vivent guère que quelques
semaines, le temps de s'accoupler et de pondre. Elles mangent moins encore
que sous leurs premiers états. Les mâles même, d'après M. Oarlet, vivent le
plus souvent sur leurs réserves graisseuses, sans plonger, comme les
femelles, leur rostre dans les pousses vertes des arbres.
Du matin au soir pendant les journées de grand soleil, et même la nuit
tombée si le temps est chaud et la lune pleine, ils font vibrer leur organe
sonore pour attirer les femelles.
L'accouplement opéré, les mâles meurent et les femelles déposent leurs
œufs dans les bois à moelle, comme nous l'avons dit. Réaumur est le pre-
mier qui ait observé et figuré ces pontes de cigales. Les sarments de vigne
morts ou malades, surtout les extrémités sèches des plantiers de l'année,
sont souvent ainsi piqués de trous semblant faits avec une pointe mal ellilée
qui aurait grossièrement déchiré et traversé l'écorce. Maintes fois on nous
a envoyé de ces bouts de sarments comme attaqués par un nouvel en-
nemi de la vigne.
Si avant l'éclosiou, qui se fait à la fin de l'été, on fend le bois, on trouve
au fond de chacun de ces trous, pratiqués jusque dans la moelle, un œuf
12
178. LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE.
blanchâtre, long de 2 millira. environ, très allongé, qui donnera naissance
à la jeune larve.
Les cigales se trouvent principalement dans les terres de consistance
moyenne, profondes et pas trop humides ; les sols pierreux et sans épais-
seur, ainsi que les terrains très compacts, ceux qui sont sablonneux ou
irrigués, en ont peu. Les quatre espèces suivantes se rencontrent abon-
damment dans les vignes du midi de l'Europe :
Cicada alra, C. hœmalodes, C. plebeja, et C. orni.
I. — Cicada (Cicadatra) atra Olivier.
Celte petite espèce entièrement noire, sauf quelques taches jaunes sur le
thorax, appelée en français la petite cigale noire ou le cigalon, ne dépasse
pas, les ailes comprises, 22 à 25 millim. Elle est propre à la région de l'o-
livier. Bien que ce soit une des cigales les moins faciles à observer, à cause
de sa petite taille et de son vol rapide, elle paraît assez répandue. C'est
une de celles qui placent le plus souvent leurs œufs dans les bouts de
sarments de vigne. Nous les avons également trouvés dans le mûrier.
II — Cicada (Tibicena) hœmatodes Scopoli.
C'est l'espèce dont l'aire géographique est la plus étendue, celle qui monte
le plus au Nord, la cigale des vignes de Bourgogne (André, pag. 172). Elle
est de toute la région de l'Ouest, au sud de la Loire, où elle est plus abon-
dante que dans le Midi ; à l'Est, elle ne dépasse guère le plateau de Lan-
gres. On la rencontre cependant dans quelques localités plus au Nord, dans
la vallée de l'Yonne par exemple, et même dans la Seine-et-Marne, à Fon-
tainebleau. On la reconnaît sans peine aux taches de son prothorax, aux
nervures de ses ailes et à ses pieds rouges, ainsi qu'au liséré de même cou-
leur qui borde postérieurement chaque anneau de l'abdomen. Sa taille est
d'environ 4 centim. de long. Son nom français est la cigale sanglante ou
la cigale à anneaux rouges .
III. — Cicada plebeja Sgopoli.
La cigale plébéienne, répandue dans tout le sud de l'Europe, ne remonte
pas en France aussi haut que la précédente. Dans la vallée du Rbône,
elle ne dépasse pas Lyon et Grenoble, où déjà elle est moins commune que
dans la région de l'olivier. Elle appartient au genre Cicada proprement dit,
c'est-à-dire au groupe dont les timbales sont entièrement recouvertes. C'est
LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE. • 170
la plus grande et la plus commune des quatre espèces, et elle a jusqu'à
5 centim. de long sur 1 et demi de large; le corps est noir en dessus et en
partie jaune en dessous, avec le prothorax bordé de jaune en arrière ainsi
que le bord externe des ailes supérieures.
IV. — Gicada (Tettigia) orni Linné.
Espèce de moyenne taille, 3 a -i centim., et propre à la région de l'oli-
vier. Elle est caractérisée par son corps brun tacbelé de jaune et revêtu
de poils blancs et par les onze points bruns que porte chacune des deux
ailes antérieures. Son nom français est cigale du frêne.
Ces deux dernières espèces sont celles qui en Orient et surtout dans
l'Archipel grec nuisent à la vigne. D'après M. Gennadius, qui nous a
transmis quelques détails à ce sujet, les dommages seraient assez impor-
tants, sans doute à cause de la plus grande sécheresse du pays, qui, suppri-
mant toute végétation herbacée entre les souches pendant l'été, force les
larves de cigales à se nourrir exclusivement des racines de la vigne1.
Comme remède, les vignerons du pays sèment à l'automne de l'crge entre
les rangées de souches ; les larves de cigales se rendent en grand nombre
aux racines de cette graminée, ce qui permet d'en détruire beaucoup sur
un même poiut par un labour. Ce serait le cas d'employer les poulaillers
roulants, usités dans le nord de la France contre les vers blancs du han-
neton, et dont nous parlerons à propos de cet insecte.
1 Dins une Note publiée par M. Leprieur [Bull. Soc. ent. de France, 1877.
pag. 83), il est dit qu'eu Perse les Cigales sont également très nuisibles à la
vigne, et qu'aux environs de Téhéran on est obligé' parfois d'arracher la vigne,
dout les racines sont complètement détruites par les larves de ces insectes.
CHAPITRE VIII.
SOUS-ORDRE DES HETEROPTERES.
Dans nos généralités sur l'ordre des Hémiptères, nous avons dit que les
Hétéroptères (hkpoç dissemblable, nrepov aile) appelés vulgairement punaises
étaient caractérisés par les ailes supérieures à demi transparentes et que
la plupart des espèces citées par beaucoup d'auteurs comme nuisibles aux
vignes ne se trouvent qu'accidentellement sur cette plante, occasionnant
çà et là quelques dégâts, dans des circonstances particulières. La liste
complète des punaises signalées sur la vigne peut se dresser comme suit :
Lopus sulcalus Fieber, Pyrrhocoris aplerus Linné, Camptotelus minutus
Jakowlefï, Nysius senecionis Schiller, Eurydema oleraccum Linné et
Sehirus bicolor Linné.
De ces six. espèces, nous n'en voyons qu'une, le Lopus sulcalus Fieber,
qui soit connue des vignerons, qui puisse occasionner de sérieux dommages,
et sur celle-là seule nous nous étendrons longuement. Les autres seront
simplement citées avec quelques mots explicatifs.
LA GRISETTE DE LA VIGNE '
[Lopus sulcalus Fieber).
Cette petite punaise grise et jaune, bien connue des vignerons de
l'Yonne sous le nom de Griselie et de ceux du bord du Cber sous celui de
1 Bibliographie. — Hahn ; Die Wanzenartigen Itisectcn. Band I. Nùrnberg,
1831. — Fieber; Die Europaischen HemipUra. Wien, 1861. — Dr Populus ;
Bull. Soc. des Sciences de l'Yonne, 18G7. — Id. ; Catalogue des Hémiptères de
l'Yonne, 1873. — Id. ; Petites nouv. EntomoL, 1er juillet 1875. — Dr Puton ;
Catalogue des Hémiptères d'Europe, 1870, lre édit. ; 188C, 1" édit, — Lesne ;
I-A G RISETTE DE LA VIGNE. 181
Margolle, a été ces années dernières, dans les journaux agricoles et même
politiques, l'objet d'un grand nombre d'articles où la confusion la plus
complète règne sur le nom scientifique qui doit lui être attribué.
L'insecte appartient à la famille des Capsides, qui renferme de nom-
breuses petites punaises des cbamps au corps allongé, ne manquant pas
d élégance dans les formes et la disposition des couleurs. Ces Hémiptères
sont abondants pendant l'été sur nos haies et dans nos prairies, vivant du
suc des pousses tendres, souvent même du nectar des fleurs. Gomment se
fait-il qu'une espèce de ce groupe devienne, dans certaines régions et dans
des circonstances particulières, un ampélopbage assez sérieux pour être
connu et redouté de tous les vignerons ? Nous avons suffisamment expliqué
dans notre Introduction les causes qui font de la vigne cultivée un végétal
attirant les insectes omnivores, pour qu'il soit nécessaire d'y revenir.
I. — HISTORIQUE.
Le genre Lopus a été créé par Habn en 1831 et le L. sulcatus décrit
par Fieber en 1861 .
L'insecte a commencé à faire parler de lui comme ampélopbage en
1860. Sans que l'espèce fût encore bien déterminée, M. le Dr Populus
(d'Auxerre) l'avait observée sur la vigne à cette époque et il la sigualait
sous son vrai nom, en 1867, dans le Bulletin de la Société des Sciences de
l'Yonne. De nouveau il la citait, en 1873, comme attaquant la vigne, dans
son Catalogue des Hémiptères de l'Yonne, et, en 1875, dans une Note pu-
bliée par les Petites nouvelles enlomologiques de Paris (aujourd'hui le
Naturaliste). Dans ce dernier document, les dégâts sont indiqués comme
« assez sérieux dans les vignobles de Coulange la Vineuse (Yonne) ».
En 1884 et 1885 paraissaient, dans \z Journal d'Agriculture pratique,
une série d'articles signés Lesne et Dr Patrigeon, où. sont relatées de très
bonnes observations sur les mœurs de l'insecte, mais où le nom scientifique,
mal établi, se trouve ballotté entre trois déterminations dont aucune n'est la
bonne. L'espèce a été en effet présentée d'abord par M. Lesne sous le nom
de Calocaris, puis par le Dr Patrigeon sous celui de Phijtocoris gothicus et
définitivement sous le nom encore erroné de Lopus albomarginatus. Cette
Journal d'Agriculture pratique, 1S84.— Zoilo Espejo ; Bull, de l Association
des Agricult. d'Espagne, 1884.— Dr Patrigeon ; Journal d'Agric. pratique,
188! et 1885, et Librairie de la Maison rustique. — Id.; Comptes rendue Acad.
des Sciences, 23 juin 1884 et 27 avril 1885. — Fabien Rapin ; Journal d'Agr.
pratique, 1885, tom. , pag. 486.
182 LA GRISE! TE DE LA VIGNE.
dernière espèce ' existant réellement dans le Catalogue des Hémiptères
d'Europe et étant répandue dans toute la France, on s'était demandé un
moment si l'on n'avait pas affaire à un autre ennemi que celui signalé dès
1860 par le Dr Populus.
Cette réserve faite, réserve nécessaire pour éclairer la question, nous
dirons que les articles de M. le Dr Patrigeon sont excellents et que, n'ayant
pu observer nous-méme l'insecte sur la vigne en Languedoc, nous aurons
à y puiser largement.
Pour ramener l'espèce à son vrai nom, nous n'avons eu qu'à remonter
aux notes du Dr Populus et à consulter, comme pour les autres Hémi-
ptères litigieux, M. le Dr Puton, possesseur des types sur lesquels Fieber
a créé son espèce. En 1884, du reste, M. Zoilo d'Espejo, professeur à
l'Institut agricole de Madrid, a de son côté rapporté l'espèce ampélo-
pbage, commune en Espagne, parait-il, au Lopus sulcatus de Fieber.
II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
La famille des Capsides et en particulier le genre Lopus se composent
d'insectes élégants, au corps allongé, aux téguments mous, aux pieds et
aux antennes longs et fragiles. La couleur est généralement claire, jaune,
verte, rouge ou grise, parfois brune, mais bariolée des teintes précédentes.
Les pieds portent trois articles aux tarses ; les antennes sétiformes, avec
le second article plus long et parfois plus épais, peuvent atteindre et même
dépasser la longueur du corps. Les yeux simples ou ocelles font défaut.
Le rostre appliqué contre le tborax n'en dépasse pas l'extrémité. Les ély-
trcs présentent un pli parallèle au bord qui regarde l'écusson ; ce pli isole
une aire spéciale en forme de trapèze allongé qui constitue la pièce appelée
clavus ; l'autre portion coriace, la p'.us grande, forme un triangle {corium).
Le prolongement transparent de l'élytre constitue la membrane. Oïi remar-
que sur celle-ci une nervure arquée, elliptique, qui part du bord du corium
et qui y retourne. Parfois cbez les femelles les ailes inférieures manquent;
dans ce eus, la membrane manque également.
Comme chez tous les Hémiptères Hétéroptères, les métamorphoses de
1 Le Lopus albomarginatus Kahn, bieu différent du L. sulcatus, est très
commun en France en Espagne et en Algérie. Il n'a jamais, à notre connaissance,
été signalé sur la vigne. En Languedoc, il abonde dans toutes les prairies, sur
diverses plantes et également sur les coteaux secs, principalement sur l'Aspho-
dèle. Même remarque a été faite en Espagne par M. Puton, qui dans les Vosges
le trouve surtout sur les Chrysanthèmes.
LA GRISETTE DE LA VIGNE.
183
notre espèce se réduisent à peu près à des changements de peau. Entre
les divers états, la différence la plus grande est dans l'absence d'ailes chez
la larve, la présence d'ailes rudinientaires chez la nymphe et le déve-
loppement complet de celles-ci chez la l'orme parfaite.
Œufs. — D'après le Dr Patrigeon, l'œuf, long d'un peu moins de 2 mill.
et large d'un tiers de millimètre, affecte la forme d'un ovoïde allongé, légè-
rement recourbé à ses extrémités ; il est d'un blanc nacré au moment de
la ponte. Celle-ci se fait vers la fin de juin, surtout dans les fissures des
échalas, et les œufs n'éclosent que neuf mois après, c'est-à-dire fin mars
ou première quinzaine d'avril.
D'après le Dr Populus, qui dans l'Yonne a également observé la ponte
dans les échalas, celle-ci se fait aussi dans la moelle des Arcelots, bouts de
sarment qui se dessèchent entre la section de la taille et le bourgeon, au-
trement dit le bois de deux ans ou crossette dont nous avons parlé à propos
de l'œuf d'hiver du Phylloxéra.
Blanc d'abord, Vœuf avant l'éclosion passe au rose puis au rouge, teintes
dues à l'embryon vu par transparence. Après la sortie de l'insecte, l'enve-
loppe de l'œuf desséchée prend la forme d'une lamelle blanchâtre qui peut
subsister plus d'un an, témoignant ainsi du passage de la Grisetle.
Larve. — Aussitôt éclose, la larve du Lopus manifeste une grande activité
et se fixe sur les tiges et les feuilles des nombreuses plantes croissant dans
les vignes, telles que le laiteron, le pissenlit, le chiendent, le séneçon, etc.
Cette dernière plante, d'après MM. Populus et Patrigeon, est généralement
préférée. En avril, dans des pays relativement froids, la vigne, manifestant
à peine quelques signes de végétation, ne pour-
rait en effet offrira l'insecte une subsistance quel-
conque. Ne vivant que sur les raisins non fleuris,
ne puisant jamais sa nourriture sur les tiges et
les feuilles, la Grisette n'habite réellement la
vigne qu'à l'époque qui précède la floraison,
c'est-à-dire à partir de fin mai ou des premiers
jours de juin.
La larve, au sortir de l'œuf, mesure 1 mill. 1/3
de long tout au plus, sa largeur est égale au tiers
de sa longueur, le bec est relativement très long,
1 millim. environ. Le corps, où la limite de la Fi9' :i9'_ Larve du LoPus
sulcatus.
tête, du thorax et de l'abdomen sont encore peu
distincts, est rouge clair. La tète, très volumineuse, porte deux yeux laté-
raux d'un rouge foncé.
Dix jours après sa naissance, l'insecte a notablement changé de forme
I
184 LA GRISETTE DE LA VIGNE.
et de coloration. Sa longueur mesure 2 millim. environ sur l de large;
V abdomen m plus de largeur que le thorax, dont les trois anneaux sont dis-
tincts ; la tête a relativement diminué, ainsi que le rostre, qui ue dépasse
pas le bord inférieur du thorax. La couleur rouge du corps s'est assombrie
et de petites bandes longitudinales d'un blanc sale se dessinent sur le
milieu du corps et sur les bords du thorax. Entre le vingtième et le tren-
tième jour, la larve a atteint sa taille définitive, environ 3 millim. de long.
Sa couleur est alors d'un rouge très sombre un peu grisâtre, ses antennes
composées de quatre articles bien visibles et les angles postérieurs saillants
des deux derniers segments du thorax indiquent déjà les rudiments des
ailes.
Nymphe. — Avant le trentième jour généralement, une mue a fait de la
larve unenymphe. Celle-ci mesure environ 3mm,50de long. Les ailes, très
petites encore, s'accusent distinctement, les supérieures ne dépassant pas la
base du métathorax ; la couleur générale est le brun sépia foncé, les
taches et les bandes comme chez la larve adulte. Entre le quarantième et
le cinquantième jour, la taille de la nymphe atteint 5 millim. à 5mm,50 de
long sur une largeur de 2 millim.; la couleur est brunâtre ; la tête, le pro-
thorax et les ailes plus foncés que V abdomen. Le bord externe des four-
reaux des ailes est marqué d'une bande blanc jaunâtre, ainsi que le milieu
et les côtés du prothorax et de Y abdomen. Les cuisses sont fortes, les
jambes et les tarses grêles; les antennes, aussi longues que le corps, sont à
pointes effilées.
La nymphe mange avidement, et c'est le plus souveut sous cette forme
que l'insecte, quittant les séneçons et autres plantes indifférentes à l'homme,
commence à exercer ses ravages. Il monte sur les souches dans le courant
de mai, alors que le raisin déjà grand n'a pas encore fleuri.
Insecte parfait. — Entre Je cinquantième et le soixantième jour à partir
de l'éclosion, c'est-à-dire lin mai, apparaît enfin l'insecte ailé, apte à se
reproduire; autrement dit, parfait.
Notre insecte, sous cette forme définitive, répond à la description sui-
vante :
Corps long de 6 à 7 millim., large de 2, un peu plus développé chez la
femelle que chez le mâle. Teinte générale brune un peu fumeuse avec des
taches et des bandes jaunes. Tête triangulaire, sans ocelles, avec les yeux
composés saillants, d'un brun fumeux parfois un peu rougeâtre avec quatre
taches jaunes, deux entourant les yeux, deux à la base du rostre. Celui-ci
atteignant la nais.-ance des pieds postérieurs, antennes presque aussi lon-
gues que le corps, composées de quatre articles, dont le second presque
aussi long que les trois autres.
LA GR1SETTE DE LA VIGNE.
185
Thorax d'un brun rougeâtre fumeux en dessus, moins foncé que lu tête.
Le premier segment (prothorax) bombé, trapézoïdal, portant en dessus
Fig. 40. — Lopus sulcatus mâle suçant le pédoncule d'une grappe (d'après les
dessins du Dr Patriçeon).
plusieurs dépressions ou silloustransversuux, plus accentués cbezlafemellc,
marqué au milieu et sur les bords de bandes longitudinales jaunes teintées
d'orange, ces bandes plus larges, surtout plus diffuses chez la femelle,
jaunes en dessous avec la base des pattes rembrunie. Le deuxième segment
(mésothorux) , moins développé que le premier, mais plus grand que le troi-
sième, présentant en dessus un écusson triangulaire marqué d'une bande
ou tache jaune clair élargie dans son milieu, teintée d'orange vers sa partie
antérieure, brun teinté de jaune en dessous. Le troisième segment (méta-
thorax), le plus petit des trois, brun en dessus, brun teinté de jaune en
dessous. Les pattes longues brunes, teintées de jaune. Les élijlres ou
ailes supérieures, chez le mâle, dépassant l'abdomen de 1 millim. environ,
insérées sur le bord externe du mésothorax ; le corium de consistauce faible,
occupant les deux tiers basilaires ; le clavus bombé, en forme de triangle
très allongé ; lu membrane occupant le tiers inférieur de Pélytre, de con-
sistance mince, transparente, enfumée, présentant une nervure elliptique
destinée à la renforcer et partant du corium. Lu couleur des élytres est le
gris noirâtre enfumé, avec une bande jaune clair sur le bord externe et deux
points triangulaires d'une jaune orangé ù l'extrémité inférieure du corium.
Les ailes inférieures insérées sur le bord externe du métutborux sont
18G LA GRISETTE DE LA VIGNE.
membraneuses, enfumées, avec des reflets irisés, à peine moins longues que
les élytres. Elles offrent sur le bord interne une nervure elliptique et quatre
nervures longitudinales peu résistantes n'atteignant pas d'ordinaire le bord
extérieur. Chez la femelle, qui ne vole pas, les ailes sont beaucoup moins
développées, ne dépassant pas le sixième anneau abdominal; la membrane
est réduite à la huitième partie de la longueur de l'élytre et les ailes infé-
rieures rud inventaires dépassent à peine la moitié.
Abdomen de 8 anneaux, brun clair, teinté de jaune sur les bords et por-
tant en dessous une rangée latérale de taches jaunes beaucoup plus larges
chez la femelle, long de 2 inillim. et demi chez le mâle, de plus de 3 chez
la femelle et de forme renflée avant la ponte. Les deux derniers anneaux
portant l'armure génitale sont relativement très développés, plus coriaces
que les autres segments abdominaux. Cette armure génitale est ainsi décrite
par le D1' Patrigeou:
«Le dernier anneau est surtout développé chez le mâle et porte seul en
réalité les organes génitaux. Il est bombé, proéminent et présente au des-
sous de l'anus une sorte de plaque dont l'extrémité libre regarde en haut et
en arrière. Sous cette plaque se dissi-
mule le pénis. A droite et à gauche, ser-
vant sans doute d'appareil fixateur pen-
dant l'accouplement, se voient deux pe-
tites éminences molles portant deux
crochets chitineux repliés en dedans.
«Chez la femelle, les deux derniers
anneaux de l'abdomen, c'est-à-dire le
septième et le huitième, participent à la
formation des organes reproducteurs ex-
ternes. Ces organes sont représentés par
Fig. 41.— Lopus sulcatus femelle une longue fente vulvaire allant de la
(d'après les dessins du D1' Pairi- pointe de l'abdomen au-dessous de l'anus
jusqu'au sixième anneau. Très dilatable
dans le sens de la largeur, cette fente mesure un peu plus de 1 millirn. et
demi de longueur.
«Elle cache entre ses bords un appareil particulier (oviscapte) : c'est une
lame cornée, double, de couleur brune, aiguë et tranchante, comparable à
des lancettes recourbées, articulée sur le sixième anneau abdominal et que
l'insecte mobilise à son gré. Ce très curieux appareil remplit un triple but :
organe de tact, il permetà la femelle de reconnaître les fentes, les tissures,
la consistance, etc.; organe de perforation, il sert à creuser dans les parties
plus ou moins tendres du bois ou ailleurs les cavités nécessaires au dépôt
LA GRISETTE DE LA VIGNE. 1 S7
(les œufs ; organe de propulsion de l'œuf, il prend celui-ci entre ses deux
laines et le porte dans les points que la femelle a choisis pour y accomplir
sa ponte. »
III. - DÉGÂTS ET MOYENS DE DESTRUCTION.
Dégâts. — Dans sa forme parfaite, l'insecte établi sur la vigne vit exclu-
sivement aux dépens du jeune raisin encore en bouton, plantant son rostre
dans le pédoncule ou sur le grain qui doit devenir la fleur [fig. 40) . Au bout
de trois à quatre semaines, l'acte reproducteur accompli, il disparait complè-
tement. «A partir de Gnjuin, la fleur de la vigne passée, dit M. Patrigeon,
on trouve des Lupus morts sur les feuilles, sur le sol, au pied des ceps, un
peu partout. Le peu qui survit quitte la vigne pourretourner aux séneçons et
autres plantes croissant entre les souebes ou dans les champs voisins. Les
grains sucés prennent une couleur brune à l'endroit piqué, et, pour peu que
les piqûres soient coniluentes, le grain entier devient noir. Parfois une
portion seulement de l'enveloppe florale est mortifiée, s'amincit et se per-
fore. Dans tous les cas, la fleur se désorganise entièrement : l'ovaire se fane,
le style et le stigmate sont jaunes et atrophiés, le grain demeure stérile.
»Si le raisin n'est attaqué que partiellement, les grains maltraités, ou la
grappe secondaire dont ils font partie, peuvent succomber seulement. Si
beaucoup de grains ont souffert, on voit bientôt le raisin tout entier dépérir;
il se fane et tombe peu après par une section qui se produit à quelque dis-
tance de l'attache du pédicule sur la tige.»
En 1884, d'après M.Fabien Rapin, vice-président de la Société d'Agri-
culture de l'Yonne, les dégâts occasionnés dans le seul canton de Coulange
la Vineuse ont été évalués à plus d'un million.
«Tout raisin touché, dit de sou côté le Dr Populus, est un raisin perdu ;
or c'est par milliers que les grisettes se trouvent dans certains vignobles.
On peut juger du ravage qu'elles peuvent faire. Il y a des vignes où il ne
reste plus un seul raisin.»
Ce parasite est heureusement assez peu répandu jusqu'à présent, du
moins comme espèce nuisible ; dans le département de l'Yonne, il n'y a de
sérieusement atteint que le canton de Coulange la Vineuse. Dans le Centre,
ce n'est guère que les deux rives du Cher qui sont maltraitées, de Cbabris
(Indre) à Tbézéc, sur un parcours d'environ 40 kilom. On a également
signalé l'insecte àOuveillun (Aude), mais la nouvelle mérite confirmation.
Il est même étonnant qu'une espèce décrite de Malaga et observée a
Auxerre ne soit nuisible que sur quelques points isolés. C'est, dit le
Dr Patrigeon, surtout dans les teirains argileux et sur le plant appelé Col ou
188 LA GRISETTE DE LA VIGNE.
Teinturier que s'exercent les ravages. Or les terres argileuses abondent et
le 6'dfestun des cépages les plus répandus en France; «il est, dit M. Foëx,
cultivé depuis l'Yonne jusqu'à l'Océan et aux Pyrénées». Il y a évidemment
dans cette invasion, heureusement restreinte, des causes mal connues qui la
maintiennent dans de certaines limites, causes sur l'observation desquelles
nous appelons l'attention des viticulteurs.
Moyens de destruction. — Dans son travail de 1885, réunisous forme d'une
petite brochure publiée par la Librairie agricole de la Maison rustique,
M.Patrigeon consacre un long chapitre aux moyens de combattre la Grisette
à l'état d'œuf, à l'état de larve et à celui d'insecte parfait. Nous ne voulons
pas entrer dans le détail de tous les remèdes proposés par l'auteur contre
l'insecte éclos, convaincu que la destruction des œufs, dont les abris d'hiver
sont connus, est possible et que le remède est là. Comme le dit du reste
M. Patrigeon, «le liquide proposé par M. Balbiani contre l'œuf d'hiver du
Phylloxéra se trouve absolument indiqué. Des expériences faites en grand
ont démontré sa complète innocuité pour le bois de la vigne et pour les
bourgeons. Destructif pour l'œuf d'hiver du Phylloxéra, on peut affirmer
à priori qu'il ne le serait pas moins pour l'œuf du Lopus. La dépense occa-
sionnée par le traitement serait d'autant moins forte qu'il s'agirait de badi-
geonner, à la rigueur, non la souche entière, mais seulement les vieux trous
médullaires.
»I1 importerait aussi de recommander aux vignerons détailler avant le
mois de mars et d'enlever rigoureusement toutes leurs javelles aussitôt
après la taille des vignes atteintes.
»Quant aux œufs qui ont été observés dans la moelle des osiers, rien n'est
plus simple que de supprimer ceux-ci en les remplaçant par de la paille,
ou, si l'on en fait usage, de les ramasser soigneusement au moment du dé-
piquage des échalas et de les brûler. Pour les échalas, ils devront être trans-
portés en lieu clos pendant l'hiver ou à la fin de l'hiver, et n'être reconduits
dans leurs vignes respectives que vers la fin de mai, c'est-à-dire après
l'éclosion certaine de tous les œufs. Ce qui se passera est facile à prévoir.
Faute de nourriture, les Lopus périront bientôt après leur naissance ; au
besoin même, quelques fumigations d'acide sulfureux, pratiquées en brûlant
dans le local un peu de fleur de soufre, assureraient leur complète destruc-
tion.»
Nous passerons sous silence, avons-nous dit, les procédés de destruction
indiqués par l'auteur contre l'insecte éclos, larve, nymphe ou adulte,
procédés qui reposent surtout sur l'idée d'un liquide insecticide projeté par
un pulvérisateur. Nous tenons cependant àdire combien l'entonnoir à attises
LA GRISETTE DE LA VIGNE. 189
(Gg. 42) nous parait devoir être conseillé, <x Larves et adultes, dit M. le
Dr Patrigeon, possèdent un instinct de conservation très développé ; tout
occupées qu'elles sont à sucer les herbes qu'elles habitent, il sullit de
remuer légèrement ces herbes avec la main pour
voir les larves tomber à terre et fuir dans toutes
les directions. L'insecte adulte établi sur la vigne,
continuant la tactique, se laisse choir sur le sol
ou parfois aussi se réfugie vivement dans une
partie moins accessible et plus cachée du cep.
Les mâles souvent prennent leur vol dès qu'on
chercheàles saisir.» L'instrument languedocien, Fig. 42. — Entonnoir à
. Altises.
inconnu dans le centre et la basse Bourgogne,
nous semble aussi indiqué ici. Les badigeonnages insecticides ayant détruit
la plus grande partie des œufs, le peu de larves et d'adultes qui se trouve-
ront sur les ceps pourront être ainsi facilement capturés, puisqu'ils tombent
à la moindre secousse.
AUTRES PUNAISES DES CHAMPS ATTAQUANT ACCIDENTELLEMENT
LA VIGNE.
Il nous reste à parler des quelques espèces d'IIétéroptères qui, ne se
trouvant que rarement en nombre sur la vigne, ne sont signalés comme
nuisibles que de loin en loin et dans des circonstances particulières.
Cette petite liste peut être dressée comme suit : Pyrrhocoris apterus
Linné, Camptotelus minutus Jakowleff, Nyzius senecionis Schiller,
hurydema oleraceum Linué et Sehirus bicolor Linné.
Les trois premières espèces appartiennent à la famille des Lygœides, les
deux dernières à celles des Pentatomides !.
Les Lygœides sont caractérisées par un corps allongé, les antennes de
quatre articles, l'écusson petit ou médiocre. Les Pentatomides, appelés
vulgairement punaises des bois, se reconnaissent à leur corps large, à leurs
4 On trouve encore, spécialement sur la vigne, une espèce de punaise d'un
bleu métallique (Zicroma cœrulea Linné), qui a été présentée par certains auteurs
(Maurice Girard: Insectes nuisibles, 1878, pag. 162) comme très nuisible aux
vignes. C'est une erreur que nous devons rectifier. Ce Pentalomidc est au con-
traire utile, puisqu'il est carnassier et se nourrit principalement dus larves de
V Attise de la vigne (Altica ampelophaga). Eu parlant de cette dernière, nous par-
lerons aussi de cet utile auxiliaire du vigneron. Nous nous empressons d'ajouter que
dans sou Traité élémentaire d'Entomologie (Paris, Baillière et 111s, 1685), Maurice
Girard a rectifié sou erreur.
190 LA GRISETTE DE LA VIGNE.
antennes de trois à cinq articles, à leur écusson grand, recouvrant parfois
entièrement l'abdomen .
Pyrrhocoris apterus (Linné). — Cette punaise rouge et noire si com-
mune dans nos jardins, sur les tilleuls surtout, est appelée vulgairement le
suisse, le cherche-midi, la punaise tète de mort, etc. Elle se reconnaît à
son corps long de 1 centim. environ, large de 4 millira., de couleur rouge
écarlate variée de noir, la tête, le milieu du prothorax, Yècusson, le
clavus et la membrane, quand elle existe, noire, deux taches rondes et
noires sur la corie, l'une grande sur le milieu, l'autre petite près de la hase,
entre le clavus et le bord externe. L'abdomen, les pattes et les antennes
sont également noirs, les hords de l'abdomen, un collier, une bande étroite
à chaque segment du sternum, les hanches et l'extrémité du dernier seg-
ment ventral rouge. D'ordinaire, les ailes inférieures manquent et les
supérieures sont réduites à la coric et au clavus. Les individus ailés se
voient surtout dans le midi de l'Europe et en Algérie. L'espèce se trouve
jusqu'en Suède, dans les endroits abrités, et aux Etats-Unis.
L'insecte est omnivore, suce les jeunes pousses des arbres et les fruits ;
il se nourrit aussi de proies vivantes, voire même des jeunes individus de
son espèce, si on le prive d'une autre nourriture. Plusieurs auteurs l'ont
signalé sur les vignes en espalier suçant les grains de raisin. Nous doutons
fort que le dommage puisse être jamais bien grave .
Camplolelus minutas (Jakowlclf). — Eu 1882, nous avons reçu de
M. Fabries, pharmacien en chef des hôpitaux à Oran (Algérie), une grande
quantité de petites punaises grises, signalées comme attaquant la vigne en
masses énormes, au point de faire périr un certain nombre de pieds. Sou-
mise à M. Puton, l'espèce a été reconnue être le C. minutas de Jakowleff
décrit des bords de la Caspienne, et dont l'aire géographique s'étend, pa-
rait-il, jusqu'à l'Algérie. Le type de l'auteur russe étant entre les mains
de M. Puton, il n'y a pas de doute sur l'exacte détermination de l'insecte.
C'est un petit Lygœide long de 2mm,50 à 3 millim. et large de 0mm,75 à
1 millim., de couleur gris clair un peu jaunâtre, avec la tête et surtout les
yeux rembrunis. Le prothorax porte à sa partie antérieure deux larges
taches diffluentes qui sont de même teinte, ainsi que la bordure antérieure
du mêsothorax, le clavus et la pointe postérieure de la corie de Vélytre ; la
membrane de celle-ci est aussi développée que la corie .
Comme ampélophage, cette espèce n'a encore été signalée que d'Oran.
Nysius senecionis (Schiller). — Cet insecte, appelé par certains auteurs
N. cymoides (Spinola), a été depuis quelques années signalé en Algérie et
LA GRISETTE DE LA VIGNE. 191
rnèmc en France comme nuisible à la vigne, et a fait l'objet de plusieurs
Notes un peu trop alarmistes, selon nous.
La première mention qui en ait été faite, et la plus importante aussi, se
trouve dans une longue communication du général de Valdan, lue à la
Soc. entom. de France par M. Sigaoret (22 mai 1887). D'après ce docu-
ment, où se trouvent de nombreux détails sur l'insecte, sa grande multi-
plication et sa manière d'attaquer le bourgeon, les ravages peuvent devenir
graves, et certaines vignes au sud de Constantinc ont été sérieusement
atteintes en 1887. « L'insecte, y est-il dit, attaque le bourgeon à la base, et
la sève, s'écbappant par la piqûre qui est marquée par une tac.be rouge,
la partie supérieure encore herbacée, se fane et meurt». Licbtenstein, de
son côté [Bull. Soc. entom. de France, II août 1869), parle de l'espèce
comme trouvée en grand nombre dans les vignes de Sorgues (Vaucluse) .
Il se demande si, au lieu de voir en elle un ennemi des souebes, on ne
doit pas la considérer comme carnassière et vivant aux dépens du Phyl-
loxéra. M. le Dr Signoret (même Recueil 1869, pag. 559) combat cette
opinion. Ayant personnellement fait vivre l'insecte en captivité sur des
bourgeons de vignes portant des galles, l'ayant vu sucer les tiges et ne
jamais s'en prendre au Phylloxéra, nous sommes de l'avis de M. Signoret.
M. le Dr Desmartis, enGn, a mentionné l'espèce comme causant des
ravages sérieux sur la vigne dans le département de l'Aude [Revue de
l 'Aquitaine et du Languedoc. Bordeaux, 1870).
De ces diverses Notes, il ressort pour nous que le Nysius senecionis,
qui est partout dans nos cultures, n'attaque la vigne qu'accidentellement.
« L'biver avait été sec, dit le général de Valdan ; la vigne n'ayant reçu
aucun binage depuis plusieurs mois, des berbes nombreuses, surtout des
crucifères, l'avaient en vabie. Aussitôt après le binage, l'invasion a eu lieu. »
Ne doit-on pas supposer que les Nysius étaient en grand nombre sur les
crucifères et que, brusquement privés de leur nourriture habituelle, ils ont
été forcés de s'attaquer aux vignes? Tel est notre avis concernant cet
insecte, que l'on pourra reconnaître aux caractères suivants :
Longueur 4 millim. à 4mm,50 ; largeur lm,u,50 environ; corps de cou-
leur gris clair un peu jaunâtre rembruni sur la tête, la partie antérieure du
prothorax moins la bordure, et ïécusson moins la pointe terminale. La
tête parfois teintée de rouge avec trois bandes longitudinales de cette teinte,
deux auprès des yeux et une médiane se prolongeant parfois sur le pro-
thorax, celui-ci ainsi que Vécusson criblé de gros points enfoncés, les
antennes rousses, les pieds de couleur fauve avec les cuisses piquetées de
points bruns et les articles des tarses rembrunis au bout. Les élytres, d'un
gris clair, parfois tirant sur le verdâtro et piquetées de brun avec une bor-
192 La grisëtte de la VlGNË.
dure brune au bord postéro-interne de la corie, la membrane terminale,
aussi développée que la corie, d'un gris blanc un peu irisé. Dessous du
corps brun avec le bord et la partie postérieure de l'abdomen jaunes .
Eurydema oleraceum (Linné). — Cette espèce, appelée par beaucoup
d'auteurs Pentatoma oleraceum, vit d'ordinaire dans nos jardins aux dépens
de diverses crucifères cultivées, telles que les choux, les navets, les raves,
les giroflées, etc. Nous ne l'avons vue nulle part mentionnée comme am-
pélophage; mais nous la trouvons personnellement en si grande quantité
chaque année dans les vignobles créés dans les sables du littoral de
l'Hérault, principalement au domaine de Maguelone, et vivant sur la vigne,
que nous la mentionnons au même titre que les précédentes.
Cette punaise se montre de mai en août. Dans les dunes non défrichées,
elle se trouve sur une crucifère abondante sur le littoral, le Nathiolasinuata,
et, dans les parties défrichées, exclusivement sur la vigne, qu'elle attaque
au point de l'affaiblir sur certains points. Elle enfonce son bec dans le pa-
renchyme des feuilles tendres, qu'elle crible de petites surfaces desséchées,
à la manière des divers Phylloxéras vivant sur les feuilles du chêne.
Le corps est long d'environ 7 uiillim., large de 4, d'un vert bronzé ou
d'un bleu métallique en dessus, marqué de plusieurs bandes et taches d'or-
dinaire jaunes, mais tirant parfois sur le rouge ou sur le blanc. La tête est
finement bordée de même couleur en avant; le prothorax, entièrement bordé,
porte une large tache ou bande dans sa partie médiane ; Yécusson porte
trois taches, deux marginales en forme de bandes étroites partant des angles
de la base et une à son extrémité. La corie de l'élytre, bordée extérieure-
ment, porte aussi une tache vers son extrémité. Le dessus du corps est
jaune avec de points métalliques verts ou bleus au bord de chaque segment.
L'insecte, assez gros, très visible par suite de ses couleurs bigarrées, peut
être ramassé à la main.
Sehirus bicolor (Linné). Ce Pentatomide, appelé aussi Cydnus bicolor
et Canthophorus bicolor, long de 7 millim. environ, d'un noir luisant,
finement ponctué, avec des taches blanches, une au bord antérieur du pro-
thorax, une autre en forme de croissant à la base des élytres, une plus
petite à l'extrémité de la corie, est commun dans nos haies et dans nos
jardins. C'est la Punaise à quatre taches blanches de Geoffroy, qui vit sur
différentes plantes potagères et divers arbres fruitiers. Elle a été vue assez
souvent sur la vigne, suçant les jeunes pousses ou les raisins, et signalée par
plusieurs auteurs.
Elle ne se multiplie jamais en nombre tel que la plante ait à en souffrir
sérieusement.
CHAPITRE IX.
ORDRE DES LÉPIDOPTÈRES
En mettant à part le Phylloxéra, qui est de beaucoup l'ampélopbage le
plus dangereux, on peut dire que l'ordre des Lépidoptères est celui qui
renferme les espèces les plus nuisibles à la vigne.
Les insectes qui composent ce groupe, appelés vulgairement papillons,
ont pour caractère principal d'avoir quatre ailes recouvertes d'écaillés
brillantes et colorées, imbriquées comme les tuiles d'un toit. De là, leur nom
(uni; écaille, mtpôv aile). L'appareil buccal est suceur, c'est-à-dire formé
d'une trompe constituée par les deux mâchoires qui se sont accolées, déme-
surément allongées et sont à l'état de repos enroulées en spirale. Les méta-
morphoses sont complètes.
Les larves, connues sous le nom de Chenilles, ont les six pieds articulés
ordinaires des insectes, plus des pieds membraneux en nombre variable
placés par paires sous l'abdomen et appelés fausses pattes. Les nymphes ou
chrysalides ayant tous les appendices visibles, mais d'ordinaire soudés au
corps, sont immobiles, tantôt suspendues par quelques fils de soie, tantôt
renfermées dans un cocon soyeux ou terreux entièrement clos. L'insectepar-
fait est, nous l'avons dit, connu sous le nom de papillon. On a divisé les
Lépidoptères en un certain nombre de groupes, primitivement des genres,
ensuite des familles, aujourd'hui des sous-ordres. Leurs dénominations
ont changé de valeur à mesure que le nombre des espèces décrites s'est
accru ; tant il est vrai que les différentes coupes de la classification n'ont
rien d'absolu ! Linné admettait trois grands genres, les Papillons, les Sphinx
et les Phalènes. Latreille en fit trois familles, les Diurnes, les Crépuscu-
laires et les Nocturnes. D'autres naturalistes, et c'est le plus grand nombre
aujourd'hui, adoptant la classification de Boisduval, réduisent ces groupes
à deux, qu'ils appellent des sous-ordres, et qui sont les licléroceres («Te/»;
différent, xepuç corne), comprenant les Nocturnes et les Crépusculaires, et
les Rhopalocères (pôrroào-j massue, xEpxç corne), correspondant aux Diur-
nes. M. Blanchard a proposé une autre base de classification, et plusieurs
entomologistes disent avec lui. les Chalinoptères et les Achalinoptères,
13
194 LES LÉPIDOPTÈRES AMPÉLOPHAGES.
c'est-à-dire les Lépidoptères qui ont et ceux qui n'ont pas un frein (x«>woS)
retenant les ailes inférieures Qxées aux supérieures. D'autres enfin, surtout
en Allemagne, ont porté à six le nombre de ces coupes principales, en
dessous desquelles viennent les familles.
Nous croyons préférable d'adopter la classification de Latreille, comprise
par tous; des familles nous ferons seulement dea sous-ordres, et nous
dirons : Nocturnes, Crépusculaires et diurnes.
Aucune espèce de papillons de jour n'étant nuisible à la vigne, nous
mettrons d'ores et déjà de côté les Diurnes. Nous n'aurons donc à parler que
des Nocturnes et des Crépusculaires.
La nomenclature des Lépidoptères est embrouillée. Aidé des lumières
d'un spécialiste distingué de Paris, M. Ragonot. nous avons fait de notre
mieux pour la rendre claire.
Renvoyant pour la synonymie à la description de chaque espèce, nous
adopterons la plupart des noms du Catalogue le plus généralement employé,
celui des Lépidoptères de la faune européenne de Staudinger et Wocke, et,
commençant par les petites espèces, nous grouperons comme suit les Lé-
pidoptères ampélophages :
Sous-ordre des Nocturnes : Antispila Rivillei Stainton.
— — Torlrix [Œnophtira] Pilleriana * Schiffer-
muller et Denis.
— — — (Cochylis) Ambiguella* Hubner.
— — — (Eudemis) botrana Schiffermuller.
— — Ephcstia gnidiclla Millière.
1 Walckenaër et Anlouin citent une autre espèce de Tordeuse viticole, Tortrix
heperana (Schiffermuller). Malgré toutes nos recherches, nulle part nous n'avons pu
trouver de renseignements nous permettant de comprendre ce Lépidoptère dans
notre liste d' ampélophages. Nous en dirons autant de Yllylhia vinclella de Fa-
bricius, citée également par Audouin, et que, malgré son nom viticole, personne ne
signale positivement sur la vigne. Ce sont sans doute des espèces trouvées acci-
dentellement sur cette plante et qui, à tort, ont été considérées comme vivant à
ses dépens.
2 Dans son livre sur les Insectes nuisibles [DegV Inselti che atlacano l'Albero
ed il frutto. Napoli, 1877), M. Achille Costa décrit sous le nom de Tordeuse de
la grappe (Tortrice d'ell uva) une espèce observée par lai attaquant le raisin, à la
façon de la Cochylis, dans les vignes du Vésuve. Il la rapporte à la Tortrix Ro-
maniana, décrite par 0. Costa comme atteignant l'olive. Nous pensons qu'il s'agit
là d'une de ces espèces polyphages pouvant de loin en loin, dans des circonstances
exceptionnelles, s'en prendre à la vigne, et qui ne doivent pas être pour cela com-
prises parmi les insectes ampélophages.
ANTISPILA RIVILLEI. 195
Sous-ordre des Nocturnes : Agrotis, Trilici Linné.
— — — Aquilina Treitschke.
— — — Obelisca Ilubner.
— — — Obesa Boisduval.
— — — Crassa Ilubner.
— — — Segetum Scliiffcrmullcr et Denis.
— — — Exclamationis Linné.
— — — Pronuba Liuné.
— — Chclonia Caja Linné.
— — — VUlica Linné.
— — — Mendica Clerk.
— — — Lubricipeda Linné.
Sous-ordre des Crépusculaires : Ino ampelophaga Bayie.
— — Sphinx (Deilephila) lineala Linné.
— — — Celer io Linné.
— — — Porcellus Linné.
— — — Elpenor Linné.
De ces vingt-deux espèces, cinq à six peuvent être considérées comme
toujours dangereuses; parmi les autres, certaines le deviennent de temps
en temps, d'autres enfln ne sont qu'exceptionnellement nuisibles.
Ici, comme dans tous les ordres d'insectes, nous pourrions dire dans toute
la série animale, c'est parmi les petits que se trouvent les grands ravageurs.
Nous aurons donc à parler surtout des Microlépidoptères (puxp; petit), comme
on appelle généralement les lilliputiens du groupe des Nocturnes.
SOUS-ORDRE DES NOCTURNES.
Ou nomme ainsi des Lépidoptères volant presque tous la nuit, aux ailes
en forme de toit, munies d'un frein recouvrant l'abdomen au repos, au corps
généralement épais, aux cbenilles tantôt nues, tantôt velues, se filant pour
la plupart un cocon soyeux pour abriter l'état de chrysalide.
Antispila Rivillei Stainton.
Synonymie. — Chenille mineuse des feuilles de vigne Godeben de
Riville ; Alucitauvella Vallot ; Antispila Rivillella Rondani.
Cette petite et mignonne espèce, le plus petit des Lépidoptères que nous
avons à décrire, appartient à la famille des Tinéides, composée des petits
196 ANTISPILA RIVILLEI.
Lépidoptères bien connus appelés vulgairement teignes, hartes, papillons
de laine, etc.
La famille des Tinêides peut être ainsi caractérisée :
Les plus petits parmi les Lépidoptères ; antennes très minces, en forme
de soies ; palpes labiaux développés, dépassant la tête de toute sa longueur,
recouverts de longues écailles en faisceaux, le dernier article parfois re-
dressé verticalement ; palpes maxillaires épais et saillants; trompe courte,
souvent avortée; ailes longues, étroites, frangées, parfois étendues, mais
le plus souvent repliées autour du corps. Outre les six pattes articulées,
les chenilles ont huit ou dix fausses pattes. Les unes vivent dans des four-
reaux, par exemple celles des espèces qui attaquent les lainages, les crins
de nos meubles, les grains, etc. D'autres creusent les tissus végétaux vi-
vants, bourgeons, boutons de fleurs, parenchyme des feuilles. Tel est le
cas de notre Antispila vivant exclusivement dans la feuille de la vigne,
qu'elle mine en y traçant des galeries sinueuses.
Selon M. Wocke (in Heinemann; Schmetterl. Deutschl., 1877, tom. Il,
pag. 314), le genre Antispila, créé par Hubner, renferme sept espèces,
trois européennes et quatre américaines. Les trois espèces d'Europe sont :
Antispila Pfeifferclla Hubner, A.Treitschkiella Herr. Scboeff., vivant l'une
et l'autre sur le cornouiller, et À. Rivillei Stainton, vivant sur la vigne.
Deux des espèces américaines vivent également sur la vigne.
Le genre est ainsi caractérisé : Très petits papillons ayant la tête dénudée
ou parsemée de quelques poils seulement, les antennes courtes, les palpes
gros et pendants, les ailes antérieures ornées postérieurement d'une frange
assez large, brillantes, ayant une bande et deux taches pâles ou métalliques
correspondantes.
La chenille a six pieds articulés et dix fausses pattes. La chrysalide est
enfermée dans une enveloppe aplatie formée d'un cocon recouvert des deux
épidermes opposés de la feuille dans le parenchyme de laquelle la chenille
a vécu. Ces épidermes sont coupés comme à l'emporte-pièce en forme
d'ellipse un peu pointue des deux bouts et collés l'un à l'autre. D'une
pointe à l'autre, court une espèce do carène assez saillante. Cette espèce de
coque est suspendue par un fil de soie.
I. — HISTORIQUE.
h' Antispila Rivillei est une espèce italienne, et, bien qu'ayant été signalée
et décrite tout d'abord par des auteurs français, elle n'a jamais été rencon-
trée dans notre pays. En dehors de la péninsule, elle n'a été observée que
daus les lies de Malte el de Corfou.
ANTISPILA RIVILLEI 197
Le premier travail concernant cette espèce, dérouverte à Malte, date du
siècle dernier. Il est de Godchen de Riville et a été publié en 1750 (Acta
extranca Parisiana, tom. I, pag. 177 à 190, PI. X), sous le nom de His-
toire d'une chenille mineuse des feuilles de vigne. Bonnet, dans son livre
Contemplation de la nature (1764), l'a reproduit ; Lalreille également
^Histoire naturelle des insectes, tom. I, pag. 202). M. Vallot (de Dijon)
est le premier qui ait nommé l'insecte et l'ait décrit sous le nom ùvA lucita
uvella (Histoire des Ins. ennemis de la vigne, Mémoires de l'Académie
de Dijon, 1839-40, pag. 31).
En 1855, Stainton, ignorant sans doute le travail français, l'a décrit de
nouveau sous le nom de Antispila Rivillei en la comparant à une espèce
déjà connue, VA. Trcitschkiclla du cornouiller (Trans. enlom. Soc. Lond.,
série '2, tom. III, pag. 87 ; et Ann. Soc. eut. de Fr., 1855, pag. 211, et
1857, pag. 24). C'est ce nom de A. Rivillei qui est généralement adopté ;
mais, si comme nom de genre nous admettons celui d'Antispila, créé par
llQbner, nous ne pouvons, sans protester, en faire autant pour le nom
d'espèce, la priorité de celui d'uvclla donné par Vallot étant incontestable.
Les auteurs allemands dont nous suivons le catalogue ne peuvent avoir
ignoré cette priorité. L'insecte est décrit et sa manière de vivre racontée
par l'auteur français, pag. 315 de son travail sur les Insectes de la vigne,
de façon à ce qu'il n'y ait pas d'équivoque sur l'identité de l'espèce.
Nous devons toutefois rejeter le nom générique d'Alucita1, employé par
Vallot, parce qu'il appartient à un groupe de Lépidoptères qui ne fait même
pas partie de la famille des Tinéides.
En 1876, l'espèce a été de nouveau étudiée à Parme par M. Rondani.
Son travail, paru eu 1877 (Ann. de la Soc. eut. italienne), est très intéres-
sant eu ce qu'il donne la description de trois parasites de l'insecte; mal-
beureusement, sous prétexte d'adapter la désinence de l'épitbète à celle
d'un grand nombre de noms de Tinéides, il appelle l'insecte Antispila
Rivillclla. En 1878 et 1879, nouvelles observations de M. Pellegrini [de
Vérone) ; mais un Mémoire italien plus récent est celui de M. Targioni
Tozzetti [Annali di agricoltura, Relazionc délia /?. Stazione di cntomologia
agrariadi Firenze, 1884). A part la description de Vallot, qu'il parait avoir
également ignorée, ce qui lui fait adopter sans observation le uoni de
1 Le genre Alucita est caractérisé par des ailes entaillées d'incisions profonde,
ee qui fait qu'elles sont divisées en lobes distincts s'ouvrant comme les plis d'un
éventail, caractère qui ne se rencontre chez aucune Tinéide. Le nom à'Alvcilr a
donc été improprement appliqué à plusieurs teignes, par exemple à l'espèce qui
nous occupe et à l'une de celles qui attaquent les céréales, la Sitotroga cenalella.
appelée vulgairement Alucile du blé.
198 ANTISPILA RIVILLEI.
Stainton, l'auteur résume les autres travaux et figure l'insecte qui depuis
quelques années a été observé dans presque toutes les régions viticoles de
l'Italie.
C'est de M. Targioni que proviennent les exemplaires en notre posses-
sion ; c'est en partie dans son travail que nous avons puisé les détails qui
précèdent, et c'est à la même source que nous emprunterons la description
de l'insecte.
II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
Corps d'un rouge brun, avec le tborax argenté en dessus, de couleur
blanche en dessous.
Tête brillante et argentée; trompe courte; antennes du mâle à peine
pubescentes, blanches à la base, métalliques au sommet ; palpes maxillaires
nulles, palpes labiaux de trois articles épais, le dernier de ceux-ci en forme
de cône aigu, tous couverts de poils assezlongs.
Ailes antérieures d'un noir verdâtre avec quatre taches dorées allongées,
deux au bord antérieur, deux au bord postérieur, ces dernières se réunis-
sant postérieurement d'une aile à l'autre en forme de bande transversale
oblique, les premières confluentes ou séparées l'une de l'autre par un inter-
valle brun sinueux, les poils de la partie terminale longs et blanchâtres. Les
ailes postérieures brunes, les poils formant frange plus clairs.
Pattes blanchâtres, argentées; les cuisses et les tibias antérieurs obscurs;
les tibias intermédiaires et postérieurs armés de quatre éperons blancs.
Longueur lmm,50, envergure des ailes ouvertes 2mm, 53.
La chenille est de couleur jaunâtre translucide, avec la tète marron et une
ligne brune sur le dos. Elle creuse dans le parenchyme de la feuille une
galerie sinueuse et une chambre de métamorphose plus large dans laquelle
elle file son cocon.
M. Gennadius, d'Athènes, qui a bien voulu nous envoyer des feuilles
attaquées provenant de Corfou, avec de nombreux cocons, nous a mis à
même d'en faire de visu la description suivante :
Ce cocon en soie blanche est recouvert des deux épidémies de la feuille,
qui, coupés comme à l'emporte-pièce, constituent une seconde enveloppe
protectrice. Il est de forme elliptique, aplatie, un peu pointue des deux bouts,
avec une légère carène allant d'une pointe à l'autre, et reste suspendu à la
feuille par un ligament soyeux.
M. Targioni a obtenu dans son laboratoire deux générations de l'insecte,
une de printemps et une d'automne. Les trois parasites Hyménoptères
obtenus et décrits par le professeur Rondani ont été appelés par cet auteur :
ANTISP1LA RIVILLEI. 190
Entedon viticola, E. antlspilLv, E. Rivilclkc Ils appartiennent à la famille
des Chalcidides, petits Hyménoptères aux couleurs métalliques qui sous
leurs premier? états vivent tous dans le corps de diverses larves. Vallot
parle d'un parasite qu'il appelle Ichneumon vitelLv, mais dont il donne
une description trop sommaire pour qu'on puisse reconnaître l'insecte ainsi
désigné. Il est, dit-il, reconnaissante à son corps d'un très beau rouge
tacheté de jaune. Nous signalons cette espèce à l'attention des observateurs
italiens. Ce n'est pas un Chalcidlde; mais est-ce bien un Ichneumon ?
III.— MOYENS DE DESTRUCTION.
Cet insecte, intéressant en ce qu'il est spécialement ampélopbage, n'a pas
jusqu'à présent causé de grands dommages. Ce n'est pas toute la feuille,
en effet, qui est compromise, et les fonctions de celle-ci ne sont pas grave-
ment entravées. L'espèce semble toutefois se répandre de plus en plus.
Après avoir été au début signalée à Malte, en Sicile, à Corfou, M. Targioni
la mentionne de Venise, de Pavie, d'Ancône, de Pesaro, d'Urbino et
d'Ascoli Piceuo. Il est possible aussi qu'on observe avec plus de soin
aujourd'hui qu'autrefois !
Si le parasite menaçait de se multiplier outre mesure, on pourrait, soit
enlever les feuilles atteintes, soit au moyen d'une forte épingle extraire la
petite clienillede sa galerie sinueuse, toujours très apparente sur la feuille.
Ce travail minutieux, mais en somme exécutable, devra être opéré au
printemps, afin que la génération d'automne, toujours plus considérable,
ne puisse pas se produire.
200 LA PYRALE DE LA VIGNE.
LA PYRALE DE LA VIGNE1
[Tortrix Pilleriana Schiffermuller, 177G.)
(Avec une planche en chromolithographie.)
Synonymie. — Pxjrale de la vigne Bosc (1786) ; Phalène de la vigne
Roberjot (1787); Pyralis vitina Fabricius (1794); Pyralis Pilleriana Fa-
biïcius (1794) ; Tortrix luteolana Hubner (1796); Chape de la vigne et
Pyrale de Florensac Faure Biguet et Sionest (1802) ; Pyralis vitis La-
treille (1805); Tortrix Danticana Walckenaër (1835); Pyralis vitana Au-
douin (1842) ; Œnophlira Pilleriana Duponcbel (1844) ; OEnectra Pille-
riana Guénée (1845).
Dans les divers départements, la Pyrale est connue des vignerons sous
le nom de Ver de la vigne (Rbône et Saône-et-Loire), Ver à tête noire
1 Bibliographie.— Schiffermuller et Denis ; Catalogue systématique des
■papillons de Vienne, 1776. — Bosc d'Antic ; Mémoire pour servir à l'histoire
de la Chenille qui a ravagé les vignes d'Ârgenteail en 1786 (Mémoires de la
Soc. royale d'Agr. de Paris). — Roberjot; Mémoire sur un moyen de détruire
les Chenilles qui ravagent la vigne (Mémoires de la Soc. royale d'Agr. de Paris,
1787). — Faure Biguet et Sionest ; Mémoire sur quelques Insectes nuisi-
bles à la vigne (Soc. d'Agr. de Lyon, 1809). — Bertrand d'Ace tis ; Mémoire
sur la Pyrale de la vigne (Soc. d'Agr. de Lyon, 1810).— Artaud de la Fer-
riére ; Mémoire sur la Pyrale de la vigne (Soc. d'Agr. de Lyon, 1811). —
Bosc ; Notice sur la Pyrale et autres Insectes qui nuisent aux vignobles (Ann.
de l'Agr. de France, 1813).— Foudras ; Rapport sur un Concours ouvert sur
la destruction de la Pyrale (Mémoires de la Soc. d'Agr. de Lyon, 1825). —
Alexis Forel ; Mémoire sur h Ver destructeur de la vigne (Feuille du canton
de Vaud, février 1825). — Juric ; Rapport siir les moyens de répression de la
Pyrale de la vigne (Soc. d'Agr. de Lyon, 1833). — "Walckenaër; Recherches
sur les Insectes nuisibles à la vigne (Ann. Soc. entom. de France, 1835-1836).
— Audouin ; Diverses Notes publiées dans les Comptes rendus de l'Acad. des
Sciences, les Annales de la Soc. d'Agr. de Lyon, les Ann. des Sciences nal. et
le Bull, d' Œnologie de France, années 1837 et 1838. — Sauzey ; Instructions
pour la destruction du ver de la vigne. Lyon, 1837. — Duméril ; Rapport sur
les dégâts de la Pyrale dans les vignobles d'Argcnicuil (Comptes rendus de l'Acad.
des Sciences, 1837). — Dunal ; Des Insectes qui attaquent la vigne (BulJ. Soc.
LA PYRALE DE LA VIGNE. 201
(Côle-d'Or), Ver de l'été (Marne), Conque (Pyrénées-Orientales), Babote
(Hérault).
Comme on le voit, la synonymie de ce Lépidoptère est embrouillée.
Le point de départ de Ja confusion date de Fabricius. Non content de
rejeter sans raison le nom générique de Tortrix et d'adopter celui de Py-
ralis, l'entomologiste danois a donné de l'espèce deux descriptions sous
deux noms différents. Audouin, qui a consacrée l'insecte qui nous oc-
cupe un beau et important travail classique, a adopté le nom de Pyralis.
« Ce nom, dit-il page 22, est déjà reçu en France»; mais il convient,
page 21, qu'il vaudrait mieux dire Tortrix, « l'insecte ayant beaucoup plus
les caractères des Tortrix que des Pyralis ».
d'Agr. de l'Hérault, 1831 à 1838). — Desvignos ; Manuel pour la cueillette
des pontes de In Pyrale, 1838. — Recappé ; Conseils aux cultivateurs d'Ar-
genteuil sur les moyens de détruire la Pyrale, 1838. — Dr Companyo ; Notice
sur les Insectes qui ravagent les vignes des Pyrén. -Orient. Perpignan, 1838. —
Vallot ; Mémoire pour servir à l'histoire des Insectes ennemis de la vigne
(Mémoires de l'Acad. de Dijon, 1841 ; Ann. Soc. Agr. de Lyon, 1841 ; Revue et
Magasin de Zool., 1840). — Guérin-Meneville ; Notice sur les Py raies (Extrait
du Dictionn. pittoresque d'Hist. nal., 1839). — Bourgeois; Elude sur la Pyrale
(Soc. d'Agr. de Lyon, 1841). — Bugnon ; Sur quelques Insectes qui nuisent à
la vigne (Neue Denkschrift Allgem. Schweiz. Geselsch., 1841). — Audouin ;
Histoire des Insectes nuisibles à la vi~ne et en particulier de la Pyrale de la
vigne (Paris, Fortin Masson et Cie, 1842). — Sauzey ; Rapport sur la destruc-
tion de la Pyrah (Ann. Soc. d'Agr de Lyon, 1842). — Westwood ; The
Pyralis of (he Vine (Gardeners-Chronicle, avec fig., 1847). — Kollar ; Neue
Beobaehtung iïber Tortrix viiisana ein dem Weinstoche, in OEsterreich sehr
schœd'dche Inseckle (Verhanrïl. Zool. Bot. Verein, in Wien, 18521. — De La-
harpe ; Rapport à la Société Vaudoisc sur la destruction du Ver de la vigne
(Bull. Soc. île Yaud, 1855). — Vautrin de Lamotte ; Réflexions pratiques
pour arriver à la destruction de la Pyrale. Épernay, 1858. — Daunassans ;
De la Pyrale et des moyens de la combattre (Journal de l'Aigle. Toulouse, avril
1850). — Vramant ; De la Pyrale et des moyens sûrs et faciles de la détruire.
Épernay, 1300. — Paris; Note sur la Pyrale yliuW. Suc. eut. de France, 1862,
pag. 19). — De Peyerimhoff ; Le Ver de la vigne (Bull. Soc. d'Hist. nat. de
Colmar, 1869. — Nordlinger ; Die klrincn Feinde der kandwirllischafl .
Stuttgart, 1 869.— Kaltenbach ; Die Pflanzenfeinde aus der Masse der Insekten,
1872. — Ladrey; La Pyrale de la vigne. Dijon, 1870. — Montoy ; Échau-
dage de. la vigne et des cchalas (Bull du Comice agr. de Beaune). — Heuzé ;
La Pyrale et l'œuf d'hiver du Phylloxéra (La Vigne française, 1880) — André ;
Les Parasites et tes Maladies de la vigne. Beaune, 1882. — Jaussan ; De 'a
Pyrale et des moyens de la combattre. Béziers, 1882.
202 LA PYRALE DE LA VIGNE.
Voulant rester sur un terrain à la fois scientifique et pratique, nous con-
servons le nom français de Pyralc et adoptons comme nom latin, non pas
relui (ÏQEnophtira Pilleriana de Duponcbel, admis par plusieurs livres
récents, mais celui de Tortrix Pilleriana des premiers descripteurs.
Le nom de Tortrix, en français Tordeuse, a été donné par Linné à un
groupe de petits Lépidoptères nocturnes plus grands que les Teignes, aux
ailes en forme de toit, n'ayant, dans la position du vol, jamais moins de
7 millim. et jamais plus de 27 millim. d'envergure1. Les antennes sont
en forme de fil ou de soie, jamais pectinées comme chez les Pyralis, et au
repos toujours couchées sur le dos. Les palpes sort droits, jamais redres-
sés à l'extrémité, comme chez les Teignes et les Py raies. Les ailes infé-
rieures sont toujours dépourvues de dessins, tandis que chez les Pyrales
elles sont souvent ornées de lignes ou de taches concordant avec celles des
ailes supérieures.
On voit, par cette courte description du groupe, que l'insecte qui nous
occupe doit bien être rangé parmi les Tortrix.
Avant l'introduction en Europe du Phylloxéra, aucun insecte n'avait
fait parler de lui autant que la Pyrale. Connue peut-être dès l'antiquité,
en tout cas depuis le xvi° siècle, elle n'avait cessé d'être considérée comme
Pampélophage le plus dangereux. À certaines époques, surtout de 1830 à
1840, ses ravages ont été si considérables que l'existence même de la vigne
a été mise en question. Dans certains vignobles, tels que le Beaujolais et
les Cbarentes, on ne parlait rien moins que de l'arracher.
C'est à ce moment qu'Audouin, membre de l'Institut, professeur au
Muséum d'bistoire naturelle, fut chargé par le Gouvernement français
d'aller étudier sur place l'étendue du mal, et c'est après de nombreuses
observations et plusieurs voyages exécutés de 1837 à 1840 qu'a été publié
le grand ouvrage que nous avons appelé une œuvre classique. Tous ceux
qui ont écrit sur la Pyrale, depuis 1842, ont puisé largement dans ce gros
volume, et, tout en ayant observé nous-même l'insecte sous ses différentes
formes, nous ne pouvons mieux faire que d'imiter nos devanciers. En ce
qui concerne spécialement la Pyralc, un bon résumé de l'œuvre a été pu-
blié, en 1860, par M. Brullé, professeur à la Faculté des Sciences de
Dijon, ancien aide-naturaliste d'Audouin [La Bourgogne, Revue œnolo-
gique et viticole, par Ladrey, professeur de cbimie à la Faculté des Scien-
ces de Dijon), et c'est surtout à ce dernier travail que nous ferons des em-
prunts.
1 De Peyerimoff ; Étude sur les Tordeuses (Ann. Soc. entom. de Fr., 1876).
M PYRALE DE LA VIGNE. !03
I. — HISTORIQUE.
D'après les savantes recherches de Walckenaër, il est possible que la
Pyrale ait été connue des anciens. « Convolvulus in vinea ne sict arnur-
cam condilo, le Convolvulus ne se trouve pas sur la vigne badigeonnée
avec du marc d'huile, dit le traité De re rustica de Marcus Porcius Cato ».
Ce passage semble s'appliquer à la Pyrale plutôt qu'au Rhynchite ou Atle-
labe. Ce dernier, très commun en Italie, parait en effet désigné par Pline
sous le nom de volvox (le rouleur) ou cantharis (le scarabée brillant).
Pline distingue le volvox du convolvulus et répète, au sujet de ce dernier,
ce que dit Marcus Porcius Cato. Gesner (xvie siècle), parlant des insectes
qui attaquent la vigne, ne fait guère que citer Pline.
Il y a, en somme, peu de documents utiles à retirer de mentions aussi
vagues, et les premières observations un peu sûres remontent à l'abbé Le-
bœuf. Dans son Histoire du diocèse de Paris (1755), cet auteur dit, en
effet, qu'en 1562 « les habitants d'Argenteuil regardèrent comme un fléau
de Dieu les insectes qui gâtaient leurs vignes dans le printemps. L'évêque
de Paris ordonna des prières publiques pour la diminution du fléau. »
Comme Argenteuil a toujours été et est encore un des cantons préférés par
la Pyrale, il est plus que probable que les insectes désignés par Lebœuf
se rapportent à cette espèce1.
Un demi-siècle plus tard, on retrouve la Pyrale dans ces mêmes vigno-
bles. Selon un vieux manuscrit, dit Audouin, un ver destructeur vint, en
1(329, établir son séjour dans les vignes de Colombe, près Argenteuil, et
y commit d'affreux ravages. La Pyrale est mentionnée de nouveau au bout
de cent ans sur le territoire d'Ay, en Cbampagne. Une délibération du
Conseil de cette commune, datée du 19 avril 1733, mentionne ce qui suit:
« Depuis quelques jours, les vignes du territoire d'Ay sont mangées dans
leurs bourgeons par des vers qu'on y voit en quantité considérable. Les
soins qu'on pourrait y donner par la main de l'homme seraient inutiles,
1 Oq pourrait s'étonner, dit Audouin, de l'importance attachée alors à la con-
servation des vignobles d'Argenteuil au xvie siècle, si l'on ne se rappelait que les
vins de ce canton, si peu recherchés actuellement, jouissaient à cette époque d'une
haute réputation. Les dîmes du vin formaient alors la partie la plus importante
des revenus de l'Abbaye de Saint-Denis, et, dans une thèse publique des Ecoles
de Médecine de Paris, il fut môme soutenu que les vins de ce terrain devaient
avoir la préférence sur ceux de Bourgogne et de Champagne.
204 LA PYRALE DE LA VIGNE.
ainsi qu'on l'a éprouvé l'année dernière, en sorte qu'il ne reste d'autre
ressource que d'implorer la miséricorde de Dieu, etc. » L'année suivante,
une seconde délibération nous apprend que « les habitants ont donné pou-
voir aux maire et syndics de se transporter en la ville de Reims pour de-
mander la permission à Mgr l'Archevêque de prier Dieu et faire des pro-
cessions pour les vermissiaux ». Enfin, d'après le journal tenu par un
propriétaire du canton d'Ay, le ver de l'été dévasta les vignes de ce canton
depuis 1779 jusqu'à 1785. Nous ne croyons pas, dit Audouin, que jusqu'en
1820 la Pyrale ait occasionné dans ce pays de nouveaux dommages.
Dans le Beaujolais et le Maçonnais, il parait que, dès 1746, Romanècbe
et ses environs formaient déjà le foyer principal des dégâts de l'insecte
destructeur, et un passage des registres de la paroisse nous apprend qu'à
cette époque, pour obtenir du ciel la cessation du fléau, une procession en
l'honneur delà Sainte- Vierge fut établie; et elle a encore lieu à Romanècbe,
dit Audouin, sous le nom de procession de Notre-Dame des vers.
Vingt ans plus tard, l'abbé Roberjot, curé de la petite commune de
Saint-Vérand, consignait dans un Mémoire lu à la Société d'Agriculture
de Paris, en 1787, ses observations sur la Pyrale et les moyens qu'il avait
tentés pour la détruire. Il parle de l'insecte comme l'ayant observé depuis
huit ans et signale surtout l'année 1785.
En voyant Roberjot citer spécialement l'année 1785 comme une des
plus désastreuses pour le Maçonnais, nous devons nous rappeler, dit Au-
douin, que cette même année les vignes d'Ay ont été violemment ravagées,
et que ce fut aussi en 1785 que des dégâts semblables causés par le même
insecte aux vignes cTArgenteuil fixèrent l'attention de Bosc.
C'est à Bosc, en effet, que revient l'honneur d'avoir fait connaitrele
premier en France, d'une manière scientifique, la Pyrale de la vigne. Il
en a donné, en 1786, une description assez exacte dans son Mémoire pour
servir à V histoire de la chenille qui a ravagé les vignes d'Argenteuil.
Cependant dix années avant lui, en 1776, Schiffermuller et Denis enre-
gistraient dans leur Catalogue systématique des papillons de Vienne, sous
le nom de Torlrix Pilleriana, une espèce que tous les entomologistes re-
connaissent aujourd'hui être la Pyrale de la vigne de Bosc et désignent
sous le nom du Catalogue de Vienne.
Pendant cette longue période, de 1746 à 1786, où la Pyrale semblait
établie dans les vignobles d'Argenteuil, d'Ay et de Romanècbe, le fléau se
faisait aussi sentir ailleurs.
Le P. Arcère, de l'Oratoire, dans son Histoire de la ville de la Rochelle,
publiée en 1786, parle de cet insecte comme ravageant déjà les vignobles
delà province de l'Aulnis, et en 1780, comme à Romanècbe, une procès-
LA PYRALE DE LA VIGNE. 205
sion de los roucos (les vers) fut établie aux environs de Toulouse, dans la
commune de Saint-Simon.
La fin du siècle dernier ne nous fournit plus de nouvelles indications
relatives à la Pyrale, soit que le fléau ait perdu de son intensité, soit plu-
tôt que les événements politiques en aient détourné l'attention ; mais il n'en
est pas de même de ce siècle.
En 1808, les mêmes vignes qui en 1786 avaient fait l'objet des recherches
de Roberjot, étaient de nouveau ravagées, et c'était toujours Romanèche
qui était le centre du territoire attaqué. On trouve dans un manuscrit
de Bertrand d'Acétis (Archives de l'Académie de Mâcon) le tableau sui-
vant de l'état des vignobles à cette époque : « La propagation du fléau est
effrayante ; il couvre de grandes surfaces, sans abandonner celles qu'il occu-
pait anciennement. Les cantons envahis ne pourront bientôt plus nourrir
leurs habitants; dans plusieurs communes, les vendanges n'ont pas même
eu lieu cette année, et si l'on n'applique à ce mal un remède efficace, des
milliers de cultivateurs seront dans la misère, le sol du paya ne convenant
en général qu'à la culture de la vigne. » Cependant cette triste période tou-
chait à sa fin, car après avoir éveillé l'attention de l'autorité, qui en 1810
prescrivait l'échenillage, et après une gelée printanière (les Pyrales mortes
de faim sans doute), les vignes reprirent leur riche aspect, et une récolte
peu abondante, il est vrai, mais de qualité supérieure, vint dédommager les
propriétaires. Cette récolte fut suivie de celle si renommée de 1811.
Quatorze années s'écoulèrent sans ramener le fléau, puis en 1825 il re-
parut. Faible d'abord, le mal fut chaque année en augmentant, et en 1837
et 1838 il était parvenu aune intensité effrayante.
D'après des calculs restés à dessein au-dessous de la vérité, les pertes
éprouvées durant cette période de dix ans environ, dans vingt-trois com-
munes du Rhône et de Saône-et-Loire, se sont élevées annuellement, sur
3,000 hectares envahis, à 75,000 hectolitres de vin, soit, en calculant à
20 fr. l'hect., prix minimum, à 1,500,000 fr. Eu ajoutant tous les travaux
accessoires supprimés par le fait, fournitures, frais de circulation, de trans-
port, ainsi que les dégrèvements d'impôts qui se sont élevés à plus de
100,000 fr., on a, pour ces deux départements seulement, une perte an-
nuelle de 3 à 4 millions de francs, soit au bout de dix ans une perte de 30
à 40 millions.
Par suite de circonstances inconnues, le département de la Côte-d'Or
semble avoir été, à cette époque, préservé, ou à peu près, des ravages de la
Pyrale. Ce n'est qu'en 1837 et 1838 qu'ils attirèrent l'attention des proprié-
taires par l'envahissement de quelques centaines d'hectares dont la perte
2()G LA PYRALE DE LA VIGNE.
de récolte ne dépassa pas toutefois un quinzième, Nous verrous plus loin
qu'il n'en a pas toujours été ainsi malheureusement.
Dans le département de la Marne, après avoir disparu à la fin du siècle
dernier et au commencement de celui-ci, le mal se réveillait en 1820, et,
après avoir sévi pendant dix ans environ, il disparaissait presque complè-
tement, pour ne plus reparaître que çà et là à L'état de points isolés; en 1862
toutefois, M. Paris (Soc. ent. de France) signalait de nouveau le mal comme
grave dans le canton d'Ay, près Reims.
Le département de Seine-et-Oise, dont le canton d'Argenteuil avait été
l'objet des observations de Bosc en 1783, fut depuis cette époque dévasté
par la Pyrale à deux reprises différentes. Les années qui suivirent 1807
furent surtout marquées par de grands dégâts. Puis, pendant quinze an-
nées, de 1816 à 1831, le fléau cessa, pour reparaître ensuite avec une vigueur
nouvelle. En 1837, le maire d'Argenteuil écrivait à l'Académie des
Sciences que les dégâts pouvaient être, cette année-là, évalués de 5 à
600,000 francs, sans parler de l'influence funeste se faisant toujours sentir
durant les années suivantes.
La Pijrale, déjà mentionnée à la fin du siècle dernier dans la Haute-
Garonne, y reparut en 1808, cessa tout à coup en 1814, pour reparaître
avec une intensité nouvelle et croissante de 1829 à 1838, au point d'enlever
les quatre cinquièmes de la récolte .
Le département de la Charente-Inférieure, où l'insecte avait exercé ses
ravages vers le milieu du siècle dernier, le vit reparaître en 1801, puis
vers 1837, à des degrés divers; presque toutes les communes viticoles du
département étaient atteintes, et l'île de Ré, qui depuis longtemps avait
quelques points d'attaque, voyait l'insecte se répandre sur tout son terri-
toire. En 1838, aucun département viticole n'était envahi d'une façon aussi
générale et sur certains points plus grave. Une supplique adressée à cette
époque au préfet par la municipalité de Saint-Sauveur de Nuaille, près
La Rochelle, indique la durée et l'intensité d'un fléau : « Depuis dix-huit
ans, les vignes de nos administrés sont atteintes de vers qui les dévorent.
Jamais calamité n'a été plus destructive. Les hommes n'ayant que cette
ressource, la terre n'étant propre à aucune autre culture, ils ont persévéré
longtemps à entretenir leurs propriétés; mais actuellement leur épuisement
est tel que les uns arrachent leurs vignes, les autres cessent de les cultiver.»
Les Pyrénées-Orientales, au dire des vignerons, ont de tout temps été
ravagées par la Pyrale, appelée conque dans le pays; mais vers 1838,
comme dans les autres départements, le mal avait acquis la plus grande
intensité dans les deux cantons de Perpignan et de Rivesaltes ; on évaluait
la perte annuelle à 14,000 hectolitres de vin.
LA PYRALE DE LA VIGNE. 207
Enfin !o département de l'Hérault est atteint, dit-on, depuis plus d'un
siècle; mais ce n'est qu'en 1801 que les dégâts occasionnés par la Pyrale
dans les localités exactement désignées, les environs de Marseillan et de
Florensac (arrondissement de Béziers), furent l'objet d'une communication
de Draparnaud à la Société d'Agriculture de l'Hérault. Ce travail fut
imprimé et répandu dans le département, par ordre du préfet. Vers 1818,
l'insecte se montrait de nouveau sur le môme territoire, et en 1820 le mal
avait pris assez d'accroissement pour que le Conseil municipal de Mar-
seillan sollicitât du ministre une indemnité aux deux communes atteintes par
le fléau et une prime d'encouragement à qui trouverait un remède efficace.
La Pyrale gagna encore du terrain les années suivantes, envahissant
toutes les communes voisines de Florensac et de Marseillan, surtout celles
situées dans la direction de la mer. sur la rive gauche de l'Hérault ; puis,
vers 1823, disparut, pour atteindre les environs de Montpellier, où elle
paraissait confinée en 1838, au moment où Audouin, chargé de sa mission
officielle, y arriva.
Il résulte de ces documents historiques, longuement développés dans le
livre d'Audouin et résumés autant que possible dans les pages qui précè-
dent, que pendant une période d'environ vingt ans, se terminant en 1838,
le fléau a été à peu près permanent dans six départements viticoles,
et qu'à part l'Hérault il a toujours augmenté en étendue et intensité.
Depuis cette époque, avec des alternatives que nous tâcherons d'expli-
quer, quittant brusquement ua canton pour en attaquer un autre, malgré
des moyens vraiment efficaces trouvés pour la combattre, la Pyrale a peu
à peu étendu son empire, et jusqu'à la Bourgogne, qui du temps d'Audouin
était à peu près indemne, bien des vignobles épargnés jusque-là ont été
atteints. « Les dégâts de la Pyrale, dit M. André [Les Parasites et les Ma-
ladies de la vigne, pag. 33) se calculent en Bourgogne par des sommes
considérables. Je ne veux en citer qu'un chiffre rapporté tout récemment
et qui résulte de calculs et d'expériences consciencieusement faits par un
de nos intelligents viticulteurs. M. Montoy, dans le Bulletin du Comité
d'Agriculture de Beaune, nous montre qu'en écartant toutes les causes
d'exagération, la Pyrale enlève certaines années, dans les vignobles du
seul arrondissement de Beaune, environ un tiers delà récolte, représentant
plus d'un million de francs, et cela en ne considérant que les vignes à vins
Dns et sans tenir compte des grandes étendues de terrains plantés en vignes
ordinaires.»
En Champagne, d'après M. Paris [Ann. Soc.ent., 18G2), le mal s'est
beaucoup étendu depuis Audouin. D'après M. Vimont, président du Comice
agricole d'Épernay (Ier juin 1888), a les coteaux d'Ay et d'une manière
208 LA PYRALE DE LA VIGNE.
PLANCHE II.
Métamorphoses et Ravages de la Pyrale de la Vigne.
1. Sarment de vigne attaqué par la Pyrale.
ï et 3. Feuilles rongées.
4. Feuille et grappe réunies en fourreau encore en végétation.
5. Feuille roulée en fourreau à demi desséchée.
G. Feuille roulée en fourreau et sèche.
7 et 8. Chenilles adultes.
9. Chrysalide à demi sortie d'un fourreau.
10. Papillon au vol.
LA PYRALE DE LA VlfiNË. 200
générale les environs de Reims sont toujours la terre île prédilection de la
Pyrale; mais, les grandes invasions ne se produisant que de loin en loin,
on recourt trop soumit au remède quand le mal est fait » .
Dans l'Ouest et le Sud-Est, le mal tend beaucoup a -i1 propager. Là,
comme dans bien d'autres contrées, depuis trente ans, la culture de la
vigne ayant envahi les plaines, l'insecte, comme nous le verrons plus loin ,
se trouve ainsi dans des conditions exceptionnelles de réussite. A l'étran-
ger, si nous parlons de la Suisse, le mal, observé sur les bords du Léman,
dès 1825, par Alexis Forci, n'a fait que s'étendre, et il nous aété signalé
en Argovie par M. Wullschleger, de Lentzburg. Eu Allemagne, M. Von
Heyden nous cite l'insecte comme se trouvant partout dans la vallée du
Rhin. Il a été, comme on sait, décrit pour la première fois eu Autriche.
M. Ilorvath, de Buda-I'esth, le range parmi les ampélophages les plus
répandus en Hongrie, et de son côté M. .1. Weny (Rovartani Lipok, 1S8G)
le signale comme un fléau constant. M. Gennadius en dit autant pour la
Grèce, M. Graclls pour l'Espagne. En Ralie, l'espèce paraît moins fré-
quente que la Cochylis, et nous aurons l'occasion de dire que rarement les
deux insectes attaquent simultanément le même vignoble.
II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
La Pyrale à l'état parfait est un petit papillon aux ailes d'ordinaire re-
pliées sur l'abdomen et en forme de ebape.
Le corps est long de 11 à 15 millim.,de l'extrémité antérieure des palpes
a l'extrémité postérieure des ailes ; la couleur est jaunâtre plus ou moins
dorée. L'envergure des ailes déployées est d'environ 20 à 24 million (fig. 43).
La tête, d'un jaune fauve, est surtout remarquable par ses deux palpes
labiaux renflés au milieu, formant en avant comme deux pointes paral-
lèles, longues d'environ 2 à 3 millim.; les antennes,
iiliformes, sont jaunes, garnies de poils blonds et à pe-
tites écailles noirâtres, composées de 50 à 60 articles.
L'insecte ne mangeant pas, la trompe est courte et,
déroulée, ne dépasse pas 1 millim. et demi. Les Fig. 43. — Papillon
yeux, grands, hémisphériques, composés, comme de la Pyrale.
chez les autres Lépidoptères, de nombreuses facettes hexagonales, sont
verts quand l'insecte est en vie, noirs après la mort.
Le thorax, d'un jaune doré, est convexe, couvert d'une épaisse fourrure
d'écaillés terminées par deux pointes allongées en forme de poils, cachant
complètement les sutures des trois segments thoraciques.
Les ailes antérieures sont jaunes, rouueâtres, souvent avec des reflets
14
210 la pyrale de la vigne.
dorés, parfois verdâtres ou couleur paille, avec une tache à la suture, près
de leur base, et trois bandes transversales brunes à reflets dorés ou ferru-
gineux: les deux premières fortement obliques ; les deux secondes moins
obliques, très larges sur les bords; la troisième, celle de l'extrémité, pres-
que droite. Cette tache et ces bandes sont plus accentuées chez les mâles
que chez les femelles. Chez ces dernières, elles disparaissent souvent; les
ailes sont alors d'une même teinte. Les ailes postérieures sont d'un gris
uniforme plus ou moins doré. A la base de ces ailes, se trouve le frein, dont
nous avons parlé à propos des caractères généraux des Lépidoptères. C'est,
chez la Pyrale, un fort crin inséré à la base de la première nervure et venant
s'engager dans un petit tube fixé à la base de l'aile supérieure.
Les pattes, longues, velues, sont d'un jaune gris.
L'abdomen, caché sous les ailes, de même teinte que le thorax, est com-
posé de sept anneaux distincts.
Ce papillon commence à éclore les premiers jours de juillet, un peu plus
tôt, un peu plus tard, suivant les régions ; au bout de vingt à vingt-cinq
jours, toutes les éclosions sont terminées, et c'est dans les vignes les plus
hâtives que se voient les papillons les plus précoces. L'insecte, ne mangeant
pas, ne vit guère au delà de quinze jours, et, s'il trouve à s'accoupler de
suite, il meurt aussitôt l'accouplement et la ponte accomplis. Le vol est
court, dix mètres au plus ; l'insecte part d'un cep pour aller se poser sur
un autre. C'est au coucher du soleil que les papillons volent en plus
grand nombre, et ils ne reprennent leur immobilité que lorsque la nuit est
close. Le matin, au crépuscule, le vol recommence et cesse peu après le
lever du soleil. Il va sans dire que par un temps couvert il n'est pas rare de
voir des papillons voler en plein jour, surtout lorsqu'ils sont dérangés, mais
jamais au soleil. En cas de vent, l'insecte reste jour et nuit dans une
immobilité complète, cramponné aux feuilles et aux tiges, et c'est à peine
si dans cette circonstance on peut en apercevoir quelques-uns, môme à
l'époque de la plus forte éclosion.
L'accouplement, qui a lieu sur les feuilles de la vigne, dure parfois vingt-
quatre heures. Les deux insectes se tiennent bout à bout, la tète dirigée
à l'opposé l'un de l'autre, les ailes du mâle recouvrant en partie celles de
la femelle; parfois cependant celles de la femelle s'appliquent sur celles du
mâle.
Ponte et éclosion des œufs. — C'est toujours à la face supérieure des
feuilles que les femelles déposent leurs œufs. Ceux-ci sont pondus en une
seule masse en forme de plaque, et l'insecte les dépose non pas en avançant,
mais en reculant, les protégeant ainsi de son corps pendant les premiers
i.a pvraLe de la vigne. 211
instants. Un liquide agglutinant fixe les œufs sur la feuille; ils sont dis-
posés par rangée, se recouvrant un peu les uns les autres comme les tuiles
d'un toit. Lorsque La dernière rangée est déposée, la femelle emploie plu-
sieurs secondes à les recouvrir de la matière agglutinante, puis elle reste
sur les amfs deux, ou trois minutes avant de s'envoler. Dix minutes environ
s'écoulent entre le dépôt du premier œuf et le départ de l'insecte. Ce délai,
du reste, dépend du nombre d'oeufs pondus. Audouin a compté dans les
plaques, depuis une douzaine d'œufs seulement jusqu'à 150 ou 200 ; mais la
moyenne en renferme de 50 à GO. Ces plaques sont rondes ou ovales,
parfois irrégulières.
Les œufs sont d'une forme ovalaire un peu comprimée, d'une longueur
de 1 millim. ou un peu moins, et leur couleur se modifie de la ponte à
l'éclosion. Ils sont d'abord d'un vert pomme tendre, puis passant insensi-
blement au vert jaunâtre et de là au jaune, pour devenir ensuite bruns,
enfin d'un gris noirâtre; alors réclusion approche, et après celle-ci les
œufs deviennent blancs.
L'éclosion se fait en général au bout d'une dizaine de jours, quelquefois
un peu moins, mais souvent davantage ; Audouin a constaté jusqu'à seize
jours. L'abbé Roberjot (1787), qui le premier a observé que les œufs ne
passaient pas l'hiver, a parlé d'une vingtaine de jours. Ce délai doit dépen-
dre de la température et de l'état hygrométrique de l'air. Audouin dit avoir
hâté l'éclosion en soumettant les pontes à une température de 36° dans une
serre humide où les feuilles étaient entassées. On peut du reste, quand on
aperçoit par transparence la tète de la petite chenille, en hâter la sortie en
soufflant sur les œufs. A peine, dit Audouin, le souffle chaud et humide
s'est-il fait sentir, que bientôt on distingue à la loupe, dans l'intérieur de
l'œuf, la petite chenille qui se meut lentement ; on voit alors la tête se
dresser et les mandibules ratisser l'enveloppe jusqu'à ce qu'elle se rompe.
Cette facilité apportée à l'éclosion par la chaleur humide contribue à
expliquer la plus grande abondance de la Pyrale dans les bas-fonds que
sur les hauteurs. L'air, plus calme le soir dans les mêmes endroits, facilite
aussi beaucoup les allées et venues des papillons. Ceux-ci paraissant en
juillet, l'éclosion des œufs a donc lieu en août.
Le nombre des plaques d'œufs sur une même feuille est plus ou moins
grand: quelquefois il n'y en a qu'une ou deux, parfois aussi quatre, cinq et
jusqu'à dix ou douze. En 1837, à Saint-Lager, dans le Beaujolais, Audouin
a calculé que certains ceps portaient plus de 3,000 œufs.
La Pyrale préfère la vigne à tous les autres végétaux, mais elle est
polyphage. Audouin adonné aux chenilles des feuilles de frêne, de ronce,
d'althéa, de fraisier, de luzerne, qu'elles mangeaient fort bien. M. Paris
212
LA PYRALE DE LA VIGNE.
[Bail. Soc. ent. de France, 1862, pag. 19) dit avoir trouvé l'espèce en
Champagne, mangeant les divers chardons qui poussent dans les vignes.
Les pontes sont parfois déposées sur toutes les plantes à la portée de
l'insecte : aubépine, églantier, liseron, etc., et, d'après Audouin, des pontes
trouvées par Scbiffermuller sur le Stachys Gerrnanica ont sans doute
contribué à faire considérer pendant longtemps les deux noms de vitana
et Pilleriana comme s'appliquant à deux espèces différentes.
La chenille. — Au sortir de l'œuf, les chenilles de Pyrale ont de 1 millim .
et demi â 2 millim. de longueur. La tète et le premier anneau sont d'an
noir brillant; tout le reste du corps est d'un jaune verdâtre et couvert de poils
de même couleur. Les chenilles adultes (fig. 44) atteignent de 2 centim. et
demi à 3 centim. de longueur. Elles sont alors verdàtres en dessus, d."un
vert jaunâtre sur les côtés et quelquefois même d'un
jaune assez vif; mais il y a des variations. Ainsi, le des-
sous du corps, souvent entièrement vert clair, est quel-
quefois orné de bandes longitudinales d'un jaune verdâtre
ou grisâtre. Sur le dos se voient de très petites taches
punctiformes blanches et verdàtres donnant naissance a
un poil d'un vert sale ou roussâtre. La tète est toujours
plus ou moins noire, mais le premier segment tboracique
est parfois roux avec le bord antérieur plus clair. Les
Fig. 44.— Chenille côtés du corps, généralement verts, sont tantôt de nuance
e a Pyra e. c]airej tantôt grisâtre, tantôt jaunâtre; le dessous est
souvent nuancé de gris, de vert et de jaune, toujours d'un ton moins foncé
que le dessus.
Les chenilles, aussitôt écloses, se dispersent sur les feuilles et cherchent
immédiatement un abri. Ce rfest qu'au printemps que, sortant de leur re-
traite, elles commenceront leurs ravages. Leur taille, qui ne varie pas jus-
qu'au mois d'avril suivant, prouve qu'elles ne prennent aucune nourriture
en automne. Après s'être placées sur le bord d'une feuille, elles se laissent
tomber, soutenues par un long fil soyeux, et, balancées parle vent, atteignent
bientôt le bois de la vigne, sous les écorces de laquelle elles se réfugient.
Les bras de la souche sont choisis de préférence au tronc, surtout les parties
coudées et par cela même abritées. Dans les pays où l'on emploie des
échalas ou des piquets pour soutenir les cordons, les fissures de ces supporls
servent aussi de refuge à beaucoup de chenilles.
Une fois abritée, la petite larve se file un cocon de soie blanche, long de
3 à 4 millim., en ellipse allongée. C'est dans cet étroit fourreau qu'elle
restera blottie pendant tout l'automne et tout l'hiver, vivant ^ainsi pendant
LA PYRALE DE LA VIGXE. 2-J3
neuf mois sur ses réserves physiologiques, jusqu'à ce que, le soleil d'avril
ayant l'ait épanouir les bourgeons, elle sorte de son sommeil léthargique et
monte vers les feuilles.
L'insecte ne mangeant pas à l'état déjeune chenille, ne mangeant pas
non plus sous forme de chrysalide et de papillon, on conçoit qu'il faut qu'en
moins de deux mois, sous forme de grosse chenille, il absorbe assez de
feuilles pour les dix autres mois de son existence. De là sa voracité, et, étant
donnée sa fécondité, les ravages rapides qui en sont la conséquence.
Les chenilles de la Pyrale quittent les écorces ouïes fentes d'échalas dans
la seconde quinzaine d'avril ou la première de mai, suivant les climats, sui-
vant aussi la précocité ou le retard de la chaleur. Dès qu'elles ont gagné
les extrémités des pousses, leur premier soin est de tendre des fils et de
rapprocher autant que possible les feuilles et les petites grappes qui consti-
tuent le bourgeon. Jamais, dit Audouin, pendant toute la durée de leur vie,
les chenilles ne commencent à manger sans s'être mises ainsi à l'abri dans
l'espèce de fourreau qu'elles se filent. C'est en vain qu'on essaye de leur faire
prendre leur nourriture hors de ce fourreau, et lorsqu'elles sont obligées de
le quitter, soit parce qu'elles ont été inquiétées, soit parce qu'il ne leur offre
plus de nourriture, leur premier soin est de se construire un nouvel abri.
Lorsque les feuilles commencent à se développer et que les petites c/ie-
nilles ont atteint une longueur d'environ 1 centim., elles quittent l'extrémité
des pousses et descendent au milieu des grandes feuilles et des grappes. Là,
elles recommencent à travailler, et, le champ étant plus vaste, l'ouvrage
devient aussi plus compliqué. Se plaçant sur une feuille qui doit faire partie
de son nid, englobant dans sa nouvelle demeure, soit une autre feuille, soit
une grappe voisine (PI. II, fig. 4 et 5), h chenille jette des deux côtés de son
corps des fils étroitemeut bridés et entre-croisés de manière à former au-
dessus d'elle une espèce de plafond surbaissé ; puis elle grimpe sur celte
toile pour aller construire un second étage à sa demeure. Lorsque la nouvelle
trame est assez épaisse, elle détruit avec ses mandibules les premières brides
devenues inutiles et rend ainsi sa demeure spacieuse. Enfin elle tapisse de
fils la portion de la surface de la feuille qui constitue le plancher de sa loge.
Ce travail exige quelques heures, et il est bien rare que la chenille
l'abandonne avant qu'il soit complètement terminé.
Le dommage causé à la vigne peut être attribué autant à la construction
des fourreaux qu'à la voracité des chenilles. Les innombrables fils jetés dans
toutes les directions entravent eu effet la végétation, arrêtent la floraison et
la fructification des grappes qui se trouvent englobées. Ces enchevêtrements
de grappes, de feuilles et de vrilles offrent l'aspect de désolation si parti-
culier aux vignobles envahis par la Pyrale (PI. II).
-14 LA PYRALE DE LA VIGNE.
Les chenilles préfèrent les feuilles aux grappes ; mais elles mangent
souvent ces dernières, les attaquant d'abord par le pédoncule. Les grappes
alors se fanent, comme du reste les feuilles, attaquées souvent aussi par le
pétiole ; pour peu qu'il pleuve, la fermentation se produit dans le fourreau
et l'insecte le quitte pour aller en former un autre, ce qui augmente d'autant
les dégâts. C'est surtout le matin et le soir que le ravageur est dans toute
son activité, et l'on assure, dit Audouin, que le soir, par un temps calme,
comme dans les magnaneries au moment des repas, on peut entendre le
bruit que les chenilles font en mangeant.
Chaque larve se construit un fourreau pour son propre compte; mais il
arrive qu'une même feuille est utilisée par plusieurs chenilles; de sorte qu'on
a pu dire que les Pyrales vivaient en société dans la même loge. Le cas se
présente lorsque les larves sont nombreuses sur une même souche; encore
chacune d'elles a-t-elle son petit fourreau séparé (PI. II, Pig. 4) pour y
opérer tranquillement ses mues. La Pyrale à l'état de chenille, comme le
Bo?nbyx du mûrier, comme du reste toutes les larves d'insectes, est soumise
en effet à des changements de peau qui, au nombre de quatre chez notre
espèce, se succèdent pendant les quarante-cinq à cinquante jours d'existence
larvaire. La période d'une mue à l'autre est de dix a douze jours, y compris
le temps de crise qui précède chacune de ces mues. Une fois celles-ci opérées,
revêtue d'une livrée plus belle que la précédente, la chenille recommence ses
ravages jusqu'à ce que, huit jours environ après le quatrième changement
de peau, elle cesse de manger pour se transformer bientôt en nymphe.
La chrysalide. — Quand le moment de la métamorphose est arrivé,
c'est-à-dire seconde quinzaine de juin environ, les chenilles vont chercher
un abri dans les feuilles desséchées et entrelacées de iils qui ont constitué
les fourreaux d'habitation. Si les vignes n'ont pas été fortement ravagées
et que les chenilles n'y trouvent pas de nids convenables, elles s'en font
de nouveaux en incisant avec leurs mandibules les pétioles de quelques
feuilles qui ne tardent pas à se faner et qui, desséchées et réunies par des
fils à d'autres feuilles ou à des grappes (fig. 5 et G), leur permettent de s'y
mettre à l'abri.
La chenille adulte, blot'.ie dans son réduit, ne prend plus aucune nour-
riture et sa transformation a lieu au bout de deux ou trois jours. De suite
après cette métamorphose, la chrysalide est d'un vert jaunâtre, qui ne
tarde pas à devenir de plus en plus foncé, et au bout de quelques heures
l'insecte est entièrement rembruni.
Renfermée dans l'intérieur du dernier étui de soie que la chenille a filé
avant sa transformation, libre quelquefois au milieu des nombreux fils
LA PYRALE DE LA VIGNE. 2 1 ô
tendus dans le fourreau, la chrysalide, dépouillée de la peau de larve pui-
ses mouvements, s'y trouve soutenue par les épines recourbées qui gar-
nissent l'extrémité postérieure de son corps. Ces crochets, au nombre de
huit, quatre à l'extrémité du dernier segment et deux de chaque côté,
s'accrochent dans les fils qui entourent l'insecte, et le maintiennent en place
malgré les secousses occasionnées par le vent.
A part cet appareil fixateur, la chrysalide est remarquable par la double
rangée d'épines qui garnissent la partie dorsale de ses anneaux abdominaux.
Sa longueur est d'environ 12 à 14 millim. sur une largeur maximum de
3 millim.; sa forme est donc relativement allongée. Sa couleur définitive
est d'un brun rouge, plus foncé sur l'abdomen.
La transformation en insecte parfait a lieu environ quinze jours après la
métamorphose en chrysalide. Audouin a observé des éclosions au bout de
douze jours, d'autres au bout de dix-huit jours seulement. Au moment de
l'éclosion, la peau de la chrysalide se fend sur les parties latérales, aux
sutures formées par les éniinences des ailes et des antennes. Le papillon
dégage d'abord ses pattes, ensuite sa tète, et finit par sortir entièrement de
la dépouille de la chrysalide. Celle-ci, souvent entraînée hors du fourreau
par les efforts que fait le papillon pour s'en dégager, reste parfois suspendue
extérieurement par son extrémité (Pi. II ,fig. 9).
L'éclosion se faisant le matin, l'insecte, suffisamment raffermi par une
journée de repos, prend son vol dès le premier soir, cherche de suite à
s'accoupler, et, la poute opérée, le cycle recommence.
III. — CONDITIONS FAVORABLES OU DÉFAVORABLES A LA PYRALE
Certaines localités, telles qu'Argenteuil ou Romanèche, ont été, peut-être
dès le début de la culture de la vigne, exposées aux attaques de la Pyrale;
d'autres alternativement atteintes ou préservées ; d'autres, indemnes pen-
dant de longues années, ont été de nouveau brusquement envahies; certaines
enfin, à côté môme des quartiers atteints, ont toujours été garanties. Audouin
s'est demandé si la nature du terrain était pour quelque chose dans l'exten-
sion du mal. D'après ses observations, il n'en est rien. La vigne, dans les
différents viguobles, est plantée dans les terrains les plus divers. L'insecte
se montre dans le granit, le porphyre, les cailloux, le sable, l'argile, aussi
bien que daus la marne, les calcaires compacts, la craie friable, le gypse
ou les sols d'alluvions, si variés de composition.
L'exposition ou la disposition des lieux semblent seuls influer sur la pré-
sence de la Pyrale. Presque toujours elle choisit les endroits à l'abri du
vent du nord, les coteaux exposés au Midi ou à l'Est et surtout les plaines.
Î!16 LA PYBALE DE LA VIGNE.
Sur la rive droite de la Saône, aux environs de Montpellier ou de La
Rochelle, les dégâts ne sont plusaussi graves, cessent même souvent, aussitôt
que le terrain commence à s'élever. Si dans la plaine il y a des bas-fonds,
ces parties-là sont spécialement infestées. Ce fait, observé de tout temps,
est en rapport surtout avec les habitudes du papillon, qui recherche les parties
basses, tranquilles et un peu humides.
L'étendue des dégâts dépend aussi de la nature des cépages. En Bourgo-
gne et dans Je Beaujolais, le Pinot est attaqué de préférence au Gamay,
plant plus commun. En Roussillon et dans le Bas-Languedoc, on a fait les
mômes remarques au sujet du Grenache et de YAramon, aux. tissus plus
tendres que ceux de la Carignane. Celle-ci est d'ordinaire respectée, au
détriment des deux autres . Généralement les cépages à raisins noirs sont plus
attaqués que les cépages à raisins blancs. Les vignes vieilles sont aussi plus
exposées que les jeunes: il est en effet prouvé que le papillon a l'instinct
de confier de préférence ses œufs aux souches dont l'écorce soulevée et
crevassée assurera aux jeunes larves un abri pendant l'hiver.
Reste à expliquer pourquoi le fléau disparait souvent complètement d'un
pays, tout au moins diminue beaucoup d'importance, pour reparaître ensuite,
parfois terrible, à de nombreuses années d'intervalle.
A ce sujet, on est loin de tout savoir. Certains faits paraissent même
inexplicables ; mais on peut dire que les intempéries et surtout les insectes
parasites viennent jouer bien souvent le rôle de pondérateurs.
Intempéries. — Nous ne devons pas entendre par intempéries les froids
de l'hiver ou les pluies. Ils n'ont aucune action sur les chenilles de Pyrales.
« L'hiver de 1879-1880, dit M. André, nous a fait passer en Bourgogne
par des froids de moins 25 à 30°, tout à fait anormaux dans nos régions,
et il y avait lieu de croire que les jeunes chenilles en souffriraient. I\ n'en
a rien été, car jamais les Pyrales n'ont été aussi abondantes que dans l'été
qui a suivi. D'autre part, Its pluies, même persistantes, ne peuvent avoir
que peu d'influence sur des chenilles qui savent si bien s'abriter dans des
fourreaux de feuilles et se filer des rideaux de soie qui les garantissent. »
Les gelées printanières paraissent avoir une tout autre importance, et
l 'expérience prouve qu'elles peuvent être pour le vigneron un puissant auxi-
liaire. A cette époque, dit Audouin, les chenilles, sorties de leur retraite
d'hiver, deviennent aussi sensibles au froid qu'elles l'étaient peu auparavant.
Ayant commencé à prendre de la nourriture, elles ne peuvent plus s'en
passer, de telle sorte que les gelées tardives leur sont fatales de deux façons,
action directe sur elles-mêmes et destruction des feuilles qui les nourrissent.
C'est ainsi que dans le Maçonnais on explique la brusque disparition de la
LA PYHA'-E DE LA VIGNE. 017
Pyraleeu 1811, en 1831 et en 1838. Les chenilles, au printemps de ces an-
nées-là, avaient commencé à se montrer en grand nombre'dans les nouveaux
bourgeons, et disparurent complètement pour plusieurs années, à la suite
de gelées survenues fin avril. En 1838, les chenilles, qui avaient supporté
sans périr 17 degrés de froid pendant Pbiver, succombèrent au printemps à
une gelée de quelques degrés. Le pbénomèoe était sensible surtout dans les
parties basses, où le tléau, comme nous l'avons dit, a toujours plus d'inten-
sité. Celte année-là, ces quartiers à Pyrales n'en avaient pas, et les coteaux
non exposés à la gelée, souvent indemnes, en avaient seuls conservé. A une
époque où aucun remède ellicace n'était connu, une gelée, même enlevant
les trois quarts de la récolte, pouvait donc être considérée comme un vé-
ritable bienfait par ceux, bien entendu, qui savent voir au delà du moment
présent. L'année 1811, notamment, fut suivie d'une longue période sans
Pyrales, et fut aussi l'année des vins de la comète.
La pluie est, nous l'avons dit, sans inlluence sur les chenilles ; mais elle
est parfois d'un secours sérieux en juillet contre le papillon ; il n'est pas
rare alors de voir après les orages, sous les ceps de vigne, le sol jonché
de papillons qui auparavant voltigeaient à l'entour.
Pendant l'hiver, l'inondation des vignes basses à la suite de grandes pluies
a toujours été suivie de la disparition complète du tléau. On voit de suite
quel parti on peut tirer, contre la Pyrale, de la submersion appliquée sur une
graude échelle dans le midi de l'Europe contre le Phylloxéra '.
Insectes 'parasites. — Comme la plupart des Lépidoptères, la Pyrale
est aitaquee par des insectes parasites, et, soit, que son histoire ait été mieux
faite que celle de beaucoup d'autres mangeurs de vigne, soit qu'en réalité
elle soit exposée à plus d'ennemis, le nombre connu de ces utiles auxi-
liaires du vigneron est considérable. L'excellent livre d'Audouin nous
fournit encore à ce sujet des renseignements importants.
Quiconque, étudiant la Pyrale, a suivi ses transformations dans les
vignes ou mieux encore dans son cabinet, a certainement, au lieu du pa-
pillon attendu, vu sortir de la chrysalide des insectes qui sous leurs pre-
miers états avaient vécu a riutérieur du corps de la chenille.
Nous avons eu déjà l'occasion de parler, en général, de ces parasites
qui, jouant dans la nature le rôle de pondérateurs, établissent un mouve-
ment de bascule entre l'espèce qu'ils sont appelés à détruire et la leur.
En ce qui concerne la Pyrale, sa grande abondance, certaines années,
est la condition favorable, la cause toute naturelle de la multiplication
1 M. Jaussan (De la Pyrale et des moyens de la combattu . Béziers, 1882) n'est
pas de cet avis. Les observations d'Audouin à ce sujet sont pourtant positives.
218 LA PYRALE DE LA VIGNE.
extrême de ses ennemis. Progressivement, d'année en année, ceux-ci
finissent par apparaître en nombre tel qu'à un moment donné presque
toutes les chenilles des Py raies se trouvent infestées de leurs larves et que
bien peu arrivent à l'état de papillon. L'espèce disparait ainsi, tout au
moins comme fléau, parfois pour plusieurs années. Les parasites, éclosen
nombre proportionnel à celui des victimes détruites, se trouvant alors
dans l'impossibilité de pondre, disparaissent à leur tour jusqu'à ce que, les
Pyrales étant redevenues nombreuses, de nouvelles conditions favorables à
leur multiplication se présentent pour eux. Avant que des traitements
véritablement efficaces aient été connus, la Pyrale a donc bien certainement
disparu souvent d'un pays par des causes naturelles, gelées printanières
détruisant tous les bourgeons, pluies d'été ou attaques des parasites.
Les ennemis de la Pyrale sont nombreux. Audouin en décrit et figure
vingt-quatre espèces. Nous jugeons inutile de parler de tous. Les insectes
carnassiers vagabonds, comme les Carabes, les Malacbies, les Heméiobes,
les Forficules, etc., qui ne sont qu'accidentellement utiles, seront donc
éliminés, et notre liste sera bornée aux vrais parasites vivant dans le corps
de l'insecte et qui sont de sérieux auxiliaires du viticulteur.
Ainsi réduit, le nombre s'élèvera encore à dix-huit espèces, dont deux
seulement appartiennent à l'ordre des Diptères, ou mouches à deux ailes,
et les seize autres à l'ordre des Hyménoptères, ou mouches à quatre ailes.
Pour les premiers, nous suivrons l'ordre du Catalogue de M. Gobert1;
pour les seconds, celui du Catalogue de M. Dours2 :
Diptères Tacliina horlorum Meigen.
Syrphus [Melanostorna] hyalinatus. Macquart.
Hyménoptères : / Ichneumon melanoyonus Gravenhorst.
_ ... . 1 Agrypon flaveolatum —
Famille des Limneria majalis
Ichneumouides. . .) „. , , '
I rimpta aUernans —
\ — instigalor Pcmzer.
i Chalcis minuta Linné.
! Monodonlomcrus cupnrus Spiuola.
I — nitidus Smith.
„ ... . \ Pteromaliis deplanatus Walker.
Famille des .
Chalcidides commums Nées.
— cuprmts —
/ — ovatus —
— larvarum —
I Eulophus pyralidium Audouin.
1 D' Goberl ; Catalogue des Diptères de France. C.aen, 18a7.
2 Dr Dours ; Catalogue des Hyménoptères de France, Amiens, 1874.
LA PYRALE DE LA VIGNE. 210
Famille dos Sphégides. . Methoca formicaria ïurine.
Famille des Diploptères. Eumenes [Discœlius) zonatus.. Panzer.
Donner ici une description complète de ces dix-huit espères serait
sortir de notre cadre. Nous renverrons donc pour les détails au texte et
aux belles planches du livre d'Audouin, et nous donnerons seulement sur
chacune ce que les naturalistes appellent une diagnose, c'est-à-dire une
description sommaire, suffisante cependant pour faire reconnaître l'insecte.
Tachina hortorum. — Parmi les Diptères, la famille des Muscides ou
mouches vraies se compose d'ordinaire d'insectes vivant à l'état de larve
aux dépens de matières azotées, fumiers, viandes, etc., en décomposition;
beaucoup d'espèces cependant de la tribu des Tacliinaires vivent dans le
corps d'autres insectes. Telle est la Tachina hortorum, observée par
Audouin. Ayant vu sa larve sortir du corps d'une chenille de P y raie et
l'ayant laissée se transformer en nymphe, il a obtenu, douze jours après,
l'insecte parfait. C'est une mouche longue de 7 à 8 millim., d'un noir
brillant, velue, la tète garnie sur les parties latérales de la face de poils
argentés ; le thorax est noir tirant sur le bleuâtre, l'abdomen noir avec
trois lignes transversales plus ou moins apparentes, d'un gris cendré argen-
tin. La pupe ou enveloppe de la nymphe formée de la peau delà larve est,
comme celle de tous les Muscides, en forme de barillet.
Syrphus hyaïinatus. — Le genre Syrphus, qui a donné son nom à la
famille des Syrphides, se compose de mouches d'ordinaire jaunes et noires,
au vol tour à tour planant ou rapide, dont le rôle dans la nature est géné-
ralement d'entraver la multiplication des pucerons. Il est facile, au milieu
des colonies de ces insectes, d'observer leurs larves allongées en forme de
sangsues, sécrétant autour d'elles une matière gluante, sans cesse occupées
à dévorer leui-s victimes. L'espèce observée par Audouin fait exception et
se nourrit spécialement de chenilles de Pyrales. C'est une mouche longue
de 12 millim. environ, d'un vert bronzé, à l'abdomen aplati, présentant
sur le premier segment deux taches jaunes et sur les deux suivants une
large bande échancrée vers le bas chez le mâle, complètement interrompue
et formant deux taches chez la femelle. La tète et le thorax, sans aucunes
taches, sont légèrement pubeseents.
La larve, de couleur vert clair, pénètre dans le fourreau de la Pyrale,
et après avoir enveloppé sa victime de sa matière gluante, malgré ses
mouvements désordonnés, elie plonge dans son corps sa tête effilée. Ecar-
tant alors ses mandibules, elle parait ratisser tout le tissu sous-cutané aver-
ses crochets cornés qu'on aperçoit par transparence.
220
LA PYRALE DE LA VIGNE.
La nymphe ou pupe, comme toutes celles du genre Syrphus, a la forme
d'une larme, renflée d'un côté et terminée de l'autre par un prolongement
formant comme une queue; sa couleur est verdâtre. La nymphose dure
environ quinze jours.
Ichneumon melanogonus . — La famille des Ichneumonides, si riche en
espèces parasites des Lépidoptères, ne pouvait manquer d'être représentée
parmi les ennemis de la Pyrale. C'est à elle, à la multiplication considé-
rable de ses individus, qu'est due souvent, en grande partie, la disparition
subite du fléau. L'insecte, qui à l'état parfait vit du nectar des fleurs, est
carnassier sous sa forme larvaire. Un œuf est déposé par la pondeuse sous
la peau de la chenille ; la larve qui en sort
grandit dans la cavité générale de sa victime,
vivant de son sang et de son tissu graisseux,
sans jamais attaquer aucun organe important.
La chenille ainsi dévorée vive ne paraît pas
cependant souffrir beaucoup. Elle continue
à se nourrir, grandit, peutmème se métamor-
phoser en chrysalide, mais n'arrive jamais à
l'état parfait. Sun ennemi au contraire se
développe et subit ses dernières métamor-
phoses dans l'intérieur du corps même de la
chenille ou de la chrysalide qu'elle a fait
mourir. La larve est allongée^souvent termi-
née en pointe, apode et de consistance molle.
Fig. 45. — Ichneumon. Tel est le mode de développement des
Ichneumonides. Gomme forme à l'état parfait (fig. 45), ce sont des insec-
tes au corps étroit, linéaire; les antennes grêles, filiformes, atteignant de
la moitié à la totalité de la longueur du corps, sont toujours animées d'un
mouvement vibratile; l'abdomen, long, souvent pédoncule, est attaché au
thorax entre les deux pattes postérieures. Les femelles possèdent un
oviscapte composé de trois filets qui, réunis, constituent l'appareil perforant
ou tarière destinée à l'introduction des œufs dans le corps de la victime.
L'I. melanogonus est long de 4 à 5 millim. La tête et le thorax sont
noirs, les mandibules fauves à pointe noire; les antennes, dépassant à peine
la moitié du corps, ont les premiers articles ferrugineux, ceux de l'extré-
mité hlancs et lesintermédiaires noirâtres; les pattes sont fauves avec l'ex-
trémité des cuisses et des tibias noirs. L'abdomen a la longueur de la tète
et du thorax réunis, le premier segment fauve à pétiole noir, les deuxième,
troisième et quatrième fauves, les autres noirs.
r.A PYRALE DE LA VIGNE. 221
Agrypon foveolatum. — Longueur de 7 à 12 millim. Face jaune ainsi
que tout ou partie des yeux. Antennes brunes à premier article jaune.
Thorax noir ; souvent, chez la femelle surtout, l'extrémité du ruésothorax
est ferrugineuse, ainsi qu'une tache latérale du prothorax et les sutures
latérales de la poitrine ; parfois une tache de même couleur devant les
ailes. Abdomen roux, à pédoncule très grêle et très mince avec l'extrémité
et le dos du deuxième segment noirs. Pattes entièrement fauves. Ailes
assez courtes, hyalines, lavées de jaune surtout vers la base, à stigma ou
tache du milieu de la côte externe jaune. Tarière courte ne dépassant pas
2 millim.
Limneria majalis. — Longueur 4 1/2 à G millim.; corps entièrement
noir; mandibules jaunâtres au milieu. Antennes noires, delà moitié de la
longueur du corps. Abdomen de la longueur de la tète et du thorax réunis,
comprimé à l'extrémité chez les femelles, d'ordinaire rond chez les mâles,
à premier segment renflé à l'extrémité. Pattes fauves avec les hanches
noires. Ailes médiocres, hyalines, à stigma brun. Tarière de la moitié de
la longueur de l'abdomen.
Pimpla alternans. — Longueur 5 à 8 millim. Noir, tête noire, palpes
jaunes, antennes plus courtes que le corps, brunes en dessus, teslacées en
dessous avec les deux premiers articles jaunes. Thorax noir, souvent un
point jaune à la racine des ailes. Abdomen deux fois aussi longs que le
thorax, noir, linéaire, cylindrique avec le bord des segments fauves chez
le mâle, ferrugineux chez la femelle. Pattes fauves, hanches tachées de
noir, tibias postérieurs bruns avec un anneau d'un jaune pâle aux deux
tiers antérieurs, tarses bruns avec la moitié basilaire des articles blanche.
Ailes hyalines à stigma brun. Tarière du quart de la longueur de l'ab-
domen.
Celte espèce est celle que nous avons obtenue le plus souvent â Mont-
pellier dans nos éducations de Pyrales.
Pimpla instigator. — Longueur? à 15 millim. Corps entièrement noir.
Antennes noires plus courtes que le corps. Abdomen sessile, cylindrique,
plus long que la tête et le thorax réunis. Pattes roussâtres, hanches et tro-
ebanters noirs ainsi que les tarses postérieurs. Ailes enfumées. Tarière de
la moitié de la longueur de l'abdomen .
Cet Ichneumonide, d'après le colonel Goureau (Insectes nuisibles. Paris,
Masson, 1861), attaque aussi un des Lépidoptères les plus nuisibles aux
arbres fruitiers, le Bombyx chrysorrœa.
Chalcis minuta. — Les Chalcidides parasites de la Pyrale sont plus
222 LA l'YRALE DE LA VIGNE.
nombreux en espèces que les Idmeumoaides. Oes insectes, le plus souvent
de très petite taille, ont pour caractères généraux des couleurs d'ordinaire
métalliques, des antennes coudées et une tarière assez longue, partant de la
face ventrale de l'abdomem. A l'état de larve, ils vivent aussi dans le corps
de leurs victimes ; seulement le nombre des œufs pondus dans la même
cbenille est parfois très considérable. Les larves, nombreuses en propor-
tion, sont beaucoup plus courtes que celle des Icbneumonides ; comme
celles-ci, elles subissent leur métamorpbose en nymphe dans le corps de
la cbenille ou de la ebrysalide dont elles ont dévoré la substance.
L'espèce qui nous occupe (fig. 4G) a les
caractères suivants: Longueur 3 à 4 millim.
Corps entièrement noir. Tète et tborax très
fortement ponctués, antennes noires. Abdo-
men d'un noir plus brillant que la tète et le
tborax, a pédicule très court. Pattes anté-
rieures et intermédiaires noires avec l'extré-
Fig. 4 6. — Chalcis minuta, pa- . . . ,
rasite de lu Pyrale, fortement mite des cuisses, la base des jambes, leur
grossi, extrémité et les tarses jaunes. Cuisses posté-
rieures renflées pour le saut, noires avec l'extrémité jaune; les tibias
noirs, à base et à extrémité testacées ; tarses d'un testacé pâle.
Monodontomcrus cuprseus. — Longueur 4 millim. Corps entièrement
bronzé ou cuivreux. Antennes noires à premier article vert. Tborax pubes-
cent. Abdomen lisse, luisant, comprimé latéralement. Pattes de la couleur
du corps. Cuisses postérieures renflées pour le saut, armées d'une dent à
l'extrémité en dessous ; hanches postérieures dentées. Ailes irisées avec le
stigma rembruni sur ses bords. Tarière de la longueur de l'abdomen.
Monodontomcrus nitidus. — Nous citons cette espèce d'après M. André,
mais elle nous est inconnue.
Pteromalus deplanalus. — Longueur 2 millim. à 2 millim. et demi.
Tête transverse, de la longueur du thorax, finement ponctuée, d'un bronzé
noir. Antennes noirâtres à premier article fauve; mandibules fauves.
Thorax large, déprimé, finement ponctué, à pubescence légère, d'un bronzé
noir ; métathorax court, étroit, subconique. Abdomen à pédicule très court,
de la longueur du thorax, mais un peu plus large, presque rond, un peu
déprimé pourtant, d'un brun doré, légèrement caréné en dessous, à pre-
mier segment d'un bronzé brillant, dernier segment arrondi chez le mâle,
en pointe chez la femelle. Pattes d'un fauve testacé avec les hanches et
souvent les cuisses bronzées. Ailes irisées.
LA PYRALE DE LA VIGXE. 223
Pleromalus communis. — Longueur 3 millim. Tête, thorax, abdomen
bronzés ou verdâtres ; antennes grêles, d'un brun noir, à premier article
testacé. Abdomen un peu plus long que le thorax, ovalaire, finissant en
pointe, très lisse. Pattes d'un fauve testacé à ongles noirs ; hanches de la
couleur du corps. Ailes hyalines.
Pleromalus cuprvus. — Longueur 4 millim. Cuivreux. Tète de la
largeur du thorax, ponctuée ; antennes noires à premier article testacé.
Abdomen de la longueur de la tète et du thorax réunis, conique, d'un cui-
vreux violacé. Extrémité et base des tibias testacés ainsi que les tarses.
Ailes hyalines.
Pleromalus ovalus. — Longueur 2 millim. 1/2. Bronzé; antennes noires,
à premier article testacé. Tète et thorax très finement ponctués. Abdomen
ovalaire, court, cuivreux, à base d'un vert brillant. Pattes testacées, à
cuisses rousses avec le milieu brun. Ailes hyalines.
Pleromalus larvarum. — Longueur 2 à 3 millim. Corps vert brillant.
Antennes de la femelle brunes à premier article, jaune. Tète verte, bouche
jaune. Thorax vert, glabre, brillant, finement ponctué. Abdomen de la
longueur de la tète et du thorax réunis, oblong, lancéolé, plan, aigu, très
lisse, d'un bronzé brun, avec une tache d'un bronzé noir au milieu. Pattes
jaunes, ailes hyalines. Chez le mâle, les antennes sont plus longues, de
teinte plus claire, le milieu des deuxième et troisième segments abdomi-
naux testacé et translucide; la base des cuisses, surtout des dernières, d'un
bronzé noir en dessus.
Eulophus pyralidium. — Cette petite espèce, créée par Audouin, n'a
pas môme 2 millim. de longueur. Son corps est d'un bronzé obscur; les
antennes noirâtres ; la tète et le thorax sont couverts d'une ponctuation
serrée et d'une légère pubescence. On remarque en outre un poil raidede
chaque côté du prothorax. L'abdomen, oblong, terminé en pointe, est très
luisant. Les pattes sont de la couleur du corps avec les tarses d'un fauve
testacé.
Melhoca formicaria. — Nous désignons sous ce nom, d'après les Cata-
logues récents, un petit hyménoptère rangé par Audouin dans la famille
des Proctotrupides et dans le genre Belhylus. Tous les entomologistes
actuels l'ont sorti de ce groupe, composé d'espèces lilliputiennes, dont un
grand nombre vit à l'état de larve, non pas dans les chenilles, mais dans les
œufs des Lépidoptères. Dès 1861, le colonel Goureau avait rapproché cet
insecte des Sphex, qui emmagasinent des chenilles pour nourrir leurs larves,
et c'est en effet dans la famille des Sphéyides qu'il est raniié aujourd'hui.
224 LA PYBALE DE LA VIGNE.
Auilouin a admirablement étudié, décrit et figuré ses métamorphoses, -et,
comme nous ne les avons jamais observées nous-mème, nous n'aurons
qu'à citer brièvement ce qu'il dit.
Comme le nom d'espèce l'indique, l'insecte ressemble un peu à une
fcurmi ailée. Le corps est allongé, étroit, noir, lisse. Les antennes d'un
jaune testacé avec le premier article noir et les derniers rembrunis. Les
ailes irisées, légèrement enfumées avec les nervures brunes, n'atteignent
pas le bout de l'abdomen. Les pattes testacées avec les hanches et les
cuisses noires. L'abdomen, noir brillant, est terminé eu pointe, ce qui, dès
le premier abord, distingue l'insecte des fourmis.
helilcihoca femelle saisit une chenille par la partie antérieure du corps
et la paralyse d'un coup d'aiguillon1 appliqué sans doute dans les ganglions
nerveux du thorax. Plusieurs œufs sont ensuite pondus sur la peau, et
bientôt de petites larves arrondies réniformes, d'un vert tendre, sortent de
ces œufs, et, plongeant aussitôt leur tète entre les anneaux de la chenille,
elles se nourrissent de sa substance. Bientôt toute la partie antérieure du
corps a pénétré dans celui delà victime; de réniforme, le parasite devient
oblong et de couleur jaune; puis enfin, s'allongeant de plus en plus, bien
que toujours courbé en forme de croissant, la couleur tourne au brun clair
vineux, avec une tache foncée à l'extrémité du corps. La larve adulte,
longue d'environ 6 millim., quitte sa victime pour se filer à côté d'elle,
sur les feuilles, un petit cocon d'un blanc sale, dans lequel ou aperçoit
bientôt la nymphe de couleur jaunâtre qui, par sa forme, rappelle entière-
ment l'insecte parfait. Les cocons de toutes les larves, c'est-à-dire cinq à
six, qui ont dévoré une chenille, sont filés côte à côte sous une coque com-
mune qui les laisse voir par transparence. De cocons filés le 2 août, dit
Audouin, sont sortis, le 15 du même mois, des insectes ailés.
Ceux-ci passent l'hiver. Au printemps, ils sont communs sur les ceps
infestés de Pyrales, où on les voit courir avec agilité.
Eumenes zonatus. — Il nous reste à parler d'un Hymênoptère de la
famille des Diploptères, voisin des guêpes, qui construit, contre un arbre
ou contre nn mur, un nid en terre gâchée, à cellule arrondie à l'intérieur,
y emmagasine des chenilles de P y raies paralysées d'un coup d'aiguillon et
dépose sur le tas un œuf d'où sortira sa larve. Celle-ci, à sa naissance,
trouve à sa portée une proie sans défense et qui, n'étant que paralysée,
1 Audouin dit : la lue ; mais les belles études entomologiques de M. Fàbresur
la manière dont les Sphegides conservent fraîche la proie destinée à leurs larves
nous autorisent à dire que le MeUwca paralyse la sienne d'un coup d'aiguillon.
LA PYRALE DE LA VIT. NE. 225
reste vivante et fraîche jusqu'à ce que, la provision épuisée, le parasite se
transforme en nymphe.
L'insecte parfait ressemble, comme taille et comme forme, à notre petite
guêpe commune [Polistes gallicus), mais sa robe a beaucoup moins de
jaune. Il est long d'environ 2centim., noir, la tète et le thorax rugueux
et couverts d'une pubescenre grise. L'extrémité du labre ou lèvre supé-
rieure est jaune, ainsi qu'une tache à la base des mandibules. Les antennes
et les pattes sont noires, les ailes enfumées. Le premier segment abdominal
est en forme d'entonnoir, avec le bord de la partie élargie jaune, la partie
étroite forme le pédoncule de l'abdomen. Les deuxième et troisième seg-
ments, c'est-à-dire les plus larges, portent à leur partie postérieure deux
bandes transversales jaunes.
Tels sont les principaux ennemis de la Pyrale, ceux qui, à un moment
donné, peuvent arriver à faire rentrer l'insecte-fléau dans le rang des es-
pèces indifférentes. Nous devions les étudier pour avoir une idée des
moyens puissants que la nature emploie pour maintenir l'équilibre des es-
pèces. Mais le viticulteur ne pouvait se contenter de ces moyens curatifs,
dont l'action ne se fait parfois sentir qu'au bout de plusieurs années et qu'il
ne peut diriger. Il en a cherché de plus efficaces, lui permettant d'obtenir
chaque année une récolte malgré la Pyrale, et il lésa trouvés.
IV. — LUTTE CONTRE LA PYRALE.
De temps immémorial1, on a combattu les ravages de la Pyrale par
i'écbenillage ; mais le remède se montrait toujours peu efficace. Ce n'est
guère qu'en 1842, époque de la publication du livre d'Audouin, que la lutte
contre l'insecte a été entreprise d'une façon rationnelle par la plupart des
viticulteurs atteints. Non pas que les procédés conseillés par le savant
professeur du Muséum aient été reconnus parfaits; mais c'est à partir de
ses études, effectuées, comme nous l'avons dit, au milieu même des popu-
lations éprouvées par le fléau, que l'attention de tous s'est portée vers
cette lutte, considérée, alors seulement, comme possible. C'est à cette
époque qu'un procédé vraiment efficace et peu coûteux, l'échaudage, pra-
tiqué depuis 1828, mais soigneusement tenu secret, fut étudié et conseillé
par la Société académique de Mâcon. Audouin parle de plusieurs procédés
qu'il a fait expérimenter, tous avec le plus grand soin, en comparant les
résultats obtenus et le prix de revient des opérations. Nous pouvons citer
1 Dr Companyo -, Notice sur les Insectes qui ravagent les vignes des Pyrénées-
Orientales. Perpignan, 1839.
15
226 LA PYRALE DE LA VIGNE.
l'échenillage, l'ébourgeonnage, l'écimage, le recepage, l'enlèvement des
chrysalides, les badigeonnages insecticides, l'écorçage, les feux crépuscu-
laires, l'enfouissement des souches, le soufrage des échalas et la cueillette
des pontes.
De ces divers moyens, les trois derniers seuls ont donné des résultats
sérieux et méritent d'être mentionnés avec quelques détails .
L'enfouissement des souches en hiver reposait sur ce principe rationnel,
qu'une chenille craignant l'humidité, ayant grand soin de se réfugier sous
les écorces élevées du cep, doit être tuée par un séjour prolongé dans le
sol; mais si, dans la Charente-Inférieure, l'opération s'est montrée efficace
sur certains points, la taille spéciale exigée et le peu de produits des vignes
ainsi traitées firent renoncer au procédé.
Dans les pays où la vigne est soutenue par des échalas, le traitement de
ceux-ci par l'acide sulfureux (fumée de soufre) dans un cylindre de tôle
galvanisée détruisait toutes les petites chenilles réfugiées dans les fissures
du bois, c'est-à-dire environ un tiers de la totalité, et Audouin a constaté
que, jointe à l'échenillage pratiqué de tout temps, l'opération avait des
résultats heureux souvent très appréciables.
De tous les moyens expérimentés par le professeur du Muséum, la
cueillette des pontes s'est toujours montrée le meilleur. Ce sont MM. Des-
vignes et Delahanle, de Romanècbe, qui les premiers, en 1837, ont appli-
qué le procédé sur une grande échelle. C'est chez eux qu'Audouin a fait
ses expériences, répétées à Perpignan par le Dr Companyo ; mais l'idée
première est due à un vigneron de Lancié, nommé Claude Tardy, qui dès
1836 l'avait appliqué dans ses vignes1. Les œufs, comme nous l'avons dit,
déposés par plaques, fin juillet, sur la face supérieure des feuilles, étaient
facilement aperçus par l'ouvrier qui, visitant les souches à trois reprises
différentes pendant la première semaine d'août, arrivait à n'en oublier que
fort peu. Un ouvrier exercé récoltait ainsi en moyenne de 2 à 3,000 pontes
dans ea journée, ce qui, d'après les calculs d'Audouin, produisait la des-
truction de 150,000 œufs par ouvrier et par jour. Le prix de revient par
hectare, qui était, vers 1840, de 60 à 70 fr., s'élèverait environ au double
aujourd'hui ; mais l'efficacité reconnue du procédé l'eût certainement fait
adopter par tout le monde si des moyens plus économiques et encore plus
énergiques, tels que l'échaudage et la sulfurisation, n'étaient entrés dans
la pratique viticole.
1 Le Comice agricole de Beaujeu, appelé à constater les heureux résultats de
ce travail, a décidé, dans sa séance du 8 janvier 1838, qu'il serait accordé à ce
cultivateur une prime d'encouragement de 200 fr.
LA PYRALE DE LA VIGNE. 227
Echaudage. — C'est en 1840 seulement, qu'un propriétaire de Ro-
manèche, nommé Raclet, s'est décidé à faire connaître le procédé de l'é-
chaudage, qu'il avait appliqué avec succès dès 1828 et qu'il avait tenu secret
jusqu'alors '.
La Société académique de Mâcon, dont plusieurs membres avaient de
Fig. 47. — Appareil pour détruire la Pyrale : A chaudière portative ; B entonnoir
pour la remplir; C soupape de sûreté avec sifflet avertisseur ; D robinets ; E E
crochets pour le transport ; F foyer -,
G cafetière pour ébouillanter ;
F tonneau à pétrole coupé pour la sulfurisation.
suite apprécié la réelle valeur de l'eau bouillante comme insecticide,
nomma, dans sa séance du 10 février 1842, une commission pour étudier
la méthode, et les conclusions de son Rapport furent les suivantes : « La
Commission n'bésite pas à déclarer que le procède de M. Raclet lui parait
un moyen sinon infaillible de détruire la. Pyrale, du moins le plus avanta-
1 Ladrey ; La Bourgogne [Revue viticole, 18(31. pag. 35).
228 LA PYRALE DE LA VIGNE.
yeux, Je plus simple et le plus économique de tous ceux employés jusqu'à
ce jour; qu'il est susceptible d'être appliqué en grand dans tous nos vigno-
bles, et qu'il ne saurait nuire en rien à la végétation . »
Depuis lors, l'usage d'ébouillanter les ceps n'a cessé de se répandre, et
si le procédé de la clocbe avec mèche soufrée, dont nous parlerons, est
employé dans certaines contrées, on peut dire que l'échaudage est préféré
dans la plupart des régions viticoles de la France.
Pour décrire l'appareil et le traitement, nous emprunterons de nom-
breux détails à deux sources autorisées : l'Instruction spéciale concernant
la Pyi*ale, dont M. Heuzé, inspecteur général de l'Agriculture, est l'au-
teur, et le travail sur la Pyrale, bien connu en Languedoc, de M. Jaussan.
vice-président du Comice agricole de Béziers1 .
L'eau est portée à l'ébullition dans une petite chaudière verticale (fig. 47)
munie par côté de deux crochets servant à passer deux barres de bois pour
son transport facile dans les vignes. Eu dessus, se trouvent un entonnoir
d'alimentation et une petite soupape de sûreté surmontée d'un sifflet
d'alarme; en bas, un ou deux robinets, suivant les dimensions de la chau-
dière. A l'intérieur, un serpentin traversant le foyer amène un échauffe-
ment rapide de l'eau, et la cheminée qui donne issue à la fumée traverse
dans certains instruments un petit réservoir supérieur où l'eau d'alimenta-
tion commence à s'échauffer.
Dès que le sifflet d'alarme se fait entendre, ce qui arrive toujours peu de
temps après le premier moment d'ébullition, un des ouvriers remplit d'eau
bouillante une cafetière en fer-blanc, d'environ un litre (fig. 47 G), munie
d'un bec effilé et enveloppée au besoin de lisières de drap pour la conser-
vation de la chaleur. Il la verse promplement sur le tronc et successivement
sur chaque bras de la souche, en opérant de bas en haut et en évitant de
mouiller les yeux des coursons. Sur un cep de dimension moyenne, le
contenu entier de la cafetière doit être employé. Il doit être dépassé si la
souche est forte.
L'eau doit être bouillante, tout au moins à 80° quand elle arrive à sa
destination, afin qu'elle puisse dissoudre rapidement la gomme des coques
soyeuses logées dans les écorces fissurées des ceps et tuer les petites che-
nilles. On opère par un temps beau et doux, de janvier à mars de préfé-
rence, et toujours après la taille. De peur que l'eau n'arrive pas assez
chaude sur l'insecte, il faut éviter d'opérer pendant les temps de gelée et
de pluie.
En Bourgogne, deux ouvriers suffisent pour faire fonctionner l'appareil.
1 L. Jaussan ; De la Pyrale et des moyens de la combattre. Béziers, 1882.
LA PYHALE DE LA VIGNE. 229
L'un, le chauffeur, alimente d'eau la chaudière et entretient le feu; l'autre,
l'arroseur, verse l'eau bouillante sur le cep. Deux ouvriers habitués à ce
travail peuvent traiter par jour de 1,500 à 2,000 ceps.
Quand le vignoble est éloigné de l'eau, on apporte celle-ci à l'aide d'une
barrique qu'on place le plus près possible de l'eadroit où l'on opère. L'é-
ebaudage bien exécuté ne nuit jamais à la vigne et la débarrasse de toute?
ses chenilles de Pyrale. Leséchalas sont ébouillantés comme les ceps.
En Languedoc, selon M. Jaussan, pour servir une chaudière, il faut un
homme et cinq femmes pour distribuer l'eau ; une d'elles aide l'homme à
changer l'appareil de place. Il faut de plus, si l'on a deux chaudières, deux
hommes transportant l'eau du réservoir à pied d'oeuvre. En admettant une
distance de 2 kilom. de la vigne à l'endroit où l'eau est puisée, il faut, pour
deux chaudières, une charrette à un cheval et son conducteur pour amener
les barriques pleines.
Pour arriver à un résultat satisfaisant, on doit placer la chaudière au
centre d'un carré de quatorze souches, de façon à avoir sept souches devant,
autant derrière et de chaque côté. La distance la plus grande à parcourir
sur les perpendiculaires, quand la vigne est plantée à lm,50, est alors de
9m,7o, et dans les diagonales de I5m,75.
Cette chaudière est munie de deux robinets par lesquels s'écoule l'eau.
Aussitôt qu'une cafetière est remplie, le chauffeur doit verser une quantité
égale d'eau froide dans la chaudière. Cela est très important, car ainsi l'é-
bullition ne s'arrête pas, tandis que, si l'on enlevait plusieurs litres et qu'on
remit en une seule fois la même quantité d'eau froide, il y aurait du temps
perdu pour attendre l'éhullition.
Quand ou a terminé le carré formé par les quatorze souches de côté, on
transporte la chaudière quatorze rangées en avant. Eu partant, le chauffeur
doit mettre sa chaudière au plein et ajouter un peu de charbon : l'ébullition
ainsi ne s'arrête pas, ou a repris quand la nouvelle installation est terminée ;
on recommence delà même façon, et ainsi de suite. La journée terminée, le
chauffeur doit abattre sou feu et, si la gelée est à craindre pendant la nuit,
vider sa chaudière. Il doit même la renverser en cas de bourrasque de vent,
ou tout au moins enlever le tuyau.
Certains propriétaires ont modifié le système de distribution d'eau
bouillante d'une manière très avantageuse. Trouvant de la difficulté à se
procurer le nombre de femmes voulu pour l'opération, ils suppriment les
cafetières et ébouillantent directement la souche au moyen de tuyaux en
caoutchouc placés a chacun des robinets. Avec cette organisation, l'équipe
se compose du chauffeur et de trois femmes seulement. Une des femmes
aide a transporter la chaudière, met a pied d'oeuvre l'eau et le charbon ré-
230 LA PYRALE DE LA VIGNE.
partis dans les vignes par les ouvriers chargés de ce soin, et les deux autre?
manient rhacune un des tuyaux en caoutchouc, qui sont munis à leur
extrémité d'une petite lance en fer-blanc de 40 à 50 centim. de long et ter-
minés par un bec recourbé.
Il faut changer plus souvent la chaudière de place qu'avec le système des
cafetières. Si en effet on maintenait la disposition des 14 souches en carré,
il faudrait, pour atteindre la dernière souche de la diagonale, un tuyau de
16 met., qui serait gênant. On réduit le carré à 8 souches de côté, et un
tuyau de G"1, 50 est suffisant pour atteindre l'extrémité de la diagonale.
Pour opérer, le chauffeur ouvre les deux robinets, et l'eau s'écoule parles
tuyaux ; son passage est très rapide, étant donnée la tension de la vapeur
dans la chaudière; il est facile du reste d'augmenter encore cette pression en
chargeant la petite soupape de sûreté. La femme procède à l'ébouillantage
et va d'une souche à l'autre sans discontinuer, sans perte de temps. Une
fois le carré terminé, le chauffeur, prenant les mêmes précautions, porte la
chaudière huit rangées en a vaut. Les femmes chargées des tuyaux les
tiennent ramassés dans la main, en ayant soin de tenir la lance un peu élevée.
Pour remplacer l'eau chaude employée, le chauffeur n'a pas, comme avec
la cafetière, une base bien exacte, mais il y supplée bien vite par un peu
d'observation.
Les avantages de cette méthode sont sensibles : d'abord on a toujours de
l'eau à une température très élevée, 96° environ à la sortie des tuyaux ;
ensuite la force avec laquelle elle jaillit permet d'atteindre aisément les
parties horizonlales des ceps, sur lesquelles l'eau des cafetières ne peut arri-
ver qu'en glissant, et, ce qui est surtout avantageux, on a un personnel
moins nombreux.
Le moment le plus propice en Languedoc est du commencementde février
à la fin de mars, jusqu'au moment où. la vigne débourre. A cette époque, la
température, plus douce, refroidit moins rapidement l'eau et augmente les
chances de succès.
«J'ai voulu me rendre compte, dit M. Jaussan, de la perte occasionnée
par l'absence de traitement dans un quartier habituellement envahi. J'y suis
parvenu de la façon la plus sûre. Dans une vigne, je pris un lot de 24 ran-
gées, que je subdivisai en trois lots de 640 souches chacun. La première
année, le lot n° 1 fut traité, les n06 2 et 3 ne le furent pas. La seconde année,
les nos 1 et 2 furent traitées, le n° 3 ne le fut pas.
Ainsi, j'avais le lot u° 1 traité deux fois.
— n° 2 — une fois.
— n° 3 non traité.
LA PTRALE DE LA VIGNE. 231
Les raisins provenant de chacun de ces lois furent pesés séparément, et
il fut trouvé :
Lot n° 1 1-9Gi kil°8r'
- n"2 1-745 -
_ n°3 1-426 -
Il y eut donc perte de 219 kilogr. sur le lot n° 2 resté un an sans trai-
tement, et de 538 kilogr. sur le lot n° 3 non traité pendant deux ans.
Le prix de revient de l'opération en Languedoc, étant donné le nombre
de 4,000 souches à l'hectare, est au maximum de 60 fr. l'hectare si les sou-
ches sont très fortes, très crevassées, et de 38 fr. si les souches sont jeunes,
soit une moyenne de 40 fr. l'hectare. Nous ne pouvons mieux faire, du
reste, que de citer un des calculs de prix de revient de M. Jaussan.
«Cette année (1882), dit-il, j'ai traité 256,915 souches, dont 152,600
très fortes et 104,315 moyennes ; le détail de ma dépense a été :
13.720 kilogr. charbon 466 fr. 50
erg en
Transport °~ ,JU
546 journées de femmes à 1 fr. 90 • • 1-037 40
401 _ d'hommes à 3 25 1-303 25
46 — surveillant à 2 75 126 50
36 — de mule à 3 » 1°5 »
Amortissement de 4 chaudières et réparations ... 200
Tuyaux caoutchouc (durée 2 ans) 72
3.363 fr. 15
«Chaque chaudière a fait par jour 1,412 souches; le prix de revient par
1,000 souches a été de 13 fr. 09, et par hect. de 52 fr. 36.»
En résumé, la dépense est minime en comparaison de la perte qui résul-
terait du non-traitement.
Nous devons dire toutefois que ce prix de 52 fr. 36 doit être augmenté
pour les vignobles renfermant plus de 4,000 ceps à l'hectare (jusqu'à
50,000), et c'est le cas de tous ceux qui sont en dehors de la région de
l'olivier.
En Bourgogne, d'après M. André, on a calculé qu'il revient de 115 à
120 fr. 1 hectare, y compris l'échaudage des échalas. A ce prix, on a encore,
d'après les calculs de M. Jaussan, grand bénéfice à échauder ; car si le bé-
néfice de l'opération est d'euvirou 175 fr. l'hectare, tous frais déduits, pour
le Languedoc, il doit être au moins d'autant en Bourgogne, vu la plus-
value du vin.
Nous avons dit que dans les pays où l'on échalasse la vigne, on ébouil-
lantait les échalas aussi bien que les ceps. On peut aussi les échauder a la
232 LA PYRALE DE LA VIGNE.
vapeur; c'est même, dit M. André, le moyen le plus employé aujourd'hui
en Bourgogne. Pour cela, on se sert d'une chaudière légèrement modifiée,
dans laquelle le tuyau de fumée, à sa sortie, est un peu élargi de façon à
recevoir un petit serpentin dans l'intérieur duquel circule la vapeur puisée
dans la chaudière. On amène cette vapeur, qui est à une température
moyenne de 120°, dans une vaste caisse de hois où se trouvent emmaga-
sinées plusieurs centaines d'échalas. Ceux-ci atteignent bientôt 80 ou 90°,
et tous les insectes qu'ils peuvent contenir dans leurs fissures sont tués.
Sulfurifation. — Ce procédé, appelé aussi clochage, consiste à mettre
la souche dans un milieu irrespirable pendant un temps assez long pour
tuer l'insecte, assez court pour ne pas nuire aux bourgeons. C'est l'acide
sulfureux (fumée de soufre) qui a été reconnu l'agent le plus économique
et le plus commode à employer.
L'idée n'est pas nouvelle : dès 1837, Audouin, nous l'avons vu, l'avait
appliquée à la désinfection des échalas, et il est étonnant qu'étant ainsi sur
la voie d'un moyen économique et très efficace pour débarrasser la souebe
elle-même, il n'ait pas eu l'idée d'en faire l'essai.
Pour opérer, on couvre le cep avec une cloche de zinc ou un demi-baril
de pétrole muni de deux auses (fig. 47 H) sous lesquels on fait brûler du
soufre, en ayant soin de ramener la terre tout autour pour ne pas laisser
perdre le gaz sulfureux.
Le grand avantage de la sulfurisation, dit M. Jaussan, est de n'exiger
qu'un personnel très peu nombreux, et de pouvoir être employée à une
époque où les autres travaux agricoles ne doivent pas être exécutés à
jour fixe.
Un ouvrier peut aisément manœuvrer vingt cloches. Chacune de celles-
ci restant dix minutes sur la souche, il en fait six à l'heure et quarante-
huit par journée de travail de huit heures. Les vingt cloches feront donc
960 souches par journée ; 900 tout au moins .
Si l'on fonctionne pendant trois mois, admettant seulement vingt jours
de travail par mois, soit 60 jours, un seul ouvrier avec ses vingt cloches
traitera 54,000 souches, soit 13 hectares 50 (nous parlons de l'Hérault,
bien entendu) .
Les cloches doivent être en métal peu oxydable, en zinc par exemple, et
munies de deux poignées pour en faciliter la manœuvre. Leur dimension
doit êti-e en rapport avec le développement des souches. Le prix de chaque
cloche est de 1 0 à 1 2 francs .
On emploie indifféremment des mèches soufrées ou du soufre en canon
concassé. Ce dernier est beaucoup moins cher et doit être préféré. L'ou-
LA PYRALE DE LA VIGNE. 233
vrier, après avoir mis ses vingt cloches en ligne, pose sur chacune d'elles
un petit vase en métal ou en poterie très bon marché, dans lequel il amis
quelques morceaux de soufre de la grosseur d'une noix, ou mieux d'une
noisette, 25 grammes environ. La forme de ce récipient n'est pas indiffé-
rente. Il doit être cylindrique, de 0m, 10 sur 0m, 10 ; lorsqu'il est plat et
peu profond, une partie du soufre se liquélie sans fournir tout l'acide
sulfureux voulu.
L'ouvrier allume tous ses vases renfermant du soufre; lorsque la com-
bustion se fait bien, il constate l'heure à sa montre, cl, prenant le premier
vase, il Je pose au pied de la première souche de la ligne, qu'il recouvre
aussitôt avec la première cloche ; il fait île même pour la deuxième, et ainsi
de suite. Le changement des vingt cloches ne dure pas plus de quatre mi-
nutes. Une fois la vingtième cloche eu place, l'ouvrier remonte vers la pre-
mière, et dans son trajet, si quelqu'une laisse échapper de la fumée, il ramène
un peu de terre avec le pied pour boucher la fuite .
Arrivé à son point de départ, il allume un des réchauds en sus des vingt
qui servent à la manœuvre, et, dès que dix minutes se sont écoulées, il
le dépose au pied de la première souche de la seconde rangée et la couvre
avec la première cloche. Il ramasse le réchaud laissé à découvert, y ajoute
un peu de soufre, 20 à 25 grammes, le met au pied de la seconde souche
de la deuxième rangée, la recouvre aussitôt, et aiusi de suite. Le change-
ment de la vingtième cloche fait, il lui reste un des réchauds qu'il garnit
pour la première souche de la troisième rangée. Cette opération, on le
voit, est extrêmement simple ; quelques précautions seulement doivent être
prises .
Quand on quitte le travail, soit à l'heure des repas, soit à la fin de la
journée, il faut bien se garder de laisser les cloches sur les souches; on
doit les enlever et les déposer dans les intervalles des rangées. Le séjour
trop prolongé des souches dans l'acide sulfureux produirait sur elles le
même effet que sur les Pyrales, elles seraient asphyxiées. On a constaté
bien souvent que des lignes entières ue poussaient pas : c'étaient celles que
l'on se rappelait avoir laissées couvertes pendant la durée des repas.
Il faut s'abstenir de traiter immédiatement après les pluies ; l'eau ayant
la propriété d'absorber une très grande quantité d'acide sulfureux, le
traitement ne serait que peu efficace. Il faut laisser la terre se ressuyer ù
la surface, et, si elle était encore mouillée, augmenter un peu la quantité
de soufre.
Il est bou que la vigne soit déchaussée, ou bien qu'on y ait fait passer
la gratteuse. La terre étant ameublie, les fuites sont moins considérables,
et si l'ouvrier a le soin, quand la cloche est posée, de lui donner un petit
234 LA PYRALE DE LA VIGNE.
mouvement circulaire en appuyant dessus, l'obturation est aussi complète
que possible.
Par un temps calme et beau, on est dans les meilleures conditions; un
vent violent est préjudiciable.
Le prix de revient, amortissement du matériel compris, est moins élevé
quand on emploie le soufre en canon que lorsqu'on se sert de mèches sou-
frées. On peut l'établir ainsi par bectare :
Avec le soufre en canon.
104 lui. soufre à 23 fr. (25 gram. par soucbe) .... 23 fr. 90
Main-d'œuvre 15 50
Amortissement 4 60
44 fr. »
Avec les mèches soufrées.
4,000 rrècbes à 0 fr. 0127 (37 fr. les % kil. port
compris et 29 mèches au kil.) 50 fr. 80
Main-d'œuvre 15 50
Amortissement 4 60
70 fr. 90
En 1882, 113,600 souebes ont été ainsi traitées par M. Jaussan, et
ebaque équipe a fait par jour 904 souebes.
L'amortissement des cloches est calculé sur une durée de quatre années.
Telle est, en résumé, cette opération du clochage, si bien décrite par
M. Jaussan. Elle est en usage un peu aux environs de Béziers et beau-
coup dans ceux de Montpellier, surtout dans le quartier-général de la
Pyrale, qui, comme du temps d'Audouin, continue à être les communes de
Mire val, de Vie et de Ville.ieuve-les-Maguelone. Malgré ses avantages
réels, cette métbode ne remplacera jamais, croyons-nous, l'écbaudage dans
les pays où la vigne est plantée beaucoup plus serrée que dans l'Hérault,
encore moins dans ceux où on la plante en cordon .
En Bourgogne, par exemp'e, où la plantation est faite à raison de 12,500
à 50,000 ceps à l'bectare (Foëx, Cours complet de Viticulture, pag. 733),
la manœuvre des cloches, vu le rapprochement des souebes, serait difficile,
et un ouvrier ne ferait guère plus d'un bectare, en travaillant pendant
60 jours. 50,000 souebes, on s'en souvient, font environ treize hectares en
Languedoc. L'écbaudage continuera donc probablement à être préféré
partout où la vigne est plantée serrée, autrement dit dans les vignobles à
vins fins.
CHAPITRE X.
LA COCHYLIS DE LA VIGNE1
(Tortrix (Cochylis) ambiguella Hubner.)
Synonymie. — Teigne de la vigne Rozier(1771 ; Tinca ambiguella
Hubner (179G); Tinta omphaciella Faure Biguetet Sionest(1802) ; Tinea
«l'a? Menning (1811) ; Pyralis ambiguella A. Forel (1825) ; Tortrix Rosc-
rana Frœlirh (18-29) ; Cochylis Roscrana Treitzchke (1830) ; Teignede la
vigne Dagonet (1837) ; Tinca ucellaXaUol (1837) ; Cochylis omphaciella
Audouin (1842) ; Cochylis Roserana Duponcbel (1844).
Noms vulgaires : Ver rouge (Bourgogne), Ver coquin (vallées du Rhône
et de la Saône) , Ver de la vendange (Champagne), Teigne des grains ou de
1 BiBLicGRAPinr. — Bonnet; Œuvres complètes, tom. I, pag. 3G7, 1710. —
Rozier; Des Insectes essentiellement nuisibles à la vigne (Journal de Physi-
que, 177 IL — Hubner: Recueil des Papillons d'Europe, 179G. — Faure
Biguet et Sionest ; Mémoire sur les Insectes nuisibles à la vigne. Lyon, 1802.
— Von Menning ; Mon oire sur un Insecte très nuisible qui s'est naturalisé
dans Vile de Reichtnau, lac de Constance, 1811, et 2e édit., 1810. — Bosc ;
Rapport sur une Teigne vivant aux dépens des bourgeons de la vigne et des
grains de raùins (Annales de l'Agr. française, 1812).— Alexis Forel ; Mé-
moire sur le Ver destructeur de la vigne, avec planche (Feuillu du canton de
Vaud, Î825). — Frœlich ; Enumeralio Tortricum in regno Wurtembergicn.
1829. _ Vallot; Mémoire pour servir à l'histoire des Insectes ennemis de la
vigne (Acad. de Dijon, 1841 ; Soc. d'Agr. de Lyon, 1841 ; Revue et Magasin de
Zcol., 1840).— Bugnion, Blanchet et Forel; Mémoire sur quelques Insectes
nuisibles à la vigne dans le Canton de Vaud (Neue Denkschrift Allgem. Schweiz
G( sellsch., 1841).— Audouin ; Histoire des Insectes nuisibles à la vigne, 1842.
— Sauzey ; Mémoire sur la Cochylis omphaciella et moyens de la détruire
(Ann. Sac. Agr. de Lyon, 1847). — Kollar ; Ueber Weinbeschadigung durch
einen Meinen Nachlfalter, Tortrix Roscrana, in dm Weing&rten von Brum
nœchsl Mxdling (Stizungsber. Akad. Wissensch. Wien, 1850).— Laboulbéne ;
La Cochylis Roscrana à Yillefranche (Bull. Soc. entom. de France, pag. 90.
236 LA COCHYLIS DE LA VIGNE.
la grappe (environs de Paris. Dans le midi de a France, on dit générale-
ment Cochylis.
Sans être aussi longue que celle de la Pyrale, la synonymie de la Cochylis
est, on le voit, assez compliquée. Nous avons adopté le nom admis par la
plupart des entomologistes modernes, celui qui est porté sur le Catalogue
des Lépidoptères de la Faune européenne de MM. Staudioger et Wocke.
Le sous-genre Cochylis a été créé par Treilzchke pour les Torlrix qui
ont la nervure costale 7 (à partir du bord interne) soudée avec la nervure 8,
sur une tige commune, comme bifurquée. L'aile inférieure est un peu lan-
céolée, par suite de l'apex très arrondi et de l'angle interne fortement dé-
primé (De Peyerirnlioff, Soc. eut. de Fr., 1876, pag. 561 et 575).
Les ravages de la Cochylis sont moins célèbres et en réalité moins graves
que ceux de la Pyrale. Rarement l'insecte s'établit pour toujours dans une
contrée ; il change facilement de localité, et tel quartier qui aura été éprouvé
une ou plusieurs années de suite pourra rester u:i demi -siècle sans revoir
le fléau.
Lorsque l'insecte reparait, le souvenir même en est parfois perdu, de
sorte que bien souvent ce petit Lépidoptère nous est envoyé comme nouveau
de pays où jadis il avait déjà exercé ses ravages.
Si l'on consulte les annales agricoles de toutes les contrées viticoles, on
constate que l'aire géographique de cette espèce est plus étendue que celle
de la Pyrale. Elle est toutefois moins localisée que cette dernière, et fort
heureusement il est très rare qu'on ait à lutter contre les deux chenilles à
la fois. Certaines régions cependant sont plus souvent attaquées que d'au-
tres. En France actuellement, comme du temps de l'abbé Rozier, le Ver
coquin, bien que se montrant souvent dans l'Ouest, fait surtout parler de lui
chaque année sur quelques points de la Champagne, de la Bourgogne, du
Beaujolais et du Dauphiné. Dans cette dernière région, d'après M. Rougier,
professeur d'Agriculture de l'Ardèche, c'est la vallée de l'Isère, jusqu'en
Savoie, qui est le plus souvent ravagée. Aux environs de Paris, le quartier le
plus atteint parait être le territoire de la commune de Puteaux, et dans les
vignobles de la Lorraine les environs de Metz et de Bar-le-Duc. Dans la
1857). — Bach; Ueber Cochylis Roserana die Wienmotte (Natur. und Oflenba-
ruog, tom. IV, pag. 254, 1858). — Forel ; Société Linnécnne de Lyon, 1860. —
Goureau ; Insectes nuisibles, supplément (Bull, des Se. hist. et nat. de l'Yonne,
1863).— Boisduval ; Entomologie horticole, 1867.— Coret ; Bull. Soc.
entotn. de France, 1868. — De Feyerimhoff ; Organisation extérieure des
Tordeuses (Soc. ent. de France, 1876). — André; Les Parasites et les Maladies
de la vigne, 1882. — Targioni-Tozzetti ; Relazione delta Stazione cli Ento-
mologia agraria di Firenze, 1884.
LA COCHYLIS DE LA VIGNE. 237
région de l'olivier, l'insecte se montre tic temps en temps un peu partout;
mais les plantations faites depuis une dizaine d'années dans les sables du
littoral méditerranéen semblent être actuellement ses quartiers préférés.
Si nous parlons de l'étranger, les parages les plus atteints de l'Alle-
magne sont, d'après M. Von Heyden, les vignobles de la vallée du Rhin ;
en Suisse, les bords des lacs de Constance et de Genève; en Russie, la
Crimée. D'Autriche, le parasite nous a été signalé comme très nuisible par
M. Bollé; de Hongrie, par M. Horvatb. En Italie, d'après M. Targioni,
bien que l'insecte soit parfois signalé dans le Sud, la Toscane et l'ancien
Piémont restent les régions les plus attaquées. Pour l'Espagne, l'espèce
est comprise dans la liste d'ampélophages que M. Graëlls a bien voulu
dresser pour nous, mais elle n'est pas notée parmi les grands ravageurs.
Nous dirons enfin que nous ne la voyons pas figurer dans la liste envoyée
par M. Gennadius (d'Athènes). Elle est remplacée en Grèce par d'autres
espèces.
En résumé et quoi qu'en disent certains auteurs, l'insecte paraît se
montrer plus fréquent dans les vignobles du nord que dans ceux du midi de
l'Europe ; c'est du reste dans le grand-duché de Bade et en Suisse qu'il a
été tout d'abord observé d'une façon certaine.
I. — HISTORIQUE.
La Cochylis était-elle connue des anciens? Il est permis de le croire.
mais on peut penser aussi que plusieurs insectes désignés sous les noms
ô'Involvulus, de Convolvidus et de Volucra pouvaient être aussi bien la
Pyrale que la Cochylis ou d'autres espèces encore. Pline et Columelle,
cependant, en se servant indifféremment des mots Volucra et Avança ou
Araneus pour un animal qui enveloppait de fils le grain de raisin elle man-
geait, semblent avoir voulu parler de la Cochylis, le seul ampélophagequi
agisse ainsi. Au xvie siècle, Aldrovande1 (De Insectis, pag. GOOJ cite un pas-
sage de Pline sous le titre de Araneus vilium. Les traducteurs, dit M.Vallot,
n'ayant aucune connaissance de la Cochylis, ont traduit le mot (.V Araneus
par celui d'Araignée; or aucune araignée ne détruit (absumit) ou ne ronge
[prserodit) les grains de raisins.
D'après le Dr Menning, qui fut chargé en 181 1, par le gouvernement
du grand-duché de Bade, d'aller étudier la Cochylis dans l'Ile de Reichenau
(lac de Constance), et qui la redécrivit alors sous le nom de Tinea uvx,
1 Ou Aldrovandi.
238 LA COCHYLIS DE LA VIGNE.
l'insecte était connu dans cette localité depuis 1713, année où il exerça des
ravages restés célèbres.
En 1740, les dégâts causés par la Cochylis sur les vignes des environs
de Genève fixèrent l'attention de Bonnet, qui, sous le titre de : Une petite
chenille qui vit dans l'intérieur des grains de raisins, la décrit suffisam-
ment pour qu'elle puisse être reconnue.
Pazumot, en donnant à l'Académie de Dijon (7 juillet 1769) la descrip-
tion du Ver, qui au printemps de cette même année attaqua les raisins dans
les vignes de l'Auxerrois, du Tonnerois, du Senonois, signalait, sans le
savoir, la première génération de notre insecte.
Beguillet, dans son Œnologie (1770), parle ainsi du Ver de la vigne: «Si
le vigneron remarque que le raisin à peine noué a de la peine à défleurir et
surtout qu'il soit entortillé des soies de l'insecte connu en Bourgogne
sous le nom de Mazar, il caresse le rnisin pour en détacher les pétales des-
séchées, et les toiles des insectes, qui causent tant de préjudices aux vignes. »
D'après l'abbé Rozier (1771), l'insecte a reçu son premier nom latin
d'Adanson, qui l'appelait Phalxna scutella. «C'est l'insecte, dit Rozier,
dont la chenille est le Ver coquin;'\\ se trouve principalement dans les pro-
vinces de Champagne, Bourgogne, Beaujolais, Lyonnais et Diuphiné. »
En 179G, Ilubner, dans ses Papillons d'Europe, donna le premier une
description détaillée de l'espèce, avec figures, sous le nom de Tinea ambi-
guellu, et Pallas, en 1799 [Voyage en Russie), la signale comme exerçant
des ravages dans les vignes de la Crimée.
En 1802, nouvelle description de l'insecte par Faure Biguet et Sionest
sous le nom de Tinea omphaciella . Celui de Tinea uvœ, donné par Men-
ning, date, nous l'avons dit, de 1811, et celui de Tortrix Roserana, donné
par Frœlich, de 1829. Ce dernier auteur avait étudié l'insecte sur des
exemplaires rapportés des environs de Stuttgard par Roser, naturaliste
officiel du royaume de Wuttemberg, et il le lui dédia.
Plusieurs auteurs, tels que Treitzchke (1830J, le créateur du genre Co-
chylis, etDuponchel (1844), l'auteur de l'Histoire naturelle des papillons
de France, ont adopté ce nom spécifique de Roserana ; Vallot pourtant
(1841), tout en mentionnant les descriptions précédentes, créa le nom nou-
veau de Tinea avella, et Audouin (1842) est revenu à celui de Cochylis
omphaciella de Faure Biguet, le croyant le plus ancien. La règle de la
priorité nous fait un devoir d'admettre, avec les catalogues modernes, le
nom de Tortrix (Cochylis) ambiguella, d'Hubner, le premier auteur qui
ait donné de l'insecte une description complète et indiscutable.
LA COCHYLIS DE LA VIGNE. 239
II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
A l'état de papillon (fig. 48, et PI. III, iig. 3 et 4), quand les ailes
sont repliées sur l'abdomen, la longueur de l'insecte est de 7 à 8 millim.
L'envergure des ailes déployées est d'environ 13 à 15 millim.
Le corps est d'un jaune pâle avec quelques reflets argentins sur la tète el
le thorax, reflets remarquables surtout quand l'insecte est un peu défraîchi.
Les antennes, filiformes, sont d'un gris clair. Le papillon, ne mangeant
pasi, a une trompe courte, n'atteignant pas, déroulée, la longueur de la télé.
Les ailes antérieures, de môme couleur que le corps, parfois un peu plus
foncées cependant, frangées à leur extrémité, présentent vers leur milieu
une hande transversale brune qui se rétrécit notablement
du bord extérieur au bord intérieur et sur laquelle on dis-
tingue quelques marbrures plus pâles et des espaces ferru-
gineux. De chaque côté de la bande brune se voit une ligue F- is _ Pa,
argentée et une série de petites taches de la même nuance pillon de la
situées à l'extrémité des ailes. La partie antérieure de cette
extrémité est un peu rembrunie. Les aile? postérieures sont d'un gris
brun uni, avec leur frange plus claire.
On ne peut confondre cette petite Tortrix avec la Pyrale. La taille est
moitié moindre, la couleur toute différente; il y a par an deux générations
au lieu d'une. L'insecte hiverne sous forme de chenille adulte ou de chrysa-
lide et non de petite chenille .
Le papillon au repos tient les ailes serrées l'une contre l'autre le long du
corps, de sorte que leur extrémité, relevée du hout à la façon de celle des
teignes, forme une espèce de crête et leur donne un aspect tout différent
de celui de la Pyrale.
Les papillons de la première génération paraissent en avril et mai et
ceux de la seconde fin juillet; quelques-uns voltigent en plein jour, allant
d'une souche à l'autre, mais le plus grand nombre reste appliqué sous les
feuilles pendant le jour et ne circule qu'à l'aurore ou au crépuscule.
La ponte a lieu en mai. « A cette époque, dit M. Forel [Ann. Soc. Linn.
de Lyon, 1860), si l'on observe attentivement les jeunes pousses de la vigne
attaquée, on trouve sur les nouveaux sarments, sur les pétioles, mais sur-
tout dans les grappes, sur Taxe et les pédoncules, de petits œufs blancs
transparents collés au végétal et presque invisibles sans le secours d'une
loupe. Peu à peu ces œufs deviennent d'une couleur moins pure et se cou-
vrent de petites taches ordinairement rougeâtres. Vers le neuvième ou le
dixième jour, on distingue la tète et le premier anneau de la jeune chenille.
240 LA COCHYLIS DE LA VIGNE.
Enûn le onzième, douzième ou treizième jour, ou peut observer les mou-
vements de l'insecte replié dans l'œuf, ainsi que le jeu de ses mâchoires
pour percer son enveloppe.»
La chenille (PI. III, fig. 2) a une taille des deux tiers plus petite que
celle de la Pyrale, c'est-à-dire qu'elle ne dépasse pas 8 à 10 millim. La
tète et le protborax sont d'un brun rouge foncé ; le reste du corps, qui est
grisâtre lorsque l'insecte est jeune, est après la première mue d'un rose
violacé tendre, mais bien trancbé. Cette teinte est surtout marquée dans
les chenilles de la seconde génération, qui se nourrissent de raisins mûrs
ou presque mûrs. Celles de la première sont parfois verdâtrcs. Il y a là un
cas de mimétisme animal intéressant à signaler.
Comme cbez la chenille dete Pyrale, il y a sur tous les anneaux, sauf le
troisième, deux rangées de plaques ou espaces lisses arrondis qui émettent
ebacun un poil delà nuance du corps. Le troisième anneau n'en porte qu'une
rangée. A part la différence de taille et de couleur, les formes de cette
chenille rappellent entièrement celles de la Pyrale. Outre les six pieds
articulés, elle a, comme elle, cinq paires de fausses pattes placées sous les
anneaux abdominaux.
Vers le douzième jour après la ponte, c'est-à-dire fin mai pour la régi' u
de l'olivier et première quinzaine de juin pour les vignobles du Nord, les
jeunes chenilles percent la coque de l'œuf, gagnent de suite le milieu de la
grappe et, entamant de leurs mandibules les grains qui ne sont encore que
des boutons à fleurs, pénètrent dans leur intérieur et se mettent à ronger
les étamines et les ovaires. Chaque bouton, dit M. André, ne contient qu'un
habitant qui tout d'abord est d'une taille presque microscopique. Bientôt
la chenille est obligée de quitter son premier grain, qui est épuisé, pour
passer à un autre, et ainsi de suite, détruisant successivement tous les or-
ganes de la fructification. En même temps, préoccupée de se tenir toujours
à l'abri, elle réunit tous les grains par un réseau de fils de soie, de façon à
les mettre en paquet plus ou moins gros (PI. III, fig. 1). Peu à peu les
grains se fanent, deviennent jaunes, puis bruns, et la grappe ne tarde pas
à être perdue. Celle-ci, d'après Vallot, est parfois tuée d'un coup par la
chenille, qui pénètre dans le pédoncule même. Si la végétation marche
rapidement et si la floraison s'achève dans un court intervalle de temps, le
dommage est moins grand, parce que l'insecte, attaquant des grains déjà
noués, en détruit un moins grand nombre et ne peut plus les réunir au
moyen de ses fils. On peut donc dire, avec Vallot, que lorsque la vigne
pousse rapidement, elle fournit plus que la larve ne peut manger, et que
si au contraire la végétation marche lentement, la larve mange plus que la
vigne ne peut pousser, et dans ce cas la perte est considérable.
LA COCHYLIS DE LA VIGNE* 24]
La chenille est adulte au bout de cinq semaines environ, c'est-à-dire fin
juin ou première quinzaine de juillet. Elle se retire alors au milieu des
grappes, qu'elle enveloppe d'un tissu de soie plus serré, ou bien dans les
tissures des éclialas et sous les écorces, pour se filer un cocon blanc et s'v
transformer eu chrysalide. Parfois elle se contente de rouler le bord d'une
feuille en le fixant avec des iils. Ce cas se présente souvent dans les éduca-
tions eu captivité. Forel en a observé en liberté qui coupaient un petit
morceau de feuille, le fixaient au cep et le roulaient autour d'elles en filant
leur coque.
Il y a, à cette époque, comme un moment de répit dans les ravages, ce
qui fait dire parfois au cultivateur que le ver coquin a disparu; mais ce
calme apparent est trompeur et le mois d'août viendra détruire l'espoir du
vigneron.
L'état de chrysalide dure quinze jours environ, et dans la seconde quin-
zaine de juillet on retrouve de nouveau des papillons dans les vignes.
L'accouplement a lieu de suite, et très peu de jours après, ses œufs ayant
été déposés sur la rafle de la grappe ou sur le grain lui-même, le papillon
ne tarde pas à mourir.
L'évolution chez les œufs d'été étant un peu plus rapide que chez ceux
du printemps, la petite chenille perce le chorion de l'œuf au bout de huit
à dix jours, c'est-à-dire première quinzaine d'août, et commence de suite
a entamer de ses mandibules l'épidémie du grain. Elle y fait un trou rond
dans lequel elle passe sa tête et dévore la pulpe du raisin. L'accroissement
de l'insecte étant rapide, ses ravages grandissent en proportion de sa taille.
Les grains sont perforés parfois jusqu'aux pépins, et souvent la chenille
disparait en entier dans l'intérieur ; on voit alors à l'entrée de la galerie
une matière pulvérulente qui n'est formée que des déjections de l'insecte.
Bien souvent celui-ci, n'achevant pas le grain attaqué la veille, en atta-
quant plusieurs par jour quelquefois, passe à d'autres le lendemain, ce qui
fait qu'une seule chenille, en l'espace d'un mois, peut détruire plus d'une
trentaine de grains. Ceux-ci. à moitié vides, se fanent, se dessèchent, si le
temps est pluvieux pourrissent et communiquent l'infection au reste de la
grappe.
On reconnaît facilement les raisins attaqués, non seulement aux grains
vidés, mais aux nombreux fils tendus de l'un à l'autre (FI. III, fig. 2). Ce sont
toujours les grains de l'extrémité de la grappe qui sont atteints les premiers,
et nos vignerons de l'Hérault savent très bien juger de l'étendue du mal
eu pressant dans leur main l'extrémité du raisin, devenue molle et spon-
gieuse sous les attaques prolongées de l'insecte.
La chenille de cette seconde génération est. nous l'avons dit, d'une
16
242 LA COCHYLIS DE LA VIGNE.
teinte vineuse plus accentuée que celle de l'insecte printanier. Elle est
adulte à peu près vers le milieu de septembre dans la région de l'olivier,
et fin septembre ou commencement d'octobre dans le Nord. Elle quitte
alors les grappes, pour se réfugier dans les fentes et sous les esquilles des
écbalas, dans les fissures et sous les écorces de la souche, surtout celle
des bras, et là, sans doute en prévision des froids de l'hiver, elle se file
un cocon un peu plus épais que celui de la génération du printemps.
Les métamorphoses en chrysalides commencent en décembre et achè-
vent de s'opérer en janvier. Il est très rare en Languedoc de trouver des
chenilles non transformées en février.
Sous cette forme de. nymphe, l'insecte a environ 6 millim. de long. Le
corps est d'un brun clair uniforme, de teinte beaucoup plus pâle que celui
delà chrysalide de la Pyrale. Il est aussi plus court en proportion et plus
obtus à l'extrémité. Les anneaux de l'abdomen sont, comme chez la Pyrale,
garnis sur le dos d'une double rangée d'épines, mais celles de la première
rangée sont toujours plus grandes que celles de la seconde, qui disparais-
sent môme entièrement sur les quatre derniers anneaux. Le dernier seg-
ment, élargi et court, présente deux pointes latérales et porte à son extré-
mité une douzaine de poils durs terminés par un petit crochet, servant,
comme chez la Pyrale, d'appareil fixateur dans l'intérieur du cocon. Le
papillon écîosant courant mai, comme nous l'avons dit, l'état de chrysalide
de la seconde génération dure environ quatre mois.
III. — CONDITIONS FAVORABLES OU DÉFAVORABLES A LA COCHYLIS.
Rarement l'espèce qui nous occupe se rencontre simultanément avec la
Pyrale. Celle-ci aime, nous l'avons dit. les plaines abritées et les coteaux
ensoleillés; la Cochylis ne craint ni les coteaux froids ni les plaines expo-
sées au vent. Dans les vignobles septentrionaux, les expositions préférées
sont celles du Nord et de l'Est; dans le Midi, sont atteints surtout les co-
teaux exposés au Nord et les plaines peu abritées. L'habitat préféré con-
firme donc l'origine septentrionale de l'insecte.
Suivant Audouin, la Cochylis paraît indifférente sur la nature du cépage;
aux environs de Paris cependant, d'après MM. Coret et Fallou [Bull. Soc.
entom. de France, 1868. pag. 99),leGamay serait particulièrement attaqué.
En Languedoc, le Terret est, de l'avis de tous, le plant le plus atteint. Nous
dirons plus loin ce que nous pensons à ce sujet.
La Cochylis, comme la Pyrale, a des ennemis naturels appelés sans doute
à refréner la trop grande multiplication de l'espèce, mais ils paraissent moins
nombreux ; peut-être aussi sont-ils moins connus !
LA COCHYLIS DE LA VIGNE. 243
Une seule espèce d'Hyménoptère parasite, un Ichneumonide d'assez petite
taille, a été obtenu par nous, à plusieurs reprises, de la chrysalide. C'est
sans doute la Limmeria dîffbrmis, signalée dans le Catalogue des Hymé-
noptères de Dours. Ne la voyant mentionnée dans aucun travail sur les
insectes ampélopbages, nous en donnons la description suivante :
Corps très allongé, noir, long d'environ .~> millini. Antennes également
noires avec le premier article plus clair, atteignant 4 à 5 millim., c'est-à-
dire à peu prés la longueur du corps. Palpes et mandibules jaunes, sauf
la base de ces dernières, qui est brune. Pattes d'un jaune roux, avec les
troebanters rembrunis sur la moitié ou les deux tiers de leur longueur.
Ailes fortement irisées avec les nervures fauves et le stigma rembruni.
Abdomen grêle et allongé, comme coupé en forme de hache à son extrémité
chez le mâle, progressivement rétréci chez la femelle. Cet abdomen est
supporté par un pédoncule délié formé des deux premiers segments, le pre-
mier étroit et presque parallèle, le second rende à son extrémité. Oviscapte
noir, d'un brun roux à l'extrémité, long d'environ 2 millim.
IV. — MOYENS DE DESTRUCTION.
Si la Cochylis est moins dangereuse que la Pyrale, elle est par contre plus
difficile à combattre. De tout temps on a extrait au moyen d'une pointe les
chenilles de printemps du milieu des grappes en fleurs ; mais au moindre
contact une grande partie de ces larves se laisse tomber en filant, et pour les
détruire toutes il faudrait sacrifier la grappe. Pour la génération d'automne,
de tout temps aussi on a coupé l'extrémité des grappes attaquées, mais ces
moyens ont toujours été peu efficaces. Le clocbage et l'écbaudage en hiver,
si utiles contre la Pyrale, ont été essayés sans résultats contre la Cochylis.
En ce qui concerne le clocbage, ayant fait personnellement quelques
expériences sur la résistance des Lépidoptères sous leurs diverses formes,
nous nous expliquons sans peine le peu d'action que peu\ent avoir sur ces
insectes les gaz insecticides. En hiver, du moins à partir de janvier, la
Cochylis est en chrysalide; or sous cet état, et surtout quand il est enfermé
dans un cocon, le lépidoptère est beaucoup plus résistant que sous les formes
de chenille ou d'insecte parfait. Nos expériences ont été faites sur diver-
ses espèces de Noctuelles et sur le Bombyx du mûrier au moyen de deux
gaz insecticides, les vapeurs de sulfure de carbone et l'acide sulfureux.
Le récipient employé a été une boite en parlievitreecndossus.de forme
aplatie, soigneusement jointéc, d'une capacité d'environ un décimètre cube.
Pour le sulfure de carbone, environ 2 gram. ont été verses sur de la
sciure de bois grossière emmagasinant immédiatement le liquide tout en
244 LA COCHYLIS DE LA VIGNE.
augmentant la surface devaporation. Pour l'acide sulfureux, 2 grain,
environ de mèche soufrée ont été brûlés.
L'action asphyxiante des deux gaz est presque égale, un peu plus puis-
sante pourtant chez l'acide sulfureux.
La chenille est tuée en six ou huit minutes; le papillon cesse presque in-
stantanément de se mouvoir rapidement, ses ailes vibrent faiblement pen-
dant deux ou trois minutes ; les derniers mouvements, ceux de l'extrémité
abdominale, cessent au bout de quatre, et l'asphyxie est complète au bout de
cinq à sept minutes; une chrysalide âgée de 8 jours, sortie du cocon, résiste
de douze à quinze miuules, et, enfermée dans son cocon, environ trois
heures. Bien que le tissu soyeux filé par la Cochylis ne soit pas aussi
épais que celui du Bombyx du mûrier, étant donné que la souche ne peut
supporter sans inconvénient l'action du gaz asphyxiant pendant plus de
dix minutes, on voit de suite qu'il n'y a rien à faire au moyen de la cloche à
soufre contre une chrysalide enfermée dans son cocon1.
Le procédé le plus généralement employé est l ecorçage en hiver. Le
remède n'est pas nouveau ; dès 1811, le D'' Menning l'avait expérimenté
sur les vignes de l'Ile de Reicheneau (lac de Constance)3 et disait s'en être
bien trouvé ; mais l'écorçage avec un couteau, comme il le pratiquait, est
dispendieux et souvent inefficace, parce qu'il est nécessairement mal fait.
L'invention du gant de cotte de mailles de M. Sabaté, de Bordeaux, est
venue récemment rendre l'opération moins dispendieuse et plus efficace. Il
faut avoir soin d'entourer la souche d'un linge reposant sur le sol, pendant
que, recouverte du gant de fer, la main fait tomber les écorces. Celles-ci
sont soigneusement recueillies et brûlées. Nous avons suivi en février
l'opération chez un propriétaire de Béziers, M. J. Coste, et la quantité de
i M. Verson a signalé ce fait curieux que les cocons peuvent séjourner dix
heures dans le vide pneumatique sans que les chrysalides périssent. M. Francc-
zon a observé qu'elles résistent également bien à un séjour de dix heures dans
l'oxyde de carbone pur, de dix-huit heures dans l'acide carbonique, l'hydrogène,
le protoxyde d'azote, etc. (Maillot, Leçons sur le Ver à soie. Montpellier, 1885.)
2 En Suisse, d'après M. Forel, un certain nombre de chenilles de la seconde
génération s'enloncent en terre en septembre et se filent un cocon entouré de
grains de terre agglomérés -, il a observé, dit-il, le fait en très grande proportion
dans ses éducations de laboratoire. Nous u' avons rien vu de semblable en Lan-
guedoc, où nous avons donné à la fois à l'insecte des morceaux de vigne avec leur
écorce et de la terre. Le cocon s'est toujours fait sous les écorces. Il est possible
que dans les pays froids comme la Suisse, l'insecte ait l'instinct de se mieux
protéger que chez nous. Dans ce cas-là, la destruction des individus enterrés est
à peu près impossible.
LA COCHYLIS DE LA VIGNE. 245
chrysalides recueillies mélangées aux écorecs était considérable. M. Coste
nous a dit s'être souvent à [jeu près débarrassé de l'insecte de cette façon-
là. Cette opération doit être complétée dans les pays où on échalasse la
vigne par L'échaudage des échalas.
Un moyen radical consiste à vendanger avant que la chenille soit adulte.
La chose est possible avec les plants à maturité précoce, tels que l'Aramon,
plus difficile avec les cépages tardifs, tels que le Terret ; et, comme nous
l'écrivait tout récemment M. Jaussan, le praticien observateur toujours bon
à consulter, il est fort possible qu'en réalité le cépage soit indifférent à
l'insecte. Si le Terret est plus attaqué, c'est qu'il mûrit plus tard que l'A-
ramon ou la Carignaoe. La Cochylis, sur ce plant-là, a près d'un mois de
plus pour achever ses ravages et se métamorphoser tranquillement en chry-
salide pour l'année suivante, tandis que lorsque l'Aramon, par exemple,
est infesté, raisins et chenilles étant mis ensemble à la cuve, ces dernières
sont toutes tuées par la fermentatiou.il nous est souvent arrivé de voir, sur
les parois et au bord des comportes de vendange ou des cuves, des milliers
de chenilles ayant quitté les raisins foulés et cherchant à s'échapper. «Une
année, nous écrit M. Jaussan, j'avais fait mes Terrets en blanc. La cuve
fermentant tumultueusement, je Cs enlever par-dessus un certain nombre
de comportes de moût : toute ia surface était couverte de chenilles. »'
Si le moyen est bon pour détruire le plus grand nombre des Cochylis,
il n'est pas toujours possible de vendanger hâtivement, et si l'on y gagne
en quantité de vin, c'est, bien entendu, au détriment de la qualité. Même
abandonné des chenilles, le raisin plus ou moins sec ou fermenté, rempli
de déjections de l'insecte, fait un vin détestable, et, selon Vallot, si l'on
veut connaître en Bourgogne les années où le ver coquin a donné mauvais
goût aux vins, on n'a qu'à consulter la Statistique de la vigne dans le
départ, de la Côte-d'Or par le D1' Morelet (Dijon, 1831, pag. 215-222).
Le remède infaillible contre la Cochylis est donc encore à trouver.
Peut-être est-il dans l'échaudage direct des souches, sans cafetière, tel que
nous l'avons décrit, à propos de la Pyralc. On se souvient que l'eau arrive
sur le cep à environ 9G°. Étant donnée la vitalité de la chenille, beaucoup
moins grande que celle de la chrysalide, sa résistance à la chaleur moin-
dre1, si l'on a le soin de faire l'opération en novembre ou en décembre,
c'est-à-dire avant que les chenilles se soient transformées en chrysalides,
on les tuera, croyons-nous, presque toutes.
1 Une chenille de ver à soie plongée dans l'eau à GO^ meurt presque instanta-
nément. Le degré nécessaire pour tuer instantanément les Chrysalides parait
être de 75 à 80° (Maillot, Leçons sur le Ver à suie, pag. 180).
CHAPITRE XL
LA TORDEUSE DE LA GRAPPE
Torlrix [Eudemis) botrana Schiffebmuller, 1776.)
Synonymie: Tortrix vilisana Jacquin (1788); Tineapremixlana Hubner
1796); Cochylis reliqvana Treitzchke (1830); Cochylis vilisana Audouin
1842) ; Penthina vilivorana Packard (1860).
Le sous-genre Eudemis a été créé par Hubner pour les Tordeuses qui
à l'aile supérieure ont les nervures costales 7, 8 et 9 (à partir du bord in-
terne) se réunissant sur une tige commune partant de la base de l'aile, une
tige trifurquée, et qui ont l'aile inférieure presque triangulaire (De Peyeri-
raoff, Soc. eut. de Fr., 1876, pag. 561 et 75). Ce sous-genre ne comprend
que l'espèce qui nous occupe.
Cette petite Tordeuseue se trouve en France que dans les Alpes-Mariti-
mes, mais il est fort à craindre qu'elle ne se répande quelque jour dans toute
la région du Midi. Décrite en effet, dès le siècle dernier, comme observée
en Autriche, elle a été signalée depuis en Allemagne, en Italie, en Grèce,
et Riley la cite parmi les Ampélophages des États-Unis comme récem-
ment introduite en Amérique. En Italie, elle est signalée dans l'île d'Elbe,
en vue de la Corse. Peut-être est-elle dans ce département.
Elle a les mœurs de la Tortrix [Cochylis) ambiguclla, c'est-à-dire
qu'elle passe l'hiver à l'état de chrysalide et qu'elle a deux générations par
an, la première attaquant le raisin en fleur, la seconde s'en prenant au
grain déjà gros, prêt à mûrir, et le perçant de trous qui provoquent sa des-
siccation. Ce sont surtout les vignes en espaliers qui ont à souffrir de ce
parasite. N'ayant pu l'observer nous-mème, nous empruntons les détails qui
suivent à trois auteurs étrangers qui ont eu l'occasion de l'étudier : Kollar,
Riley et Targioni-Tozzetti '.
1 Kollar; Naturgeschiste der scadlicher Insecten. Wien, 1837.— Riley ; Report
of the entomologist of slate Missouri (Voir traduction française de ce qui concerne
cette espèce, dans Catalogue illustré et descriptif des Vignes américaines, par
Bush et Meissner. Montpellier, Goulet, 1876 et 1885).— Targioni-Tozzetti; Annali
di Agricollura, Relazione delta R. stazionedi Entomologia, 1884, pag. 477.
LA TORDEl'SE DE LA GRAPPE. 247
I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
En avril et mai, on voit le petit papillon voltiger et se reposer sur les
branches de la vigne. Les œufs sont déposés à la base des bourgeons. Les
petites chenilles qui en sortent, les chenilles de printemps, rongent l'in-
térieur de ces bourgeons et, quand la fleur commence, s'établissent dans les
grappes, relient les grains entre eux avec des fils et dévorent les diverses
parties de la fleur. Il en résulte que celle-ci avorte.
Vers le milieu de juin, la chenille a acquis tout son développement. Elle
a alors 8 à 10 millim. de longueur, sa couleur générale est d'un vert sale;
la tête et l'anneau prothoracique sont d'un brun jaunâtre, tous les autres
anneaux présentent des plaques piligères bordées de blanc ; les pattes
écailleuses sont noirâtres et les pattes membraneuses brunâtres.
La chrysalide de couleur brune est courte et obtuse comme celle de la
Cochylis ambiguella et offre également des épines sur les anneaux de
l'abdomen. La transformation en chrysalide a lieu fin juin, dit Kollar. et
se fait dans une feuille roulée.
Riley décrit ainsi cette métamorphose: « La chenille découpe propre-
ment dans la feuille une pièce ovale dont un côté laissé adhérent sert de
charnière ; elle replie la pièce sur la feuille, en assujettit le bord libre au
moyen de fils et se forme ainsi une bonne petite maison dans laquelle elle
se transforme en chrysalide ». Environ dix jours après, cette nymphe sort
à moitié du cocon au moyen des mouvements de son abdomen, dont les
segments armés d'épines permettent à l'insecte d'avancer, et le petit pa-
pillon éclos le matin prend son essor pour s'accoupler et pondre des œufs.
Ceux-ci donnent bientôt naissance à la chenille d'été, qui attaque le grain
lui-même. « Les grains attaqués, dit Riley, commencent à montrer un
point décoloré là où la chenille est entrée. Eu ouvrant le grain, on en trouve,
l'habitant à l'extrémité d'un canal sinueux. Il contiuue à se nourrir de la
pulpe, et, arrivant aux pépins, il en mange généralement l'intérieur. Dès
qu'on touche le raisin, la chenille en sort et, se suspendant au fil de soie
qui s'allonge de sa filière, se laisse couler sur le sol ». Pour se chrysalider,
la chenille d'automne se retire sous les écorces de la vigne, où elle passera
l'hiver.
Le papillon a 8 millim. de longueur et 12 à 13 d'envergure. Les ailes
antérieures sont gris de perle marbré de jaune roussâtre et présentent deux
bandes légèrement obliques d'un gris brunâtre. La première est placée un
peu avant le milieu de l'aile et la seconde un peu au delà. Ces deux bande
248 LA PYRALE DU DAPHNE.
sont irrégulières et plus ou moins tachées de brun foncé. Le sommet des
ailes est d'un jaune roussâtre pâle, si l'on en excepte l'angle supérieur, qui
effre une petite tache blanche circonscrite par une autre d'un brun foncé ;
la frange est de la même couleur que le sommet des ailes. Les ailes pos-
térieures, triangulaires, sont d'un gris pâle, leur frange plus claire. La tête,
les antennes, le thorax et les pattes sont d'un roux grisâtre ; mais le thorax
offre des écailles brunes qui le font paraître nuancé. \j abdomen est entière-
ment d'un gris jaunâtre pâle.
II. — MOYENS DE DESTRUCTION.
\jEudemis botrana devra être combattue de la même façon que la
Cochylis, par l'écorçàge en hiver, l'écheuillage des grappes fleuries au prin-
temps et la section de l'extrémité des grappes en automne; mais on ren-
contrera une difficulté de plus. Nous avons dit en effet que c'était surtout
les espaliers qui étaient attaqués. On devra établir autant que possible ces
vigues à grand développement contre des murs recrépis, offrant en un mot
le moins d'anfractuosités possible. Mieux encore que contre les Cochylis,
leau bouillante de la chaudière à Py raies devra être efficace. L'écorçàge
opéré, le jet sera dirigé non seulement sur le tronc du cep et l'enfourchurc
des bras, mais sur les supports, les liens d'osier et même les quelques
iinfractuosités de la muraille. L'opération pratiquée fin novembre atteindra
la chenille non encore transformée en chrysalide, hien plus sensihle par
conséquent à l'action de l'eau bouillante .
LA PYRALE DU DAPHNE'
[Ephestia gnidiella Millière )
Ce petit Lépidoptère, décrit il y a une vingtaine d'années par Millière
de Cannes comme vivant sur le Daphne gnidium, a été depuis signalé sur
la vicne aux environs de Nice et en Italie.
1 Bibliographie. — Guénée; Europeorum Microlepidoplcrorum index metho-
iUlus. Paris, Roiel, 1845.— Millière; Iconographie et description des Chenilles
(Aan. Sec. Linucenne de Lyon, 1867). — Constant; Chenilles nouvelles ou peu
connues (Aan. Soc. ent. de France, 1883, pag. 11). — Professeur Penzig :
LA PYRALE HU DAPHNE, 249
Il appartient au groupe îles Pyrales vraies (les Pyrales de Linné , c'est-
à-dire des Microlépidoptères qui ont les antennes filiformes, souvent pciti-
nées chez le mâle, les pulpes maxillaires distincts, de trois articles, les
palpes labiaux grands et dirigés en avant, les ailes au repos étendues sur
le plan, divergentes en arriére, les pattes longues, les postérieures dépas-
sant les ailes et armées d'éperons.
Les caractères spécifiques de l'espèce sont les suivants :
Longueur du corps 5 à 6 millim. non compris les ailes. Celles-ci fer-
mées atteignent 7 millim. et étendues environ 15, d'une pointe à l'autre.
Le corps est allongé, la tête, le thorax et Y abdomen d'un gris métallique,
les antennes plus longues que la moitié des ailes, sétacées, grises, cou-
vertes de poils avec le 2e article très développé dans les deux sexes, le
3e petit, le 4e prolongé extérieurement chez le mâle en une pointe styli-
forme, un peu divergente et recourbée à l'extrémité, appliquée le long de
l'antenne et atteignant la base du 8e article. Les ailes antérieures planes,
étendues longitndinalement, forment un triangle étroit et allongé. Elles
sont légèrement renflées latéralement et en avant avec le bord postérieur
frangé et l'angle postéro-interne très arrondi, d'un gris obscur, brillant en
dessus, avec deux bandée transversales blancbâtres, Tune basilaire, placée
entre le tiers et la moitié de la longueur de l'aile, recourbée en arrière
dans su partie externe; l'autre à la partie postérieure également, recourbée,
à convexité postéro-externe, légèrement sinueuse. La partie de l'aile
avoisinant ces deux bandes est plus obscure. Elles sont d'ailleurs séparées
de la région intermédiaire par une tache grisâtre plus claire entre laquelle
et la bande basilaire reste un intervalle brun triangulaire ayant sa base sur
le bord externe de l'aile. Lu frange marginale est d'un gris luisant. Les
ailes postérieures sont larges, couleur grisâtre clair, luisantes, avec 12
nervures faciles à compter à l'extrémité, mais plus ou moins soudées entre
elles et confondues à la base. Le bord antérieur et le sommet sont bruns,
ainsi que les franges qui garnissent ce sommet et le bord interne, ces franges
plus claires à lu buse. Pattes antérieures avec une petite pointe au milieu
du tibia, pattes intermédiaires et postérieures avec deux éperons au
sommet du tibia, les tarses de 5 articles décroissant de grandeur du" pre-
mier uu dernier*.
Un nuovo flagella degli agrumi (Italia agricola, Milan, 1883).— Targioni-
Tozzetti; Relazione délia H. stazione di Entomologia di Firenze, 1884.—
Peragallo ; Éludes sur les Insectes nuisibles à l'Agric, pag. 131 . Nice, 1885.
1 En Italie, M. le professeur Giovanni Biïosi, directeur de la Station agricole
de Païenne, a publié un travail, avec planche (1876), sur un autre Lépidoptère,
voisin de notre Éphestia gnidiella, qu'il a ilécrit sous le nom de Albinia Woc-
250 LA. PYRALE DU DAPHNE.
La chenille, longue de 10 à 12 millim., a le corps atténué des deux bouts,
de couleur brun sale en dessus, d'un grisâtre couleur de chair à la face
sternale ; sur la partie dorsale, une bande d'un brun plus sombre ; sur les
flancs, une bande sligmatique large et noire, quelques poils espacés et assez
raides partant de petits espaces arrondis et lisses comme chez les chenilles
de la Pyrale et de la Cochylis.
La chrysalide est enfermée dans un cocon sous les écorces, dans les
feuiHes sèches ou dans les fissures des échalas.
Cet insecte est extrêmement polyphage. M. Peragallo (de Nice) la cite
comme attaquant spécialement les fleurs d'orangers et de citronniers.
M. Constant (de Golfe Juan, près Antibes) le considère au contraire comme
plus nuisible à la vigne. «Depuis que Millière, dit-il, l'a décrite comme
vivant sur le Daphne gnidium, on l'a signalé sur le Tamarix, le Chœno-
moles Japonica, le citronnier, l'oranger, la sn\ic-dive ( Lythrum salicaria);
mais sa nourriture de prédilection semble être le raisin. C'est en effet
sur ce fruit que je la trouve en plus grande abondance de juillet à septem-
bre, dans mon jardin, et j'évalue au moins à 10 % de la récolte le dégât
qu'il cause parfois. La chenille circule entre les grains déjà gros, les réu-
nissant par des fils pour s'abriter et les rongeant à la périphérie sans péné-
trer toutefois à l'intérieur. On la trouve dans une grappe par petits groupes
de deux à six individus de différentes tailles, qui paraissent vivre en famille.
Ce n'est pas que la consommation qu'elles font soit bien considérable ;
mais, comme elles attaquent les grains près de la maturité et qu'à ce point
les lésions du fruit ne peuvent se cicatriser, il s'ensuit que tout grain
entamé tombe en pourriture et que la contagion s'étend de proche en proche
à toute la grappe, surtout si la saison est tant soit peu humide.»
M. Penzig1 dit que sur l'oranger il y a deux générations par an. Il est
possible qu'il y en ait davantage sur d'autres végétaux. Ainsi seraient
kiana et qui, d'après lui, exercerait des ravages dans les vignes de la Sicile.
Malgré certaines différences entre ces deux insectes, M. le professeur Penzig
(Italia agricola, 1882, pag. 229) est d'avis de les considérer comme deux types
d'une même espèce, variété de Ligurie et variété de la Sicile. M. Targioni a de
son côté étudié la question (Relazionc délia R.stazione di Entom. di Firenze,
1884, pag. 486). Le savant entomologiste de Florence donne parallèlement les
caractères distinctifs, et, comme le professeur Penzig, conclut à deux formes d'une
même espèce. N'ayant pas sous les yeux l'insecte de M. Briosi, nous n'avens pu
comparer nous-même et, nous ralliant jusqu'à nouvel ordre aux idées des deux.
naturalistes ci-dessus, nous jugeons inutile de reproduire ici la description, de
M. Briosi ainsi que la dissertation assez étendue de M. Targioni.
1 Penzig; Un nuovo flagello degli agrumi (Italia agric. Milan, 6 févr. 1883).
LA PYRALE 1)1" DAPHXE. ?.",!
expliquées les chenilles hibernantes de plusieurs grandeurs trouvées par
M. Constant entre les feuilles sèches d'un pêcber, et les chenilles de di-
verses tailles que l'on trouve sur les raisins en automne.
MOYENS DE DESTRUCTION.
Etant donné un pays où le sol est entièrement occupé par la vigne, où
celle-ci, comme dans une grande partie de l'Hérault et certaines régions de la
Sicile, n'est pas même entourée de baies, où il n'y a pas un pouce de ter-
rain qui ne soit biné plusieurs fois l'an, les traitements conseillés contre les
autres ennemis de la grappe sent tout indiqués ici. Mais tel n'est pas mal-
heureusement le cas de la côte ligurienne de l'Italie et des Alpes-Mari-
times, où YEpheslia est partout dans le pays, dans les bois, dans les haies,
dans les champs et les jardins avoisinant les vignes. «Ce microlépidoptère.
dit M. Constant, appartient à cette série d'ennemis agricoles qu'il est inu-
tile de chercher à détruire, attendu qu'une quantité d'autres plantes voisines
enverront à la saison suivante de nombreuses phalanges qui remplaceront
au centuple lu génération qu'on aura supprimée sur la vigne.» Pour ces
pays-là, en dehors de la recherche directe du ravageur sur la grappe, nous
devons donc avouer que le remède n'est pas connu et que fort probablement
il ne sera jamais trouvé.
CHAPITRE XII.
LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE
Le grand genre Noclua de Linné, composé aujourd'hui d'envirou deux
mille espèces décrites, parfaitement distinctes, est devenu dans les classifi-
cations modernes la Camille des Noctuides. Ce groupe a été divisé en un
grand nombre de genres, dont l'un surtout [Âgrotis] renferme des espèces
polyphages, vivant de racines et de feuilles et devenant certaines années des
ampélophages dangereux.
Les Noctuelles à l'état de papillon sont caractérisées par une taille
moyenne, des formes courtes, une trompe bien développée enroulée sur
elle-même entre deux palpes comprimés, des antennes en forme de soies
ciliées ou pectinées chez les mâles, un corps couvert de longues écailles
ressemblant à des poils, un thorax arrondi et un abdomen pointu offrant
souvent des bouquets de poils en forme de crêtes. Les ailes repliées en
forme de chape le long du corps ou plus ou moins aplaties, les supérieures
toujours plus foncées que les inférieures portent d'ordinaire deux taches
ou macules, la tache orbiculaire et la tache rêniforme. Les ailes inférieures,
d'habitude plus claires, sont parfois ornées de couleurs vives.
Les mouvements, nuls ou à peu près pendant le repos, sont très vifs le
soir, une ou deux heures avant le coueber du soleil. On voit alors les
Noctuelles voler avec rapidité, butinant sur les (leurs, sans jamais se poser.
Les chenilles (fig. 49), souvent nues, luisan-
tes, de couleur grise, parfois ocreuse ou verdâ-
Ire, avec des lignes longitudinales plus claires,
s'enroulent en rond et restent immobiles dès
Fig. 49. — Chenille de qu'on les touche ; parfois au contraire elles se
Noctuelle ou ver gns. détendent brusquement pour s'enrouler en sens
contraire. Elles sont connues de nos vignerons sous le nom de ver gris.
La plupart, nées à la fin de l'été et n'ayant pris que la moitié de leur
accroissement à l'arrivée des froids, passent l'hiver enterrées à 10 ou 15
centim. clans le sol, demeurant engourdies si la température est basse, ou
mangeant des racines si le temps est doux. Au printemps, elles sortent, se
LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. 253
nourrissent des plantes qui croissent entre les souches, surtout des com-
posées dont elles mangent la racine et les feuilles, et, aussitôt le premier
binage opéré, faute d'autre nourriture, se rabattent sur la vigne. D'autres,
adultes en automne, passent l'hiver à l'état de nymphes, sont papillons en
avril, et des œufs que ceux-ci ont pondus sortent les chenilles, qui pren-
nent tout leur accroissement avant l'hiver.
Ces vers gris sont nocturnes; le jour on n'en voit aucun , ils sont cachés à
une faible profondeur dans la terre d'habitude soigneusement binée dans les
vignes, et on ne s'aperçoit de leur présence qu'aux ravages opérés sur les
pousses. Les plus grands se constatent en avril et mai, et, comme il est
facile de le comprendre, mieux la vigne est tenue, plus ils sont considérables.
Première quiuzaine de juin, l'ennemi disparaît. Ils'estenfoncéà20cenlim.
environ dans le sol, parfois moins profondément; si on le poursuit dans
sa retraite, on le trouve enfermé dans une coque terreuse unie à l'intérieur,
formée d'une couche de 1 millim. environ d'épaisseur de terre gâcbéeavec
de la salive, dans laquelle il se transforme en chrysalide. Dans les nom-
breux élevages faits par nous en Languedoc, nous n'avons jamais trouvé de
brins de soie mélangés à la terre, comme l'indiquent certains auteurs.
Toutes les Noctuelles attaquant sérieusement la vigne appartiennent à la
sous-famille ou tribu des Agrotines et peuvent être ramenées au genre Agro-
tis, reconnaissable aux caractères suivants: Une têteel un thorax revêtus de
poils serrés, sans crête longitudinale sur le thorax, des yeux nus et sans cils,
des palpes redressés et terminés par un dernier article infléchi, un abdomen
dépourvu de huppes, fréquemment large et aplati, des cuisses velues à la
partie inférieure, des tibias moyens et postérieurs armés d'éperons. Ajoutons
à cela des ailes placées l'une au-dessus de l'autre horizontalement pendant le
repos, et le mouvement de trémulatiou imprimé aux ailes quand l'insecte
est dérangé pendant le jour, ce qui le fait se déplacer comme s'il marchait
sur le sol.
Nous sommes persuadé que plus de la moitié des Agrotis peuvent à
l'occasion devenir ampélophages, et nommer toutes les espèces mentionnées
accidentellement comme telles, serait grossir inutilement la liste. Nous nous
bornons donc à citer les plus fréquemment signalées dans les diverses
régions viticoles de la France ; cette liste peut ainsi être réduite aux huit
espèces suivantes : Agrotis tritici, aquilina, obelisca, obesa. crassa,
segetuni, exclamationis etpronuba.
Les quatre dernières sont de beaucoup les plus communes dans les vignes
et seules seront décrites avec détails.
254 LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE.
I. — Noctuelle épaisse (Agrotis crassa Linné).
Cette Noctuelle, moins abondante que les trois autres dans la région de
l'olivier, est signalée spécialement par M. André comme répandue en Bour-
gogne. Audouin et Dunal la citent aussi parmi les plus nuisibles à la vigne.
C'est une des grandes espèces du genre.
Le papillon a 25 millim. de long, les ailes fermées, et de 40 à 45 d'en-
vergure; les ailes antérieures, d'un gris roussâtre plus foncé chez la femelle
que cbez le mâle, sont traversées par trois lignes blanchâtres anguleuses,
bordées de noir ; les deux premières renferment les taches ordinaires,
qui sont brunes, entourées de noir, et une petite tache en chevron entière-
ment noire; la troisième ligne, située près de l'extrémité des ailes, adhère
à des traits noirs en forme de fer de flèche. Dans le mâle, les ailes posté-
rieures sont blanches avec une ligne noire le long du bord frangé; dans
la femelle, elles sont grisâtres avec une large bordure obscure. La tête et le
thorax sont de la même nuance que les ailes antérieures avec une ligne
noire transversale en forme de collier. Les antennes, d'un jaune testacé, sont
pectinées chez le mâle et simples chez la femelle. L'abdomen est d'un gris
pâle avec les derniers segments bordés de brun.
La chenille adulte est longue de 4 â 5 centim. (6g. 49). Tout son corps
est gris plus ou moins nuancé de brun ou de verdâlre, elle a une double raie
longitudinale sur le dos et une ligne de chaque côté de couleur noire; chaque
anueau porte en outre une douzaine de points noirs groupés sur le dos et
les parties latérales, la tête est fauve avec deux petites lignes noires. C'est
surtout en mai qu'elle exerce ses ravages.
La chrysalide, ovoïde, terminée en pointe, est d'un brun foncé. La coque
terreuse pratiquée dans le sol, dans laquelle on la trouve enfermée et que
nous n'avons pas observée personnellement, est, d'après Audouin, tapissée
de quelques fils de soie.
IL — Noctuelle des moissons [Agrotis segetum
Sghiffermuller).
Cette Noctuelle est une des plus répandues ; signalée dans touie l'Europe,
on la trouve également dans l'Asie du Nord, Sibérie, Chine et Japon et
jusqu'aux Etats-Unis. Sa chenille est une des plus nuisibles à l'agriculture
en général ; elle attaque les céréales, comme son nom l'indique, les plantes
potagères les plus diverses, compromet quelquefois la récolte des betteraves
et bien souvent exerce de graves dégâts sur la vigne.
LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. 255
Le papillon (fig. 50) a environ 30 à 35 millim. d'envergure. Ses ailes
supérieures sont d'un gris brunâtre sombre, enfumées de noirâtre avec trois
lignes ondulées transversales brunes plus
ou moins fondues dans la teinte générale.
La tache réni forme, dont nous avons
parlé dans les caractères généraux des
Noctuides, est d'un brun noirâtre ainsi
que l'extrémité de la bordure. Les ailes
inférieures, blanches dans le mâle, sont n. rn XT ,, ,
' Fig. a(). — Noctuelle des moissons
d un blanc enlumé chez la femelle pnn- grandeur naturelle.
cipalement sur les nervures.
La chenille, quand elle est jeune, est d'un gris plus ou moins pâle avec
trois lignes blanchâtres parallèles, dont une dorsale. A l'âge adulte, ces
lignes sont bien moins visibles ; l'insecte est d'un gris terreux ardoisé, avec
les côtés plus pâles que le dos, sans que souvent la ligne de démarcation
soit bien tranchée. La tête est noirâtre ainsi que les six pattes écailleuses.
Les pattes membraneuses, ou fausses-pattes, au nombre de dix, qui, lors-
que la chenille était jeune, étaient munies d'une demi-couronne de petits
crochets, perdent une grande partie de ceux-ci à la dernière mue, de sorte
que ce ver gris, assez mauvais grimpeur, attaque surtout les vignes basses,
et ne les atteindrait presque pas si l'on avait soin de laisser de distance en
distance, entre les souches, une bande de terrain garnie de ses mauvaises
herbes. Comme toutes les chenilles d' 'Agrotis, celle-ci est enterrée pendant
le jour et sort la nuit pour se nourrir. Née pendant l'été, elle arrive à l'hiver
déjà grosse, s'abrite dans le sol pendant les froids, et, mangeant de nouveau
au printemps, elle est adulte en mai.
La chrysalide, que l'on trouve dans le sol enfermée dans le cocon de terre
dont nous avons parlé, est d'un brun ferrugineux brillant, les segments
abdominaux sont dépourvus d'épines.
De juin à août paraît le papillon. Le jour, il reste caché dans lesherbes,
sous les feuilles, les écorces fissurées des souebes et un peu avant le coucher
du soleil il va butiner sur les trèfles, les luzernes, etc.
Cette Noctuelle est en somme plus commune dans le nord que dans le
midi de l'Europe ; mais dans la région de l'olivier elle abonde cependant
dans les terres meubles, où sa chenille peut facilement s'enfoncer. Dans les
sols argileux ou marneux, compacts, elle est remplacée par l'espèce suivante.
250 LUS NOCTUELLES NUISII3I.ES A LA VlflNE.
NI. — Noctuelle point d'exclamation (Agrotis exclamations
Linné).
Cette espèce, qui tire son nom de la disposition des taches sur les ailes,
est, d'après Boisduval [Entomologie horticole. Paris, 1807), commune
dans l'Europe du Nord, en Angleterre et en Suède, où elle fait de grands
ravages dans les champs des diverses crucifères cultivées, telles que les
raves, les choux, les colzas, etc. C'est cependant celle qui dans la région
de l'olivier est le plus souvent signalée sur la vigne. Huit fois sur dix
sa chenille est le ver gris qui nous est soumis par les vignerons de
l'Hérault de l'Aude et du Gard. Nous l'avons reçue également des envi-
rons d'Avignon. Dans les terres argileuses, compactes, c'est à peu près la
seule que l'on rencontre en grande quantité dans toutes les cultures.
Le papillon, long de 20 à 22 millim., ayant environ 35 à iO millim.
d'envergure, a le thorax d'un gris pâle à reflets un peu violâtres ou rosés.
Les ailes supérieures sont de la couleur du thorax, marquées de taches
pâles et hrunes avec trois raies transversales sinueuses, très peu marquées
parfois, dont celle du milieu offre sur son côté externe une tache noire en
forme de coin que l'on a comparée à un point d'exclamation. La tache
ronde est parfois brune, parfois blanchâtre avec un point brun au milieu,
la tache réniforme brune ou grisâtre, parfois claire, mais toujours bien
marquée; le bout de l'aile est bordé par une petite bande brunâtre lisérée
intérieurement par une petite raie sinuée, plus pâle que le fond. Les ailes
inférieures, blanches chez le mâle, sont plus ou moins enfumées chez la
femelle.
La chenille adulte a 40 millim. de long ; elle est de couleur lilas sombre
avec un large espace sur le dosocreuxet brillant dont les bords sont limités
par une double ligne brune. Les côtés sont d'un vert blanchâtre pâle, la
tête est noirâtre ; les mâchoires, les yeux, deux lignes obliques à la base et
un point entre elles, sont noirs ainsi que les neuf stigmates. Le premier
segment thoracique est corné et taché de noirâtre en dessus, les autres
segments ont quatre tubercules sur le dos et plusieurs autres sur les côtés,
tous portant un poil. Les six pattes articulées sont couleur d'ocre avec les
ongles noirs et les dix pattes membraneuses brunes à l'extrémité.
La chrysalide, que l'on trouve eu juin dans la terre, est d'un brun roux,
brillant. La coque, en forme d'ellipse, où elle est enfermée, semble faite de
plusieurs morceaux ou manchons de terre très courts, ajoutés les uns aux
autres, quatre à cinq par loge. Ces solutions de continuité, visibles parfois
LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. 257
môme à L'extérieur, semblent indiquer que La chenille s'est interrompue
plusieurs fois dans sou travail de crépissage. Pas plus que chez YAgrotis
segetum, nous n'avons observé de brins de soie dans les coques.
Le papillon parait en juillet, août et mèoie eu septembre, suivant que la
chenille s'est chrysalidée plus ou moins tôt. Ou trouve encore en effet
quelques chenilles [tendant les mois de juin et de juillet. Les œufs de ces
retardataires produisent les petites chenilles que l'on rencontre en biver et
au printemps mélangées à celles de taille moyenne.
La Noctuelle point dy exclamation est de beaucoup la plus ampélophage
du genre, et les dommages graves, parfois désastreux, qui de temps en temps
sont signalés comme causés par le ver gris dans les plaines de l'Hérault
et de l'Aude sont toujours occasionnés par elle. Plus rarement que cbez
l'espèce précédente, la demi-couronne de crochets des fausses pattes dis-
parût à la dernière mue, de sorte qu'un seul de ces insectes resté bon
grimpeur au moment de l'énorme consommation de feuilles qui précède la
nymphose, fait, pour sa part, plus de dégâts nocturnes que dix chenilles
de Noctuelles des moissons, qui, ne pouvant plus monter sur les souches
au moment de la fringale, broutent les plantes basses ou les racines.
Les chenilles de Noctuelles sont difficiles à élever en captivité ; elles
meurent de la flacherie, cette maladie des voies digestives qui fait tant de
ravages dans les magnaneries. Malgré cela, eu multipliant les petites édu-
cations séparées, sous cloche de toile métallique et en plein air, on arrive
à obtenir un certain nombre de coques et de chrysalides. Une fois dans cet
état, l'insecte est sauvé et l'on a le papillon au bout d'un mois.
La chenille est, nous l'avons dit, omnivore. Nous l'avons nourrie avec
des feuilles de laitue, de radis, de chou et de vigne. Elle se tient le jour
enterrée à un pouce à peine de profondeur, juste ce qu'il faut pour qu'elle
puisse être dans l'obscurité. Elle sort vers 9 heures du soir. Souvent elle
se sert de son trou de sortie pour rentrer après le repas dans l'espèce de
loge que peu à peu elle a formée par la pression de son corps et où elle se
tient roulée en demi-cercle. Elle passe toujours de préférence parles ou-
vertures pratiquées, fissures entre les mottes de terre ou autres. Si le pa-
quet de feuilles qu'on lui donne à manger est épais, elle se contente souvent
de s'abriter dessous; en un mot, elle n'aime pas à creuser, étant fort mal
outillée pour cela. Au point de vue de la lutte à entreprendre contre
ce ravageur nocturne, ces derniers détails ne sont pas indifférents.
En liberté, l'insecte monte sur les souches pendant la nuit, broute les
feuilles les plus tendres et les grappes non ûeurics, opérant ainsi un pince-
ment désastreux, et, ce qui est encore plus grave, il entaille la tige verte du
jeune pampre qui, se cassant au moindre vent, pend le matin à demi flétri
17
258 LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE.
ou tombe même au pied de la souche. Que de fois nous avons vu au mois de
mai, aux environs de Narbonne surtout, les ceps entièrement dépouillés de
leur feuillage naissant, et cela sur des hectares ! Il y a jusqu'à dix, vingt,
trente chenilles par souche, et le mal va crescendo jusqu'à ce qu'intervien-
nent les espèces parasites, mouches à deux ou à quatre ailes, qui rétablis-
sent l'équilibre.
IV. — Noctuelle fiancée (Agrolis pronuba Linné).
Cette Noctuelle est la plus grande de celles que nous avons observées
sur la vigne. Le papillon atteint 50 à 60 millim. d'envergure; ses ailes
supérieures varient pour la couleur du fond qui permet de distinguer deux
variétés bien caractérisées de l'insecte. L'une, qui a les ailes antérieures
rougeâtres, couleur de cuir ou havane, de teinte presque uniforme; l'autre,
dont les marques sont plus nettes, a sur les ailes une teinte fondamentale
brun rouge, brun grisâtre, tirant parfois jusqu'au noir, mais toujours
mélangée de gris cendré. Dans les deux types, l'aire médiane est parcourue
de raies transversales plus ou moins sombres ; la tache orbiculaire et la
tache réniforme sont claires, entourées d'une teinte sombre ou sombres
entourées d'une teinte claire, parfois très peu visibles sur la teinte claire
du fond. Les ailes postérieures sont d'un jaune d'ocre vif, avec une bande
noire presque marginale; l'extrémité de la bordure et la frange sont d'un
jaune d'ocre. L'abdomen est d'un gris jaunâtre.
Comme chez les espèces précédentes, la chenille est polyphage, nuisible
surtout daus les jardins potagers. Nous l'avons souvent observée sur la
vigneaux environs de Montpellier dans, les terrains meubles, mélangée
à celles de V Agrolis segelum ; c'est une des plus abondantes dans les
bonnes terres de l'Ecole d'Agriculture. Elle varie pour la couleur : tantôt
d'un gris terreux, tirant sur le verdâtre ou le jaunâtre, tantôt et le plus
souvent d'un gris roussâtre pâle. Elle a sur le dos une ligne jaunâtre très
étroite, un peu ombrée de brun sur les côtés. Au-dessous de cette ligne
se voit une série longitudinale de taches brunes oblongues atter.ant à une
ligne jaune plus ou moins apparente. Parfois ces taches sont nulles ou à
peu près. Les flancs et le dessous du corps sont plus pâles, roussâtres ou
jaunâtres. La tête est rousse, marquée de deux lignes noires; les stigmates,
blanchâtres, sont cerclés de noir.
Cette chenille, née en été, est, à la fin de l'automne, arrivée aux deux tiers
de sa taille. Elle parait ne pas craindre le froid. L'hiver, on la trouve sous
les feuilles sèches, dans les haies ou au pied des souches, enterrée à une
faible profondeur, mangeant, si le temps est doux, les plantes qui sont à sa
LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. 259
portée. La métamorphose en chrysalide a lieu en avril ou mai dans une coque
terreuse très peu solide, et c'est surtout les années où le printemps est précoce
qu'elle peut être nuisible à la vigne. Ses dégâts, du reste, ne sont jamais
comparables à ceux des trois autres espèces décrites ci-dessus.
On distinguera toujours facilement son papillon à la couleur jaune de ses
ailes postérieures. Il vole peu, mais souvent pendant le jour s'abat prompte-
meut et se cache rapidement dans les herbes .
V. — Ennemis naturels et Moyens de destruction.
A. Ennemis naturels. — Comme la plupart des Lépidoptères, les
Noctuelles ont des ennemis naturels qui, à un moment donné, arrêtent leur
trop grande multiplication. Ce sont des Diptères de la famille des Muscides,
appartenant à l'ancien genre Tachina de Meigeo, devenu la tribu des Ta-
chinaires et des Hyménoptères de la famille des Ichneumouides et de celle
des Chalcidides.
Malgré d'excellents travaux sur ces divers groupes de parasites, on peut
dire qu'en particulier ceux qui détruisent les Noctuelles sont assez mal
connus.
Si nous laissons de côté les Hyménoptères, dont nous n'avons trouvé
dans les Noctuelles ampélophages qu'une seule espèce, encore à l'étude,
et dont nous parlerons plus tard, nous ne trouvons en effet que quelques
Tachinaires connus comme attaquant les Noctuelles. Dans les rares tra-
vaux qui en parlent1, nous voyons bien cités des espèces qui déciment
la Noctuelle du chou {Haclena Brassicœ Dup.) et la Noctuelle gamma (Plusia
gamma Dup.), mais pas un mot du celles qui attaquent nos Noctuelles
ampélophages.
Maintes fois cependant, des chrysalides de VAgrotis exclamationis nous
avons vu sortir une grosse mouche grise, à abdomen roux, à corps épineux
et que ses allures turbulentes nous ont fait ranger de suite parmi les Mou-
ches Tachmes.
C'est VEchinomyia prompta Meigen, qui bien certainement, comme ses
congénères, vit aux dépens de divers Lépidoptères. Elle est commune en
Languedoc, et s'attaque si souvent aux chenilles de notre Agrotis que
certaines années plus de la moitié de celles-ci en sont atteintes. Nous avons
1 Robineau-Desvoidy ; Essai sur les Myodaircs (Mémoires présentés par divers
savants à l'Académie des Sciences, tom. II, 1830). — Dr Laboulbène ; Métamor-
phoses d'une mouche parasite de la Noctua Brassicx Linné (Ann. Soc. enl. de
Fr., 18G1, pag. 231). — Goureau ; Les Insectes nuisibles. Paris, V. Masson, 18G1.
260 LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE.
môme fait des éducations où toutes les chrysalides obtenues renfermaient
un de ces parasites, et c'est bien certainement à cette moucbe que dans la
région de l'Olivier nous devons de passer parfois plusieurs années sans
qu'il soit parlé des ravages du ver gris.
La plupart des Tacbinaires vivent en certain nombre dans le corps de
leur victime et sortent de celle-ci quand elle est transformée en chrysalide,
pour se changer immédiatement en pupe. Réaumur, dans sa description
des Vers de mouches à deux ailes, avait déjà observé cet exode et cette
métamorphose immédiate'. Chez les Echinomyia, comme du reste chez
certains autres genres, il n'en est pas ainsi : la métamorphose en pupe a
lieu dans l'intérieur de la chrysalide et. vu la grosseur du parasite, il n'y en
a qu'un par victime.
Un seul œuf est déposé sur le dos de la chenille, et il y est si bien collé
qu'on ne peut l'enlever sans l'écraser. De cet œuf sort une petite larve qui
perce la peau de l'insecte et pénètre dans sa cavité générale. Là, vivant du
tissu adipeux et respectant tous les viscères, elle grandit sans que la che-
nille paraisse incommodée. Celle-ci continue à manger, à grossir, et
arrive même le plus souvent à faire sa coque et à se changer en chrysalide.
De suite après cette métamorphose, c'est-à-dire en juin, les organes essen-
tiels de l'insecte sont attaqués ; celui-ci meurt, et dans l'intérieur de son
corps le parasite se transforme en pupe. Vers le mois d'août, a lieu la mé-
tamorphose de {'Echinomyia en insecte parfait. A ce moment, les chenilles
des Noctuelles sont écloses, et en septembre un œuf est pondu sur leur dos
par la grosse mouche, et le cycle recommence. Exceptionnellement, nous
avons vu sortir le parasite de la peau racornie de la chenille .
U Echinomyiaprompta se reconnaîtra facilement à la description suivante:
Corps long de 12 à 15 millim., large de 5 environ, couvert de poils
rudes un peu recourbés en arrière, plus serrés sur la tête et le thorax que
sur l'abdomen. Tête triangulaire, d'un blanc argenté, soyeux, avec les yeux
d'un brun roux et une bande frontale rousse partant du sommet du vertex.
Palpes allongés, filiformes; antennes de trois articles, le troisième plus
court que le deuxième et portant un appendice ou style très délié de trois
articles. Thorax gris foncé avec quelques bandes longitudinales plus claires
sur sa partie antérieure; ccusson rougeâtre, à base brune. Pieds noirs à
dernier article bilobé très dilaté. Abdomen roux ou d'un jaune testacé avec
des reflets argentés portant une bande dorsale noire, dilatée, en forme de
triangle sur chaque segment. Les poils de l'abdomen, moins serrés que ceux
de la tête et du thorax, sont plus longs, plus raides, surtout ceux du bord
1 Réaumur; Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, loin. II, pag. 441.
LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. 261
postérieur des segments et constituent vraisemblablement un appareil de
protection contre les mouvements désordonnés de la chenille sur laquelle
l'œuf sera déposé.
La larve, aveugle, blanche, en forme de quille, rentre dans le type bien
connu des larves de mouches.
La pupe, ressemblant à un barillet, formée de la peau de la larve
durcie et renfermant la véritable nymphe, est cylindrique, c'est-à-dire
peu atténuée des deux bouts. Elle présente du côté antérieur une ligne
transversale un peu en relief indiquant l'ouverture de sortie de l'insecte.
Au-dessus de cette ligne, en contact avec elle, on distingue deux petits
tubercules, et, au-dessous de ces proéminences, les vestiges de la bouche; du
côté postérieur enfin, au-dessus d'une dépression qui correspond sans doute
à l'ouverture anale, se voient deux saillies chitineuses qui sont les deux
stigmates abdominaux en forme de bouton trilobé.
Cette grosse mouche, à l'allure vive, est plus commune dans le midi de
la France que dans le Nord '. Elle vit du nectar des fleurs et on la voit
fréquemment sur celles d'une des Ombellifères les plus répandues, le
Daucus carotta. Elle pénètre même souvent dans nos habitations.
En dehors de l'action destructive de notre mouche parasite, le mal peut
être enrayé naturellement par les intempéries. Nous avons remarqué en
effet que les printemps secs succédant aux hivers également secs, s'ils
coïncidaient surtout avec une faible proportion de chenilles attaquées par
les Echinomyia, étaient ceux où les ravages étaient les plus grands. La
chenille, dans sa retraite souterraine, est, parait-il, tuée par un excès
d'humidité, et c'est ce qui explique facilement les ravages plus grands
exercés dans le midi que dans le nord de l'Europe.
L'hiver de 1888-89 eu Languedoc a été remarquable sous ce rapport.
Les vers gris, extrêmement abondants à l'automne de 1888, faisaient pré-
voir de grands dégâts pour le printemps suivant ; mais l'hiver ayant été
exceptionnellement pluvieux (320 millim. d'eau pendant le seul mois de
décembre), les vers gris ont été très rares au printemps de 1889.
Il n'est malheureusement pas donné à l'homme de pouvoir aider la na-
ture dans cette œuvre de pondération. Pas plus qu'il ne peut régler ou
même prévoir la quantité d'eau que donnera le pluviomètre en hiver, il ne
peut en aucune façon aider à la multiplication de la mouche bienfaisante.
Bien plus, il détruit forcément cette dernière en écrasant la chenille qui
renferme sa larve.
1 Macquart; Nouvelles observations sur les Tachinaires [Ann. Soc. ent. de
Fr., 1815, pag. 262.
2G2 LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE.
B. Moyens de destruction.— Le cultivateur devra donc agir comme si
ces auxiliaires naturels n'existaient pas. Pour que ses efforts soient féconds,
il lui faut, comme toujours, bien connaître les mœurs de son ennemi.
Nous avons dit que celui-ci s'enterrait le jour à une faible profondeur.
De tout temps, sans doute, la recbercbe du ver gris au moyen d'une petite
piocbe a été pratiquée. On détruit ainsi, en avril et mai, des quantités
notables de ces brouteurs nocturnes ; des femmes ou des enfants peuvent
faire ce travail, mais bien souvent nous avons vu les vignerons s'étonner
de ce qu'une soucbe au pied de laquelle dix ou douze vers gris avaient été
écrasés, en avait autant le lendemain. C'est que partout où la terre a été
binée, il y a des chenilles enterrées et que, l'entre-deux des soucbes n'étant
jamais fouillé, les mottes de terre, moins émiettées, y offrent aux ravageurs
un refuge plus assuré et plus commode. Il y a donc en réalité, en dehors
des premières recherches, plus de chenilles à une certaine distance qu'au
pied môme de la soucbe. Une première précaution qui devra être prise
consistera, lors du binage de printemps, à laisser de distance en distance,
tous les deux rangs à peu près, une bande de terrain non piochée ou non
labourée, qui, le jour, rejettera toutes les chenilles dans la raie binée; la
nuit, en attirera le plus grand nombre sur ses mauvaises herbes. Une fois
le grand danger passé, c'est-à-dire fin mai, le binage supplémentaire
pourra se faire. Il ne faut pas oublier en effet que les chenilles de Noc-
tuelles sont omnivores et paresseuses, et qu'entre une feuille de pissenlit
ou de séneçon au ras du sol et une feuille de vigne à un demi-mètre d'éléva-
tion, la préférence sera donnée à la première.
Nous avons dit également que les vers gris, mal outillés pour creuser,
rentraient toujours dans les mêmes trous ou se réunissaient sous les mêmes
abris. Ces habitudes ont été observées aux environs de Narbonne par tous
les viticulteurs, et un moyen de destruction très répandu dans cette région,
si souvent ravagée, consiste à mettre au pied de la soucbe une poignée de
luzerne ou d'herbe coupée que l'on soulève tous les matins et où l'on écrase
les chenilles. On pratique encore dans la même région viticole le procédé
que nous appellerons celui des trous de pal. Trois ou quatre trous sont
pratiqués non loin de la souche avec un petit pal ou plantoir en bois. Les
chenilles se contentent fort bien de ces trous béants aux parois tassées, pour
s'abriter pendant le jour, et le matin on n'a plus qu'à les écraser au fond
de leur retraite avec le même instrument.
En employant simultanément ces trois procédés, d'une application si
simple, on arrivera certainement à sauver la plus grande partie de sa récolte.
Il nous reste à parler du sulfure de carhone, dont l'emploi semble indi-
qué contre tout insecte souterrain. Ses vapeurs tendent plutôt à descendre
LES ÉCAILLES OU CHÉLONIES. 20.'?
dans le sol qu'à remonter à sa surface ; or c'est précisément dans la cou-
che superGcielle que se tiennent les vers gris au printemps et à l'automne.
Il serait donc à craindre qu'appliqué à ces époques-là, le traitement ne fût
pas efficace ; mais il devra être essayé en hiver, après une forte gelée qui
aura fait descendre la grande niasse des chenilles entre 10 et 20 centim. de
profondeur.
LES ÉCAILLES OU CHÉLONIES.
On nomme ainsi de heaux papillons de la tribu des Romhycides, aux
couleurs vives, aux chenilles couvertes de longs poils, marchant rapidement,
bien connues des maraîchers comme saltaquant à une foule de plantes
cultivées.
Plusieurs espèces ont été signalées sur la vigne et se soDt, certaines an-
nées, tellement multipliées dans les départements de l'Hérault et du Gard,
que dans plusieurs quartiers la récolte en a été sensiblement réduite.
Ces cas-là sont rares. La règle qui fait du gros insecte un ennemi peu
redoutable en comparaison du petit, trouve ici son application, et les grands
ravages ne sont qu'exceptionnels. Nous ne pouvons cependant moins faire
que de donner quelques détails sur ces Lépidoptères omnivores, répandus
dans la plus grande partie de l'Europe et cités par Walckenaer, Vallot,
Dunal, Audouin, Audré, etc., tous ceux, en un mot, qui ont fait un tra-
vail d'ensemble sur les insectes de la vigne.
Ces divers auteurs citent une demi-douzaine de ces écailles ampélo-
phages ; nous croyons suffisant d'en porter le nombre à quatre, et nous par-
lerons des Chelonia caja, viltica, mendica et lubricipeda, qui sont les
plus répandues.
I. — L'Écaillé martre (Chelonia caja Linné).
Ce beau papillon (fig. 51), long de 4 centim. environ, en a ordinairement
0 d'envergure. Ses ailes antérieures sont d'un blanc roussâtre avec de
grandes taches irregulières d'un brun café au lait foncé qui occupent par-
fois la plus grande surface des ailes et peuvent être alors considérées
comme en formant le fond. Les ailes postérieures sont d'un rouge vif avec-
plusieurs taches d'un bleu foncé métallique entourées de noir, plus ou
moins grandes. La tête et le thorax en dessus sont d'un brun cale au lait
264 LES ÉCAILLES OU CHÉLONIES.
comme les ailes antérieures, avec un collier rouge; les antennes, pectinées,
sont blanches ; Y abdomen est rouge avec trois rangées longitudinales de
tacbes noires, celles-ci d'or-
dinaire réunies forment des
taches transversales sur
plusieurs segments. Le des-
sous du corps est revêtu de
poils rouges.
La chenille, longue de
plus de 5 centim., est noire
avec des bouquets de poils
très longs, de même cou-
leur, implantés sur des tu-
Fig. 51. — Écaille martre, grandeur naturelle.
hercules également noirs. Les trois anneaux thoraciques sont garnis de
poils d'un roux vif insérés sur des tubercules d'un blanc bleuâtre. La tête
est d'un noir brillant; les pattes brunes, ainsi que la partie ventrale. Les
stigmates sont blancs.
La chrysalide est cylindro-conique, d'un noir luisant, avec l'extrémité
ahdominale bilobée et garnie de petites épines ferrugineuses. Le cocon
dans lequel elle est enfermée, dans une feuille repliée, entre deux feuilles
ou dans une fissure d'écorce, est fait de soie grossière formant un tissu
peu serré et entremêlé des longs poils de la chenille.
«L'Ecaillé caja est surtout abondante, dit Dunal, dans le département
du Gard. Certaines années, elle s'y trouve en si grande quantité sur fa
vigne qu'elle la ravage. Dans une vigne de 30 ares, à Saint-Gilles, on a tué
dans une matinée 1 ,200 de ces larves. Elles mangent les bourgeons sans les
couper à leur base.
»I1 paraît que cet insecte s'est montré à toutes les expositions, princi-
palement sur le cépage appelé Grenache et dans les terres argileuses. »
Aux environs de Montpellier, le printemps de 1889 a été remarquable
par l'abondance extrême de ces grosses chenilles velues. Dans tous les
terrains formés de cailloux et de débris siliceux (Diluvium alpin), surtout
dans la commune de Saint Georges, célèbre par ses vins, on a pu évaluer
le dégât entre un dixième et un cinquième de la récolte. L'insecte n'étant
pas nocturne, ses dimensions étant grandes, sa recherche est assez facile.
On le trouve broutant les feuilles pendant le jour ; jamais il ne coupe le
bourgeon entier, comme le ver gris de la Noctuelle.
LES ÉCAILLES OU CHÊLONIES. 265
II. — L'Écaillé fermière {Chelonia villlca Linné .
L'insecte parfait, long de 30 à 35 millim. les ailes fermées, en a 50 à 60
d'envergure. Les ailes antérieures sont d'un beau noir velouté avec des
taches d'un jaune paille clair, de forme irrégulière. Les ailes inférieures
sont d'un beau jaune orange avec quelques points noirs dans leur partie
moyenne et une assez grande tache apicale plus ou moins déchiquetée ren-
fermant aussi dans son intérieur deux ou trois espaces jaunes plus ou
moins grands. La tête, les antennes, le thorax et les pattes sont d'un noir
profond avec deux taches couleur paille sur les côtés antérieurs du thorax.
En dessous, le thorax et les cuisses offrent des poils d'un rouge carminé.
L'abdomen est jaune en dessus avec son tiers postérieur rouge et quelques
points noirs ; en dessous, il est rouge avec deux lignes d'un brun noirâtre.
La chenille adulte, longue de plus de 5 centim., est entièrement noire,
avec des tubercules plus pâles supportant des bouquets de poils d'un brun
rouge. La tête est également rouge, ainsi que les pattes. Les stigmates sont
blanchâtres cerclés de noir.
La chrysalide, d'un brun noirâtre, avec les entre-deux des segments plus
clairs, ceux-ci garnis de petits faisceaux de poils roux, est aussi enfermée
dans un cocon de soie grossière.
III. — L'Écaillé mendiante [Chelonia mendica Linné).
Cette espèce, plus petite que les précédentes, est remarquable par la dif-
férence de robe existant entre le mâle et la femelle. Le corps, gris chez le
premier, blanc chez la seconde, est long de 20 à 22 millim. , les ailes fermées,
et de ?o millim. en viron d'envergure. Dans le mâle, les quatre ailes sont d'un
gris uniforme; dans la femelle, elles sont blanches, un peu transparentes.
Chez les deux sexes, les antérieures seules présentent cinq à six points
noirs épars et disposés parfois un peu différemment. Les antennes, noires
chez la femelle, sont grises et pectinées chez le mâle ; enfin, dans les deux
sexes, les cuisses offrent des poils d'un jaune fauve et Vabdomen cinq
rangées longitudinales de points noirs.
La chenille, que l'on trouve en juin et juillet, est d'un blanc sale tirant sur
le jaune ou le gris ; elle offre une large ligne dorsale d'un gris obscur, et
sur les parties latérales quelques traits obliques qui paraissent formés par
des replis de la peau ; sa tète est d'un roux clair brillant. Tout son corps
2G6 LES ÉCAILLES OU CHÉLOMES.
est couvert de poils raides, blonds ou roussâtres, disposés par bouquets sur
des tubercules peu saillants.
La chrysalide est ovoïde et d'un brun luisant. Le cocon soyeux qui la
renferme est d'un tissu lâche entremêlé de poils. Le papillon n'éclôt qu'au
printemps suivant.
IV. — L'Écaillé pied glissant (Chcîonia lubricipcda Linné).
Cette espèce, dont le corps, les ailes fermées, est long de 2 centim. et
demi, a, les ailes ouvertes, une envergure de 4 centim. Elle ressemble par
la taille et un peu par la couleur à la femelle de VÉcaille mendiante. Les
ailes sont d'un jaune terne pâle, presque blanc, en dessus et en dessous, avec
des points noirs. Les points des ailes supérieures sont au nombre de 12 à
14, dont trois placés sur la côte ou bord d'en haut ; les autres, à l'excep-
tion des deux postérieurs, lorsqu'ils existent, forment une ligne oblique
qui descend du sommet au bord interne. Les points des ailes inférieures
varient de un à sept, mais il y en a toujours davantage chez la femelle. La
tête et le thorax sont de même couleur que les ailes. L' abdomen, d'un
jaune fauve, a cinq rangées longitudinales de points noirs. Les pattes sont
d'un brun obscur avec des poils jaunes sur les cuisses. Les antennes sont
grises avec la lige noire.
La chenille adulte est d'un brun noirâtre avec une ligne dorsale bleuâtre
et des tubercules ferrugineux, sur lesquels sont des aigrettes de poils d'un
brun jaunâtre ; mais quelquefois la teinte générale du corps est d'un gris
roussâtre avec la ligne dorsale rembrunie. Elle court très vite, et c'est cette
circonstance qui lui a fait donner par Linné le nom de lubricipcda (pied
glissant). On la trouve depuis juillet jusqu'en octobre sur différentes plan-
tes, y compris la vigne, sur laquelle, dit Dunal, elle occasionne parfois des
ravages. Nous ne l'avons pas toutefois rencontrée sur la vigne en Lan-
guedoc.
La chrysalide est d'un brun rougeâtre, avec de petits crochets ferrugineux
à la pointe postérieure. Le cocon ressemble à celui des autres espèces.
Les trois Ecailles dont nous venons de parler se combattent, comme
l'Ecaillé martre, en recherchant le jour la chenille sur les bourgeons.
La présence de l'ennemi est vite décelée par les sarments dépouillés de
feuilles ; mais en mai, certaines années, assez rares heureusement, la visite
doit être journalière.
CHAPITRE XIII.
SOUS-ORDRE DES CRÉPUSCULAIRES
Ces Lépidoptères, dont les ailes inférieures, comme chez les Nocturnes,
sont réunies par un frein aux ailes supérieures, sont remarquables par leur
corps très développé par rapport aux ailes, leur abdomen fusiforme relié
étroitement au tborax, et leurs antennes prismatiques terminées par une
pointe recourbée. Leur trompe, très développée, dépasse parfois debeaucoup
la longueur du corps, ce qui permet à ces insectes, qui ont pour la plupart
un vol coutinu et rapide, de visiter, sans se pofer, les corolles les plus pro-
fondes. La plupart volent au crépuscule, comme leur nom l'indique. Tels
sont les Sphinx; d'autres, comme les Zygènes et les Macroglosscs, volent
en plein soleil.
LA ZYGÈNE DE LA VIGNE1
(Ino Ampelophaga Bayle.)
Synonymie : Sphinx ampelophaga Hiïbner. — Sphinx vilis Freyer.
— Procris vitis Bonnelli, Boisduval. — Zigxna ampelophaga Bayle.
1 Bibliographie.— V. Hiibner; Eur. Schmett. Sphingidx, 1805.— Bayle
Barelle ; Sarjgio intorno agli insetti ?wcivi. Milano, 1824. — Passerini ;
Mem. sopra due specie d'Insetti nocivi (Atli délia R. Acad. dei Georgofili di Fi-
renze, 1829 et 1830. — Walckenaer ; Ins. nuisibles à la Vigne, 1836. —
Vallot ; Ins. nuisibles à la Vigne, 18 il. — Audouin ; Ins. nuisibles à la
Vigne, 1842. — Dei ; Insetti dannosi aile vili in llalia. Milano, 1873. — Ach.
Costa; Insetti che altacano l'Albcro ed il frutto. Napoli, 1877. — Minière;
Iconographie des Lépidoptères. Lyon, 1882. — André; 1rs Parasites de la
Vigne. Beaune, 1882. — Targioni-Tozzetti ; Helazione délia R. slazzionc di
Ëntomologia di Firenze, pag. 4 43. 1884. — Peragallo ; Insectes nuisibles à
l'Agric. Nice, 1885. — Ottavio Ottavi ; Traité pratique de Vitic. 1885.
268 LA ZYGÈNE DE LA VIGNE.
Procris ampelophaga Passerini, Duponchel, Audouin. — Atgchia ampe-
lophaga Treitscbke. — Ino ampelophaga Leach, Curo, Targioni, Stau-
dinger et Wocke. Noms français : Zygène de lu vigne, Procris mange-
vigne. Nom italien : Zygœna délia vite.
L'espèce dont il est ici question, signalée depuis fort longtemps sur la
vigne dans l'Europe méridionale, fait partie de la famille des Zygénides,
groupe de Crépusculaires qui forme transition avec les Nucturnes. Leurs
ailes, de même que chez ces derniers, sont tectiformes et dirigées vers le
bas comme une chape; mais leur corps, très développé par rapport aux
ailes, et surtout leurs antennes, les rapprochent des Crépusculaires. Les
Zygénides ont une particularité commune à toutes les espèces du groupe,
celle de simuler la mort lorsqu'on les saisit. Le vol est diurne, assez lourd,
toujours court; l'accouplement se fait hout à bout. Le cocon, allongé, mem-
braneux, jaune clair ou blanchâtre, est généralement mal dissimulé sur des
tiges grêles ou des chaumes de graminées ; parfois cependant, comme celui
de uotre espèce, il est Glé dans les feuilles sèches, les fissures de l'écorce,
les creux de roseaux, etc.
1. - HISTORIQUE.
Baylc-Barelle, de Milan (1824), est le premier qui, au point de vue
méthodique, ait suffisamment étudié l'espèce qui nous occupe, pour qu'on
puisse lui attribuer le nom spécifique adopté par tous les entomologistes.
Passerini, de Florence (1829 et 1830), a décrit dans deux Mémoires les
mœurs de l'insecte. D'après Walckenaer (1836), qui a étudié ce dernier
surtout au point de vue historique, l'espèce, très répandue en Italie, est
peut-être celle ou une de celles connues des anciens sous les noms d'/ïi-
volvulus ou Convolvulus. Pallas, ajoute Walckenaer, parait avoir, dès le
xvme siècle, observé l'insecte dans les vignes de la Crimée {Travels in
Russie, tom. II, pag. 241). Ce n'est en tout cas que depuis Bayle et Pas-
serini que les observations sont positives, et c'est dans les travaux de ces
deux auteurs qu'ont puisé Walckenaer, Audouin et la plupart de ceux qui
ont écrit sur les insectes de la vigne. Le livre de M. Ach. Costa, de Naples
(1877), pag. 203 à 213, est certainement, parmi les travaux récents, celui qui
donne le plus de détails sur l'insecte, celui auquel sont empruntés une bonne
partie de ceux que nous donnons nous-même. Millière (1882) a le premier
signalé l'espèce en France dans le département des Alpes-Maritimes, et
c'est à ce titre que, parmi plusieurs entomologistes qui ont récemment parlé
de la Zygène de la vigne, nous citons spécialement l'auteur bien connu de
\' Iconographie des Lépidoptères.
LA ZYGÈNE DE LA VIGNE. 269
II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
Les derniers jours d'avril ou les premiers de mai, apparaît le papillon,
et, aussitôt la femelle fécondée, les œufs sont déposés sur les branches de
la vigne par groupes de deux à trente, accolés régulièrement sur un même
plan.
Au bout de dix à douze jours, les petites chenilles éclosent et se mettent
aussitôt à manger les jeunes bourgeons, passant successivement aux feuilles
les plus tendres. Elles les attaquent, non pas sur le bord, mais au milieu
du limbe, à la manière des escargots. Pendant le jour, elles se tiennent sur
la face inférieure des feuilles, évitant soigneusement les rayons directs du
soleil, se cachant même dans les fissures et jusque dans le sol quand la
chaleur est trop forte. C'est à l'aurore et au crépuscule que les dégâts se
commettent. L'insecte est à l'état de larve adulte au bout d'une trentaine
de jours, c'est-à-dire fin mai ou commencement de juin. A ce moment, il
se retire dans les crevasses de la souche ou dans celles des échalas et ûo^
arbres sur lesquels la vigne monte, suivant l'usage italien, ou, si la vigne
tenue basse est supportée par une simple canne de roseau, c'est dans la
cavité de celui-ci qu'il se réfugie. Là, il se sépare de l'air extérieur par une
cloison de soie grossière, se file un cocon soyeux, plus finement tissé et,
reste quelque temps encore sous forme de larve. Enfin a lieu la métamor-
phose en chrysalide, et cet état dure de douze à quinze jours, après lesquels,
dans la seconde moitié du mois de juin , apparaît le nouveau papillon .
Les œufs sont pondus de la même façon qu'au printemps ; la chenille
fait une nouvelle consommation de feuilles de vigne et construit un cocon
pour s'y chrysalider. Des premiers cocons filés sortent, fin août ou premiers
jours de septembre, quelques papillons généralement inféconds et que
l'hiver tuera. Le reste, plus tardif, passe à l'état de chrysalide l'automne
et l'hiver, pour apparaître au printemps et recommencer la propagation de
l'espèce.
Œufs. — Ils sont presque sphériques, d'un diamètre d'environ i
dixièmes de millim., d'une couleur blanchâtre tirant sur le jaune paille, a
cuticule lisse et transparente.
Chenille. — Le corps est relativement court et gros, 12 millim. de
long sur 3 de large a 1 âge adulte. Quand la chenille est jeune, la couleur
générale est le gris jaunâtre avec trois bandes longitudinales sur le dos et une
autre sur chacun des flancs. Ces bandes sont formées par des séries de
taches allongées de couleur sombre, placées sur chaque anneau, le ventre
270 LA ZYGÈNE DE LA VIGNE.
de couleur plus claire. Quand la chenille est adulte, dit Millière, le dos et
les flancs sont d'un brun rougeâtre et le ventre jaune de Naples; la tête,
très petite, est noire ; les 6 pattes écailleuses et les 10 fausses pattes sont
jaune clair. Le corps est recouvert en dessus de gros points pilifères
bleuâtres donnant naissance à de nombreux poils bruns médiocrement
longs. La face ventrale est toujours plus claire et dénuée de poils.
Chrysalide. — L'insecte, sous cette forme, estd'unjaunegrisâtre. Il est
enfermé dans un cocon de soie assez lâche, de couleur blanc cendré un
peu bleuâtre, long de 12 à 13 miliim.
Le papillon (fig. 52), long de 12 miliim. environ les ailes fermées, en
a 22 à 25 d'envergure. Les ailes antérieures sont d'un brun verdâtre ou
bleuâtre uniforme, légèrement bronzé, les posté-
rieures entièrement d'un brun noirâtre. Le corps
est d'un vert brillant avec des poils noirs. Les
antennes, presque aussi longues que le corps,
sont largement pectinées chez le mâle, plus
1, brièvement chez la femelle.
Ce papillon, d'une grande vivacité, présente,
d'après Millière, ainsi que toutes les Zygènes,
Fig. 52. Zygène de la cette particularité inexplicable de résister indé-
vigne.
uniment dans le flacon à cyanure de potassium
dont se servent les entomologistes, milieu où succombent presque instan-
tanément la plupart des Lépidoptères. Cette espèce se trouve dans une
grande partie de l'Europe méridionale. Décrite d'abord en Italie, elle a
été signalée en France dans les Alpes-Maritimes par Millière, e.n Hongrie
par M. Horvath, en Autriche par M. Bollé, en Espagne par M. Graëlls.
L'Italie parait toutefois sa patrie préférée, son centre de rayonnement.
Passerini et tous les auteurs italiens nommés plus haut citent le Tyrol, le
Piémont, la Lombardie, la Toscane surtout, les environs de Rome, de
Naples et la Sicile comme les régions les plus attaquées. C'est, on le voit,
presque toute l'Italie.
III. — DÉGÂTS ET MOYENS DE LES COMBATTRE.
LaZygène de la vigne peut être fort nuisible. D'après Passerini, c'est la
moitié delà récolte qui parfois est enlevée. Costa parle d'un quart ou d'un
tiers, et cela est suffisant pour faire de cette chenille, exclusivement arapé-
lophage, un ennemi redoutable.
Jusqu'à présent aucun moyen infaillible n'a été conseillé pour la dé-
truire.
LA ZYGÈNE DE LA VIGNE. 27]
Pour atteindre les petits ennemis de ses récoltes, l'agriculteur, avons-
nous dit, doit avant tout bien connaître leurs mœurs ; or les divers auteurs
qui ont écrit sur notre Zygène ne sont pas d'accord sur le nombre de ses
générations. Bayle-Barelle affirme que dans le Piémont il n'y en a qu'une;
Millière, de Cannes, dit qu'il en est de même dans les Alpes-Maritimes. Il
a vu, dit-il, les chenilles descendre en juin pour faire leur cocon, et le pa-
pillon paraître en juillet. L'espèce passerait, selon lui, l'hiver à l'état d'oeuf.
M. Costa, de Naples, dont nous avons, dans la partie biologique, donné
en quelque sorte une traduction abrégée, mais fidèle, parle, on l'a vu, de
deux générations et cite même une troisième apparition, partielle il est
vrai, de papillons en automne. Nous croyons à l'exactitude d'observation
des trois naturalistes. L'insecte, qui dans le nord de son aire géographique
n'a qu'une seule génération, en a deux dans le Midi.
Le mode de destruction, on le conçoit sans peine, doit donc varier avec
les différences de mœurs; autrement dit, avec les pays.
Dans ceux où il n'y a qu'une génération, nous dirons, avec Bayle-Bar-
relle, qu'une fois la taille faite et avant que la vigne soit attachée à ses sup-
ports ou échalas, on doit frotter énergiquement avec un chiffon rude les
écorces et le bois qui portent les plaques d'œufs. Nous ajouterons que les
badigeonnages Balbiani, dont il a été question à propos de l'œuf d'hiver du
Phxjlloxora (pag. 1 19), ne pourraient être que fort utiles. Il estàproposde
rappeler ici que, puisque nous avons affaire à une espèce spécialement ita-
lienne, elle était fort probablement connue des anciens, et que dans son livre
De rerustica, Caton a bien pu vouloir parler des badigeonnages insecticides
employés contre elle lorsqu'il dit que la vigne enduite avec du marc d'huile
réduit à la consistance du miel n'est pas attaquée par les Convolvulus. Ce
nom, nous l'avons déjà dit, pouvait du reste s'appliquer à plusieurs insectes.
Dans les régions où il y a deux générations dans l'année, où l'insecte
passe l'hiver à l'état de chrysalide, il faut re-
noncer à l'idée d'écraser les pontes sur le bois
de la vigne garnie de feuilles. On proGtera de
l'habitude qu'a la chenille de se laisser choir sur
le sol quand on secoue le cep. Si la vigne est
cultivée avec un grand développement, on fera
tomber l'insecte, comme le dit M. Costa, au
moyen d'un bâton, sur un linge étendu sur le Fig. 53. — - Entonnoir à
, -,. , . , Altises.
sol. Si les ceps au contraire sont tenus bas, on
se servira de l'entonnoir à altises (fig. 53), déjà décrit à propos delà Grisettc.
Les chenilles des Zygènes, mauvaises Gleuses, ne se laissent pas couler
au bout d'un fil, à la façon de celles des Tordeuses. Elles tombent pliées eu
272 LES SPHINX AMPÉLOPHAGES.
demi-cercle, et bien certainement, mieux que les Altises ou les Grisettes,
elles iront rouler jusqu'au fond du sac qui termine l'entonnoir.
LES SPHINX AMPÉLOPHAGES.
En fait de Lépidoptères nuisibles aux vignes, il nous reste à parler
des Spbingides ou Sphinx, qui de temps en temps font parler d'eux. Les
divers auteurs"' portent à trois ou quatre le nombre des espèces incri-
minées. Aucune d'elles n'arrive à occasionner des dommages bien graves ;
mais comme leurs chenilles sont grosses, facilement remarquées, elles sont
accusées de toutes les entailles faites aux feuilles des souches et nous sont
fréquemment apportées par les viticulteurs. Le mal fait par l'espèce la
plus ampélopbage est, en somme, minime, et là encore, comme pour les
Chelonia, nous pouvons constater que d'ordinaire le gros insecte est moins
nuisible que le petit.
Les Sphinx se reconnaissent de suite à leur corps énorme par rapport
au faible développement de leurs ailes toujours étendues, à leurs antennes
fortes, courtes, prismatiques, à leur trompe très développée, à leurs ailes
antérieures lancéolées et à leur abdomen conique. Leurs couleurs sont
généralement belles, aussi bien chez la chenille que chez l'insecte parfait.
Chez celui-ci, les sexes présentent peu de différences extérieures. La che-
nille porte toujours un éperon sur l'avant-dernier anneau. Le groupe,
nombreux en espèces, soixante environ, est répandu dans les deux mondes,
et en Amérique comme en Europe il y a des espèces qui peuvent, à l'oc-
casion, nuire à la vigne.
Celles qui chez nous ont été signalées par tous les auteurs sont au
nombre de trois : Sphinx (Deilephila) lineata, Porcellus et Elpenor.
Des deux premières, nous ne dirons que quelques mots. Certains au-
teurs, Dunal entre autres, leur ont accordé trop d'importance.
I — Le Sphinx à bandes.
(Sphinx [Deilephila) lineata Linné).
Le Sphinx {Deilephila) lineata a la couleur générale d'un brun
olivâtre, nuancée de jaune, de rouge et de blanc. Le jaune consiste en une
bande traversant l'aile supérieure d'un bout à l'autre, le rouge dans une
LES SPHINX AJdPÉLOPHAGES. J7.!
bande de même forme traversant l'aile inférieure, le blanc dans des bandes
et des taches diversement disposées sur le thorax, les ailes et l'abdomen.
Les quatre raies blanches longitudinales dont le thorax est orné, les deux
intermédiares convergentes, permettent de distinguer cette espèce de toutes
les autres.
La chenille est d'un jaune olivâtre, avec la tête et deux lignes dorsales
parallèles roses; le ventre est blanchâtre. Elle vit sur les plantes de la
famille des Rubiacées telles que le caille-lait, sur certaines Composées
comme la scorzonère et aussi sur la vigne. Nous l'avons trouvée sur cette
dernière à Montpellier et nous l'avons reçue d'Algérie.
II. — Le Sphinx petit pourceau.
[Sphinx (Dcilephila) porcellus Linné).
Le Sphinx (Deîlephila) porcellus, appelé en français Sphinx petit
pourceau ou petit Sphinx de la vigne, est le moins grand des trois,
4 à 5 centim. d'envergure. La couleur dominante sur le corps et les ailes
de cette petite espèce est le rose. Le milieu des quatre ailes est d'un jaune
verdâtre clair et le bord antérieur des deux ailes postérieures est teinté
de brun.
La chenille est brune ou verte, généralement brune ; elle a de chaque
côté, sur le devant du corps, trois taches oculaires noires à prunelle blanche
et à iris roussàtre. La corne est courte, à peine saillante. Le caille-lait
jaune, l'épilobe et la vigne sont ses trois plantes préférées.
III. — Le Sphinx de la vigne.
[Sphinx [Deilephila] Elpenor Linné).
Cette espèce, appelée par Geoffroy Sphinx de la vigne, ne doit pas être
confondue avec le Sphinx vitis Linné, qui est d'Amérique, et dont nous
n'avons pas à parler. C'est la plus ampélophage des trois espèces de Sphinx,
citées ici et c'est aussi la seule sur laquelle nous nous étendrons un peu
longuement.
Le papillon (6g. 54) a 6 à 7 centim, d'envergure. Le corps est rose,
avec deux bandes longitudinales d'un vert olive jaunâtre sur Vabdomen
et cinq lignes divergentes de cette couleur sur le thorax; celui-ci est borde
de blanc près de l'attache des ailes et la naissance de l'abdomen offre de
chaque côté une tache noire arrondie. Les ailes antérieures sont, en dessus,
d'un rose pourpre avec trois bandes d'un vert olive clair. La bande anté-
18
274
LES SPHINX AMPÉLOPHAGES.
rieure longe presque toute la-côte et elle a le milieu marqué d'un petit point
blanc. La bande intermédiaire est oblique et se confond à sa partie supé-
rieure avec la bande précédente. La bande postérieure, également oblique,
iiniten pointe au sommet. Indépendamment de cela, il y a une petite tache
Fig. 54. — Sphiux de la vigne, grandeur naturelle.
brune contre la base de l'aile et le bord interne est garni de poils blancs
depuis son origine jusqu'à la bande postérieure. Les ailes postérieures
sont, en dessus, d'un rose pourpre avec la moitié basilaire d'un brun ver-
dâtre, le bord supérieur est d'un blanc teinté de verdâtre et le bord posté-
rieur est liséré de blanc pur. Le dessous des quatre ailes est rose, avec une
ou plusieurs bandes à leur partie antérieure d'un jaune verdâtre variant de
formes. Les antennes, roses en dedans, d'un verdâtre rosé en dehors, sont
liséréesde blanc en dessus. Les pattes sont blanches, la trompe d'un jaune
sombre un peu doré.
La chenille 'est verte quand elle est jeune, conservant parfois cette couleur
dans un âge avancé; mais alors les raies obliques qu'on observe sur ses côtés
sont noirâtres au lieu d'être grisâtres. D'ordinaire, après la seconde mue,
celte chenille est d'un brun plus ou moins obscur, finement veiné de noir,
avec six raies longitudinales obliques grisâtres. Elle a sur le premier et le
deuxième segment de l'abdomen deux taches noires orbiculaires et marquées
chacune d'une lunule dont les bords sont d'un blanc violacé et le milieu
d'un brun olivâtre. Elle a de plus, le long du dos, deux rangs de points de
cette dernière couleur. Son éperon est recourbé, noir, avec l'extrémité
blanchâtre. La tête est petite, ainsi que les deux premiers segments du
thorax, dont le dernier segment (métathorax) est seul développé. Les pattes
articulées sont d'un gris luisant, les fausses pattes brunes.
Cette chenille vit plus souvent sur la vigne que celle des deux espèces
précédentes, mais on la trouve aussi sur le caille-lait jaune, l'épilobe et la
salicaire. Elle mange beaucoup et grossit assez vite. Sortie de l'œuf cou-
LES SPHINX AJIPÉLOPHAGES. 275
rantjuin, elle est adulte, c'est-à-dire longue de (i à 7 centim.,les premiers
jours de septembre.
Elle se creuse alors dans le sol, comme du reste les chenilles des deux
espèces précédentes, une loge ovale aux parois unies et garnie de quelques
fils de soie où elle opère sa uympliose.
La chrysalide, qui passe l'hiver, est d'un brun roux rappelantla couleur
vieux bois, avec la partie dorsale plus claire et celle qui correspond aux
appendices du vol el delà marche plus foncée. L'extrémité del'abdumen est
en forme de pointe incurvée vers le bas, de couleur noire ; les stigmates et
une rangée de petites épines entourant presque entièrement les i", .V et Gc
anneaux abdominaux sont également noirs.
Le papillon parait fin mai de l'année suivante ; la femelle pond sur les
feuilles de 20 à 25 œufs, qui sont éclosau bout de huit à dix juins ; ces trufs
sont arrondis, luisants et de couleur verdâlre.
En dehors des vignes en espaliers, nous n'avons jamais vu le Sphinx
de la vigne faire des dégâts sérieux. Il ne broute la vigne sous forme de
chenille que de juin à tin août, étant à l'état de chrysalide ou de pa-
pillon inoffensif lorsque les pousses sont tendres. On peut donc ne pas
s'en inquiéter en grande culture, où sa multiplication, du reste, semble
entravée par les binages, qui déterrent la chrysalide. Que de fois nous avons
vu cette dernière ramenée à la surface du sol par la charrue, et morte sans
doute après quelques journées d'exposition au soleil!
Pour les espaliers, à part les dégâts occasionnés sur les pampres, la
présence de la chenille est d'ordinaire décelée par ses grosses déjections
cannelées et verdàtres qui tombent au pied des ceps. Il est, en somme,
facile, avec ces points de repère, de trouver une chenille longue de G a 7
centim. et de la détruire sans avoir recours à l'arsenal de la chimie.
CHAPITRE XIV.
ORDRE DES NÉVROPTÈRES
Ce groupe se compose d'insectes ayant des formes, une structure anato-
mique et des métamorphoses assez différentes pour que certains naturalistes
les aient divisés en deux groupes, les Névroptères vrais et les Pseudo-
névroptères. Dans un travail d'ensemhle comme celui-ci, nous ne pensons
pas devoir même donner les caractères de ces deux coupes, et nous dirons
avec Linné, le créateur de l'ordre, que les Névroptères sont les insectes
réunissant les caractères suivants : quatre ailes membraneuses égales
parcourues par un réseau de nervures (vsu^ov) plus ou moins serré, un
appareil buccal masticateur et un prothorax toujours distinct .
Les Hémérobes, les Fourmis-Lions, les Phryganes, les Libellules, les
Éphémères, les Termites, sont les types les plus connus de l'ordre des
Névroptères. Ce sont des insectes en majeure partie carnassiers, c'est-à-dire
utiles à l'agriculture ; mais tout un groupe, celui des Termites, est poly-
phage, tout au moins lignivore, par conséquent nuisible a l'homme.
LES TERMITES NUISIBLES A LA VIGNE.
Les Termites, appelés fourmis blanches dans les pays chauds, sont des
insectes aux mœurs sociales fort curieuses, vivant en colonies nombreu-
ses appelées termitières et qui parfois occasionnent de très grands dégâts.
On a beaucoup écrit sur ces Névroptères ; mais, ne pouvant entrer ici clans
de grands détails, nous renverrons à leur sujet aux travaux des Konig,
des Sméathman, des Hagen, des Lespès, des F. Mûller, etc., qui les ont
si bien étudiés. Disons cependant qu'une termitière se compose de très
nombreux individus, parmi lesquels, comme chez les fourmis, on ren-
LES TERMITES NUISIBLES A LA VIGNE. 27*3
contre des individus de formes diverses, tels que des ailés sexués, mâles
et femelles, et des aptères asexués, ouvriers et soldats, les uns chargés
des soins domestiques, construction, élevages des jeunes, etc., les autres
chargés de la défense de la colonie et remarquables par leur énorme tête
carrée. Nous ajouterons qu'il y a des termites dont les habitations sont
souterraines, d'autres qui bâtissent en terre gâchée des constructions ex-
térieures plus ou moins vastes ayant jusqu'à plusieurs mètres d'élévation,
d'autres enfin qui se contentent d'établir leurs colonies dans le bois mort,
qu'ils creusent à cet effet en galeries irrégulières et profondes.
C'est à ces derniers qu'appartiennent les deux espèces européennes
signalées par divers auteurs comme nuisibles aux vieilles souches de vignes:
le Termite lucifuge (Termes lucifugus) et le Termite à col jaune [Terme*
flavicollis) .
J. — Termite lucifuge.
[Termes lucifugus Rossi).
On nomme ainsi l'espèce européenne la plus connue, la plus répandue,
celle dont les mœurs et les dégâts ont été le mieux étudiés. Lespès ' a
publié sur ce termite une étude restée classique, et dans ses colonies, établies
dans le bois, il a été observé par cet auteur des faits nouveaux et même
des formes d'insectes n'existant pas dans les autres termitières. Outre les
quatre formes citées plus haut, les mâles, les femelles, les ouvriers et les
soldats, Lespès a en effet constaté une seconde forme de sexués, les petits
mâles et les petites femelles, destinés à émigrer, à aller fonder des colo-
nies. Les petits î^ois et les petites reines, comme les appelle l'auteur, faisant
allusion au rôle rempli par les sexués dans la termitière, paraissent vers le
mois de mai. Les grands rois et les grands reines, qui n'émigrent pas»
paraissent au contraire au mois d'août. Dans les deux formes, la femelle,
d'abord ailée, perd ses ailes, et, la fécondation opérée, l'abdomen de l'in-
secte, par suite de la grande production d'oeufs, prend des dimensions
extraordinaires.
On reconnaîtra le Termite lucifuge aux caractères suivants :
Longueur du mâle, ailes non comprises, 5 millim. environ; de la fe-
melle non fécondée 6 millim., de la femelle fécondée et pleine d'reufs 8 à
9 millim. l'envergure est de 18 à 20 millim. Les insectes ailés perdent
leurs ailes avant l'accouplement ; celles-ci paraissent coupées irrégulière-
1 Lespès ; Recherche* sur l'organisation et les mœurs du Termite lucifuge
[Ann. des Se. nal., 1856).
278 LES TERMITES NUISIBLES A LA VIGNE.
ment. La longueur de l'ouvrier est de 4 millim., celle du soldat de 5 à 6.
Le corps, ressemblant à celui d'une fourmi, couvert de poils courts et
bruns, est de couleur brun clair cbez l'ouvrier, tirant sur le roux chez
le soldat, beaucoup plus foncée et même d'un noir brillant cbez les
sexués. Les femelles pleines d'œufs ont l'abdomen distendu, d'un blanc
sale, sauf les plaques cbitineuses de la partie dorsale et ventrale, qui res-
tent brunes. Les appendices sont bruns, sauf l'extrémité jaunâtre des tibias,
des tarses, des antennes et des palpes ; les quatre ailes, égales, sont mem-
braneuses. Avant d'atteindre l'état de nymphe, remarquable par ses moi-
gnons d'ailes, la larve, qui est presque blanche, subit quatre mues dont les
intervalles sont appelés stades par Lespès. Après la première mue, c'est-
à-dire au premier stade, la larve a 10 articles aux antennes, 12 à 14 au
deuxième stade et 16 au troisième.
Les caractères importants qui font placer le Termes lucifugus dans le?
Termes vrais sont les suivants : Tête sans saillie antérieure, cellule mar-
ginale des ailes dépourvue de nervures, tarses sans pelotes en forme de
ventouses entre les griffes.
Cette espèce est répandue dans le sud et surtout le sud-ouest de l'Eu-
rope. Elle est signalée pour M. Horvath en Serbie et dans le sud de la
Hongrie, dans les vignes de Berzaszka sur les bords du Danube, dans le sud
de l'Italie, la Sicile, la Calabre, les environs de Naples par MM. Targioni
et Aloi. Ses régions préférées paraissent être cependant le sud et l'ouest de
l'Espagne, le Maroc, Madère, le Portugal et nos départements du Sud-
Ouest. D'après Perris1, elle abonde dans les forêts de toute la côte, jusque
dans les Charentes, attaquant les souches des pins aussi bien que celles des
chênes; tous kh bois morts, en un mot, jusqu'aux charpentes des maisons.
D'après Audouin, Milne-Edwards et M. Blanchard, c'est l'espèce qui
depuis la fin du siècle dernier a eDvabi les villes de La Rochelle et de Ro-
cbefort et y a causé des ravages devenus célèbres; mais, selon M. de Qua-
trefages2, l'identité de ces termites citadins, différents par leurs mœurs de
ceux des ebamps et des bois, émigrant en mars et non en mai, resterait
encore a. prouver.
Le Termite lucifuge attaque le bois mort de la vigne, comme il attaque
tous les bois morts. Chez la vigne, on le sait, les blessures se cicatrisent
mal. Les ceps soumis depuis longtemps à la taille ont donc beaucoup de fis-
sures, de tares, de bois mort apparent. Ces parties mortes ou cariées sont
attaquées par notre insecte, dont les excavations, surtout dans les parages
' Perris ; Observation n° 7183 (Manuscrits de l'École d'Agric. de Montpellier).
2 Quatrefages ; Souvenirs d'un Naturaliste. Paris, 1854.
LES TERMITES NUISIBLES \ LA VIGNE. 270
exposés au vent, finissent par provoquer la rupture des ceps. Ces acci-
dents sont rares, en somme, et nous pensons que MM. Aloi et Grassi en
signalant les termites1 comme sérieusement nuisibles a la vigne, ont un peu
dépassé la mesure.
II. — Termite à col jaune.
[Termes (Calotermes) flavicollis Fabricius).
Cette espèce se trouve dans tout le sud de l'Europe. Elle attaque éga-
lement les bois morts, mais préfère ceux qui sont un peu pourris, tout
au moins ramollis par l'humidité. Vieux troncs d'arbres fruitiers ou de saules
taillés en têtards, vieilles souches de vignes, pieux plantés dans le sol,
tout lui est bon ; mais il ne pénètre jamais dans les bois de nos construc-
tions, comme le Termite lucifuge.
Il est possible que, sous le rapport des mœurs et des différentes formes
d'individus peuplant la termitière, cette espèce ressemble à la précédente,
mais son histoire est encore mal connue. On n'a observé que les larves, les
ouvriers, les soldats et les mâles, et un travail intéressant serait à faire sur
cet insecte.
Les larves et les ouvriers sont blancs et, mieux encore que ceux du
Termite lucifuge, méritent le nom vulgaire de fourmis blanches. Les soldats,
plus grands, atteignent 7 à 9 millim. de long ; leur couleur est le blanc
jaunâtre, avec une énorme tête quadrangulaire tirant sur le roux; leurs
mandibules, dentelées en dedans, anguleuses extérieurement au niveau de
leurs racines, sont moitié aussi longues que la tète.
Les mâles sont d'un brun marron foncé; la bouche, les antennes, les
pattes et le prothorax sont jaunes. Les ailes, dont l'envergure atteint
20 millim., sont légèrement enfumées. Cette espèce se distingue en outre
par une £c7e quadrangulaire assez grosse, un grand écusson cervical échan-
cré en avant et une pelote faisant fonction de ventouse entre les griffes de
chaque tarse. Ce dernier caractère fait ranger l'insecte dans le sous-genre
Calotermes.
Il occasionne sur les vieux ceps de vigne les mêmes dégâts que le
Termite lucifuge. Très répandu en Provence et en Languedoc, dans la zone
de l'olivier du moins, où l'espèce précédente est inconnue, il ne se passe pas
d'année qu'il ne nous soit envoyé comme ayant complètement évidé le tronc
de quelque vieille souche et occasionné sa rupture. Par suite du renouvel le-
1 Targioni-Tozzetti ; Relazione délia Stazione di Entom, di Firenze, 1888,
pag. 1M ; et Aloi e Grassi ; Bulletino di Not. agr., 188-i.
280 LES TERMITES NUISIBLES A LA VIGNE.
meut presque complet du vignoble méridional, le cas est cependant devenu
plus rare qu'avant l'invasion phylloxérique. MM. Targioni-Tozzetti, Aloi
et Grassi ont signalé l'insecte sur les vignes en Italie, où. il habite toute
la région de l'olivier, y compris l'île de Sardaigne.
Les dégâts, avons-nous dit, ne sont jamais graves. Quand un cep
est assez vieux, assez évidé pour se briser, on n'a qu'à le remplacer Mais
si, pour des raisons particulières, la belle dimension d'un espalier par
exemple, on voulait conserver un vieux cep malgré les termites qui s'y
sont établis, on pourrait procéder ainsi : pratiquer, au moyen d'une grosse
vrille, un trou aboutissant en pleine termitière et y injecter du sulfure
de carbone en quantité suffisante pour remplir plusieurs galeries. L'ouver-
ture étant bouchée avec soin, on peut être assuré que tous les termites
seraient infailliblement tués.
CHAPITRE XV.
ORDRE DES ORTHOPTÈRES
Les insectes composant ce groupe se reconnaissent d'ordinaire à leur
grande taille. Ils ont les ailes droites (o/>0o;), les antérieures croisées l'une
sur l'autre, les postérieures pliées en éventail, la bouclie broyeusc et les
métamorpboses incomplètes. Celles-ci se réduisent en effet à des mues ^ui
ne modifient pas sensiblement la forme générale de l'insecte. L'état de nym-
phe ne diffère de celui de larve que par la présence des moignons d'ailes
et de celui d'Insecte parfait par des ailes complètement développées.
Si nous nommions ici tous les Ortboptères accusés par les divers au-
teurs de manger la vigne, nous atteindrions bien certainement la vingtaine.
Dès J 833, Soiier, de Marseille, dans une Note à la Soc. cnt.de France, en
nomme une dizaine d'espèces. Ce sont pour la plupart les mêmes qui sont
observées aujourd'bui dans la région de l'olivier; mais plusieurs, très impor-
tantes cependant, confondues sans doute avec d'autres et décrites depuis,
ne sont pas nommées. D'autres au contraire y figurent qui ne valent pas
la peine de nous arrêter même quelques instants, ne devenant ravageuses
que de très loin entrés loin, les années de multiplication exceptionnelle.
* Bibliographie. — Soiier; Note sur l'Ephippiger vitîum cl autres Ortho-
ptères ampétophages de Provence (Aun. Soc. eut. de Fr., 1833). — Dunal ; Des
Orthoptères auipëlophages (Soc d'Agric. de l'Hérault 1883). — Boisduval ;
Entomologie horticole. Paris, Donnaud, 18G7. — Maurice Girard; Traité
élémentaire d'Entomologie. Paris, Baillière, 1870. — Marquet ; Xolcs sur les
Orthoptères du Languedoc (Bull. Soc. d'Hist. nat. de Toulouse, 1870-77). —
Brunner de Wattenwyl ; Prodromus der europwischen Orthopteren.
Leipzig, Eagelmann, 1882. — Finot ; Les Orthoptères de la France. Paris,
Deyrolle, 1883. — Kunckel d Herculais ; Les Insectes, tom. I (traduction
française de Brehra, 1882. Paris, Baillière). — Targioni-Tozzetti ; Relazione
delta Stazione di Entomologia di Firenze, 188 i et 1888. — V. Mayet ; Uescr.
d'une noue, espèce de liai bitislcs attaquant la vigne (Bull. Soc. en t. de France,
25 juillet 1888). — Journal La Nature, 1888, Le Cosmos, 1888, etc. ; !.■
invasions deCricjuets en Algérie.
282 LES CRIQUETS NUISIBLES A LA VIGNE.
Les espèces maintenues de la liste de Solier, ajoutées à quelques-unes
vivant dans d'autres régions ou décrites depuis 1833, nous permettent de
porter à huit, pas davantage, le nombre des Orthoptères réellement nui-
sibles aux vignes, et encore plusieurs ne le sont-ils pas cbaque année.
Nous suivrons pour la nomenclature le Catalogue des Orthoptères de
France, par M. Pinot.
La liste peut se dresser comme suit :
Famille des Acridides (Criquets) . . Acridium (Pachytylus) migrato-
rius Linné.
— — — [Caloptenus) Italiens
Burmeister.
— — — (Stauronotits) Marocca-
nus Tbunberg.
Famille des Locustides (Sauterelles) Ephippigcr vitium Serville,
— — — Bitterensis Marquet.
— — Barbilislcs Bcrcnguicrl Mayet.
— — Phaneroptera falcata Serville.
Famille des Gryllides (Grillons).. OEcanthus pellucens Scopoli.
FAMILLE DES ACRIDIDES.
Tout le monde a remarqué, dans les lieux secs, des insectes qui, dès que
l'on s'approche, s'envolent en montrant leurs ailes inférieures rouges,
bleues, jaunes ou blanchâtres et vont se reposer un peu plus loin. Ce sont
des Acridides ou Criquets, improprement appelés Sauterelles. Ils volent
et sautent bien. Grâce au développement de leurs cuisses postérieures, ce
sont même les meilleurs sauteurs de l'ordre des Orthoptères. A ce signa-
lement seul on les reconnaîtrait; mais ils réunissent toujours les carac-
tères spéciaux suivants: des antennes courtes, des tarses de trois articles
et un oviducte très court, ne dépassant pas l'extrémité de l'abdomen. Le
mâle fait entendre un cri grêle et perçant qui provient du frottement du
bord interne dentelé des cuisses de l'insecte contre les nervures saillantes
de ses élytres.
De nombreux criquets sont sédentaires ; quelques-uns de ceux-ci, se
multipliant beaucoup certaines années, peuvent nuire accidentellement à
la Yigne ; mais nous ne les comprenons pas pour cela dans les ampôlo-
phages.
D'autres, moins nombreux en espèces, mais innombrables comme in-
dividus et terribles parfois par leurs ravages, ont l'instinct d'émigration et
LES CRIQUETS NUISIBLES A l.\ VIGNE. 283
en font usage lorsque, par suite de leur énorme multiplication, I a régions
qu'ils habitent, dévastées, ne leur offrent plus rien à lirouter.il> émigrenl
généralement vers le Nord. Quand ils sont ailés, c'est-à-dire adultes, ils
prennent leur vol en masse si serrée que leurs bandes ont été comparées,
avec juste raison, à des nuages obscurcissant le soleil. A l'état de larve,
c'est-à-dire sans ailes, ils marchent à la suite les uns des autres. «La troupe
entière, dit Pallas, parlent spécialement du Caloptenus Italiens, observé
dans le sud de la Russie, se met en marche et forme une colonne rectiligne,
parfaitement unie. Ces convois, qui rappellent ceux des fourmis, suivent
tous, sans se toucher, la même route. Ces criquets se dirigent vers une
même région sans trêve ni repos, avec toute la vitesse dont ils sont capa-
bles ; ils courent, mais ne sautent que si on les pourchasse. Ils marchent
du matin au soir sans s'arrêter, cheminant volontiers sur les roules frayées.
Lorsqu'ils rencontrent un obstacle, haie, buisson ou fossé, ils passent au-
dessus et au travers s'ils le peuvent. Vers le coucher du soleil, l'essaim
entier se divise en groupes qui cherchent leurs quartiers pour passer la
nuit. »
Arrivé au lieu de destination, la troupe, affamée, s'attaque à toutes les
plantes vertes, sauvages ou cultivées, et la vigne n'est pas plus épargnée
que le blé, le tabac ou les plantes fourragères. Feuilles, fruits, jusqu'aux
sarments encore tendres, tout y passe, et, le désastre consommé, la bande
vorace repreud sa course pour aller ravager d'autres quartiers.
LES CRIQUETS NUISIBLES A LA VIGNE.
Nous ne considérons comme réellement nuisibles à la vigne que les trois
criquets émigrants et ravageurs par excellence : YAcridium {Pachytulia
migralorium, VA. (Calopicnus) Ilalicum et VA. [Stauronotus] Marocca-
num. Ces trois espèces ne sont que trop connues dans l'Europe du Sud,
la Russie, la Grèce, l'Italie, l'Espagne et même la France, et surtout dans
la Turquie d'Asie et l'Afrique du Nord. De temps en temps, trop souvent
pour la viticulture, nés sur les lieux ou arrivant du Sud par vols immenses,
ils enlèvent complètement la récolte.
284 LES CRIQUETS NUISIBLES A LA VIGNE.
I. — Le Criquet émigrant.
(Acridium (Pachytylits) migratorium Linné).
Synonymie: Gryllus migratorius Linné. — Acridium migratorium
Latreille. — Œdipoda migratoria Serville.
C'est une des plus grandes espèces voyageuses, 60 millim. environ de
long et 110 millim. d'envergure. Teinte générale du corps verdâtre; tête
verte avec la face jaunâtre; thorax parallèle, sans rugosité, caréné seule-
ment dans son milieu, d'un jaune verdâtre; prosternum dépourvu de
pointe; élytres transparentes, d*un gris sale avec une grande quantité de
petites taches brunes répandues sur leur surface; ailes inférieures dia-
phanes, légèrement lavées de jaune; cuisses légèrement tachetées de brun ;
tibias roses*
Ce criquet se rencontre dans l'Afrique du Nord et dans l'Europe du
Sud également, même en dehors des grandes migrations où l'insecte fran-
chit la Méditerranée. On le trouve en Espagne, en Italie, en Grèce et même
en France, suivant certains auteurs. Pinot [Les Orthoptères de France) nie
cependant qu'il soit indigène chez nous.
II. — Le Criquet Italien.
[Acridium [Caloptenus) Ilalicum Linné).
Synonymie: Gryllus Italiens Linné. — Acrydium Ilalicum Latreille.
— Acridium Iialicum Brullé. — Calliptamus Italiens Serville. —
Calliptamus Ictericus Sevvilia. — Calliptamus marginellusServiUe. —
Calliptamus Cerisanus Serville. — Caloptenus Italicus Burmeister. —
Caloptenus Cerasinus Fischer.
Cette espèce est répandue dans toute l'Europe tempérée et méridionale,
aussi bien que sur la côte barbaresque. C'est, d'après M. Targioni, la seule
qui soit réellement dangereuse dans le nord de l'Italie les années où elle se
multiplie beaucoup. Nous pouvons en dire autant pour le midi de la France.
On la reconnaîtra à sa taille moitié moindre que celle du criquet émigrant,
20 à 40 millim. Le corps ainsi que les élytres ont une teinte fondamentale
jauue sale, assombrie parfois presque entièrement par des mouchetures
brunes. La robe, du reste, est variable. La variété marginellus (Serville)
présente sur le prethorax deux raies latérales blanches ou jaunes prolongées
parfois sur la tête et les élytres. Le bord interne des ailes postérieures est
LES CRIQUETS NUISIBLES A LA VIGNE. 285
coloré sur une grande largeur en rose rouge, ainsi que L'extrémité interne
des cuisses et les tibias .
III. — Le Criquet Marocain.
[Acridium (Stauronolus) Maroccanum Thdnberg).
Synonymie: Gryllus Maroccanus Thunberg. — Œdipoda cruciata
Brullé. — Stauronolus cruciatus Fischer. — Gryllus crucigcrus
Rambur.
On reconnaîtra le Criquet marocain aux caractères suivants : Longueur
variable, de 20 à 40 millim. Le corps, développé en hauteur, est resserré
latéralement, ce qui, vu de dos, le fait paraître long et étroit. La teinte
générale est le gris jaunâtre clair avec des taches brunes plus ou moins
nombreuses. Pour peu que l'insecte soit mal préparé, cette teinte générale
Fig. 55. — Le Criquet Marocain, grandeur naturelle
claire passe au brun après la mort. La tête, renllée en dessus, vue de profil,
dépasse de beaucoup le thorax en hauteur; les fovéoles du vertex, placées
en avant des yeux, sont trapézoïdales. Le prothorax, fortement resserré au
milieu par le sillon transversal, est orné de quatre taches ou bandes obli-
ques jaunes, partant de la partie antérieure et postérieure, inclinées au-
devant l'une de l'autre, ne se rejoignant jamais, mais assez prolongées
parfois pour simuler deux bandes croisées qui traverseraient le pronotum
en diagonale ; de là, le nom de crucialus ou crucigerus dounéà ce criquet
par certains auteurs. Les deux bandes partant de la partie postérieure qui
suivent les carènes latérales vont toujours jusqu'au sillon transversal ; celles
du bord antérieur sont plus ou moins courtes, parfois nulles. Les ailes, très
développées, destinées à fournir un vol soutenu, dépassent l'abdomen de
près d'un quart de leur longueur ; les pieds postérieurs portent une tache
noire à l'extrémité des cuisses et ont les tibias rouges.
Cette espèce est tristement célèbre par les ravages qu'elle exerce dans
l'Afrique du Nord et même en Europe. M. Targioni affirme [Relazione,
286 LES CRIQUETS NUISIBLES A LA VIGNE.
1884, pag 14) que c'est elle exclusivement qui occasionne les grands dégâts
dans le sud do l'Italie. On l'a signalée également comme fléau à l'île de
Chypre, en Asie-Mineure, en Grèce, en Turquie, en Hongrie et en Espa-
gne. On la trouve jusqu'en France sur le cordon littoral de l'Hérault.
« Dans le nord de l'Afrique, dit M. Kunckel d'Herculais1, chargé d'une
mission spéciale du Ministre de 1 Instruction publique, son habitat com-
prend toute la région qui s'étend de l'Atlantique au golfe de Gahès, en
bordure du Sahara, à travers le Maroc, l'Algérie et la Tunisie, région
permanente, les Hauts-Plateaux, région subpermanente, et le Tell, région
temporaire. J'ai fait dresser par commune et par département la carte
complète des pontes pour 1888. Les gisements d'œufs couvrent au moins
150,000 hectares.
«Les alouettes et les étourneaux sont de grands destructeurs d'œufs. La
chasse des alouettes, que l'on expédiait par chargement sur Marseille, a été
interdite. J'ai reconnu que le Ver qui dévore les œufs dans les coques
ovigères est la larve d'un insecte diptère de la famille desBombylides. Des
gisements en renferment de 10 à 50 %. J'ai trouvé également dans les
coques des larves de Canlharidiens, ce qui confirme les belles observa-
tions de M. Riley en Amérique.
»Les champignons jouent également un rôle destructeur des plus puis-
sauts, et je me suis assuré que dans certains gisements, 70 et même 100 %
avaient été anéantis. J'ai vérifié ainsi l'exactitude des observations des natu-
ralistes russes Metschnikoff et Krassiltschich, qui démontrent que l'arrêt
subit des invasions des Acridiens est dû au développement des cryptogames
parasites des œufs.
«Quels que soient les bons effets des causes naturelles de destruction, ils
sont malheureusement insuffisants .
»Le ramassage des œufs a été pratiqué d'août jusqua la fin de septembre
pour venir en aide aux Arabes menacés de la famine. Il a permis de ré-
colter 10,666 met. cubes de coques ovigères. Le labourage produit d'excel-
lents effets : par le bouleversement des gisements, on dérange la situation
normale des coques. Les jeunes sont alors mis dans l'impossibilité de sou-
lever l'opercule qui ferme leur demeure.
«Dans tous les pays qui ont à souffrir de l'invasion des Acridiens, on
est unanime à concentrer tous les efforts en vue de la destruction des
jeunes. J'ai mis en pratique les procédés de destruction qui ont permis aux
Anglais de débarrasser l'Ile de Chypre de ces ennemis. 6,000 appareils
cypriotes de 50 met. de longueur et de 0m,85 de hauteur, en toile de cre-
* Kuuckel d'Herculais; Comptes rendus de V Acad. des Sciences, Il fév., 1-889).
l 'ephippiger ou porte-selle de la vigne. 287
tonne avec bande cirée de Û'",10, opposant au\ Acridiens une surface
glissante infranchissable, sont en cours de fabrication, soit 300 kilomèt. de
barrages mobiles.»
FAMILLE DES LOCUSTIDES.
Les Sauterelles vraies ou Locustides sont remarquables, au premier
abord, par leur oviscapte en forme de sabre et leurs antennes sétiformes,
très fines, à articles peu distincts, généralement plus longues que le corps.
La tête est verticale, la face aplatie; le labre, grand, corné, composé de
deux pièces, cacbe en partie des mandibules robustes. Le pronotum ou
partie dorsale du protliorax a la forme d'une selle, plate chez certains
genres, relevée en arrière cbez d'autres. Les ailes, très développées et
en forme de toit aplati cbez les Locusta, par exemple, sont réduites à des
moignons en forme de coquilles cbez les Ephippiger et les Barbitistes. Le
chant, plus aigu que celui des Criquets, est produit par le frottement de
l'élylre gauche contre le bord d'une partie spécialement aplanie de l'élytre
droite appelée miroir. Aucune Sauterelle n'a l'instinct d'émigration, ce
qui n'empêche pas certains de ces insectes, précisément des espèces qui
n'ont pas d'ailes, telles que les Ephippiger, d'être régulièrement plus
dangereux pour la vigne que les Criquets.
L'ÉPHIPPIGER OU PORTE-SELLE DE LA VIGNE.
(Ephippiger vitium Serville).
Synonymie : Locusta Ephippiger Latreille. — Ephippigera vitium
Fischer, Brunner. — Barbitistes Ephippiger Charpentier, Audouin. —
Ephippiger vitium Bolivar, Finot.
Les Éphippigères (Ephippium selle, gero je porte), autrefois confondus
avec les Barbitistes, portent le nom vulgaire de porte-selles, grils, gros
grils, cousis, cousi-cousis, etc. Ils sont faciles à distinguer de toutes les
autres sauterelles, à leur prothorax recouvert d'une plaque dorsale géné-
ralement relevée en arrière en forme de selle, à leur gros abdomen nu, à
leurs ailes avortées, les inférieures complètement nulles, les supérieures,
ou élytres, courtes, en forme de coquilles, abritées en partie par le bord
postérieur de la selle, ne servant pas au vol et réduites au rôle d'organe
2£8 l"éphippigep. ou porte-selle de la vigne.
phonateur. Le bruit qu'elles produisent, bien qu'assez faible, est très aigu
et s'entend de loin ; on peut le comparer à un Kzi suraigu, ce qui par
onomatopée a fait nommer l'insecte cousi-cousi par les vignerons lan-
guedociens. L'abdomen, nu, généralement très gros, est terminé cbez les
femelles par un oviscapte en forme de yatagan.
Les Êphippigères sont omnivores, toutes les plantes cultivées leur sont
bonnes. A l'occasion carnassiers, ils vont jusqu'à se manger entre eux, et,
dans le midi de la France, nombreux sont les exemples de dormeurs fai-
sant la sieste dans les champs, qui ont été éveillés par leurs morsures.
h'Ephippiger vitium, dont la robe est variable, est d'ordinaire entière-
ment vert, avec le ventre jaune, dans les pays de bois et de prairies et
môme dans les vignes des pays un peu frais. Sur les coteaux secs et dans
les plaines du Midi, la robe change. La tète, le thorax et les pieds sont d'un
vert presque jaune, parfois testacé; l'abdomen, sur un fond d'un noir violet,
a les segments abdominaux bordés de vert ou de jaune parfois très pâle ;
le ventre est couleur jaune soufra. Jeune, c'est-à-dire à l'état de larve,
fort semblable à l'insecte parfait moins les ailes, et à l'état de nymphe, avec
des rudiments d'ailes, l'insecte est toujours entièrement vert.
On distinguera sans peine cette espèce de VE. liitterensis, moins par sa
robe, qui est variable, que par sa taille moindre, ne dépassant pas 22 à
25 millim. chez le mâle et 25 à 30 millim. chez la femelle; par son ovi-
scapte plus court, 20 à 22 millim., par la plaque en forme de selle, unico-
lore, rugueuse, relevée et étroite en avant, fortement cintrée et élargie en
arrière.
h'E. vitium est le plus anciennement décrit du genre, celui dont tous
les auteurs ampélographes ont parlé. Il est répandu dans le centre de la
France, remonte au Nord jusqu'aux environs de Paris, où il est commun
certaines années, et descend dans le Midi jusqu'au bord de la Méditerranée.
C'est le Porte-selle de l'Ouest, de la Bourgogne et de la vallée du Rhône.
Il abonde dans les taillis, les baies et les prairies. Il s'attaque très souvent
aux céréales, surtout quand il est jeune, et émigré dans les vignes aussitôt
après la moisson. Si le pays est en entier vignoble, il passe toute son
existence sur les ceps ; mais on doit considérer les cultures de céréales, où
l'on ne pénètre qu'au moment de la moisson et dont la terre n'est la-
bourée qu'une fois l'an, comme très favorables à la multiplication de cet
insecte.
Il fait çà et là des dégâts sérieux sur la vigne dans les régions sus-indi-
quées ; mais ses ravages ne sont jamais à comparer à ceux de l'espèce sui-
vante. A propos de cette dernière, nous parlerons des moyens de détruire
les Ephippigères.
l'éphippigère de béziers. 28'.)
LÉPHIPPIGÈRE DE BÉZIERS1.
[Ephippiger Bitterensis Linné.)
I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
Ce porte-selle, décrit par M. Marquet, de Toulouse, longtemps confondu
avec le précédent, en diffère par plusieurs caractères constants. La taille est
toujours plus grande (fig. 56), 30 à 35 millim.. parfois 40, non compris
l'oviscapte en forme de sabre ; celui-ci atteint de 23 à 25 millim. La plaque
dorsaledu prothorax (pronotum) moins relevée, du milieu vers la tète, parait
aussi large antérieurement que postérieurement. Ce pronotum en forme de
selle est liste à sa partie antérieure, rugueux postérieurement et porte un
peu en avant une tache dorsale noire irréguiière, estompée sur ses bords,
parfois en forme de croix. Le pronotum de VE. vitium est au contraire
unicolore, rugueux sur toute sa surface et étroit en avant. La teinte géné-
rale du corps, variant, nous l'avons dit, suivant les milieux, est fréquem-
ment la même chez les deux espèces. Le vert uniforme est cependant plus
rare chez VE. Bitterensis. Plus souvent l'insecte est vert jaunâtre ou
jaune testacé très pâle, avec l'abdomen d'un noir profond, les segments
bordés de jaune pâle. Le dessous du corps est toujours jaune, les pattes
fréquemment violacées ou couleur de chair.
De juillet à septembre, VE. Bitterensis dépose ses œufs dans la terre
meuble, de préférence loin des bas-fonds, dans les endroits où le sol
s'égoutte bien, à environ 2 ou 3 centim. de profondeur. Dans ce but. il re-
courbe l'extrémité de son abdomen de façon à faire pénétrer perpendicu-
lairement dans le sol son long oviscapte en forme de sabre. La ponte ne
se fait pas, comme chez les criquets, sur un seul point, dans une cavité
préparée à l'avance. Les œufs, blancs, allongés, cylindriques, un peu fusi-
formes, plus atténués à un bout qu'à l'autre, longs de 5 millim environ sur
1 millim. à lmm,25 de diamètre, sont déposés au nombre de 50 à 70, ça et
' M. Graëlls signale sur la vigne en Espagne VE. Perezi Bolivar. Nous nous
contentons de mentionner cette espèce en note, comme nous pourrions 1" faire
pour d'autres observées eu Italie, en Algérie, etc. Qu'il nous suffise de dire que la
plupart des Éphippigèrcs peuvent à l'occasion devenir ampéli
19
290 l'éphippigère de béziers.
là dans le sol, séparés les uns des autres par une distance de un à
plusieurs centimètres, parfois plus.
Fig. 51). — Éphippigère de Béziers, grandeur naturelle, d'après le dessiu de
M. Marquet.
Ces œufs écloront au printemps suivant. La jeune larve, d'abord de
couleur brune, puis verte, fort semblable à l'insecte parfait, montée seule-
ment sur des pattes gigantesques par rapport à sa taille, subira plusieurs
mues et sera nymphe, c'est-à-dire longue de plusieurs centimètres et munie
de petits moignons d'ailes vers la fin de juin et insecte parfait en juillet.
C'est sous cette dernière forme surtout que l'insecte envahit les vignes.
L'espèce créée par M. Marquet1 est admise par les derniers auteurs qui
ont écrit sur les Orthoptères: Bolivar, Finot, etc.; nous n'avons donc pas
à la discuter. Elle est beaucoup plus dangereuse que YE. vitium, et c'est
bien certainement par suite de la confusion des deux types que les auteurs
appelés par nous les Classiques, Dunal excepté, ont considéré ces insectes
comme « n'étant jamais assez abondants dans les vignes pour y produire
de grands ravages 2».
il.
DEGATS.
h'E. Bitterensis est au contraire un des plus grands ravageurs de vignes
du Bas-Languedoc. Il fait exception à la règle générale, qui dit le gros
insecte moins dangereux que le petit, et les nombreux mémoires qui depuis
Dunal 3 ont parlé, sous le nom de E. vitium, des porte-selles nuisibles aux
vignes en Languedoc, ont certainement voulu désigner notre insecte. La
bonne figure coloriée donnée par Dunal (1838) ne laisse aucun doute à
cet égard .
' Marquet ; Orthoptères nouveaux [Ann. Soc. d'Hist. nat. de Toulouse, 1877)
- Walckenaer ; Ins. nuisibles à la vigne {Ann. Soc. enlom. de France, 1835,
pag. 238). Audouin ; Ins. nuisible à la vigne, 1842, pag. 320.
3 Dunal; Des Orthoptères ampélophages {Bull. Soc. d'Agr. de l'Hérault, 1838,
pag. 435).
l'éphippigère de béziers. 291
Les dégâts, sérieux avant l'invasion du Phylloxéra, sont devenus pro-
gressivement beaucoup plus graves depuis vingt ans, par suite de l'extension
de la^ culture des céréales, qui, nous l'avons dit, favorise la multiplication
des Epbippigères. « C'est par plusieurs dizaines, dit M. Marquet, que les
ravageurs se trouvent sur chaque souche dans beaucoup de communes ih^
environs de Béziers.» Nous avons personnellement observé l'insecte en
nombre énorme, commettant des ravages affreux, en août et septembre,
dans toute la basse vallée de l'Hérault, de Ganges à Agde, principalement
aux environs deClermont-l'IIôrault, de Pézenas et de Florensac.
Dans un petit opuscule publié récemment ' par un homme des champs,
travail plus humoristique que scientifique, où grande est la part à faire
à l'imagination, mais où cependant les détails pris sur le vif abondent,
nous lisons ce qui suit : « Cet audacieux insecte est, dans certains quar-
tiers de la vallée de l'Hérault, plus redoutable que le Phylloxéra, puis-
que aucun insecticide ne peut l'atteindre. Le grain de raisin entame.
c'est-à-dire perdu, n'est jamais achevé et le repas de l'insecte se continue
sur des grains encore intacts, bientôt perdus à leur tour. Après le fruit,
c'est la feuille qui y passe, puis l'écorce encore verte. Bien sourentle
propriétaire allant à sa vigne pour admirer sa récolte se trouve en pré-
sence de souches ne portant que des bûches dont l'écorce et même l'aubier
ont été grignotés. Des céréales, l'Ephippigère est venu sur la vigne ; celle-ci
ravagée, il passe aux arbres fruitiers, aux mûriers, aux plantes fourra-
gères et potagères. Lorsque table rase est faite de toutes les récoltes, il
s'accommode des fruits de l'aubépine, de la ronce, de l'églantier, etc.,
s'attaque même au linge, aux vêtements, au cuir des sacs ou des chaus-
sures, à l'homme lui-même. Nous pouvons citer en effet un enfant au
maillot déposé endormi au pied d'un arbre, pendant que sa mère travaillait à
la vigne, qui fut attaqué par une vingtaine de cousi-cousis. La mère, atli
par les cris, constata qu'une large plaie avait été en quelques instants prati-
quée sur la joue de l'enfant. Il est même hors de doute qu'un homme à
qui l'on voudrait infliger ie pire supplice, livré pieds et poings liés à ces
rapaces toujours affamés, deviendrait bien vite leur proie et en moins
de vingt-quatre heures serait réduit à l'état de parfait squelette.
»Ce goût de la chair est tellement prononcé chez les cousi-cousis que
certains vignerons se servent des têtes de mouton et autres déchets de bou-
cherie pour les attirer et les détruire. On ne saurait croire combien ces
insectes ont le flair subtil et avec quelle rapidité ils parcourent de grand, s
distances pour atteindre la nourriture qu'ils ont sentie de loin. »
1 Pépin Pages, instituteur; La chasse au Cousi-Gousi. Bfonlp., Hamelin, 1888.
292 l'éphippigère de béziers.
Nous avons vu en effet nous-même, aux environs de Florensac, les vigne-
rons se servir avec succès, comme appas, des débris de boucherie. Sans
aller aussi loin que l'auteur des lignes qui précèdent, sans voir dons YEphîp-
piger BUterensis un ennemi plus redoutable que le Phylloxéra, capable
de faire d'un homme vivant un parfait squelette en moins de vingt-quatre
heures, nous n'en croyons pas moins que, vu le nombre et la voracité de
ces énormes Ortboptères, ils peuvent être rangés parmi les plus grands
ravageurs de notre vignoble languedocien.
III. — MOYENS DE DESTRUCTION.
On emploie depuis longtemps, en Languedoc, les volailles contre les
Éphippigères. Les années de grandes invasions, certains propriétaires
achètent spécialement des troupeaux de dindons qu'ils font conduire dans
les vignes. Au début, ces oiseaux font une grande consommation de ces
insectes; mais d'ordinaire ils s'en dégoûtent bientôt et l'on est obligé de
revenir à la destruction à la main ou plutôt au bâton. Pour que le coup
mortel soit mieux assuré, ce bâton peut être terminé par une petite plan-
cbette solidement fixée, et avec une certaine habitude, en renouvelant
souvent l'opération, surtout au début de la grande invasion, qui a lieu fin
juin, on arrive à détruire la majeure partie de ces gros ravageuis. « C'est
alors, dit M. Pages (loc. cil . ) par trente, quarante, cinquaute et plus qu'on
les rencontre parfois sur chaque cep, et, si l'on revient sur ses pas une
demi-heure après avoir exterminé tout ce qu'on a pu dénicber, on est tout
étonné d'en revoir presque autant ; de même le lendemain et les jours
suivants ». Il faut donc agir promptement, car la récolte peut être anéan-
tie en quelques jours.
Pour donner une idée du nombre et de la quantité d'Épbippigères
répandus dans la vallée de l'Hérault; pour indiquer en même temps un bon
procédé à employer contre eux, nous emprunterons au même auteur des
détails sur la chasse qui leur est faite depuis plusieurs années dans la com-
mune de Péret, près Clermont-l'Hérault, détails puisés dans les Archives
de ce village et envoyés à M. Pages par M. Renouvier, propriétaire de la
localité.
aLe Conseil municipal de Péret, dit M. Pages, commune qui compte
700 habitants au plus, voyant depuis plusieurs années les récoltes entière-
ment détruites parles cousi-cousis, fut saisi, dès 1886, d'une bien louable
idée. Au lieu de gaspiller les fonds du budget en de folles dépenses, il ré-
solut de faire ramasser les animaux dévastateurs dans tout le territoire et
de les payera tout venant à raison de 20 centim. le kilo, puis de les enfouir
l'éphippigère de béziers. 29 :
dans u i;o fosse commune désinfectée quotidiennemeat avec de la chaux
vive.
»Ce moyen, généralement approuvé par la population, fut mis immédia-
tement en pratique. Tout le peuple, petits et grands des deux sexes, se mil
aussitôt à la besogne, et dés cette première année la dépense communale pour
cet objet s'éleva à la somme de 400 fr., ce qui présentait 2,000 kilogram.
de cousi-cousis détruits.
«L'opération se répéta en 1887, et l'on dépensa cette fois 600 fr., repré-
sentant 3,000 kilogram. d'insectes.
»En 1888, la destruction a atteint de bien plus grandes proportions. Si l'on
fait entrer en ligne de compte environ 2,000 kilogram. de cousi-cousi.s
recueillis par des particuliers qui n'ont pas voulu les porter en charge au
bubget communal, on peut estimer à 7,000 kilogram. la quantité détruite.
Si l'on considère qu'il faut en moyenne 340 de ces Ortboptôres pour
équilibrer le poids d'un kilogramme, on atteindra le nombre de 2,380,000
Epbippigères tués à Péret en 1888 ; et il n'y là qu'une minime partie de
ceux qui peuplent la région des vignobles envahis.»
Ce n'est pas seulemeut dans l'Hérault qu'une prime en argent a été
établie par certaines municipalités contre les porte-selles. Nous voyons
en effet dans le journal la Vigne américaine (tom. VII, 1883, pag. 254),
sous la signature de M. Valette, viticulteur, qu'une localité célèbre dans
l'bistoire du Phylloxéra, la commune de Pujault (Gard), vote presque
ebaque année des fonds pour payer 20 cent, le kilogr. les Epbippigères
ramassés dans les vignes. M. Valette ajoute qu'il s'est bien trouvé de
saupoudrer le raisin avec une poudre 1/2 partie chaux vive, 1/2 partie
soufre.
Ces insectes sont, on le voit, autrement redoutables que beaucoup d'autres
qui passent pour des ampélophages très dangereux.
Le remède le plus pratique est donc dans le ramassage ou dans la des-
truction avec un bâton ; mais nous donnerons de plus le conseil de restreindre
autant que possible la culture des céréales. Nous avons vu le mal grandir
avec l'extension de cette dernière, et certainement, la vigne tendant à repren-
dre la place qu'elle occupait avant le Phylloxéra, la multiplication de
l'insecte se trouvera enrayée en proportion.
294 LE BARBIT1STE DE BÉRENGUIER.
LE BARBITISTE DE BÉRENGUIER.
(Barbitistes Berenguieri Mayet.)
Les Barbitistes étaient autrefois réunis aux Ephippiger, à cause de leurs
ailes avortées et réduites à des moignons conchiformes Avec raison, ce-
caractère n'a plus, dans les classifications modernes, l'importance qu'on
lui attribuait autrefois, et dans certaines tribus, les Phaneropteridae par
exemple, dont les Barbitistes et les Phaneroptera font partie, nous voyous
les premiers avoir des ailes avortées et les seconds des ailes développées
On distinguera sans peine les Barbitistes des Ephippiger -aux caractères
suivants : Ailes -avortées comme chez ces derniers, mais beaucoup moins
conchiformes; pronotum jamais relevé en forme de selle arabe; cerques
des mâles longs, recourbés et croisés sous la plaque sous-génitale ; tibias
antérieurs munis de trous auditifs.
Le Barbitistes Berenguieri a été compris par nous dans les Orthoptères
les plus nuisibles aux vignes, à cause des ravages exceptionnels exercés
par lui ces années dernières. En 1888 surtout, dans le département du Var,
principalement dans la chaîne des Maures, entre Hyères et Fréjus, ils ont
été terribles.
Ce que nous avons dit de YEphippiger Bitterensis pourrait se répéter
au sujet de notre espèce. Les dégâts ont été tels que l'autorité préfectorale est
intervenue et qu'une enquête suivie d'un Rapport a été faite dans le pays par
M. Bérenguier, professeur départemental d'agriculture à Draguignan.Nous
empruntons en grande partie à ce Rapport officiel les détails sur cette in-
vasion désastreuse.
Plusieurs espèces de Locustides appartenant aux genres Ephippiger,
Thamnotrizon et Barbitistes ont, paraît-il, contribué à détruire les récoltes,
et en particulier la vigne; mais ce sont surtout les Barbitistes qui, parleur
nombre prodigieux, ont été les grands dévastateurs.
I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
C'est vers le mois de mars que ces insectes sortent des œufs qui ont été
pondus l'été précédent, dans la terre meuble, comme ceux des Ephippigères.
Les dégâts sérieux commencent en mai et juin et après la ponte, c'est-à-
dire en juillet ; l'insecte parfait meurt et disparaît.
« En 1880, dit M. Bérenguier, une première invasion un peu importante
LE BARBITISTE DE BÉRENGUIER.
eut lieu dans les communes de Sainte-Maxime, Ramatuelleet lionnes, et
endommagea quelques récoltes; elle devint plus grande en 1887; enfin, dans
le courant de 1888, elle a atteint des proportions qui inspirent de sérieuses
inquiétudes aux populations du littoral. Le lléau s'étend actuellement sur
tout le territoire compris entre Sainte-Maxime et Dormes.
» La marche de ces insectes n'est pas comparable à colle des criquets :
tandis que ceux-ci vivent par bandes, les sauterelles du Var, appelées bou-
dragos ou bouclrayos par les cultivateurs, se trouvent disséminées d'une
façon irrégulière sur toute l'étendue du territoire envahi. L'origine de ces
Sauterelles est dans les bois. Elles n'apparaissent jamais au début des
invasions dans les champs cultivés. Il s'ensuit que les champs les plus
exposés à être ravagés sont ceux qui sont situés sur La lisière des bois.
«Ces insectes sont excessivement voraces, ditM.Bérenguier. Les premiers
dégâts ont lieu dans les bois, dans les forêts de chênes lièges surtout ; on
compte parfois sur le même arbre des centaiues de ces insectes qui le dé-
pouillent totalement de ses feuilles daus l'espace de quelques jours, couvrant
littéralement le sol de leurs excréments. Tous les arbustes sont en môme
temps attaqués. Les bois envahis forment un contraste frappant au milieu
des parties indemnes.
«Dans les cultures, toutes les récoltes sont atteintes, et en premier lieu la
vigne et les arbres fruitiers. Les fleurs et les fruits sont d'abord dévorés,
ce qui donne aux ravages un caractère de gravité exceptionnel; les parties
vertes ensuite sont attaquées. La destruction continuelle des pousses en-
traine parfois dans les jeunes vignes la mort des ceps.»
M. Bérenguier attribue les grands dégâts de 1888 surtout au Barbitistes
Fischeri. Cette espèce, décrite par Yersin*, peut bien, à. l'occasion, devenir
nuisible en Provence ; nous l'avons reçue de M. Abeille, d'IIyères, et
dans une Note de M. Azam, de Draguignan, sur les Locustides nuisibles
du Var2, il est parlé d'un Barbitistes trouvé sur le territoire de la com-
mune du Muy, plus petit que cemx de la chaîne des Maures et qui pourrait
bien être le B. Fischeri. Ce qu'il y a de certain, c'est que la vingtaine de
Barbitistes vivants ou plongés dans l'alcool, à nous envoyés par M. Bé-
renguier, nous a mis à même d'étudier le grand ravageur de 1888.
L'espèce ne peut être rapportée à la description du Fischeri, et bien cer-
tainement elle est nouvelle. Nous l'avons comparéeà toutes les espèces dé-
1 Yersin ; Orthoptères nouveaux ou peu connus (Bull.de la Sue. Vaudois< des
Sciences nut., 185 i).
- Azam ; Note sur l'invasion des Sauterell ■ d< 18 B [Bull . d' Igr.
du Var, 1888, pag. 555).
296 LE BARBITISTE DE BÉRENGUIER.
crites dans le grand ouvrage de Brunner,etaucuned'ellesne s'en rapproche.
Un spécialiste bien connu, le P. Pantel, de Toulouse, auquel nous l'avons
soumise, a été du même avis; il nous a engagé à la publier, et c'est ainsi
qu'au mois de juillet 1888', la dédiant à celui qui nous l'a envoyée, nous en
avons donné la description suivante à la Société entomologique de France:
Longueur de 23 à 29 millim., le mâle généralement plus petit;
pronolum du mâle de 4 à 5 millim., de la femelle de 5 à 6,2 millim. ;
élytres de 4 à 5 millim. cbez le mâle, de 2 à 3 millim. cbez la femelle ;
abdomen de 15 à 20 millim., plus petit, bien entendu, chez le mâle;
ovisçaple de 8 à 10,5 millim., mesure prise en dessous.
Corps d'un noir violacé tirant sur le vineux, orné en dessus de trois
bandes longitudinales d'un jaune pâle presque blanc, les deux latérales
plus larges que la dorsale, qui est très étroite, parfois peu visible sur la
tête et le thorax. La tête médiocre, le front d'un vineux foncé, les joncs
plus claires, Yépistome et le labre plus clairs encore, Y occiput plus foncé;
la pointe du vertex placée entre les deux antennes, creusée en dessus cbez
le mâle, plane chez la femelle; les antennes presque noires, à premiers
articles plus clairs, piquetées de petites macules jaunes en forme de fil
très fin, atteignant une fois et 3/4 ,1a longueur du corps chez le mâle, une
fois et 1/2 cbez la femelle.
Le pronolum, non resserré et non parallèle, comme chez le Barbilisles
Fischeri, dilaté postérieurement, plus large en proportion chez le mâle
que chez la femelle, portant en dessus les trois bandes jaunes dont il a été
parlé, celle du dos très étroite et parfois en partie effacée chez le mâle. Les
élytres, atteignant à peu près la longueur du premier segment abdominal
chez le mâle et le milieu de ce segment chez la femelle, d'une couleur
jaune avec deux bandes longitudinales vineuses et les bords externes d'un
jaune blanc; on voit de plus, en dessus des élytres, chez le mâle, deux
fossettes réniformes rembrunies. Les pieds } violacés ou presque noirs, ont
la base des cuisses plus claire en dessus et d'un jaune soufre en dessous.
L'abdomen, d'un noir vineux en dessus, porte les trois bandes déjà
signalées; les deux latérales, plus développées que la dorsale, s'élargissent
en forme de taches jaunâtres criblées de points bruns et le bord posté-
rieur des segments est marqué de petites taches également jaunâtres ; les
lianes sont violacés, le dessous pâle avec une tache médiane violacée sur
chaque segment. Les cerques, d'un roux violacé à la base chez le mâle,
noirs au sommet avec une tache plus claire à l'extrémité et une pointe au
1 V. Mayet : Description d'une nouvelle espèce de Barbitistes {Bull, de la Soc.
ent. de France, 25 juillet 1888).
LE BARBIT1STE DE BÉRENGUIER. 297
bout, font longs, sinueusemcnt recourbés et croisés L'un sur L'autre; la
lame sous-génitale convexe, brillante, assez lisse, de couleur pâle avec la
base bordée de brun, est munie dans son milieu d'une crête rugueuse en
forme de lame rappelant le cimier d'un casqué, avec le bord finement den-
telé et rembruni ; chez la femelle, les cerques sont courts, non croisés, un
peu recourbés au bout, de couleur rousse; Voviscapte, de couleur rousse
violacée, composé de quatre lames, est aplati latéralement, légèrement
recourbé vers le haut à son extrémité, qui est fortement épineuse sur Les
bords supérieurs et inférieurs.
Cette espèce diffère du Barbitistes Fischeri par sa taille, généralement
plus grande, plus trapue, sa couleur brun violacé plus clair à l'état de
larve et de nymphe il est vrai, mais ne tournant pas au vert, teinte habituelle
du Fischeri, chez aucun des vingt individus sur lesquels notre description
a été faite. Quand la robe est plus claire, le fond, d'un roux jaunâtre, est
criblé de petites taches violacées, jamais vertes. Lepronolum du B.Bercn-
guieri est notablement dilaté postérieurement, plus large en proportion
chez le mâle que chez la femelle; chez le B. Fischeri, il est parallèle et
d'égale largeur chez les deux sexes. Les élytres sont plus larges en pro-
portion chez notre espèce, comme du reste le sont généralement toutes les
parties du corps.
H. — MOYENS DE DESTRUCTION.
Pour lutter contre ce nouvel ennemi, M. Bérenguier et M. Azam pro-
posent de débroussailler les bois pendant l'hiver et de brûler au mois de
mai les morts-bois ainsi arrachés, pour faire périr tous les jeunes insectes
qui se trouvent â la surface du sol. Témoin, comme nous l'avons été eu
Algérie, d'incendies allumés dans des forêts de chêne liège par des morts-
bois ainsi arrachés et brûlés sur place, nous ne pouvons approuver l'emploi
du feu. Le procédé, du reste, est barbare, en ce qu'il empêche le repeu-
plement des bois. On fera mieux de se contenter du ramassage des insec-
tes, comme on l'a partout pratiqué en 1887 et 18^8, et au besoin les
communes pourront recourir aux primes accordées aux destructeurs, comme
nous l'avons vu pratiquer en Languedoc pour les Êphippigères. Il y a lieu
aussi d'espérer, comme le dit M. Bérenguier, qu'après les années favorables
au développement de ces ravageurs, des circonstances naturelles con-
traires mettront, à un moment donné, obstacle à leur multiplication'.
« L'invasion en 1889, écrit M. Jiérenguier, a été déjà beaucoup moins grave.
Les Barbitistes, éclos en nombre effroyable de février à avril, ont été en grande
partie détruits par les pluies et les gelées printanieres.
298 LA PETITE SAUTERELLE VENTE.
LA PETITE SAUTERELLE VERTE1.
(Phaneroptora fakata Serville.)
Synonymie: Grillus falcalus Scopoli. — Locusta fakata Blancbard.
— Plianeroptera liliifolia Serville.
Cette Sauterelle, bien connue des jardiniers, rappelle un peu par sa forme
la grande Sauterelle verte dont nous parlons en note ». Elle est longue de
2 à 2 centirn. 1/2, non compris les ailes, très développées par rapport au
corps, qui donnent à l'insecte une longueur totale d'environ 4 centim. La
robe est d'un vert qui se confond avec celui des feuilles; l'oviscapte, relati-
vement court, plus large au milieu qu'aux deux bouts, est aplati en bau-
teur et recourbé vers le haut.
Cette espèce, répandue dans toute la France, est, d'après le Dr Boisdu-
val, très nuisible aux cultures de raisins en espalier de Fontainebleau,
Thomery, etc. Elle attaque les grains avant la maturité, les rongeant sur
la largeur d'une lentille à peu près. Ceux qui ont été entamés pourrissent
et font pourrir les autres, ce qui occasionne de grandes pertes aux produc-
teurs de raisin de table.
1 Plusieurs auteurs, Solier eutre autres, rangeât dans les ainpélophages la
grande Sauterelle verte [Locusta viridissima Linné), espèce commune en Europe
dans les taillis, les haies et les prairies, et qui est le type des Locustides. Nous
n'en parlons qu'incidemment, regardant cet insecte comme rarement nuisible. Il
est polyphage, aussi souvent carnassier qu'herbivore, et ne broute les raisins que
de loin en loin.
Solier parle également de trois autres sauterelles : Platyclcis ijriseus Fabricius,
Declicus verrucivorus Fabricius et Decticus albifrons Fabricius, comme nuisibles
aux vignes en Provence. De ces trois insectes, depuis près de vingt ans nous n'avons
observé comme tel que le Declicus albifrons, et cela une seule année Cette grande
Sauterelle grise, à grosse tête, à face blanche, aux pattes et antennes démesurées, à
mœurs diurnes, commune dans la région de l'olivier, fait entendre partout en été son
cri aigu, qui peut se rendre par le mot: Declick très rapidement répété; de là son
nom. L'espèce, eu 1880, s'était tellement multipliée que toutes les récoltes d'au'omne,
y compris la vigne, ont été sensiblement atteintes. Les Decticus entamaient les
grains de raisin à la façon des Éphippigères. Le fait, pour nous, est trop excep-
tionnel pour que l'insecte aille grossir une liste déjà trop longue.
LE GRILLON TRANSPARENT. 299
L'insecte est très rusé, vole peu, et pendant le jour se tient radié sous
les feuilles. Il faut le chercher avec soin dans les environs des grains
rongés, et avec un peu d'habitude on arrive à s'emparer du ravageur, qui.
ayant des mœurs nocturnes, est facilement capturé pendant le jour.
FAMILLE DES GRYLLIDES.
La famille des Gryllides, dont le Grillon domestique et le Grillon des
champs sont les types les plus connus, se compose d'insectes au corps
cylindrique généralement court, terminé par un oviscapte droit et par deux
cerques prolongés en filets ; les antennes sont longues, sétiformes ; les
élytres, planes sur le dos, recouvrent les flancs par un repli à angle droit
et sont dépassées par les ailes inférieures, d'ordinaire terminées en pointe.
La nourriture se compose surtout de proies vivantes. Il peut donc, au
premier abord, paraître extraordinaire devoir rangé parmi les ennemis de
la vigne uu insecte appartenant à ce groupe.
LE GRILLON TRANSPARENT
(OEcanthus pellucens Scopoli.)
Synonymie : Gryllus pellucens Scopoli ; Gryllus Italiens Olivier, La-
treille ; Œcanthus pellucens Serville ; OEcanthus pellucens Rambur.
V Œcanthus pellucens est en réalité fort peu nuisible, et nous ne le
faisons figurer ici que parce que maintes fois il a été parlé de sa ponte, qui
s'effectue dans un certain nombre de tiges tendres, riches en moelle, telles
que celles delà ronce, de divers chardons, de la centaurée, du panicaud,
du mélilot, de la vigne, etc.
Eu Amérique, où le genre est représenté par plusieurs espèces, aussi
bien qu'en Europe, où nous n'en avons qu'une, les Œcanthus sont accusés
de nuire aux vignes. Chaque année ou à peu près, des sarments portant
des œufs nous sont apportés comme attaqués par uu ennemi inconnu.
Asa Fitch d'abord, puis Riley ■ , ont parlé des espèces américaines. Riley
i Ch. Riley; General Index and Supplément to the nine Reports on th> :
of Missouri. Washington, 1881, pag. 60.
300 LE ORILI-ON TP.AXSPAREXT.
cite VŒcanthus niveuset VŒ. latipennis comme plaçant leurs œufs dans
les sarments des vignes aux États-Unis, et spécialement le dernier comme
les plaçant souvent dans le pétiole du raisin, qu'il entame d'abord avec ses
mandibules, ce qui le fait sécber. La ponte de VŒcanthus pellucens
d'Europe a été décrite et figurée dès le siècle dernier par L. Salvi1, qui
l'avait découverte dans les rameaux de la ronce. Elle a été, croyons-nous,
signalée pour la première fois sur la vigne en 1869 par Perris2. En 1879
et 1883, Plancbon3 citait des sarments d'Amérique arrivés à Montpellier
portant des œufs des espèces des Etats-Unis ; enfin, en 1884, M. Horvatb
signalait celle d'Europe en Hongrie 4 et publiait un bon travail avec plancbe
sur les soi-disant dégâts occasionnés par cet insecte .
Le genre Œcanthus est caractérisé par un corps grêle, allongé, un
prothorax plus étroit antérieurement que postérieurement ; des élytres
enveloppant latéralement le corps; des pattes grêles, longues, très fragiles,
les antérieures et les intermédiaires à trois articles, les postérieures en
ayant quatre; des antennes très longues en forme de soies; des cerques ou
filets abdominaux très développés.
Comme on le voit, ces insectes s'écartent beaucoup, par leur forme
élancée, des grillons proprement dits, mais par leurs teintes pâles ils rap-
pellent le grillon domestique.
Notre espèce a la teinte générale encore plus pâle, presque blanche, et
son corps est transparent; de là son nom. La longueur, de l'extrémité de
la tête à celle des ailes, est de 12 à 14 millim., non compris l'oviscapte,
qui atteint 5 à 6 millim. Cette tarière, dont nous représentons l'extrémité
(fig. 57, fig. 1), est l'instrument perforateur. Elle est formée de deux pièces
chitineuses servant de protection à l'oviducte a et terminées chacune par
trois dents crochues, elles-mêmes dentelées, dont l'intermédiaire est fort
petite. L'ouverture pratiquée dans le sarment (fig. 3) est ronde, un peu
saillante ; les fibres de l'écorce sont déchiquetées et rappellent le trou que
ferait un clou ou une grosse épingle épointée.
La coupe longitudinale de sarment que représente la fig. 2 montre le
canal pratiqué par la tarière, et au fond de chaque cavité se voient deux
œufs plantés dans la moelle. Il y en a jusqu'à trois. Nous représentons
(fig. 4) fortement grossi un de ces œufs, qui ont été bien étudiés par
M. Horvatb. Ils sont longs de 3,25 millim. avec un diamètre de 1/2 millim.,
' Luigi Salvi ; Memorie intorno le Locuste grillajole. Verona, 1750.
2 Perris -, Notices entomologiques (Ann. de la Soc. ent. de Fr., 1869, pag. 461).
3 Planchon; La Vigne américaine, 1879, pag. 108, et 1883, pag. 159.
4 Horvath ; Rovartani Lapok. Budapesth, janvier 1884, pag. 8.
LE GRILLON THANSPAUENT.
301
d'un blanc légèrement ambré, lisses, un peu arqués, avec le bout anté-
rieur b d'un brun jaunâtre et couvert de granulations perforées à leur
Fig. 57. — Fonte de l'OEsauthus pellucens dans un sarment de vigne.
1. Tarière de l'insecte avec l'oviducte a. — 2. Coupe d'un sarment renrermant
des œufs dans sa moede. — 3. Sarment avec trous de ponte. — 4. Œuf avec
l'extrémité b où se voient les micropyles.
sommet. Ces perforations sont sans aucun doute des micropyles et le natu-
raliste hongrois appelle cette partie de l'œuf la région micropylienne.
Ces œufs éclosent vers le milieu de juin. En août, l'insecte est à l'état
parfait et fait sa ponte dans les sarments encore verts. Les incisions sont
toujours pratiquées du côté du Nord, dit Perris, sans doute pour que les
œufs soient mieux abrités des ardeurs du soleil. Ces œufs n'écloront qu'au
mois de juin suivant; il n'y a donc qu'une seule génération par an.
Les sarments portant les pontes se trouvent surtout dans le voisinage des
bois : YŒcanlhus vit en elTet de préférence dans les broussailles et les
taillis. Comme il est plus carnassier qu'herbivore et qu'il ne touche ni aux
raisins ni aux feuilles, nous n'avons pas à conseiller de le détruire .
CHAPITRE XVI.
ORDRE DES COLÉOPTÈRES
Les Coléoptères, appelés vulgairement Scarabées, sont les insectes dont
les ailes antérieures ou élytres fortement chitinisées servent d'étuis (xoàeoç)
aux ailes postérieures, qui sont membraneuses et repliées en travers sur l'ab-
domen. Ces ailes postérieures seules servent au vol. L'appareil buccal est
broyeur, les métamorphoses complètes. Les larves, d'ordinaire munies de
pieds, offrent des formes variées, aussi variées que le sont leurs mœurs .
Ce n'est pas dans ce groupe que se trouvent les plus redoutables enne-
mis de la vigne ; mais c'est de beaucoup celui qui en renferme le plus grand
nombre.
On a divisé les Coléoptères en un certain nombre de familles, et parmi
celles-ci nous citerons comme renfermant des ampélopbages : les Chryso-
mélides ou Phytophages, les Longicornes, les Curculionides ou Charan-
çons, les Ténébrionides, les Térédiles, les Buprestides et les Lamelli-
cornes .
Les Chrysomélides sont surtout nuisibles aux feuilles, les Longicornes
au bois et aux racines, les Charançons aux bourgeons. Les Ténébrionides,
d'habitude mangeurs de détritus, ne nous offrent qu'une espèce qui s'attaque
aux bourgeons souterrains des greffons, les Térédiles, comme les Longi-
cornes jouent le rôle de mangeurs de bois, ainsi que la seule espèce de
Buprestide réellement ampélophage; les Lamellicornes, enfin, sont, les uns
brouteurs de feuilles, les autres mangeurs de racines, souvent les deux à
la fois si on les observe sous leurs différents états.
Nous avons dressé comme suit la liste des Coléoptères dont nous devrons
parler avec quelques détails. Elle comprend 40 espèces, ce qui peut paraître
considérable, mais le paraîtra moins si nous disons que le même nombre
à peu près a été retranché à la liste primitivement dressée. Nous avons
supprimé toutes les espèces qui ne sont que de loin en loin nuisibles, nous
réservant de les citer au besoin, tout au moins en note, à propos des
espèces congénères.
l'altise de la vigne. 303
Famille des Chrysomélides : Altica ampelophaga Guérin.
— — Aulacophora abdoininalis Fabricius.
— — Malacosoma lusitanicum Linné.
— — Adoxusvitis Fabricius •
— — Clytkra taxicornis Fabricius .
— tles Longicornes : Cerambyx miles Bonelli.
— — Clytusverbasci Linné.
— — CaUidiumunifuscialum Olivier.
— — Vesperus Xatarti Mulsant.
— des Curculionides : Rhynchites Betuleti Fabricius.
— — Geonemus flabellipes Olivier.
— — Cneôrhinus geminatus Fabricius.
— — Peritelus subdepressus Mulsant.
— — — griseus Olivier.
— — — Senex Bohemann.
— — — familiaris Bohemann.
— — Oliorhynchus planithorax Bohemann.
— — — ligustici Linné.
— — — asphaltinus Germar.
— — — populeti Bohemann.
— — — sulcatus Fabricius.
— — — globus Bohemann.
— — — singularis Linné.
— — — raucus Fabricius.
— des Ténébrionides : 0 palrum sabulosum Linné.
— des Térédiles : Apate (sinoxylon) scxdcntata Olivier.
— — — — muricata Fabricius.
— — — [xxjlopertha) sinuata Fabricius.
— — — — bimaculata Olivier.
— des Bupreslides : Agrilus derasofasciatus Lacordaire.
— des Lamellicornes : Celonia hirleUa Lioné.
— — — sliciica Linné.
— — Pentodon punctalus Villers.
— — Anomala OEnca Degeer.
— — — vitis Fabricius.
— — Mdolontha vulgaris Fabricius
— — — fullo Linné.
— — Rhizolrogus marginipes Mulsant.
— — — in/lalusllu(\uc[.
— — Lcthrus aplerus L'ixmaun .
304 l'altise de la vicne.
L ALTISE DE LA VIGNE
(Altica Ampelophaga Guérin.)
Synonymie: Chrysomela oleracea Linné, Altica oleracea Geoffroy,
Altica Ampelophaga Guérin-Meneville, Altica consobrina Dufstschmidt.
Noms français et noms vulgaires : Altise de la vigne, pucerote, puce de
vigne; en espagnol, pulgon de la vid.
Le grand genre Altica, créé par Geoffroy aux dépens des Chrysomela de
Linné, subdivisé par les entomologistes modernes en un grand nombre de
groupes secondaires, se compose de petits Coléoptères sauteurs, aux cou-
leurs parfois métalliques et qui font partie de la famille des Ohrysomélines
(xpvffoç or) ou Phytophages (<j>vtôv bourgeon, yxyzïv manger).
Très nombreuses en espèces, environ 250 en France seulement, les
Altises attaquent un grand nombre de nos plantes cultivées. Une seule
espèce, heureusement, se trouve, non pas exclusivement, mais fréquem-
ment sur la vigne. Confondue d'abord avec l'Altise des potagers {A, Ole-
racea Linné), nommée ainsi dans le livre d'Audouin, elle a été définitive-
ment considérée comme distincte depuis la description qu'en a donnée
Guérin-Méneville et appelée par cet auteur A. Ampelophaga.
C'est un petit insecte allongé, vert ou bleu métallique (PI. III, fig. G),
bien connu des vignerons du midi de l'Europe, et échappant par des sauts
à la main qui veut le saisir. Il est nuisible à l'état de larve et à celui d'in-
secte parfait. L'espèce se trouvant en France sur divers végétaux, le
saule entre autres, de temps immémorial sans doute, on ne peut, ainsi que
semble l'indiquer Audouin, considérer l'Espagne comme le point de dé-
part de l'espèce, du moins en ce qui concerne l'Europe. Du vignoble de
Malaga, où d'après cet auteur les ravages étaient signalés dès le moyen
âge, l'insecte dévastateur aurait, par une migration continue de l'Ouest à
l'Est, envahi le Roussillon vers 1817, et les environs de Montpellier vers
1819.
L'espèce n'est pas originaire d'Espagne. Foudras, l'auteur d'une excel-
lente monographie des Altises1, mort octogénaire en 1859, l'avait trouvée
sur le saule à Lyon, bien avant 1819 ; mais on peut dire que l'Espagne
1 Foudras ; Altisides. Paris, Magnin, Blanchard et C'e, 1859.
1. A.LTISE DE LA VIGNE. .'Jlù
est le point.central de la grande multiplication de cet insecte sur la vigne,
celui d'où, certaines années il peut rayonner, essaimer par rois considérables
emportés par le vent vers le Nord ou le Sud, et aussi être inconsciemment
transporté par l'homme.
Ce qu'il y a de certain, c'est que si cette émigration lente et progressive
de l'Ouest à l'Est n'est pas prouvée pour l'Europe, elle parait l'être pour
nos colonies du nord de l'Afrique. L'Algérie, le pays le plus ravagé au-
jourd'hui, n'avait que très peu d'altises en 1849, époque où a été publiée
par M. Lucas la partie entomologique de VExploration scientifique de
l'Algérie. L'espèce, alors d'introduction récente sans doute, y est citée sous
le nom erroné d'AlticaLythri, il est vrai, mais est citée comme se trouvant
sur la vigne, sans qu'il soit cependant parlé des dégâts occasionnés par elle.
Depuis cette époque, les choses ont changé. Un service de bateau à va-
peur a été créé entre Oarthagène et Oran; les routes d'abord, les lignes
ferrées ensuite, ont relié entre eux. les divers centres de culture; Mascara
et Médeah, les deux plus anciens vignobles du pays, ont été atteints; au-
jourd'hui les trois provinces sont contaminées, et pas n'est besoin d'être
prophète pour annoncer que la Tunisie, encore indemne, ne tardera pas à
être envahie. La ligne ferrée venant d'Algérie par la vallée de la Medjer-
dah sera la brèche d'entrée de l'ennemi.
En Algérie, ['attise arrive souvent à enlever plus de la moitié de la
récolte dans certains quartiers, et la masse des insectes est parfois telle
que tous les efforts des vignerons demeurent impuissants. « A Bouffarik,
dit M. le D1' Cazalis ', Président de la Société d'Agriculture de l'Hérault,
j'ai assisté au milieu d'août à une invasion d'altises, et je n'exagère nul-
lement en disant que sur chaque feuille il y en avait plus de trente. Que
faire contre un pareil fléau? Vous avez beau organiser la chasse la plus
intelligente contre ces bestioles : celles que vous détruisez sont vite rem-
placées par d'autres plus affamées, venues, par nuages épais, de tous les
points qu'elles ont dévastés et où elles ne pouvaient plus vivre. »
Rien de semblable ne se produit jamais eu Europe, et ce parasite peut,
en résumé, être considéré comme indifférent dans le nord, assez nuisible dans
le midi de la France et eu Italie, très nuisible en Espagne et comme un véri-
table lléauen Algérie. Eudehors des faits biologiques étudiés par nous-uiême
en France, c'est donc en Algérie que noua avons dû chercher beaucoup de
renseignements sur les ravages exercés par C3t insecte et les moyens de le
combattre. En citant MM. Lecq, professeur départemental d'Agriculture
d'Alger; Barbier, professeur a l'École d'Agriculture de Kouiba. et d Au-
1 Messager agricole du Midi, 10 septembre I
20
$06 L altise ni: LA VIGNE.
relies de Paladine, nous indiquons suffisamment à quelles sources au-
torisées nous avens puisé.
I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE.
UAllica ampelophaga à l'état parfait a été, comme nous l'avons dit,
confondue avec VA. oleracea, espèce beaucoup plus répandue, qui habile
les bois, les prairies et les jardins dans toute l'Europe et qui a été décrite
par Linné sur des e